Déficit extérieur : des raisons d’être inquiet

Il n’y a pas que les exportations qui permettent de produire, mais les importations peuvent aussi contribuer à la croissance, s’il s’agit de donner ainsi aux entreprises des produits dont elles ont besoin, en réduisant les coûts.

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Déficit extérieur : des raisons d’être inquiet

Publié le 22 février 2017
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Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Iref-Europe

By: FrancescoCC BY 2.0

Il y a quelque ambiguïté à commenter les résultats du commerce extérieur. Le fétichisme de l’excédent à tout prix remonte au mercantilisme, quand on pensait que l’or était la vraie richesse et qu’un déficit extérieur, entraînant une sortie d’or du pays, était mauvais.

Or, une importation n’est pas nécessairement mauvaise, et peut booster la croissance ou accroître le pouvoir d’achat ; une réduction des importations peut être un signe de récession. Toute exportation n’est pas nécessairement bonne, surtout si elle est due à un artifice, comme la baisse du taux de change, car l’affaiblissement de la monnaie est rarement une bonne nouvelle.

Dire « la France exporte » ou « importe » n’a guère de sens, car ce n’est pas le pays ou l’Etat qui exporte ou importe, mais des entreprises ou des individus. Un « produit français » n’a pas grande signification : il peut être fabriqué en France à partir de composants étrangers, et inversement.

Enfin, on vit toujours sur l’image d’un jeu commercial à somme nulle, l’un perdant ce que l’autre gagne, alors que tout échange libre est gagnant/gagnant, sinon pourquoi échanger, qu’il soit entre habitants d’un même pays ou de pays différents. Ces points ont été explicités dans une étude réalisée par Emmanuel Martin pour l’IREF (27/6/2016 Pour favoriser l’emploi, il vaut mieux la mondialisation que le protectionnisme).

Une réduction du déficit n’est pas toujours une bonne nouvelle

Cela n’empêche pas la presse de faire ses gros titres sur le déficit extérieur et, lorsque les résultats 2016 ont été publiés le 7 février, l’aggravation du déficit a été considérée comme une mauvaise nouvelle. Il est vrai que le déficit s’est accru en 2016, passant de 45,7 à 48,1 milliards. La situation n’est pas nouvelle et le dernier excédent commercial remonte à 2002 !

L’année 2009 est intéressante : le déficit commercial se réduit de plus de 10 milliards ; or 2009 est une année de récession et ce qui pourrait, dans une lecture superficielle, être pris comme une amélioration, n’est que le reflet d’une forte dégradation économique : la contraction de l’économie a entraîné une réduction des échanges : comme on produit moins, on a moins besoin d‘importer des matières premières ; de même, les réductions du déficit depuis 2011 ont des explications conjoncturelles, liées à l’évolution du prix du pétrole ou de l’euro. On ne peut donc juger de la situation du commerce extérieur à partir du seul solde.

Notre tourisme est en recul

Comment analyser alors l’aggravation du déficit extérieur en 2016 ? D’abord, en tenant compte des autres éléments des échanges, à savoir des services : habituellement, la France est largement excédentaire en matière de services, ce qui compense en partie le déficit.

Or en 2016, pour la première fois depuis longtemps, la balance des services est quasi-nulle (+0,4 milliard contre + 8,8 l’année précédente), ce qui signifie que nous sommes moins attractifs en matière de tourisme (un million de touristes en moins), mais on constate aussi un recul des services de prestations intellectuelles (conseil ou recherche et développement, etc.) Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’activité du tertiaire.

Et les charges plombent nos entreprises

Ensuite, la détérioration aurait été bien plus grave si la facture pétrolière n’avait diminué de 21 %. Mais surtout, alors que le gouvernement prétend avoir donné la priorité aux entreprises, leurs exportations ont reculé de 0,6 %. Échec donc dans ce domaine, car la compétitivité de nos entreprises reste plombée par les charges excessives et les réglementations pesantes, le crédit compétitivité emploi ayant été modeste à l’échelle des hausses précédentes de charges.

La France recule en termes de part de marché

Plus grave, la France recule en termes de parts de marché : au début des années 2000, elle représentait 5 % du marché mondial, contre à peine 3,5 % aujourd’hui. Notre marché dans la zone euro est passé de 17 % en 2000 à 13,4 % aujourd’hui, et, comme nous avons la même monnaie, on ne peut accuser ici les manipulations de taux de change.

La compétitivité de nos entreprises est insuffisante, faute de moyens pour investir plus et faute de leur avoir laissé la possibilité soit d’améliorer la compétitivité prix, pour des produits de moyenne gamme, (où les entreprises espagnoles notamment peuvent produire moins cher), soit d’améliorer la compétitivité-produit en développant, comme l’Allemagne, le haut de gamme : on ne s’adapte pas avec des boulets fiscaux ou réglementaires aux pieds.

Or ce qui compte n’est pas le déficit, mais l’importance des échanges

Ce n’est donc pas le déficit lui-même qui importe, mais le recul de la France dans le commerce mondial. En effet, les pays qui s’en sortent le mieux économiquement sont ceux qui sont les plus ouverts et qui participent le plus aux échanges commerciaux.

Il n’y a donc pas que les exportations qui permettent de produire, mais les importations peuvent aussi contribuer à la croissance, s’il s’agit de donner ainsi aux entreprises des produits dont elles ont besoin, en réduisant les coûts. Ce qui est donc vital, c’est l’importance des échanges et donc leur part dans les échanges mondiaux ; de ce point de vue, l’évolution de la situation française est inquiétante.

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