L’État-actionnaire : l’incompétence en matière de gestion d’entreprise (2)

L’exemple de la Poste montre à quel point la gestion d’une entreprise par l’État peut être calamiteuse.

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L’État-actionnaire : l’incompétence en matière de gestion d’entreprise (2)

Publié le 13 mars 2017
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Par Étienne Henri.

L’immobilisme de l’État actionnaire est nuisible aux entreprises comme en témoignent les tristes péripéties de La Poste et Bpifrance.

Nous avons vu que l’État actionnaire est souvent contraint de laisser la priorité à l’État stratège dans la gouvernance de ses entreprises.

L’immobilisme, poison de l’État actionnaire

Aujourd’hui, nous nous intéressons à l’immobilisme, un poison qui tue à petit feu. Même si, dans ce cas, l’État ne détruit pas immédiatement la rentabilité des entreprises administrées, il diminue leur capacité d’adaptation.

Dans un monde où les progrès technologiques sont de plus en plus rapides, où la concurrence est devenue mondiale et les cycles croissance/récession sont de plus en plus courts, les entreprises doivent pouvoir réagir rapidement aux changements d’environnement et être capables de revoir leur business model.

L’exemple de La Poste

L’immobilisme de l’État-actionnaire s’est particulièrement illustré dans le cas de La Poste. La Société Anonyme est détenue aux trois-quarts par l’État, et au quart par la Caisse des Dépôts et Consignations.

Avec l’essor des communications électroniques, elle est soumise à une baisse continue du volume de courrier. Sa réponse stratégique ? Une hausse continue du prix du timbre postal. Vous avez pu le constater : un envoi en lettre prioritaire est passé de 0,58 euros en 2010 à 0,85 euros cette année. Cela représente une hausse de 46% en moins de sept ans tandis que l’inflation était à sur un plancher historique.

Connaissez-vous beaucoup d’entreprises privées qui, face à une érosion de leur marché, font exploser leur prix à la hausse ?

La conséquence immédiate est que particuliers comme entreprises réduisent autant que possible leurs envois postaux.

Une stratégie douteuse et d’un autre âge

Sans faire d’hypothèses hasardeuses sur le pourquoi du choix de cette stratégie, nous pouvons toutefois déplorer que la direction ait opté pour un cercle vicieux.

Si l’objectif n’est pas de fournir le meilleur service au meilleur prix, pourquoi ne pas simplement fixer le prix du timbre à 20 euros, voire 50 euros ? Le groupe La Poste redeviendrait immédiatement rentable même avec un effondrement du trafic postal.

La Poste est également très peu compétitive sur l’envoi des petits colis, une activité en plein essor avec la démocratisation du e-commerce. Les achats en ligne sont en croissance continue ; le groupe aurait pu être un acteur de référence en mettant à profit son réseau de bureaux de Poste, sa flotte de véhicules et ses employés.

Au lieu de jouer sur ces atouts historiques, La Poste a multiplié les fermetures de guichets, réduit les horaires d’ouverture et a conservé une grille tarifaire d’un autre âge.

Moralité, ce sont les acteurs privés du transport qui se sont engouffrés dans la brèche de l’e-commerce en proposant des services moins chers et en transformant les magasins de quartiers en points de retrait ouverts soirs et week-end.

Voilà comment un fleuron national se retrouve has-been à force de ne pas évoluer.

BPI France ou le symbole des mauvaises habitudes

Ce tour d’horizon des investissements de l’État ne serait pas complet sans évoquer le cas de Bpifrance. Faisant suite à Oseo, la Banque publique d’investissement créée fin 2012 « favorise l’innovation, l’amorçage, le développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises ».

En pratique, elle entre au capital des entreprises de façon minoritaire pour une durée de sept à dix ans. Elle est devenue, très rapidement, le passage obligé des start-up dans les secteurs d’avenir (actuellement : innovation, santé).

L’État entre au capital des entreprises… mais les taxe fortement !

Dans un pays où les charges qui pèsent sur le travail et les entreprises sont fortes, ce type de fonctionnement pose problème. Pourquoi l’État, qui prend d’une main avec les divers prélèvements, financerait-il en parallèle certaines entreprises en priorité ? Pourquoi ne pas laisser le marché faire son travail de sélection des entreprises utiles ?

Pire encore : les financements publics se révèlent souvent être des cadeaux empoisonnés même pour les structures qui en bénéficient. Les chiffres montrent que les subventions d’État ont tendance à retarder les faillites des start-ups. Tant que les subventions et participations sont là, l’insolvabilité des entreprises est masquée par l’argent facile. Lorsque la source se tarit, le taux de défaut rejoint alors le taux de défaut habituel des entreprises.

Au final, la sanction finit toujours pas tomber pour les entreprises non rentables. Pour autant, elles ont pu engloutir force argent public durant leurs premières années de pseudo-activité.

Les derniers chiffres de performance des fonds dédiés à l’innovation et financés par Bpifrance font froid dans le dos. Les fonds en phase de maturité ont des multiples d’investissement de l’ordre de 0,4. Leur performance est donc très négative.

Ce n’est un secret pour personne, le financement de l’innovation est une activité risquée.

L’expérience prouve que Bpifrance a également de grandes difficultés à dénicher les pépites rentables et se retrouve à essuyer de larges pertes. Quelle différence avec les fonds privés ? Ses investissements hasardeux sont faits avec l’argent public…

Les errements de l’État actionnaire : contre-productifs

Considérer comme ambigu et souvent contre-productif le positionnement de l’État actionnaire n’est pas qu’une marotte d’analyste libéral. Dans son dernier rapport de janvier 2017 sur l’État actionnaire la très sérieuse Cour des comptes pose un diagnostic similaire.

Si vous avez un peu de temps devant vous, je vous conseille la lecture de cet excellent papier, disponible gratuitement sur le site Internet de la Cour. Il a été rédigé avec un pragmatisme bienvenu et trop rare en cette période électorale où les promesses en l’air rivalisent avec les idéologies les plus déconnectées de la réalité.

La mission de la Cour est de « s’assurer du bon emploi de l’argent public [et] en informer le citoyen ». Les analyses de ce contre-pouvoir salutaire sont souvent pertinentes et plutôt équilibrées dans leur conclusion. En tant que contribuables, nous pouvons nous féliciter que cette structure existe et mène avec sérieux sa mission de surveillance de l’usage des deniers publics.

Malgré la qualité de ses rapports, force est de constater que les gouvernements en place, quel que soit leur bord politique, ne se sentent pas particulièrement engagés par les conclusions qui y figurent. Il est difficile pour toute organisation de réduire volontairement sa voilure, et l’État ne fait pas exception à la règle.

Il faut nous rendre à l’évidence : le fonctionnement actuel de l’État actionnaire n’a que peu de chances d’être bouleversé dans les prochaines années. Il serait illusoire de retenir notre souffle et d’espérer un quelconque revirement quel que soit le résultat des prochaines échéances électorales.

Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici et c’est gratuit.

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  • La mission de la Cour est de « s’assurer du bon emploi de l’argent public [et] en informer le citoyen ».
    Et c’est bien là tout le problème. La cour des comptes, comme son nom l’indique, ne fait que des comptes… Elle prend donc sa place également dans la liste des organisations publiques soumises à dépenses pléthoriques pour des retombées égales à zéro. Elle empile à grands frais des rapports épais comme des pavés romains sur les bureaux des ministres, pour les voir disparaître dans les placards à archives de la république au bout d’une semaine.
    Sans pouvoir de coercition, elle n’est donc qu’une sorte de « media public d’investigation » qui se contente de dénoncer. Au frais du contribuable…
    Ne nous étonnons donc pas de voir des boites comme « La Poste » rester à l’état de mammouth archaïque, que la frilosité crasse de nos politiques s’est bien gardé, et se gardera bien de faire évoluer.
    Quand on a fait ce constat, votre excellente démonstration prend tout son sens.
    Dans un autre domaine, un autre exemple, dans une moindre mesure mais parfaitement emblématique, de cet immobilisme à fonds perdus qui creuse la tombe de ce pays à grands coups de pelle mécanique: http://zone-critique.blogspot.com.es/2017/03/des-vessies-pour-une-lanterne.html
    Amitiés…

    • A propos de la Cour des Comptes, c’est Nicolas Doze, je crois qui disait que le meilleur des programmes économiques qu’un candidat pourrait proposer serait de tout simplement appliquer ses recommandations.

      • La proposition de Nicolas Doze est du bon sens.. parfaitement utopique. Malheureusement…
        Voila qui pose la question de l’existence même de la Cour des Comptes, et par définition, du coût des hauts fonctionnaires qui y officient. A moins de lui donner les pouvoirs qui lui manquent…

        • @ Klkou
          Je n’ai jamais lu un volume du rapport annuel de la Cour des comptes, évidemment: le coût de son fonctionnement n’y figure-t-il pas?

  • Non seulement l’Etat est vecteur d’immobilisme comme le démontre cet article, mais l’Etat et le système social qu’il impose s’avèrent contreproductifs au développement donc à la croissance. Le SMIC en est le meilleur exemple avec un montant de salaire imposé aux entreprises quel que soit le niveau de productivité du salarié, néanmoins subventionné par l’Etat (CICE) à titre de compensation solidaire. Résultats: 1) les entreprises recherchent les plus qualifiés pour les emplois de base, d’où un chômage de masse pour les autres 2) les entreprises n’ont aucun intérêt à rechercher le progrès et les gains de productivité dés lors que les emplois basiques sont subventionnés. Débile.

  • bonjour
    pas du tout, ce système est parfaitement logique et rationnel des lors que l’on considère LA logique clientéliste de nos politiques professionnels
    pourquoi réduire une base électorale qui vous mange dans la main ?
    m’enfin !!!

    • @ Philippe

      Ça (votre avis), c’est quand on a compris que la « lutte des classes » est entre ceux qui ont du pouvoir, administration comprise, et ceux qui n’en ont pas et qui croient encore que les politiciens se « battent » pour eux, en gagnant bien plus avec l’argent de « la Princesse »!

      N’apprend-on pas ça à l’école, si pas à la maison?

  • Merci pour votre article dont le thème mériterait d’être traité encore et encore par de nouveaux numéros, car la liste est longue ! Au-delà des dégâts économiques il serait intéressant de regarder les conséquences humaines et sociales de ces échecs.
    Dans de nombreux cas, lorsque l’entreprise d’état est arrivée au bout de son modèle, il a fallu ouvrir le capital et transformer une entité économique à raisonnement de service public vers une entité performante soumise à l’actionnariat privé. Ces changements ont entrainé des chocs profonds pour les employés, peu habitués à la culture du résultat et de la performance (exemples de France télécom avec orange et de la poste).
    Les hôpitaux font face actuellement à une refonte de leur financement qui les oriente vers une logique plus libérale, entrainent une souffrance profonde des agents qui y voient un raisonnement allant à l’encontre de leurs principes.
    Ces souffrances au travail entrainent un absentéisme énorme, des dépressions, des burnout ainsi que des suicides

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