Réduction du temps du travail : stop aux postures électoralistes !

La réduction du temps de travail est-elle la clef pour moins de chômage ou pour plus de pauvreté ?

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Réduction du temps du travail : stop aux postures électoralistes !

Publié le 12 février 2017
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Par Yves Montenay.

La campagne des présidentielles a remis à l’ordre du jour la durée du travail. François Fillon, Emmanuel Macron et Benoît Hamon veulent respectivement supprimer les 35 heures, les maintenir ou travailler encore moins.

Les 35 heures ont-elles créé des emplois ?

Déjà la controverse sur les emplois soi-disant créés par les 35 heures avait rebondi en juillet 2016 avec un rapport « confirmant » la création de 350 000 emplois.

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) le trouve peu pertinent et ne l’a donc pas diffusé, mais les syndicats l’ont fait fuiter pour entretenir le mythe. Or les diminutions massives du temps de travail : les 39 puis 35 heures, ou la retraite à 60 ans sont des erreurs majeures de la gauche, erreurs économiques, mais pire encore, erreurs contre l’esprit.

D’abord il s’agit de postures purement électorales, qui ont servi à gagner les élections de 1981 et 1997, et, espère-t-on, celles de 2017. On en appelle au mythe de la création d’emplois, ces fameux 350 000 pour les 35 heures et « laisser la place aux jeunes » pour la retraite à 60 ans.

Sur le plan logique, la question est pourtant très simple, voire triviale.

Une question « triviale »

En mathématiques, le mot trivial est utilisé pour un résultat évident ne justifiant pas une démonstration. En l’occurrence travailler moins ne peut qu’appauvrir, toutes choses égales par ailleurs. On devrait s’arrêter là.

Mais il y a eu tellement « d’embrouilles » qu’il faut reprendre le raisonnement pas à pas. Commençons par raisonner à emploi constant, avant de voir l’éventuel impact sur le chômage :

  • chaque personne travaillant moins produit moins. Si la diminution du temps de travail se généralise, il y aura moins de biens et de services disponibles par personne. C’est-à-dire une diminution du salaire réel.
  • vous me direz qu’à chaque fois le salaire a été maintenu, et que l’on a que sous-entendu qu’il en irait de même pour les retraites. Mais il s’agit du montant nominal, c’est-à-dire du nombre d’euros reçus. Reste donc à savoir quel sera le pouvoir d’achat de ces euros.
  • dans un monde clos, la réponse est simple : distribuer le même montant de revenus pour une production moindre entraîne une hausse des prix qui fera baisser le salaire réel du pourcentage de la réduction du temps de travail. Ou si une forte concurrence empêche la hausse des prix, ce sera la faillite de certaines entreprises qui ne pourront payer autant en vendant moins, donc une forte baisse de revenus pour ceux qui perdent leur emploi. On a l’expérience du Front Populaire : la baisse de la durée du travail et l’augmentation des salaires nominaux dans un monde clos ont mené à l’inflation, à la dévaluation et au chômage. Il a fallu inventer les heures supplémentaires en 1938 pour en sortir. Merci Alfred Sauvy !
  • dans un monde ouvert, il y aura un déficit commercial payé par l’endettement. Cela ne fera que retarder l’appauvrissement décrit ci-dessus, en passant la patate chaude aux gouvernements suivants. Voir par exemple les dévaluations méditerranéennes.

À emploi constant, il y a donc une contraction générale de l’économie. Mais, dit la gauche, on embauchera pour produire autant qu’avant.

Supposons.

Le mirage des embauches supplémentaires avec la réduction du temps de travail

Si des embauches maintiennent la production au niveau antérieur, cette production devra supporter le coût du personnel supplémentaire, et on est ramené au problème précédent.

De plus, en pratique, des embauches permettant de retrouver le niveau antérieur de la production ne sont souvent pas possibles : on ne trouve pas les personnes de la qualification nécessaire là où il faut. Par exemple si une agence bancaire avait quatre employés et si le travail baisse de 10 %, trouvera-t-on à proximité quelqu’un ayant la qualification des 3 autres pour travailler à temps partiel, soit 33 % d’un temps complet dans cet exemple ? En deux mots, l’économie n’est pas infiniment fluide.

La conclusion triviale était donc la bonne : si on travaille moins, on s’appauvrit !

Mais, pour ne pas être accusés de mensonges électoralistes, les promoteurs de cette idée ont deux arguments, l’un faux et l’autre boiteux.

Deux mauvaises réponses

La première est que « les statistiques » montrent des créations d’emplois. Pas pour la retraite à 60 ans, qui pourtant a été la mesure la plus massive, mais pour les 35 heures. Mais on oublie que les statistiques économiques évoluent à la suite de mille causes structurelles, conjoncturelles, fiscales, politiques… Or, après l’application des 35 heures, bien d’autres facteurs ont joué sur l’emploi, notamment une bonne conjoncture économique et les allégements de charges. Rajoutons que ces allégements de charges sont payés par l’État et donc pèsent indirectement sur les salaires réels. On retrouve nos raisonnements précédents.

Une autre réponse des défenseurs de la diminution du temps de travail est que ce dernier diminue dans tous les pays avec le développement. C’est vrai, mais cela n’a rien à voir avec le problème posé. En effet une hausse de la productivité de 2 % par an multiplie la production par 2 à chaque génération. Et la majorité préfère légitimement non pas deux fois plus de biens et de services, mais seulement, disons, 1,8 fois plus et diminuer son temps de travail de 10 %. À l’étranger, cela se négocie dans chaque entreprise au fur et à mesure de ses possibilités : on partage les gains de productivité. On est loin du coup de massue juridique, qui a, lui, un effet négatif.

Cet exemple montre que la diminution du temps de travail est une consommation comme une autre : on achète du temps libre par une moindre progression du pouvoir d’achat comme on achèterait un abonnement à un smartphone. Cela n’a rien à voir avec l’emploi.

Un crime contre l’esprit

Tout le monde peut se tromper et prendre des postures électorales qui se révéleront négatives. Mais, en l’occurrence, c’est plus grave, puisque l’on proclame que l’évidence et la logique peuvent être niées par la politique : « On nous dit que ramener la retraite de 65 à 60 ans n’est pas possible. Regardez, je le fais, la loi est votée ». Comme si une loi était en mesure de changer la pyramide des âges ! Plus généralement on suggère qu’une amélioration peut tomber du ciel « gratuitement », en mettant de l’encre sur du papier.

La posture a besoin du mythe. Tant pis pour l’analyse rationnelle.

Il paraît qu’aux démographes qui lui disaient « Nous ne pourrons pas payer les mêmes retraites à partir de 2006 en maintenant le départ en retraite à 60 ans », Mitterrand avait répondu : « 2006 ? Nous sommes en 1981 et je veux gagner les élections ».


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  • Et maintenant le revenu universel : ne plus travailler du tout …

  • Vieux débat sans solution évidente entre partager une quantité limitée et augmenter la taille du gâteau. La gauche, qui au début du 21eme siècle baigne toujours mentalement dans la nature jardinée immuable façon d’il y a un siècle, se range évidemment à la première solution.

  • C’est bien joli tout ça , mais , l’etat en a rien a faire de la comptabilité , il est dieu, ces erreurs n’ont aucune influence sur son niveau de vie,ce qu’il veut, qu’on lui foute la paix ……et qui serait contre travailler moins……a part ceux voulant gagner plus….ce qui n’est absolument pas possible dans un syteme comme le notre où l’effort est suspect et faire fortune en dehors du cercle des initiés est interdit ?

  • si vous êtes de gauche il y un tour de magie qui permet de se tirer de toutes les impasses…il suffit de prendre aux riches…
    quasiment toute mesure revient à de la « redistribution » sauf que c’est plus ou moins facile à voir.

  • La réduction du temps de travail est une évolution naturelle, dans tous les pays, et la posture de certains ici est très dogmatique, la droite aime bien surfer là dessus parce que ça parle à son électorat de retraité. C’est pourtant simple à comprendre, depuis la nuit des temps, le progrès technologique est justement fait pour nous faire travailler moins et mieux. Le problème c’est de l’imposer par la loi. Un simple encouragement par des réductions de charge aurait largement suffit.

    • Oui le problème est de légiférer le temps de travail et ainsi de fossiliser les gens dans un carcan qui ne leur donne aucune liberté. Et fixer à 35 heures a dans de très nombreux cas rigidifié la relation employeur-employé car elle a obligé les employeurs à être bien plus directif sur l’utilisation du temps de travail.

  • Diminuer la duréee légale du temps de travail veut dire augmenter le nombre de fonctionnaires donc augmenter les taxes et le défficit. Vu le contexte mondial actuel travailler 39 heures me semble être raisonnable. Libre à ceux qui veulent travailler moins de faire du temps partiel.

    • « 39h me semble raisonnable » Dans quel secteur?

      « Libre à ceux qui veulent travailler moins de faire du temps partiel »

      Je ne savais pas que le temps partiel était librement consenti à l’employé

    • non imposer une durée légale du temps de travail est une contrainte bureaucratique qui ne détermine pas d’ailleurs la durée effective du temps de travail puisque on peut travailler moins et on peut travailler plus… l’idée sinon l’idéologie qu’il y a derrière la « réduction du temps de travail » est que le rapport de force entre employé et employeur et biaisé par nature et non circonstanciellement en faveur de l’employeur , en somme le marché du travail ne fonctionne pas.

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