Pourquoi la Turquie intervient-elle en Syrie ?[Replay]

Que font les tanks turcs en Syrie ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pourquoi la Turquie intervient-elle en Syrie ?[Replay]

Publié le 20 décembre 2016
- A +

Par Yves Montenay.

Pourquoi la Turquie intervient-elle en Syrie ?
By: Andreas TrojakCC BY 2.0

La situation dans ce malheureux pays vient encore de se compliquer avec l’entrée de l’armée turque. Que diable est-elle allée faire dans cette galère ? Officiellement, lutter contre les terroristes, que ce soit ceux de l’État islamique ou les Kurdes. Cela s’explique par des raisons électorales qui exploitent la situation internationale

Des raisons électorales

Le président Erdogan voudrait que la constitution turque lui donne de plus grands pouvoirs. Pour cela il a besoin d’une majorité des deux tiers au parlement, alors que son parti, l’AKP, ne rassemble que 45 à 50 % des suffrages.

Comment l’obtenir ? En obtenant l’appui des nationalistes qui ne supportent pas « les non-turcs ». Ils ont éliminé successivement les autres peuples, principalement les Arméniens et Grecs, qui avaient de plus le tort d’être chrétiens.

Restent les Kurdes restés presque inaperçus au moment de la création de la Turquie il y a un siècle, car c’était alors un peuple montagnard loin des circuits économiques et politiques, et par ailleurs de la même religion sunnite. Mais ils sont maintenant visibles, notamment dans les banlieues des grandes villes. Dans un premier temps Erdogan leur avait accordé certains droits. Mais, pour avoir les voix nationalistes, il a repris la répression, et a remporté ainsi les élections de 2015.

Les Kurdes ont réagi par des attentats et par l’occupation de certains quartiers de leurs villes, ce qui justifie la position turque de qualifier leur parti, le PKK, de terroriste. Or les Kurdes de Syrie sont encadrés par une branche du PKK et sont en train d’organiser une zone kurde le long de la frontière turque, qui pourrait servir de base pour des attentats en Turquie. La vraie raison de l’entrée de l’armée turque est de contrer ce projet.

Elle est passée pour cela par une zone tenue par l’EI, qu’elle a chassé au bénéfice de rebelles amis, ce qui lui permet de dire que la Turquie s’attaque à tous les terroristes. Cette intervention était un vieux rêve du président, auquel s’opposait l’état-major. Ce dernier vient d’être balayé à l’occasion des purges.

Une frontière très particulière

Jusqu’à la première guerre mondiale, la Syrie faisait partie de l’empire Ottoman, devenu alors la Turquie. Après la guerre et la création de la Syrie, la frontière a coupé en deux des communautés turques (turkmènes côté syrien), kurdes et d’Arabes chrétiens, sunnites ou alaouites. Donc, de part et d’autre de l’actuelle frontière entre la Syrie et la Turquie, les populations sont donc cousines et souvent ni turques, ni arabes ou non sunnites, donc solidaires de camps opposés. C’est une des explications des trafics qui ont nourri les différents mouvements combattant en Syrie : l’EI, divers groupes rebelles, et probablement le régime de Damas.

La politique étrangère : OTAN, réfugiés, Russie…

Pendant longtemps la situation était claire : la Turquie se voulait occidentale comme depuis sa création par Kemal Atatürk. Elle fait partie de l’OTAN, était opposée à l’URSS et voulait faire partie de l’Union Européenne. Son gouvernement était laïque, et Erdogan disait qu’il ne toucherait pas à cette laïcité.

Mais une fois son pouvoir consolidé, il a au contraire islamisé le pays. Cela a psychologiquement gelé les négociations d’entrée dans l’Union, mais les États-Unis, pays plus religieux que l’Europe, y ont été moins sensibles. Ils ont voulu à tout prix garder la Turquie comme alliée, en fermant les yeux sur une certaine complicité envers l’État Islamique. Mais en même temps, ils soutiennent directement les Kurdes de Syrie au grand dam d’Ankara.

La Turquie étant jusqu’à ces dernières semaines très opposée au régime de Damas a accueilli les environ 2 millions de réfugiés qui le fuyaient. La peur de voir ces réfugiés arriver en Europe a mis sa dernière en position de faiblesse par rapport à la Turquie.

D’où la conclusion du président turc : ma politique étrangère n’a pas à se soucier de l’Europe ; quant aux États-Unis je peux les contrer jusqu’à un certain point, car Obama a fait preuve de faiblesse dans ce conflit. C’est ce que je teste en m’attaquant aux Kurdes de Syrie qu’ils soutiennent. Et je me réassure auprès de la Russie, dont j’ai ailleurs besoin économiquement, quitte à manger mon chapeau en diminuant mon hostilité au régime de Damas.

Tout cela est au moins acrobatique, voire incohérent. Le moteur me semble être l’orgueil d’Erdogan, grisé par des années de pouvoir quasi absolu, et devenu paranoïaque à la suite de la tentative de coup d’État : un peu comme Poutine, il se pense comme celui qui rendra à la Turquie son rôle de grande puissance, et tout ce qui peut lui permettre d’être un acteur remarqué est bon à prendre. Pour l’instant, cela lui réussit : les opinions favorables sont passées de 50 à 68 %.

 

Voir les commentaires (11)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (11)
  • Que ferait la France si la Catalogne espagnole déclarerait son indépendance et qu’un groupe séparatiste catalan en France fomentait des attentats contre les bases militaires de Carcassone ou de Castelnaudary tout en ayant comme sanctuaire Barcelone et ses environs ?

    La France a déjà été confrontée à cela … cela s’appelle la guerre d’Algérie …

    • +++++++
      Il ont oublier cette part de l histoire min frère

    • Le problème de votre comparaison entre la catalogne espagnole et les kurdes turcs c’est que l’Espagne est une démocratie contrairement à la Turquie. La Turquie arrête et emprisonne des kurdes non pas parce qu’ils soutiennent le PKK mais uniquement parce qu’ils défendent les droits des kurdes. La Turquie n’a jamais été une démocratie et n’est pas prêt de le devenir. La Turquie persécute les minorités ethniques (kurdes) ou religieuses (alévis).
      A noter que beaucoup de kurdes ne veulent pas d’indépendance de la Turquie mais une autonomie. Ils veulent que l’on leur reconnaisse des droits. Or, la Turquie persécute même ces gens pourtant pas indépendantistes.

      • Cela ne change aux rien du tout mais alors absolument rien du tout.

        Et contrairement à ce que vous prétendez, les Kurdes ont des droits, occupent certains hauts postes, sont maires de certaines communes dans Istanbul même.

        Et c’est Erdogan qui a donné le plus de droits aux Kurdes, bien plus que les laïcards tant vénéré en Europe.

        Pour en revenir à nos moutons, que ferait la France si la Catalogne espagnole puis française tentait de prendre son indépendance ?

        Merci …

        • La Catalogne espagnole est la région la plus riche d’Espagne. On y parle partout catalan, et en second lieu seulement castillan. Cette région est déjà de facto isolée de l’Espagne. La demande d’autonomie, d’indépendance, de statut spécial peut sembler légitime.
          Rien de tel côté français. La Catalogne française n’a pas de délimitation aussi claire. On y parle catalan mais très faiblement. La région est pauvre, perfusée de fonds publics. Pas de mouvement visible et revendicatif concernant une autonomie quelconque.
          Les catalans français n’ont rien à voir avec les basques, par exemple. Ni même avec les Corses.
          Quant à prendre l’Algérie comme exemple, ça ne semble pas vraiment convenir : l’Algerie n’a jamais été française autrement que par la vision des colons.
          L’exemple qui pourrait se rapprocher le plus, mais qui este quand même un peu tiré par les cheveux, serait celui de l’Alsace. Mais c’est un auteur débat.

          • Vous n’avez rien compris à mes propos, je ne parle pas du fait que la Catalogne française soit sur le point de prendre son indépendance … mais de SI c’était le cas, comment réagirait la République ? Que ferait-elle si le Catalogne espagnole servait de sanctuaire, d’arrière-cour, de maquis pour une organisation séparatiste fomentant des attentats à Perpignan.

            La réponse : La France ferait … la GUERRE ! Point barre ! Bombardement, maisons soufflées, routes détruites, vies brisées, les Chars Leclers entreraient vers Barcelone pour sectionner les racines du mal !

            Que cessent les leçons morales de gens nés le cul dans le beurre et n’ayant jamais connu la guerre.

          • « On y parle partout catalan,  » Non, pas partout! Tout le monde parle le castillan, mais tout le monde ne parle pas le catalan.

  • A défaut de NFZ, ce sera une NKZ :mrgreen:

    La Turquie étant jusqu’à ces dernières semaines très opposée au régime de Damas a accueilli les environ 2 millions de réfugiés qui le fuyaient.

    Non, pas tous loin de là. Bon nombres fuient cette guerre pour ne pas être tués. C’est une réaction saine de leur part.
    D’où l’anomalie de les laisser se noyer, alors que l’on devrait les chercher en Turquie et au Liban.

    Déjà 3 chars M60 détruits… Bon pour l’industrie de l’armement … Alors une guerre plus mondiale pour booster la croissance ❓ (je raille et non déraille ❗ )

  • Difficile de dire ce qui se passe dans la tête d’Erdogollum… Vouloir empêcher les Kurdes de boucler leur territoire et profiter de l’immobilisme Américain induit par la campagne présidentielle qui approche, c’est à la limite compréhensible quand on regarde l’histoire de la Turquie, à défaut d’être défendable. Maintenant les conséquences sur le long terme risquent d’être dangereuses pour la Turquie si elle décide d’aller plus loin vers le Sud. Mais apparemment l’avancée des troupes d’Ankara vient de s’arrêter net. Je pense qu’Erdogan souhaite avoir un pied-à terre en Syrie pour pouvoir épauler la FSA et laisser ces derniers faire le sale boulot pour empêcher les Kurdes de faire la jonction de leurs deux territoires. La présence même de ce petit territoire sous contrôle Turque est une belle épine dans le pied, leur artillerie lourde pouvant sans problème atteindre Manbij et sévèrement compliquer les déplacements des groupes Kurdes.

  • Que diable est-elle allée faire dans cette galère ?

    Ils aiment bien galérer ❓

    quitte à manger mon chapeau en diminuant mon hostilité au régime de Damas.

    Provisoire. Il changera la frontière unilatéralement, de fait, puis officiellement, les populations ayant été remplacées.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les politiques de hausse de taux des gouvernements peuvent en réalité masquer un assouplissement.

Par exemple, la banque centrale d’Argentine poursuit sans répit des hausses de taux.

Le taux de la banque centrale atteint 118 % après une augmentation en août. Pour l’année, elle a triplé le taux d’intérêt directeur, d’un niveau de 40 % en janvier.

Aux yeux de ses opposants, le candidat aux élections argentines, Javier Milei, porte la responsabilité d'un déclin du peso argentin. La banque centrale argentine a décidé une déva... Poursuivre la lecture

4
Sauvegarder cet article

La Turquie a pris un poids important en géopolitique. Ce n’est qu’un retour à la situation d’il y a quelques siècles, lorsqu'elle pesait du tout son poids sur l’Europe.

D’où l’intérêt de revenir sur son histoire, qui obsède son président et est souvent mal connue en France.

 

L’histoire longue

Les origines

Les Turcs s’installent en Mongolie au cours du troisième millénaire avant Jésus-Christ. Vers -200, ils peuplent l’Asie centrale et y remplacent les Scythes.

Le premier empire du nom de « turc » fut fo... Poursuivre la lecture

Par Mehmet Ozalp.

 

Vainqueur au second tour de l’élection de dimanche face à son rival de longue date, Kemal Kiliçdaroglu, Recep Tayyip Erdogan restera président de la Turquie pour cinq années supplémentaires. S’il va jusqu’au bout de son mandat, il aura été au pouvoir pendant 26 ans.

Ce qui est étonnant, c’est que la majorité des Turcs ont élu Erdogan malgré une économie qui se dégrade et une hyperinflation désormais chronique – une situation qui ferait probablement tomber n’importe quel gouvernement... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles