Le profilage est-il l’avenir de la lutte anti-terroriste ?

Les gouvernements, cherchant à lutter efficacement contre le terrorisme, pourraient être tentés d’utiliser le profilage pour anticiper les profils potentiellement dangereux.

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Phrenology credits Ryan Somma (CC BY 2.0)

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Le profilage est-il l’avenir de la lutte anti-terroriste ?

Publié le 25 mars 2017
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Par Chloé Lourenço.
Un article de Trop Libre

« Le profilage consiste à traiter des données personnelles pour analyser ou prédire des éléments concernant une personne », selon la définition de la CNIL, Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés. Les techniques de profilage visent ainsi à catégoriser des individus sur la base de certaines caractéristiques observables, afin d’opérer des prédictions au sujet de ces personnes.

La méthode est simple. Dans un premier temps, on collecte des données personnelles, qui seront ensuite croisées entre elles pour relier des variables identiques (habitudes, comportements, préférences). Puis on formule des hypothèses sur la base des résultats obtenus.

Cette méthode est déjà largement pratiquée par les compagnies d’assurance pour calculer le montant des primes. Les gouvernements, cherchant à lutter efficacement contre le terrorisme, pourraient être tentés d’utiliser le profilage pour anticiper les profils potentiellement dangereux.

Nouvelle technique

Un article, publié le 2 mars 2017 par l’université de Binghampton aux États-Unis, présente une nouvelle technique capable de «prédire» les attentats terroristes avec une précision redoutable de 90%. Le logiciel NEPAR, Network Pattern Recognition, collecte toutes les données qui ont pu être relevées lors des différentes attaques. Dans un deuxième temps, il les analyse et les recoupe.

L’objectif est de tisser un réseau de comportements similaires observés lors de précédents attentats, quelles que soient les circonstances de ces attentats. Ce nouvel outil utilise plus de 150 000 données relevées lors d’attaques terroristes entre 1970 et 2015. Son programme identifie les relations qui existent entre elles : type d’arme, heure de l’attaque, lieux. Il détecte ensuite les comportements des terroristes liés à ces connections : par quels moyens sont-ils arrivés sur place ? Comment ont-ils procédé ? etc.

Dans les études précédentes, les auteurs d’attentats étaient étudiés de manière individuelle, sortis du contexte de leur attaque. Or d’après l’auteur de l’article, Salih Tutun, les individus concernés apprennent des précédents attentats. Ils imitent ce qui a fonctionné et améliorent ce qui n’a pas fonctionné. Analyser les comportements terroristes en prenant en compte la globalité des attaques, parait donc préférable dans la mesure où elles peuvent être liées les unes aux autres.

Pour le chercheur il s’agit donc davantage de comprendre que de prédire : « Il existe peut-être des liens ou des moyens d’agir identiques entre un attentat passé et un attentat en préparation, mais personne ne le sait. Le but de cette étude est d’essayer d’extraire cette information » explique-t-il.

Et la vie privée ?

Afin que l’algorithme puisse fonctionner correctement, encore faut-il collecter des données personnelles. Or Le groupe de travail européen Article 29, qui regroupe l’ensemble des CNIL européennes, dénonce la collecte abusive de données personnelles.

Les personnes ainsi répertoriées doivent être informées, et pouvoir s’opposer à la diffusion de leurs paramètres personnels, selon la directive européenne 95/46/CE. Si Europol (Interpol européen) s’est déjà dit « intéressé » par cette nouvelle technique de profilage, le Conseil de l’Europe ainsi que la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont mis en garde les gouvernements contre toutes dérives potentielles de fichage intempestif et un  « fichage extrême ».

Un nouveau règlement européen sur la protection des données entrera en vigueur en mai 2018. Ce texte doit permettre à l’Europe de s’adapter aux nouvelles réalités du numérique, tout en protégeant ses citoyens.

Sur le web

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  • Pas certain qu’un « vrai » terroriste laisse autant de traces numériques de sa vie…
    Jusqu’ici nous avons eu de délinquants, des criminels, des sociopathes qui ont pris le prétexte du djihâd pour commettre leur fait de gloire. Enrôlés, conditionnés, ils n’étaient que des pions (certes mortels) dans un jeu de dupes.
    Pour Daesh, un tel choix est facile et durable, mais faiblement efficace quant au but à atteindre : faire s’effondrer le monde des mécréants occidentaux.
    Avec quelques moyens simples et une préparation barbouzesque, il est très facile de réellement « terroriser » profondément et durablement une population…
    Et dans ce cas, le profilage ne sert à rien…

    • Le profilage systématique de toute la population ne servirait à rien, c’est évident. Par contre, le profilage de certaines personnes peut être plus fructueux.

      Il est clair que nous ne serons pas mis au courant mais il serait quand même prudent d’envoyer des agents infiltrés dans un certain nombre de mosquées où les imams prêchent en arabe ou dans un dialecte maghrébin. D’autres pourraient infiltrer des quartiers dont les auteurs d’attentats et/où des départs pour la Syrie ou l’Iraq sont issus, d’autres enfin se mêlant à ceux revenant de retour des combats en Iraq ou en Syrie.

      Si la France se dit en guerre, selon son président, cela ne devrait pas être un problème puisque vous vous dites submergés par les « migrants » et les « immigrés » (quand on dit expatrié pour un émigrant français! Ah! Dialectique révélatrice de chauvins xénophobes!)

  • Quand on voit ce qui se passe en France, pn peut craindre la systématisation de techniques de profilage. On est incapable de surveiller les « fichés S » , les « connus des services de police »… Mais on a tous les moyens nécessaires pour espionner pendant des mois un ancien président de la république, pour faire les fonds de tiroir des candidats de l’opposition ( pas les autres, bien sûr) et surveiller tous les opposants politiques …

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