Faut-il mentir pour être élu Président ?

La politique est pleine de cynisme. Ainsi, pour être élu, il est parfois nécessaire de mentir : de faire des promesses et de les jeter ensuite à la poubelle.

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Faut-il mentir pour être élu Président ?

Publié le 27 février 2017
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Par Philippe Bilger.

Lors de la remarquable campagne de 2007, j’avais rencontré à deux ou trois reprises Emmanuelle Mignon qui avait élaboré le programme de Nicolas Sarkozy et avait toute sa confiance. Il s’agissait de préparer une convention sur la Justice que le futur président de la République allait clôturer et où j’aurais l’opportunité d’intervenir juste avant lui.

La politique ou le cynisme à l’état pur

D’une intelligence exceptionnelle reconnue par tous mais d’un abord qui n’abusait pas du sourire et de la cordialité, Emmanuelle Mignon avait veillé à mettre en place les séquences et le rythme de cette réunion, la dernière avant le premier tour de l’élection présidentielle. J’avais été à la fois impressionné et réfrigéré.

Ayant suivi vaguement son parcours depuis la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, je n’ignorais pas que celui-ci lui avait fait reprendre du service mais avec sans doute l’arrêt de leur collaboration après la primaire de la droite et du centre.

Aussi, dans une analyse passionnante des projets politiques, d’une certaine manière de leur inutilité puisque le réel et le pouvoir effectif les réduiront en pièces, j’ai retrouvé avec un grand intérêt sa lucidité, voire sa brutale sincérité ne se payant pas de mots (Magazine du Monde, Laurent Telo).

Ne déclare-t-elle pas en effet :

« Il faut être cynique. Faire un programme pour se faire élire, le mettre à la poubelle une fois au pouvoir mais prendre les cinq mesures indispensables dans les trois premiers mois. »

J’entends déjà les responsables politiques de haut niveau, les anciens présidents comme ceux qui ambitionnent de le devenir, se récrier la main sur le coeur en affirmant qu’une telle démarche aurait été immorale, scandaleuse ou que jamais ils n’en useraient. Ils invoqueraient l’esprit démocratique, la transparence, la fidélité aux engagements.

Pourtant, à bien considérer notre histoire depuis 1958, seuls deux présidents, dont les personnalités étaient dissemblables et les antagonismes profonds, ont contredit la règle énoncée par Emmanuelle Mignon. Charles de Gaulle, quand il est revenu au pouvoir, et François Mitterrand de 1981 à 1883.

Là où celle-ci fait mal et vise juste, c’est quand elle a le culot de ne rien dissimuler et d’afficher que des campagnes sont délibérément trompeuses par rapport à leurs suites, que le gouffre est voulu entre le programme radical pour conquérir et sa réduction pour durer.

Il me semble évident que la radicalité du projet de François Fillon a été décisive pour la joute de la primaire, qu’elle s’est atténuée ensuite et que probablement, lui élu en 2017, il l’adapterait aux aléas, aux contraintes et aux oppositions que la République ne cesse de faire surgir malicieusement ou honorablement pour battre en brèche ce qu’une majorité pourtant avait accepté.

Les personnalités présidentielles peuvent toujours invoquer d’excellentes excuses pour expliquer leurs promesses non tenues. Qui soutiendrait qu’entre la liberté illimitée du volontarisme et des espérances et la pesanteur de l’existant à connaître, mesurer et maîtriser, il n’y a pas un immense, un inévitable hiatus ?

Mentir pour devenir président

Dans l’observation d’Emmanuelle Mignon, il faut accepter le cynisme et le fait d’une fraude totalement assumée. On ment pour devenir président et ensuite on ne garde que l’essentiel réduit à quelques mesures. Même dans une classe politique dont l’éthique n’est pas le fort, je doute d’un tel degré de mépris démocratique.

Emmanuelle Mignon fournit une clé opératoire, la caricature d’une ambition sans limites mais terriblement efficace. On ne reprocherait pas au président, selon les voeux d’Emmanuelle Mignon, d’avoir renié tous ses engagements mais de les avoir raréfiés pour l’efficacité de son action. Apparaîtrait-il, après les trois premiers mois, comme un président médiocre, frappé d’immobilisme ?

Agir très vite et durer tant bien que mal ensuite jusqu’à la réélection. Et on repart selon le même processus. On se précipite puis on se repose.

Machiavel n’aurait pas détesté la fulgurance sans fard d’Emmanuelle Mignon.

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  • Et voilà exactement pourquoi tant de « promesses » sont effectuées dans les campagnes électorales – à tous les niveaux – puis délibérément oubliées… L’important est être élu(e) puis (ré)élu(e) !
    En conclusion, la « démocratie » « représentative » n’est qu’une escroquerie à abattre au plus vite !

  • En même temps ça n’est pas surprenant, c’est inhérent au scrutin en vigueur pour l’élection présidentiel : on élit un homme (ou une femme), pas un projet, pas un parti.
    Donc en théorie il vaudrait mieux se concentrer sur les compétences et les principes plutot que les promesses.

    Et d’un autre côté, le monde change tellement rapidement, ne vaut-il pas mieux quelqu’un capable de se remettre en question, et s’adapter rapidement à la situation plutot que quelqu’un qui reste collé à son idéologie envers et contre tous ?

  • Peut-être dans le passé fallait-il mentir pour se faire élire, et encore cela reste à vérifier, mais maintenant, dire la vérité est impératif. Je pense que les électeurs n’en peuvent plus d’être pris pour des imbéciles! Quant à raconter tout et son contraire au prétexte qu’il faut être capable de s’adapter rapidement à toute nouveauté, c’est aussi du grand n’importe quoi!

    • Je suis bien d’accord sur la nécessité de dire la vérité. Mais à ce jour aucun candidat à la présidentielle ne tient un tel discours.
      Il suffit de bien les écouter, de relire les retranscriptions de leurs discours ou de lire leur programme : essentiellement du creux ou de belles promesses à visées purement électorales et idéologiques.
      Mais rien de « vrai ». D’en est effarant !

  • – On peut aussi mentir par omission, c’est tellement + commode..
    Savez-vous que « Les Pays-Bas envisagent-ils de quitter la zone euro ? Des députés néerlandais ont commandé un rapport sur le futur de la monnaie unique, avant un débat au Parlement sur l’opportunité d’abandonner la monnaie unique. Les travaux ont été lancés suite à des inquiétudes concernant la politique de taux bas mise en oeuvre par la Banque centrale européenne, et son impact sur les épargnants néerlandais…. Le rapport sera rédigé par le Conseil d’Etat, qui a reçu pour mission de vérifier « les options politiques et institutionnelles concernant l’euro » et « les avantages et inconvénients de chacune ». .. mais nos médias mainstream préfèrent passer à la trappe ( les élections néerlandaises sont programmées le 15 Mars ).

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