Où va l’Histoire ? de Rémi Brague

En filigrane de sa réflexion sur le sens de l’histoire, Rémi Brague s’interroge dans ce livre d’entretiens sur la matière même de l’histoire des idées.

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Où va l’Histoire ? de Rémi Brague

Publié le 6 janvier 2017
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Par Jean-Baptiste Noé.

Initialement paru en italien, ce livre de conversation avec le philosophe et journaliste Giulio Brotti est une bonne introduction à la pensée de Rémi Brague. Toujours clair et intelligent dans ses propos, l’auteur a le don de savoir réfléchir sans perdre son lecteur et sans se perdre lui-même dans des concepts filandreux ou fumeux.

Il embrasse ici l’histoire des idées en Occident selon la méthode qui lui est chère de l’inflexion et non pas de la rupture. Il nous montre la grande continuité, pas toujours linéaire, entre la philosophie antique et la pensée moderne, en passant par la philosophie médiévale, qui n’a rien d’obscure ni de ténébreuse.

L’histoire est souvent manipulée, et en cela l’auteur fait sienne la réflexion de Georges Orwell dans 1984 : « Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir : celui qui contrôle le présent contrôle le passé. » Celui qui est le plus fort dans le présent peut décider de ce qu’a été le passé et faire ainsi advenir le futur qu’il veut. On crée ainsi une mémoire obligatoire, qui est la destruction du passé, ce qui passe notamment par l’effacement des traditions.

Le sens de l’histoire a été perdu par des hommes qui ne vivent plus que dans le présent, ces êtres tournoyants sans cesse sur eux-mêmes si bien décrits par Tocqueville, et qui ont également perdu le sens de la vie. Comme le fait remarquer Rémi Brague, on ne donne la vie que si on l’estime bonne à être vécue.

La vie bonne en soi

Non pas parce que nous vivrions mieux que nos parents, mais bonne en soi. La vie est bonne quel que soit notre vie, nos difficultés, nos problèmes. Si la vie est bonne par principe, alors elle vaut la peine d’être donnée. Le drame, c’est que beaucoup aujourd’hui pensent que la vie n’est pas bonne en soi et donc que cela ne vaut pas la peine de la donner.

S’étant beaucoup intéressé à la philosophie des sciences, l’auteur s’interroge également sur les évolutions de celle-ci. Le positivisme scientifique a aujourd’hui vécu et l’on découvre un peu mieux, grâce aux travaux des historiens, que le XVIe siècle ne fut pas le grand siècle de la raison et de la renaissance, mais du retour de la magie, oubliée depuis l’Antiquité tardive, et son corollaire, celle des superstitions. Cette passion magique culmine dans les nombreuses chasses aux sorcières du XVIIe siècle, pratiquées surtout dans les pays protestants.

Enfin, en filigrane de sa réflexion sur le sens de l’histoire, Rémi Brague s’interroge sur la matière même de l’histoire des idées. Le danger est d’avoir une attitude historiciste, c’est-à-dire d’analyser la naissance des idées, leurs évolutions et leurs influences, sans se poser la vraie question, à savoir si cette idée est bonne et juste. Ce relativisme est un négateur de la philosophie et, en mettant sur le même plan des idées justes et des idées fausses, il perturbe le développement des hommes.

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