Vite, des subventions pour les effets spéciaux !

Comme la majorité des effets spéciaux ne sont plus faits en France, le CNC a décidé de subventionner la filière. Pour l'achever, probablement.
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Vite, des subventions pour les effets spéciaux !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 février 2017
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Catastrophe ! Plus ça va et moins ça va ! Dans le domaine des effets spéciaux numériques pour le cinéma, la France n’arrive plus à attirer les juteux contrats qui lui permettraient de tenir le rang qui lui à notre pays, phare du monde moderne, des arts et de la technologie. C’est inadmissible. Heureusement, le CNC, le Centre National du Cinéma, a décidé de mobiliser plein d’argent du contribuable pour remédier à cette intolérable situation.

Pas de doute : la situation est critique puisqu’actuellement, 60 % des effets spéciaux des films hexagonaux sont réalisés à l’étranger, notamment en Belgique ou au Canada, ces pays turbo-libéraux et ultracapitalistes qui n’ont pas hésité à faire une sorte de dumping fiscal éhonté en diminuant leur acharnement taxatoire dans ce domaine précis. Et quand il s’agit de gros contrats mondiaux, ce sont la Nouvelle-Zélande, le Canada, les États-Unis ou le Royaume-Uni qui en bénéficient. Notons au passage – coïncidence fortuite – que chacun de ces pays se compare avantageusement à notre système fiscal. En outre, l’inadmissible touche au scandaleux lorsqu’on sait que paradoxalement, au travers de ses écoles spécialisées la France parvient à former de nombreux talents reconnus, lesquels, les faquins, ont une tendance assez irritante à quitter le pays, là encore pour des raisons fiscales.

Cinema - And now, young jedi, ...

Une conclusion s’impose : puisque la fiscalité est trop forte, il faut trouver un moyen de compenser ce qu’on a pris d’une main en redonnant de l’autre. C’est justement ce que propose le CNC avec la mise en place d’une mesure entrée en vigueur au premier janvier dernier qui devrait avoir un effet de levier : à partir d’un seuil de 250 000 euros de dépenses, les productions étrangères pourront désormais bénéficier d’un crédit d’impôt international, là où il fallait auparavant atteindre un million d’euros. Couplé à un Vaste Plan Triennal qui n’évoque pas du tout les pages les plus seventies de notre Histoire ni la planification soviétique d’après-guerre, le CNC entend faire « mieux pénétrer les effets spéciaux dans la culture française », que le centre qualifie de « plus orientée vers un cinéma d’auteur naturaliste ».

Si l’on oublie le délicat et amusant euphémisme du cinéma « d’auteur naturaliste » pour désigner l’assommante production verbeuse de films sursubventionnés soigneusement boudés par le public, il est vrai que le cinéma français se caractérise par un emploi minimaliste des effets numériques. Dès lors, le CNC semble décidé à accorder une plus grande place à ces derniers dans les écoles de cinéma en encourageant les productions qui y ont recours.

Pour une entité publique, « encourager » et « accorder plus de place » se traduit assez systématiquement par des mouvements de fonds. Le CNC ne déroge pas à la règle puisqu’il entend augmenter le soutien à la filière de 6 à 9 millions d’euros, le contribuable, évidemment consulté, ayant jugé absolument nécessaire en ces temps de disette de claquer trois nouveaux millions pour un domaine dont la santé financière est par ailleurs tout sauf rachitique : malgré l’incessant piratage et les grises mines des producteurs, les entrées au cinéma en France n’arrêtent pas d’augmenter, et les productions sur notre territoire sont loin d’afficher des résultats catastrophiques.

Mais malgré tout, on va encore une fois mobiliser le contribuable plutôt que le public, ce dernier n’ayant pas l’heur de choisir les « bons » films lorsqu’il achète sa place de cinéma. Il faut bien comprendre que laisser au marché le seul choix de ce qui est bon ou pas revient pour la puissance publique, CNC en premier, à abdiquer complètement. Impensable.

Ce qui est très « pensable » en revanche, c’est de voir qu’en conséquence, on diminue les impôts pour un pan particulier de l’industrie. Avec ces crédits d’impôts et ces nouvelles subventions, le CNC cherche a modifier le comportement d’individus et de sociétés confrontés aux avanies fiscales dont notre pays est truffé. C’est étonnant puisque cette méthode marcherait donc pour les effets spéciaux au point que cela a été souhaité et mis en place par une instance gouvernementale (Bercy, cornaqué ici par le CNC), mais, dans le même temps, personne ne semble prêt à tenir le même raisonnement… pour toutes les autres industries.

Tout se déroule comme s’il fallait absolument distribuer l’argent du contribuable, comme une sorte de talisman contre les excès d’une fiscalité vexatoire. Apparemment, les millions du public sont le meilleur cataplasme pour soigner tous les petits et gros bobos d’un secteur particulier.

D’ailleurs, cette méthode de l’aide publique a fort bien fonctionné avec la presse, massivement subventionnée et dont la qualité de production est à ce point inégalée que les Français ne la lisent plus et ne lui font plus confiance.

Cette même méthode a aussi bien fonctionné avec les transports en commun, rail en premier, dont les performances tant en matière d’horaires que de qualité de services et d’accidents encouragent tous les jours les usagers à tester toutes les alternatives possibles, voiture en premier. Le succès de Blablacar et, dans une autre mesure, des lignes de cars privées illustrent assez bien l’argument.

Notons aussi l’impact génialissime de la subventionnite aigüe dans le domaine du jeu vidéo, qui a d’abord été complètement ignoré dans le pays, période pendant laquelle il s’est développé au point qu’une véritable « French Touch » y est apparue, jusqu’au moment où, les pouvoirs publics et les lobbies entrant dans la danse, il fut décidé « d’aider » tout ce beau monde. Depuis, la production de jeux vidéo est à peu près complètement morte en France.

Il n’y a donc aucune raison que ça ne marche pas avec le cinéma, déjà largement subventionné, qui produit chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre et dont les productions les plus emblématiques sont régulièrement récompensées dans tous les festivals de par le monde. Ou presque.

En concentrant à présent les subventions et les aides sur les effets spéciaux, on garantit presque sur facture que le résultat sera à la fois grandiose et génial : la France va bientôt pouvoir s’enorgueillir de produire à foison du navet d’auteur aux effets spéciaux démentiels.


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  • « Plus ça va et moins ça va »

    Et si ça continue… faudra que ça cesse ! 😀

  • Avec ces effets spéciaux subventionnés par nous, nos cinéastes devraient rapidement concocter un film de fiction où l’on verra Pénélope travaillant à détricoter le métier à tisser, en attendant Ulysse à L’Elysée.

  • Bon j’ai arrêté de lire à « Depuis, la production de jeux vidéo est à peu près complètement morte en France ».
    Affirmer des énormités non sourcées et non documentées d’un ton péremptoire, c’est digne de Trump pas de ce site ni de cet auteur.

    Dommage ça partait bien.

    • Et pourtant, tous les gros producteurs de JV des années 90 sont morts, à l’exception d’Ubisoft. Ne restent que des studios dont la taille est modeste comparée aux standards internationaux. Les AAA ne sont plus produits en France, c’est tout.

      • le seul qui a fait des AAA a toujours été Ubi et il est toujours là, y compris à Montpellier.
        Infogrames, Kalisto … ont eu des succès d’estime mais jamais de vrais blockbusters. Leur disparition a eu lieu il y a bien longtemps à cause de l’incompétence ou de l’ego de leurs dirigeants.

        • En presque 20 ans, aucun autre studio produisant des AAA n’est apparu en France alors qu’il en naît régulièrement à l’étranger mais pour vous, tout va bien ?

          • C’est « l’incompétence des dirigeants » on vous dit. Les patrons très vilains.

            Arkadyusz ne comprend surtout rien à la notion de dynamisme économique permise par des conditions fiscales et législatives clémentes d’autant plus nécessaires que le secteur est extrêmement innovant, donc plus soumis que les autres à la destruction créatrice.

        • Aucun AAA n’est sorti des studios d’UBI en France. Et en 20 ans, aucun nouvel empire du JV ne vient de France. La France est passée de pépinière et d’industrie florissante avec une « french touch » reconnue à industrie subventionnée de laquelle n’est sortie aucun gros studio (ceux qui avaient le potentiel sont tous morts, à l’exception d’un seul, Ubisoft, dont toute la production AAA est hors de France).

          Vous êtes en train d’illustrer mon propos, et c’est vous qui parlez d’énormités ? Allons.

  • A l’avenir il faudra tellement d’effets spéciaux pour maquiller les fautes politiques qu’ils se préparent…

  • Un bon parasite doit éviter de tuer son hôte alors où est le problème ?

  • Les subventions ont déjà été versées, Mélenchon les a bien perçues : il s’est cloné grâce à un hologramme. Bon, il aurait pu se trouver une autre chemise.

    • Le fond du problème reste le même, une minorité décide et se fait subventionner sur des pseudos projets qui n’intéressent personne, au lieu de donner libre court au choix et au jugement des « clients ». Une longue descentes aux enfers vers la médiocrité planifiée ou l’on s’étonne que notre pays ne cesse de dégringoler sans jamais voir le fond. La route sera longue, longue à moins que le peuple ne se décide enfin à reprendre les rennes de son destin et à stopper cette dictature « démocratique » ahurissante que tous dénoncent mais acceptent et subissent en courbant le dos et en se divisant de plus en plus.

      • Je suis tout à fait d’accord avec vous Yann. Mon commentaire était une boutade sur Mélenchon, une moquerie, pour mettre en parallèle la technologie de son hologramme, (effet spécial donc), et les subventions étatiques pour ces mêmes effets spéciaux, et pour montrer que ceux qui les percevront ne seront pas ceux qui les utiliseront au mieux.

        Quant à Mélenchon, il suffit de voir le style de chemise qu’il portait à son meeting techologique, pour comprendre qui sont les « grands hommes » qui les ont inspirés, lui et sa chemise.

  • Travaillant dans les effets spéciaux pour le cinéma je confirme la situation décrite dans cet article et souhaite citer Jean Gaillard qui a rédigé le rapport du CNC. On encense l’Europe et pourtant le dumping social jouxte nos frontières, ou est le cinéma français quand il est tourné en Roumanie et postproduit en Belgique ? Ah oui, nos impôts, j’oubliais … merci la France …

  • Excusez moi d’avoir un avis divergent.
    En matière d’effets spéciaux on a un champion du monde :il s’appelle Francois O.
    C’est la seule personne « normale » à salarier à un salaire de « Chef Graphiste 1ere catégorie internationale » un coiffeur qui lui fait ressortir une teinte de cheveux improbable, à embaucher une courtisane qui change son look de VRP de Corrèze, mais ne parvient pas lui faire mettre une cravate droite, et aller tapoter la main des trafiquants de banlieue pour se reconvertir dans la « salsa « (en français la sauce).
    Vraiment vous êtes injuste avec nos vedettes.

  • Les commentaires sont fermés.

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