Ces banques qu’on gâte comme des enfants

Les parents ou les psys qui s’inquiètent de la prolifération d’enfants-roi devraient jeter un œil sur le monde de la finance. Ils verront ce qui arrive, à long terme, quand on gâte et pourrit ces grands bébés.

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Ces banques qu’on gâte comme des enfants

Publié le 21 mars 2017
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Par David Descôteaux, depuis le Canada. 

Plusieurs scandales ont fait surface ces dernières années. Les milliards $ perdus par la banque JP Morgan, et cachés par ses courtiers. La manipulation des taux d’intérêt (Libor) par plusieurs grandes banques — sous le regard complice du gouvernement, soulignons-le. Et le blanchiment d’argent criminel par la banque HSBC.

Mais doit-on vraiment s’en surprendre ? Quand les politiciens décident que les contribuables vont sauver le cul des banques quoiqu’il arrive, cela entraîne des conséquences.

Bébés gâtés

Dans son livre A capitalism for the people, l’économiste Luigi Zingales illustre avec brio ce problème d’« aléa moral ».

Imaginez que vos enfants se comportent mal. Vous essayez de les discipliner, mais chaque fois, leurs grands-parents arrivent et les « sauvent ». Pour acheter la paix, et préserver l’harmonie familiale.

À court terme, leur intervention semble bénéfique. Les enfants sont contents, personne ne pleure, et la belle journée se poursuit. Mais à long terme ? On se retrouve avec des enfants gâtés pourris, et des parents malheureux.

Le lien avec la politique ? Les grands-parents ont une motivation à gâter leurs petits-enfants, poursuit Zingales : obtenir la gratitude de ces derniers, et la paix temporaire. De plus, mamie et papi ne subiront pas les conséquences à long terme des comportements impunis des enfants. (Puisqu’ils sont rarement à la maison, et qu’ils vont mourir d’ici là).

De la même façon, les politiciens sont heureux de sauver les banques ou les pays qui dépensent trop. Car ils en profitent. C’est rentable politiquement d’avoir une économie qui donne l’impression (artificielle) de bien aller. Les politiciens profitent aussi de la gratitude des banquiers « sauvés », surtout lorsque viendra le temps de se trouver un emploi dans le privé… Et comme les grands-parents, les politiciens risquent peu de souffrir des conséquences à long terme de leur geste. Ils ne seront plus au pouvoir quand ces conséquences se produiront.

De pire en pire

Mais comme avec les enfants, si vous refusez de laisser le marché punir les mauvais comportements financiers, vous ne ferez qu’empirer la situation. Le capitalisme repose sur le principe qu’un individu doit subir les conséquences de ses erreurs. Sinon, jamais il n’apprendra.

La « politique de sauvetage » des banques, note Zingales, a commencé en 1994. Lors du sauvetage de l’économie mexicaine et du peso. (Et surtout, des banques américaines, qui avaient prêté des milliards à ce pays.) Ce geste, et la promesse implicite de futurs sauvetages, a éliminé la peur chez plusieurs prêteurs et PDG. Grave erreur. La peur est un élément clé pour discipliner les décisions financières, rappelle l’auteur.

Résultat : aujourd’hui, l’aide gouvernementale est une drogue, dont le système financier est accro, écrit Zingales. Arrêtez de lui en donner, et la panique s’empare des marchés. Sauf que, comme un junkie, le système financier en réclame toujours plus. Jusqu’au jour où ce sera impossible pour l’État de le sauver.

Vous vous souvenez de 2008 ? On disait qu’il fallait sauver les banques américaines, car elles étaient « trop grosses pour tomber ». Devinez quoi ? Quatre ans plus tard, en 2012, elles étaient 23 % PLUS grosses que 5 ans plus tôt, selon le professeur Neil Barofsky, qui a lui-même supervisé le plan de sauvetage des banques en 2008.

On peut réprimander les banques, ou les enfants. Mais tant que les politiciens vont jouer à papi et mamie, le problème va empirer. Un jour ou l’autre, il faudra changer de stratégie. Et laisser le marché sortir la strap.

(Extrait du livre L’argent des autres, de David Descôteaux)

L’argent des autres est disponible sur Amazon.fr et peut être commandé à la Librairie du Québec à Paris.

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  • Un point de vue intéressant de la part d’un auteur Canadien traitant des banques d’affaires influentes au Canada.
    En France, ce qui est consternant, c’est de constater la connivence des banquiers avec le monde étatique en général et le monde judiciaire en particulier.
    L’exemple de la Société Générale qui croyait gagner beaucoup d’argent avec des opérations spéculatives est probant. Le mauvais déroulement de la spéculation a abouti à la condamnation d’un lampiste qui s’est ensuite rebellé…

  • Les banques ne sont pas des enfants mais des preneurs d’otage et il convient d’être gentil avec un preneur d’otage.

    eh oui les banques tiennent toute l’économie sous leur tutelle.
    Si une grosse banque tombe, tout tombe.
    La sélection naturelle prônée par le libéralisme fonctionnerait mais entraînerait de sérieux dégâts humains, le temps de tout reconstruire.
    Si 1929 évoque quelque chose…

    Dès aujourd’hui nous ne sommes pas impuissant politiquement pour changer l’ordre des chose avant un 2029.

    •  » La sélection naturelle prônée par le libéralisme fonctionnerait mais entraînerait de sérieux dégâts humains, le temps de tout reconstruire.  »

      Dans une société libre les dégâts seraient bien moins sérieux puisque les banques ne pourraient pas compter sur l’état pour renflouer des pertes liés à des prêts et à des placements hasardeux.

      Parler des banques comme étant des preneurs d’otages est un mauvais procès faites aux banques. Elles sont nécessaires pour le fonctionnement de ce que l’on appel l’économie réelle. Puisque à part les banques personne ne va prêter des millions à un investisseurs ou à un entrepreneur. L’économie  » dite  » réelle dépend des banques et les banques dépendent de cette économie  » dite  » réelle du moment qu’elles ne dépendent pas de l’état.

      • Je suis d’accord avec vos remarques mais je ne suis pas certain que la cupidité humaine n’aboutisse pas malgré tout à la création de banques gigantesques qui se retrouveraient en position de quasi monopole sur l’économie, ce qui aboutirait au même résultat que la prise d’otage actuelle que je dénonce.
        A nouveau too big to fail et du coup sentiment d’impunité pour ces banques.
        La nature privilégie la distribution dans de multiples organismes plutôt que la concentration en un unique méga organisme, peut être faut il s’en inspirer pour les banques.
        Au pays de la liberté, rien n’emperche la création d’un monstre: méga organisme, banque gigantesque.
        Doit on attendre l’apprentissage pas l’erreur de la part des banquiers et des clients ou se satisfaire d’une contrainte limitant la taille des banques ?
        liberté mais jusqu’à une certaine limite ???

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