La stratégie de communication ratée de François Fillon

Analyse des ratages dans la communication de François Fillon.

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François Fillon, en salle d'honneur de l'Hôtel de Ville de Belfort, le 19 octobre 2016. Cette venue est organisée à l'occasion de l'élection primaire ouverte de la droite et du centre qui aura lieu les 20 et 27 novembre 2016 : François Fillon.

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La stratégie de communication ratée de François Fillon

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 5 mars 2017
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Par Florian Silnicki.

« Tout dire », « le dire tôt » et « le dire avant les autres ». Telles sont les trois lignes directrices d’une bonne communication de crise.

François Fillon les a toutes violées. Pourtant, la marche ratée d’Hillary Clinton vers la présidence américaine aurait dû l’inspirer. Elle qui n’aura cessé de cumuler des erreurs de communication, au point de s’enliser durablement dans l’affaire dite des emails.

Les chefs d’entreprises le savent bien. Ils peuvent à tout moment être mis en garde à vue ou en examen. Un concurrent déloyal peut à chaque instant instrumentaliser la médiatisation d’une plainte pour dénigrer sa marque sous couvert d’un processus judiciaire. Tous les dirigeants des grandes entreprises savent désormais faire face à ces situations. Pour cela, ils anticipent les risques identifiés afin de pouvoir y apporter la réponse la plus efficace et la plus convaincante.

Pas de stratégie de communication

C’est là que réside le problème de la campagne de François Fillon. L’homme dont les communicants ne cessaient d’expliquer qu’il n’avait pas de stratégie de communication s’est retrouvé à devoir faire face au risque judiciaire qu’il n’avait jamais identifié, et c’est d’ailleurs sur cette absence de risque judiciaire qu’il s’est démarqué pendant les primaires.

Le pire dans sa stratégie de campagne n’aura d’ailleurs sans doute pas été qu’il ne sache pas répondre aux attaques portées contre lui, mais qu’il tente d’y répondre par différentes stratégies inconciliables, simultanément déployées par ses spin doctors.

François Fillon est un albatros. Autant, il aura plané sans efforts durant la primaire, en utilisant les vents défavorables de ses concurrents pour se porter jusqu’à l’élection présidentielle.

Autant, le PenelopeGate, en contredisant l’identité même du personnage qu’il s’était construit sur l’échiquier politique, le tire vers le bas. Or, ces oiseaux ont une phase d’envol très difficile. Comme eux, François Fillon n’arrive plus à décoller. Sa campagne vers l’élection présidentielle ne se relance plus. Ce risque judiciaire le noie dans son identité politique.

Et c’est pourquoi, tel l’albatros, l’affaire de l’emploi fictif de Penelope Fillon a asphyxié sa campagne électorale. Cela atteint la marque même du personnage politique que tentait de se construire François Fillon pour cette campagne. C’est aussi cette affaire qui conduit une majorité de Français à penser qu’il ne dit pas la vérité.

Feuilleton et formules choc dans la communication

François Fillon a misé sur une succession de formules chocs aussi inefficaces et maladroites les unes que les autres. Le candidat à l’élection présidentielle est allé jusqu’à évoquer un « assassinat politique ». Au-delà de l’excessivité manifeste du propos, François Fillon s’est abîmé en se désignant dès lors comme un « décédé sur l’échiquier politique ». Beau contresens. À vouloir taper fort, il s’est tapé dessus.

Une crise politique mal gérée ne meurt jamais. Telle est la leçon que chacun pourra retenir. Un peu comme le cafard. Une femelle cafard en danger éjecte l’oothèque qu’elle porte, d’où cette légende qui prétend que, lorsque l’on écrase une blatte, elle donne naissance à des petits. Une crise politique mal gérée fait naître de nouveaux épisodes chaque fois plus compliqués à gérer compte tenu du « feuilletonnage » médiatique auquel ils donneront lieu. À chaque réponse incomplète ou maladroite, le candidat Fillon s’est abîmé un peu plus, paralysant chaque fois davantage sa campagne et détruisant petit à petit sa crédibilité.

Comment l’expliquer ? François Fillon est entouré de la crème de la crème des communicants. Il l’a répété à qui voulait l’entendre comme pour crédibiliser sa candidature. A-t-il vraiment écouté leurs conseils élémentaires ? Manifestement pas.

Au lieu de reprendre la main, François Fillon s’est laissé traîner par la crise politique ouverte par l’affaire PenelopeGate.

Des explications souvent partielles

François Fillon a cherché à de nombreuses reprises à s’expliquer. Il a perdu encore un peu plus de crédibilité aux yeux des électeurs. À chaque explication, sa campagne a davantage pris l’eau. À chaque nouvelle formule, des élus s’éloignaient du candidat à la présidentielle. La règle est simple en communication de crise : délivrer un récit simple et accessible à tous. Ne pas tomber dans des explications exhaustives qui s’éternisent. Les électeurs finissent par se lasser.

Pourquoi personne n’a dit au candidat que les Français ne voulaient pas de ses explications partielles ? Pourquoi personne ne lui a dit que la vérité sur ses enfants finirait par éclater ? Pourquoi personne n’a dit au candidat la vérité ? Le rôle du spin doctor est avant tout, ici, de dire au candidat intelligemment la vérité que personne n’ose lui dire.

Comme l’ont déjà dit avant moi des centaines d’observateurs, tout ce gâchis politique aurait pu être traité avec honnêteté et transparence. Lorsque la question de l’emploi de Penelope Fillon a fait surface, elle aurait causé beaucoup moins de tort au candidat Fillon.

Mais qu’est-ce que François Fillon devrait faire maintenant ? Il est presque trop tard. Le candidat est sous l’eau. Asphyxié. Presque noyé. Sa tentative désespérée d’un grand rassemblement pour matérialiser la force populaire qu’il revendique est le dernier espoir du condamné à la peine capitale.

François Fillon a trébuché tellement de fois dans ses explications que lui faire retrouver l’équilibre est un défi.

François Fillon est dans un magasin de porcelaine. Un éléphant est dans la pièce face à lui. Il doit réussir à lui faire quitter la boutique sans rien briser. Sa campagne atrophiée est aussi le reflet du fait que François Fillon fait payer à tous les Français son refus d’aborder avec honnêteté et transparence cette crise politique. À l’heure où une grande majorité des électeurs s’enfonce dans une déprime collective et s’éloigne de la chose publique par manque de renouvellement de la classe politique, c’est tout à fait regrettable.

Des soupçons qui laisseront des traces

Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, il est aujourd’hui certain que l’enquête continue de prendre de l’importance. Si François Fillon devait être élu, comment pourrait-il être le garant des institutions ? Comment pourrait-il présider sereinement avec des enquêtes lancées à ses trousses ?

Les soupçons sont lourds et l’instruction sera longue à mettre en œuvre. Le temps judiciaire n’est ni le temps de la communication ni celui de la justice. Il est à parier qu’une potentielle présidence Fillon serait paralysée par les soupçons et par la négligence initiale de François Fillon à traiter les attaques dont il a fait l’objet.

On le voit, ce que l’on appelle le PenelopeGate n’est pas une simple « boule puante » de campagne électorale, mais bien un scandale potentiellement majeur.

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  • Il faut parfois laisser dire, et ne pas réagir trop vite. Fillon aurait dû se poser en victime, en soulignant que beaucoup de parlementaires emploient leur conjoint sans être inquiétés, et souligner la bizarrerier de l’enquête à son sujet. Cependant, même ainsi, le problème demeure qu’il s’est fait élire à la primaire sur une image de monsieur propre. Au delà de la communication, c’est la trahison de cette image qui l’a plombé, et il est très difficile, dans un laps de temps court, de réparer une telle trahison.

  • On ne parle que de Penelope, laissez la donc filer sa toile dans son coin: il y a plus grave.
    Fillon a créé une « société de conseil » 15 jours avant les élections, parce qu’il savait très bien qu’un élu n’a pas le droit de créer une société.
    Une fois élu, il a touché des honoraires (importants) pour « donner des conseils ».
    Vous avez parlé de « capitalisme de connivence »?….

    • Il faut déjà être très innocent pour croire ce qui se dit en campagne électorale! Le « verbe » a, en France, un pouvoir mal compris ailleurs! Faire d’ « assassinat politique » tout un fromage est simplement délirant!
      Qui peut croire qu’un parti va laisser grimper un candidat dans ses ambitions sans le tenir fermement par la barbichette pour ne pas être vulgaire. Le candidat DOIT rester sous contrôle: trop d’intérêts sont en jeu! C’est tellement clair! Certains auraient vu N.Sarkozy, pris dans 11 dossiers judiciaires, revenir au premier plan, sans problème. Mais que Fr.Fillon fasse plutôt confiance à ses proches pour l’aider dans sa tache, comme une centaine de députés, devient subitement inacceptable: comique!
      Croire qu’il n’y a pas eu manipulation du parquet, si ce n’est de la justice, et nier tout droit à la « supposition d’innocence » dans son seul cas, paraissent disproportionnés en laissant B.Hamon et E.Macron, collaborateurs et héritiers de Fr.Hollande, hors de tout procès, bilan, et critiques, parfois.

      Tout cela n’est même pas sérieux mais bien rocambolesque dans l’élection du monarque provisoire pour 5 ans: c’est aussi inconséquent que folklorique! Toute l’Union Européenne connait maintenant la France, ses péripéties politiques et son monarque provisoire qui règne effectivement, contrairement à toutes les autres vraies monarchies (Monaco excepté). Ils savent aussi bien que tous vos voyants économiques sont au rouge mais que seuls ces aléas croustillants de campagne détermineront le monarque élu! C’est surréaliste!

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