Baisser les dépenses de l’État : un tabou impossible à lever

S’attaquer vraiment aux dépenses de l’État nécessite de briser un tabou majeur. Techniquement, baisser ces dépenses revient à déclencher sciemment une « récession ».

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Baisser les dépenses de l’État : un tabou impossible à lever

Publié le 5 décembre 2016
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Par Pierre Tarissi.

récession
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S’attaquer vraiment aux dépenses de l’État – et non plus à des sujets périphériques comme les « niches fiscales » – nécessite de briser un tabou majeur. Techniquement, baisser ces dépenses revient à déclencher sciemment une « récession ». Tout le contraire de ce que font nos gouvernants depuis 40 ans : ils courent tous après une « croissance » mythique, censée financer par magie les dépenses de l’État sans cesse croissantes et son déficit chronique. Mais ils ne se donnent aucun moyen d’en créer les conditions.

Le PIB contient toutes les dépenses de l’État, même inutiles

De façon peu évidente, toute dépense – même totalement inutile – de l’État rentre dans le PIB. Citons en vrac :

  • les dépenses dirigées vers des investissements sans intérêt : travaux publics inutiles (beaucoup de ronds-points sur les routes, nous en sommes les champions du monde) ;
  • les dépenses rémunérant des travaux sans valeur ajoutée, par exemple dans le millefeuille « commune-communauté de communes-canton-arrondissement-département-région-État » de la fonction publique territoriale, dans l’Éducation Nationale, dans les « agences de l’État », dans les subventions à des associations sans réelle « utilité publique » ;
  • les dépenses de « solidarité » mal placées ou sans contreparties (RSA, CMU…) qui rapportent plus à ceux qui les gèrent qu’à ceux qui en ont besoin : les SDF voient rarement la couleur du RSA + CMU + « DALO => APL » ;
  • et enfin, les dépenses de réparation, après un incendie, une émeute ou un tremblement de terre, qui rentrent aussi dans le PIB ; donc on attend avec espoir les grandes catastrophes nationales qui… augmenteront le sacro-saint PIB.

Dans ces conditions, il est tentant pour des politiciens à la recherche de voix d’augmenter la dépense publique sans limites : cela augmente le PIB, et tant pis pour les impôts et la dette. Le gouvernement suivant y pourvoira ! On notera que ces effets sur le PIB sont conservés très concrètement même si le gouvernement embauche ostensiblement des gens pour faire des trous et d’autres pour les combler.

Diminuer les dépenses de l’État revient donc à créer une « fausse récession »

Donc, par le miracle de la « valeur travail » (tout employé de l’État est réputé produire une part du PIB égale à sa rémunération), ou de l’« investissement » (tout rond-point inutile rentre dans le PIB), supprimer ce qui ne sert à RIEN provoque mécaniquement une récession. Cet effet de récession est immédiat (suppression d’un poste de fonctionnaire ou d’une commande publique = PIB en moins) et agit aussi directement et immédiatement sur le nombre d’inactifs (suppression d’un poste de fonctionnaire = 1 retraité ou 1 chômeur de plus).

Éliminer du faux PIB…

Plus grave, cela réduit aussi du « vrai » PIB, mais « en carton » puisqu’il correspond aux biens et services consommés pour réaliser les travaux inutiles. Par exemple, la location des bureaux occupés par les personnes employées à ne rien faire, les restaurants qui les y nourrissent, les transports qui les y conduisent, leurs fournitures, photocopieurs, téléphones, etc.

Évidemment, personne ne connaît quelle part du PIB est dans ce cas : aucun politique quel que soit son bord n’étant soucieux de s’en vanter.

… est un passage obligé pour en créer du vrai

Concrètement, réduire ces dépenses et déclencher une « fausse récession » n’a aucune importance si on réoriente en même temps les ressources ainsi libérées vers la création de VRAIES richesses.

Loin de tout concept idéologique fumeux, une « vraie richesse » est un produit ou un service qu’une clientèle solvable achète de son plein gré au prix qui lui convient. Cela se mesure (à peu près) à l’aide du PIB marchand, que l’INSEE ne publie plus et dont personne ne parle actuellement. Il diminue depuis des décennies en pourcentage du PIB global, en même temps que la dépense publique augmente.

Quand davantage de clients achètent, l’effet est immédiat sur le PIB, mais agit nettement plus lentement sur le nombre d’actifs (les embauches viennent plus tard…). Encore faut-il réunir les conditions de l’augmentation de la production de richesses.

Cette fausse récession sera compensée plus tard et au-delà en créant plus de richesses

Pour passer ainsi de la « dépense inutile » à la « dépense utile », on a besoin de plus de chercheurs, de chefs d’entreprise, de vendeurs de talent, d’ingénieurs, de techniciens, d’artisans et il y en a pour plusieurs années d’efforts pour les former et leur donner les moyens et l’envie d’y travailler.

Entre le moment où la réduction des dépenses publiques commence réellement et le redémarrage du PIB marchand, il y aura un « creux » du PIB non marchand, et donc du PIB global. Cela est difficile à supporter par ceux qui doivent passer d’activités improductives à des activités productives.

Mais c’est du travail

Charge à l’État de trouver les voies et moyens conjoncturels pour accélérer le redémarrage du « PIB marchand » – en clair augmenter l’efficacité de la lutte à court terme contre le chômage de masse actuel. Les moyens en sont connus (baisse du coût du travail, libéralisation des licenciements…) et appliqués très timidement par les gouvernants de 2015-2016.

D’autres moyens sont beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre. Par exemple, que l’État redéploie des effectifs occupés à de la gestion inefficace (en doublon ou inutile) vers des activités qui rendent de vrais services. Et au passage, s’interroge sur la validité des « services publics » qu’il prétend rendre. Mais cela nécessite de l’imagination, la capacité à mettre en œuvre de nouveaux services, et une gestion dynamique des ressources humaines peu compatibles avec le fonctionnement (au moins actuel) de l’État.

Et il faut satisfaire à quelques prérequis fondamentaux

Pour réussir cette évolution fondamentale, et au-delà des notions philosophiques de « libéralisme » ou de « socialisme », il faut reconnaître explicitement quelques points simples mais « incorrects » et que l’on entend peu dans le discours politique :


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  • Baisser les dépenses de l’Etat permet de baisser les prélèvements et la masse de réglementation ce qui est bon pour la croissance.

  • Encore une fois le problème est pris à l’envers!
    Il faut réduire le besoin en argent de l’état. La baisse des dépense n’est que l’un des moyens.
    Il faudrait donc commencer par appliquer fermement sans laxisme toutes les possibilités du service publique et responsabiliser par le bas (subsidiarité). Par exemple prendre des personnes là où il y a du surnombre comme les collectivités et les mettre là où il en manque (vieillissement des service, non remplacement d’un fonctionnaire sur deux…)
    Parce que ce n’est pas la peine de faire des réformes si on ne les applique pas.

    Autoriser toute fonction non régalienne à pouvoir faire faillite

    • « réduire » c’est aussi prendre le problème à l’envers, et se condamner à échouer. Ces trucs ne sortent pas du néant et ne grossissent pas pour rien, il y a une demande colossale, irrésistible, pour cette drogue qui est à l’alpha et l’oméga de l’administration : l’irresponsabilité. Même vous, au fond, vous n’êtes pas épargné : votre injonction de « appliquer fermement sans laxisme », c’est le mantra de G. Filoche , une façon de dire « c’est pas moi c’est les autres, ils suffirait qu’ils fassent ce que je commande et tout se passerait bien ».
      La force de l’administration (publique … et privée !) c’est de fournir cette drogue. La particularité de l’administration publique c’est qu’elle peut « planer » en permanence, sans aucun risque de se confronter au réel.

      Vous avez raison, le problème de base est le refus de reconnaître l’échec : irresponsabilité vis-à-vis du passé, pour les trucs qui ne marchent pas ; irresponsabilité vis-à-vis de l’avenir, pour les trucs dont on sait parfaitement qu’ils partent de travers.

  • ARTICLE COMPLETEMENT FAUX (oui, ça me fait hurler …)
    Il décrédibilise son auteur (qui pourtant nous a habituer à mieux) et le site, retirez le, plutôt.

    L’auteur écrit,
     » (tout employé de l’État est réputé produire un PIB égal à sa rémunération) », ce qui est un contresens : il aurait fallu écrire  » (tout employé de l’État est réputé produire une VALEUR égal à sa rémunération) », pour une contribution au PIB de valeur – rémunération = ZERO. Même chose pour l’investissement : il est réputé valoir exactement ce qu’il a couté, ni plus ni moins, pour une valeur ajoutée strictement nulle elle aussi.

    D’ailleurs l’INSEE ne compte rien du tout, il compte les impôts versés. Les comptes sont fait en amont, au niveau de la production, la vraie, celle des gens qui payent, et elle ne change pas d’un kopeck quoi que l’état fasse avec la production ainsi taxée (confisquée).

    • Euh non, c’est vous qui faites erreur : le PIB non marchant est calculé à partir du coût des facteurs. Autrement dit toute dépense est considérée comme étant une richesse.

      • Je répète :
        ce n’est pas le PIB non marchant qui est calculé à partir du coût des facteurs, c’est la VALEUR.
        La valeur ajoutée, et donc le PIB, qui correspondent sont donc, par définition, de ZERO.

        « Autrement dit toute dépense est considérée comme étant une richesse. »
        Oui, une richesse … mais de quelle valeur ? strictement égale à ce qui a été dépense. Pour une valeur ajoutée nulle et une contribution au PIB de zero.

        • Bonsoir, « P », Bonsoir à toutes et à tous,
          On peut le déplorer, mais on ne peut pas changer la définition du PIB : la rémunération des fonctionnaires est donc bien considérée comme un « coût de facteur », et à ce titre intégrée dans le PIB … que le fonctionnaire, d’ailleurs, fasse quelque chose … ou rien du tout – ce qui n’est pas très flatteur pour eux …
          Amitiés,
          Pierre

    • la véritable valeur du service public ne pourrait être mesuré que si il devient optionnel et que les gens sont livre de payer pour. Pour tous les service monopolistiques il est absolument impossible d’une définir la valeur réelle (qui peut parfaitement être égale à zéro)

      • C’est l’idéal, mais sans aller jusque là, on pourrait au moins se baser sur le prix que des fournisseurs privés demandent d’ores et déjà, plutôt que sur la dépense.
        Je pense notamment aux écoles privés sous contrat et aux cliniques privés, qui font le même job que les écoles et hôpitaux publics pour ~1/3 moins cher. Le service reste « pas libre » (la scolarité reste obligatoire !) et donc ce n’est pas pas encore le vrai prix, mais ce serait un prix moins faux.

    • Bonjour à toutes et à tous,

      Très honoré, « P » ! 🙂
      Mais c’est pourtant la vérité : comme le dit « Raphaël », il s’agit bien de la définition du PIB en comptabilité nationale … C’est d’ailleurs au fond dramatique pour les fonctionnaires eux-mêmes : quoi qu’ils fassent, le PIB qu’ils produisent ne varie pas ! Désespérant !
      Amitiés,

      Pierre

      • Hum … En approfondissant pour répondre, je m’aperçois que l’affaire est bien compliquée, et je ne suis plus assez sûr d’être capable de faire une bonne réponse courte et immédiate. J’essaye quand même.

        Votre réponse « il s’agit bien de la définition du PIB en comptabilité nationale » est une réponse du même genre, et aussi fausse, que celle des keynésiens qui, se basant sur cette autre définition du PIB ( » le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ») en concluent que plus on consomme, plus le PIB augmente… C’est une confusion entre un mode de calcul, et la chose calculée, la carte et le territoire.

        Alors, certes, la production d’un employé public est égale à son salaire … mais l’argent pour le payer a bien été fourni par quelqu’un d’autre ! C’est ce point que vous occultez totalement dans votre analyse (« ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas »).
        J’exclus le cas d’un financement par l’emprunt étranger ou la planche à billets, qui n’était pas l’objet de votre article.
        Dès lors si le salaire du premier baisse, la contribution du second diminue en conséquence IMMÉDIATEMENT, mais ses ressources restent identiques et la part disponible augmente IMMÉDIATEMENT pour payer quelqu’un d’autres pour faire un truc qui lui sera vraiment utile, qui se verra IMMÉDIATEMENT dans le PIB. Il n’y a pas d’effet négatif sur le PIB d’une baisse de la dépense publique, pas même au niveau nominal.

        • Bonjour « P », Bonjour à toutes et à tous,
          La définition du PIB est la définition du PIB, reconnue au niveau international, et « personne » n’y peut rien …
          Je crains que la notion de « contribution qui baisse immédiatement » ne soit un peu théorique. Si demain un fonctionnaire qui fait des cocottes en papier quitte le service de l’Etat, on constate immédiatement que :
          – Sa rémunération est déduite du PIB,
          – Ses repas à la cantine, ses transports « boulot-dodo », sa consommation de papier pour les cocottes, d’électricité au bureau, etc aussi ;
          Pour que la part disponible de quelqu’un d’autre augmente, il faut que les impôts correspondants BAISSENT, ce qui est loin d’être évident, surtout effectivement si la variable d’ajustement des recettes de l’Etat est la dette …
          Je vois donc mal comment on peut ne pas avoir un « creux de PIB total » entre la baisse de PIB fictif de la dépense publique et le redémarrage du PIB marchand : il faut bien le temps que cela se traduise par une baisse de la pression fiscale ! Même si un épargnant retire des sommes de la contrepartie de dette d’Etat (livrets, PEL et Ass Vie en €) et les réinjecte immédiatement dans les entreprises (actions, obligations ou OPCVM), l’effet sur le PIB n’est pas immédiat …
          Amitiés,
          Pierre

  • Non c’est simplement acter une récession qui a déjà eu lieu.

  • On peut quand-même remarquer que la réduction des missions régaliennes (police-justice-défense) contribue à court terme à la sacro-sainte augmentation du PIB.
    En effet l’augmentation de l’impunité amplifie la délinquance sous toutes ses formes et entretient un vaste secteur d’activité lucratif: dispositifs de protection et de sécurité, assurances, réparation des dégâts, soins médicaux après agressions, remplacement des biens volés, etc …
    L’insécurité apporte du PIB; une forme de redistribution cocasse mais véridique.

    • pour rappel la France possède la plus haut rapport nb de police/gendarmes par habitants de toute l’europe… Soit la proportions de Français malhonnête est supérieur aux autre pays soit le forces de l’ordre sont très mal utilisé…

      • ou le ratio « par habitant » n’est pas le plus pertinent, il y a aussi un facteur « par unité de surface »
        ou la justice française est complétement à la ramasse, et ils sont obligés de courser 10 ou 100 dans l’année les mêmes zozos dont la place est « à l’ombre »
        ou la politique les obligent à s’occuper de ZADistes ou de Paul Bismuth
        ou … non exclusifs bien sûr

    • Dites, quand est-ce que vous avez relu la « vitre cassée » de Bastiat ?

  • Les commentaires sont fermés.

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