Réseaux sociaux, tous égo ?

Penser et affiner le cadre et l’usage des réseaux sociaux est non seulement une nécessité mais une urgence, comme le rappelle Christophe Assens dans son nouvel essai.

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Réseaux sociaux, tous égo ?

Publié le 9 décembre 2016
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

« Quel est le rapport entre les ramifications mondiales du terrorisme, les discussions sur Facebook, pour partager des recettes de cuisine, la coopérative des vignerons en Champagne-Ardenne, le service du contre-espionnage français durant la guerre d’Indochine : les réseaux sociaux ! ». L’ouverture de l’ouvrage de Christophe Assens, Réseaux sociaux, tous égo ? esquisse les frontières aussi floues que poreuses de réseaux sociaux aussi tentaculaires qu’omniprésents : ces réseaux immatériels et paradoxaux impactent nos existences de façon bien concrète.

Dans des sociétés prônant toujours plus d’individualisme, rejoindre un réseau renforce un sentiment d’appartenance, l’idée de participer à la construction d’une entité, d’une société nouvelle. Et dans une certaine mesure, les réseaux sociaux redonnent également du sens aux notions de partage et de solidarité.

Au-delà de l’utopie, la solidarité des réseaux a des visées plus intéressées

christophe-assens-reseaux-sociaux-tous-egoFaire partie d’un réseau, c’est gagner de la visibilité, construire une forme de reconnaissance sociale : établir ou renforcer une réputation, devenir populaire, élargir ses relations. Paradoxalement, le réseau social présenté comme un nouveau vecteur de liberté et facilitateur d’échange, uniformise les profils et les usages des consommateurs, pour finalement, aboutir à une perte de liberté.

Car les réseaux sociaux ne sont pas le miracle social que nous attendions tous, comme le rappelle Christophe Assens « avec l’essor des objets connectés, chaque individu tend à se conduire comme un “insecte social” au sein d’une colonie, où la technologie guide les choix de vie par automatisme. Dans ces conditions, les réseaux n’apportent pas nécessairement de réponse à la crise des institutions sur la question du vivre-ensemble. Ils ne sont pas plus démocratiques que l’Etat, ou plus vertueux que le marché ! » (…)

Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), toute la population française est loin d’accéder équitablement aux technologies de l’information. Les réseaux sociaux, comme Facebook ou Twitter, mettent de côté près de 20 % de la population nationale (soit 11 millions de personnes). Un taux qui atteint 24 % pour les plus démunis, c’est à dire les foyers dont les revenus sont d’environ 1 100 euros mensuels et 48 % pour les non diplômés. A peine la moitié (48 %) des personnes âgées de plus de 70 ans, dispose d’un accès à Internet à domicile.

« En effet, ce n’est pas parce qu’il est possible de relier chacun au reste du monde que nécessairement, la société devient plus ouverte, plus libre et soudainement plus solidaire ! En effet, il ne faut pas confondre la capacité à réduire les distances physiques grâce aux nouveaux outils de communication, avec la capacité de réduire les inégalités sociales, qui s’accentuent au contraire dans le monde virtuel, chacun s’enfermant dans une bulle confortable où l’autre n’a pas toujours sa place ».

Les réseaux sociaux participent d’une segmentation de la société

Echos des communautés, des groupes politiques ou religieux, les réseaux sociaux ne se contentent pas de recréer les clivages sociétaux, ils les accentuent. Incitations à la haine raciale, appels au repli identitaire et communautaire, les réseaux sociaux sont aussi le lieu de dérapages toujours mal encadrés par le droit en Europe et dans le monde.

« Dans les réseaux communautaires ou confessionnels, comme les diasporas, il s’agit de construire une microsociété à l’image de ceux qui la composent. L’objectif n’est pas d’ouvrir cette microsociété à ceux qui ne partagent pas la même identité, mais au contraire de vivre entre soi pour préserver la confiance. Le réseau des diamantaires d’Anvers en fournit une bonne illustration ».

La désintermédiation des réseaux stimule davantage le commerce que l’e-démocratie

« Au niveau des individus, la mise en réseau est également un enjeu pour sortir de l’isolement et prendre en main son destin, sous l’angle économique ! (…) chacun est confronté au jeu de l’entreprise, du marché et de l’Etat, qui établissent des règles à partir de critères relevant soit de l’intérêt général pour l’Etat, soit d’un enjeu corporatiste sur le marché, soit d’une forme de lobbying pour l’entreprise. Il n’est pas rare qu’un individu soit soumis dans ces conditions, à formuler des arbitrages sur son comportement en fonction des conflits d’intérêts auxquels il est soumis ».

Dans le domaine économique, la mise en réseau amplifie le pouvoir de négociation des utilisateurs, dans la tradition libérale, stimulant la création de richesses et de revenus. Les effets positifs sur les institutions et les services publics sont moins évidents, comme le souligne Christophe Assens « la connivence sociale sert souvent à défendre une rente statutaire éloignée de l’intérêt général ».

L’auteur va plus loin lorsqu’il se réfère au sociologue Michel Malffesoli et son concept de société « égolitaire » : « derrière ce que nous appelons la crise, nous vivons en réalité un changement d’époque. Et les élis traditionnelles, plutôt que d’affronter le monde réel, s’accrochent à l’ancien monde et cultivent leur entre-soi pour se sécuriser ».

L’avenir de réseaux sociaux toujours plus présents et incontournables

Les réseaux sociaux sont ancrés dans notre quotidien, dans nos usages professionnels, privés, économiques et publics. Au schéma horizontal de la décision politique, ils substituent des mécanismes alternatifs, dans une dynamique horizontale, comme l’explique l’auteur « ils permettent d’imaginer d’autres formes de vie en collectivité, en dehors des institutions et du jeu politique des acteurs, en associant dans la décision tous les adhérents au réseau ».

Dès à présent, les réseaux constituent un enjeu d’efficacité incontournable, gage de flexibilité, d’adaptabilité, d’innovation et de collaboration tant pour les entreprises et les administrations que pour les particuliers. La fantastique liberté qu’offrent les réseaux sociaux est paradoxalement la menace qui les fragilise, digue protectrice contre le repli identitaire ou corporatiste.

Penser et affiner le cadre et l’usage des réseaux sociaux est non seulement une nécessité mais une urgence, comme le rappelle l’auteur dont l’ouvrage anticipe des dérives en préfiguration « le risque est de substituer, dans la société, la neutralité des institutions par la dimension partisane des réseaux, où la fraternité relève davantage d’un leurre technologique ou social que de l’égalité citoyenne ».

Pour aller plus loin :

– « Réseaux sociaux et liberté d’expression », Réseau Canopé.fr
– « Le grand paradoxe des réseaux sociaux », Finyear.com
– « La guerre des laïcités fait rage sur les réseaux sociaux », Rue89
– « Les dossiers : réseaux sociaux, du pyramidal à l’horizontal », Lenouveleconomiste.fr
– « Cairn info : les publications de Christophe Assens », Cairn.info
– « Stratégie et management, innovation et réseaux, croisez les savoirs pour innover », Hec Knowledge.
– « Et si les réseaux sociaux rendaient les marchés vertueux ? », journaldunet.com

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  • Depuis quand les institutions sont-elles neutres?
    La communauté est l’organisation naturelle de l’humanité depuis les cavernes, l’individu n’existe en tant que tel que depuis le XVIIE. La technologie n’est qu’un outil, c l’éducation qui peut éventuellement changer les mentalités.
    La tolérance c déjà pas mal, l’égalité un rêve humide et liberticide.

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