Santé : quatre rêves pour cette année

En ce début d’année promise théoriquement aux ruptures, quatre rêves vont-ils enfin se matérialiser ?

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Santé : quatre rêves pour cette année

Publié le 28 février 2017
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Par Xavier Pradet-Balade.
Un article d’Emploi2017

Premier rêve : la réforme de la gestion calamiteuse des hôpitaux

À tout seigneur, tout honneur, rêvons d’abord que la réforme des hôpitaux se mette sérieusement en route. Les dépenses hospitalières directes se montent en effet à 75 milliards d’euros auxquels il faut ajouter le coût des prescriptions faites par les médecins hospitaliers et réalisées en ville, de 11 milliards d’euros. Avec ce total de 86 milliards d’euros, le budget consolidé des hôpitaux représente ainsi près de 50% des dépenses financées par l’Assurance-maladie.

Quelles sont donc les dérives coûteuses de l’hôpital et quelle en est la cause ?

Les dérives coûteuses de l’hôpital sont bien connues mais il est difficile de les citer toutes :

  • Lenteur dans la mise en œuvre des évolutions nécessaires telles que la chirurgie ambulatoire, toujours enlisée à mi-course ;
  • Désintérêt du corps médical pour la juste prescription au profit de la débauche d’actes ;
  • Mauvaise organisation du travail entraînant des doublons de tous ordres dans les traitements effectués.

La cause principale de ces dérives repose sur l’absence de direction réelle des hôpitaux car ils sont soumis à trois pouvoirs antagonistes :

  • Le corps médical seul maître des prescriptions, mais indifférent aux aspects économiques ;
  • Les syndicats omniprésents auprès des auxiliaires médicaux et du personnel administratif, grands promoteurs de conciliabules interminables autour de machines à café, et grands demandeurs de toujours plus de moyens ;
  • Et enfin les directions officielles maîtres de la paperasse et des négociations avec les tutelles extérieures – soit le ministère, les ARS (agences régionales de santé) et les élus locaux – et grands signataires d’engagements impossibles à tenir faute de pouvoirs réels.

Quelle solution ?

Une bonne partie de la solution réside dans l’instauration d’une véritable autonomie des établissements avec l’organisation d’un pouvoir de direction clair. La méthode la plus évidente pour y parvenir serait évidemment la privatisation des établissements en renonçant au ratio actuellement en vigueur entre part du privé et part du public.

Cette autonomisation des établissements sera cependant insuffisante pour tout résoudre, en particulier elle ne résoudra pas les effets pervers de la tarification à l’acte, qui pousse à la multiplication désordonnée des prestations médicales. Une réforme de cette tarification est nécessaire avec une maîtrise d’ouvrage active dans les organismes de tutelle ne mélangeant pas, comme actuellement, les tâches de maîtrise d’ouvrage1 et de maîtrise d’œuvre2.

Deuxième rêve : retirer certains secteurs à la Sécu

Le deuxième rêve concerne le retrait de l’assurance-maladie des secteurs où elle est défaillante (au minimum l’optique, le dentaire et l’audioprothèse) représentant environ 20 milliards d’euros de budget) pour confier l’intégralité des remboursements dès le premier euro aux assurances et mutuelles. Outre la réduction des coûts de traitement administratif (un seul traitement et non pas deux comme actuellement) la réforme doit permettre aux mutuelles et assurances de promouvoir l’organisation de réseaux de soins et la concurrence entre prestataires et de tester cette formule.

Troisième rêve : une véritable informatisation

Le troisième rêve concerne l’informatisation sérieuse, complète et cohérente de l’ensemble des chaînes de traitement et la préparation de l’avènement de l’e-santé. Depuis les premières expériences d’informatisation des hôpitaux lancées en 74-75 suivies de bien d’autres, puis les programmes PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information) et suivants, il est impensable que tous les processus de traitement ne soient pas informatisés et que les données ne soient pas recueillies sous forme codée (sauf exception de type « anapath »3) et centralisées dans des bases de données normalisées. De même les échecs à répétition du dossier médical personnel éternellement dans les limbes sont atterrants. Tout cela augure mal du développement de l’e-médecine dans ses volets prévoyance, diagnostic et surveillance, essentiels pourtant pour la réduction du problème des déserts médicaux.

Ce problème est d’autant plus délicat qu’il faut respecter les règles ou modes de fonctionnement du public et du privé et l’autonomie des établissements. Un audit de haut niveau s’impose pour définir les informations structurées à fournir par tous les établissements et les projections pour le moyen terme des objectifs et réseaux de support.

Quatrième rêve : réformer la Sécu

Le quatrième rêve concerne la réforme de la gestion des organismes de Sécurité sociale. Dans l’idéal il faudrait même un mouvement de plus grande ampleur simplifiant l’ensemble des régimes et en particulier celui du RSI (régime des indépendants) constituant à lui seul un problème incontournable.

Les effectifs s’élèvent en effet à plus de 170.000 agents dont 88% pour le régime général, 16% pour la MSA (professions agricoles) et 3,5% pour le RSI. La masse salariale (5,5 milliards d’euros) représente 80% des frais de fonctionnement et 60% sont consacrés à la santé. Sur dix ans la masse salariale santé est restée stable, probablement grâce à l’incidence de la carte Vitale, les autres branches étant toutes en progrès modéré de l’ordre de 1%. La croissance des rémunérations a compensé, et au-delà, la baisse des effectifs qui a été de l’ordre de 11% entre 2005 et 2011. Les personnels sont des salariés de droit privé rattachés à 422 organismes de base dans le cadre de conventions collectives nationales.

Grâce à des méthodes propres à la Sécu en matière de distribution permanente de points, les rémunérations ont augmenté de 2,8% par an depuis dix ans face à une inflation de 1,3% par an. Le taux de remplacement des effectifs s’est quant à lui élevé à 63% contrairement à la règle affichée d’un remplacement pour deux. Les conséquences de ces laxismes sont les suivantes :

  • La durée du travail est inférieure à la durée légale : l’écart provient essentiellement d’un nombre de jours de congé supérieur au nombre légal (34 contre 25). Dans certains organismes, la durée est particulièrement faible.
  • L’absentéisme est élevé, peu surveillé et très inégalement réparti. En moyenne un salarié du régime général est absent 22 jours par an au-delà des congés légaux et conventionnels, dont 14 pour maladie, (soit un taux de 5,8% contre 3,5% dans la fonction publique d’État). La dispersion est forte au sein du réseau des CPAM et des CAF et au niveau géographique, le PACA, la Corse – et plus curieusement – le Nord et la Lorraine sont les plus touchées.

Au total les sureffectifs sont estimés à plus de dix mille emplois par la Cour des comptes. Or une opportunité majeure s’offre avec près de 60.000 départs en retraite prévus dans les dix ans. Ne pas rater ce créneau permettrait de renouveler les compétences et de concentrer les organismes de base (422) ainsi que les sites employant du personnel (3.800) largement surabondants.

Or, malgré cette extraordinaire opportunité, la planification et la gestion prévisionnelle du personnel semblent marquées par la routine et le court terme. Un formidable sursaut donnant une large place à la mobilité géographique et fonctionnelle des agents est nécessaire pour ne pas rater cette formidable chance.

Bonne année et bons rêves.

  1. Définition de l’objectif du projet, de son calendrier et de son budget.
  2. Réalisation du résultat attendu du projet par l’entité retenue par le maitre d’ouvrage.
  3. Anatomie pathologique, c’est-à-dire l’étude des tissus et des cellules qui les composent afin de porter un diagnostic.
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  • Pour le DMP (dossier médical personnel ou dossier médical partagé, selon les sources et les époques) une précision.
    Le rapport du Pr. Marius Fieschi qui a donné ses bases théoriques au DMP était plutôt solide : on ne peut pas avoir de vraie politique de santé Publique tant qu’on ne peut pas regrouper et exploiter à bon escient toutes les données médicales des patients, ou du moins de certains d’entre-eux.
    Sur ces bases claires et directives, le DMP a été conçu avec une approche de profane : c’est un empilement de données médicales sans cohérence, sans structure spécifique. Une sorte de gros dossier bien épais dans lequel il y a tout, par ordre chronologique.
    Du coup, inutile de s’y plonger : le DMP n’a été crée que pour stocker (héberger) des données !
    Dans n’importe quelle entreprise un peu sérieuse, face au même rapport Fieschi, on aurait commencé par définir les usages, les besoins, les objectifs opérationnels du machin.
    Accessoirement, car ce ne sont que des problèmes d’ingénieur sans grand intérêt, on aurait cherché une bonne solution technique de stockage sécurisé.
    Point de tout ça en France mon bon monsieur ! On a priorisé la norme, la technique, en créant le très troublant agrément « hébergeur de données de santé », sans comprendre qu’il s’agissait d’une grenade dégoupillée dans les mains d’un enfant de 2 ans !
    On a priorisé la confidentialité en créant le très surprenant « masquage masqué » : grâce aux associations d’usagers, un patient a le droit d’exiger que certaines données médicales le concernant soient masquées dans son DMP, tout en faisant en sorte qu’aucun professionnel ne saura qu’il y a des informations « masquées » ! Vous avez dit cohérence et santé publique ?
    On a priorisé les campagnes d’ouverture massive de DMP dans certaines régions : en quelques semaines ce sont des dizaines de milliers de dossiers, des centaines de milliers selon d’autres sources, qui ont été ouverts, avec une première « pièce » versée : une prescription médicale, un bilan sanguin, un bilan de kinésithérapie, etc.
    Et ce sont autant de dossiers qui n’ont jamais plus été ouverts, consultés ou alimentés.
    Bref, je m’arrête ici : il y aurait autant à dire sur chacun des points abordés par l’article, je le crains.
    Mais on peut rêver, en effet…

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