Confions la justice à l’intelligence artificielle !

Automatiser une partie de la justice permettra d’économiser de lourdes procédures. Une nécessité, alors qu’Internet des objets va devenir la première source de contentieux.

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Confions la justice à l’intelligence artificielle !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 octobre 2016
- A +

Par Olivier Babeau et Laurent Alexandre1.

Confions la justice à l'intelligence artificielle !
By: Max ReplicaCC BY 2.0

Alors que les missions régaliennes de l’Etat que sont l’armée et la sécurité se métamorphosent au contact des nouvelles technologies (vidéosurveillance, robots soldats, etc.), la justice n’évolue guère. Kafkaïenne par la complexité de son organisation, la justice tient encore de Courteline. La révolution numérique va faire imploser cet univers du XIXe siècle.

Faut-il avoir peur de l’intelligence artificielle ?

Elle fournira d’abord les moyens d’une amélioration de son fonctionnement. En quoi consiste le travail du juge ? A synthétiser des milliers de pages de procédure, à lire des rapports d’experts, à consulter des textes de loi et la jurisprudence liée, pour enfin rendre une décision. Un travail de titan qu’aucun cerveau normal ne peut effectuer parfaitement, a fortiori s’il est placé dans un contexte de surcharge chronique. Les décisions judiciaires sont ainsi rendues dans un contexte de rationalité fortement limitée.

Des monceaux de jurisprudence analysés

Ce travail deviendra graduellement à la portée d’une intelligence artificielle (IA), infatigable et capable d’éviter tous les biais cognitifs induits par notre cerveau. Depuis juin dernier, un cabinet d’avocats américain utilise officiellement un logiciel capable d’analyser des monceaux de jurisprudence, d’en saisir le sens, leur degré d’application à un dossier précis et d’apporter des réponses argumentées à des questions posées directement. Une première qui va se généraliser, tant les avantages sont évidents.

L’idée d’une automatisation de la justice peut sembler choquante. Dans les affaires d’assises, où l’intime conviction de jurés face à une culpabilité parfois incertaine est requise, elle semble difficile. Mais l’immense majorité des dossiers encombrant nos tribunaux concerne des cas bien différents : contentieux commercial, divorce, problème de voisinage… Si une machine est capable demain de « digérer » en quelques secondes l’ensemble des cas similaires et des jugements passés, en adaptant extrêmement finement sa décision au cas précis, ne pourrait-on économiser de lourdes procédures, supprimer des années de délai ?

Justice plus juste

Les défenseurs du rôle traditionnel du juge allégueront de la dose d’humanité, des infinies nuances qu’il doit mettre dans tout jugement. En réalité, une intelligence artificielle rendrait une meilleure justice qu’une personne influencée par sa propre idéologie et le contexte du jugement. Aux Etats-Unis, des études ont montré que la médiatisation d’un cas rendait la décision plus sévère. En science, le critère roi est celui de la reproductibilité d’une expérience ; le critère de la justice ne devrait-il pas précisément être celui de la reproductibilité d’un jugement ? Ce dernier ne devrait dépendre ni de la personne qui juge ni des circonstances. On en est aujourd’hui très loin.

Mais l’automatisation d’une partie du processus judiciaire n’aurait pas seulement pour avantage d’améliorer sa fiabilité et sa qualité. Elle serait une nécessité. La justice va, en effet, voir apparaître des milliards de nouveaux justiciables : les automates. L’intelligence artificielle va irriguer toute la société et modifier profondément la source des contentieux – drones, voitures, camions et avions autonomes, robots chirurgicaux, agents intelligents, « chatbots » seront de plus en plus autonomes et imprévisibles avant d’être dotés d’une conscience.

L’Internet des objets va devenir la première source de contentieux. Les automates vont prendre des milliers de milliards de décisions par seconde dans la France de 2030. Notre système judiciaire déjà asphyxié devra donc demain trouver un moyen d’accélérer radicalement son rythme de traitement des dossiers.Au-delà du seul problème quantitatif, il s’agira pour notre système de s’adapter à une nouvelle ère où les robots deviendront aussi des justiciables. Un travail impossible avec des classeurs papier. L’avenir de la justice passe par le silicium.

  • L’article est paru pour la première fois sur le site des Échos
  1. Laurent Alexandre est président de NBIC Finance. Olivier Babeau est porte-parole de la Fondation Concorde.
Voir les commentaires (13)

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  • Vous proposez la justice du « Meilleur des mondes » où l’homme ne se jugera point, ce sera l’affaire de robots plus ou moins bien conçus. Évidemment vous n’aurez pas de recours ou très peu, comme pour ces robots « Radars des routes » à la contestation déjà bien délicate. Lisez relisez Aldous Huxley et son livre prémonitoire « Le meilleur des mondes » et lisez « Radars et justes sanctions », http://www.monbestseller.com/manuscrit/radars-et-justes-sanctions-texte-integral
    A méditer.

    • Parcoureur ,

      Je vois dans ce qui suit «  »L’intelligence artificielle va irriguer toute la société et modifier profondément la source des contentieux – drones, voitures, camions et avions autonomes, robots chirurgicaux, agents intelligents, « chatbots » seront de plus en plus autonomes et imprévisibles avant d’être dotés d’une conscience. » » une magnifique contradiction avec la conclusion de l’auteur de l’article : Confions la justice à l’intelligence artificielle !.

      En effet , les bidules électroniques tels que drônes , robots , agents intelligents ( sic ) etc vont être implantés dans nos vies quotidiennes car parfaits au niveau technique et incapables de faire du mal ( on rejoint l’homme qui se prend pour Dieu..) et voilà t’y pas que ces merveilles de bidules électroniques vont créer des milliards de cas de contentieux que les robins de juges ne sauront traiter et donc , logiquement , l’intelligence artificielle y pourvoiera ( natûrlich , il faudra créer une super intelligence artificielle pour gérer les appels produits par la première et , in fine , une suivante pour le niveau cassation et une autre encore pour le Conseil Constitutionnel ….bon , des projections de ce type , j’en redemande ( das ist zum Totlachen…lol)!!!

      • volna: et voilà t’y pas que ces merveilles de bidules électroniques vont créer des milliards de cas de contentieux

        Au bas mot !
        J’aurais dis quelques centaines de milliard par humain à votre place, tant qu’a faire…

        volna: j’en redemande

        A mon avis vous en avez pris assez…

        • Merci , Ilmryn , de veiller fidèlement à ma bonne lecture des textes…bien sûr , l’auteur ne parle pas de milliards de cas de contentieux produits par les bidules électroniques mais simplement de : «  »L’Internet des objets va devenir la première source de contentieux. Les automates vont prendre des milliers de milliards de décisions par seconde dans la France de 2030. Notre système judiciaire déjà asphyxié devra donc demain trouver un moyen d’accélérer radicalement son rythme de traitement des dossiers.Au-delà du seul problème quantitatif, il s’agira pour notre système de s’adapter à une nouvelle ère où les robots deviendront aussi des justiciables » »

          Et tout le monde sait bien que l’énorme masse des automates , dont certains vont prendre «  » des milliers de milliards de décisions par seconde dans la France de 2030. » » sont naturellement incapables de produire cette énorme masse de cas de contentieux que j’annonçais…

          Pensez simplement aux robots largement utilisés dans la production automobile , s’ils sont mal configurés ( ou , pardon, , si leur intelligence artificielle est mal conçue…)…et qui travaillent sur des millions de bagnoles …contentieux , itou pour les informations financières arrivant aux plateformes de traders…etc..

          Je pense que vous en êtes resté à la production de la Dauphine , par la RNUR de Billancourt… Evoluez , que diantre…

  • mais ..la justice est déjà soumise a l’intelligence artificielle des juges ,un algorithme de plus , pourquoi faire …plus efficace…mais , il n’y a pas assez de places de prison pour y mettre tous les français!

  • Je suppose que c’est ironique, puisque la justice ne demande pas le moindre soupçon d’intelligence, naturelle ou artificielle… C’est la procédure de l’instruction qui en demande !

    • Bien sur que la justice demande de l’intelligence pour comprendre l’esprit de la loi, la jurisprudence qui peut parfois au premier abord paraitre contradictoire, …
      La justice ce n’est pas de la logique binaire sinon cela fait longtemps qu’elle aurait été confié à des machines.

      • Les contradictions alambiquées de la jurisprudence montrent combien cela aurait été mieux, sauf pour les arguties et les honoraires des avocats, si cela avait pu être confié plus tôt à des machines, sauf qu’elles n’avaient pas encore été inventées (même l’adoption de la machine qui tranche uniformément et de manière binaire sans s’enrayer ne date que du docteur Guillotin 🙂 )

  • J’avais lu cet article un peu surpris, sans en voir le nom de l’auteur. J’ai compris en le découvrant à la fin.

    Pour rappel, M Laurent Alexandre est l’un des plus ardents promoteurs du transhumanisme et de l’homme augmenté. Il voit un avenir avec une humanité gouvernée par des êtres humains super intelligents, issu d’une part d’une construction parfaite de la génétique afin d’optimiser le QI, la durée de vie et d’autre part, augmenté par des dispositifs augmentant la mémoire, la capacité de raisonnement. Ces super humains auraient les postes à responsabilité et pourraient vivre des siècles, voir indéfiniment. Quant aux autres, les attardés qui ont refusé cette « évolution de l’homme » seront relégués au rôle du troupeau dans des tâches subalternes et qui bêtement, refusant de voir la chance qui leur est offerte, finiront par mourir.

    Voilà ce la vision de l’humanité que je l’ai entendu défendre. Ça en dit long, sur sa vision des choses et dans quel contexte intellectuel il a pu rédigé ce genre d’article.

    • Toutes les technologies depuis 200 ans ont eu leur lot de prédictions apocalyptique, vous-mêmes êtes actuellement un homme augmenté avec à votre disposition le plus grand savoir ayant jamais existé, toute une foule d’aides et plus d’espérance de vie et de richesse que 95% du monde.

      Et pourtant ce qui oppresse l’Homme, ce sont toujours les « bonnes vieilles méthodes » : des gouvernements corrompus, incompétents qui d’un trait de plume appauvrissent, endettent, relèguent, bombardent, tuent des millions de gens.

      Les enjeux seront invariablement les mêmes que dans le passé: Les technologies ne doivent surtout pas tomber entre les mains des gouvernements et le monde doit rester assez libre pour qu’émergent des alternatives qui servent de contre-pouvoirs et de garde-fou.

      Google dans un monde de droit et de liberté ne peut pas vous empêcher d’aller chez un concurrent: un gouvernement si.
      Google ne peut pas vous faire arrêter pour délit d’opinion: un gouvernement si.
      Google ne vous contraint pas par la force à le payer: un gouvernement si.

      Orior1638: Quant aux autres, les attardés qui ont refusé cette « évolution de l’homme » seront relégués au rôle du troupeau
      [..]
      Ça en dit long, sur sa vision des choses et dans quel contexte intellectuel il a pu rédigé ce genre d’article.

      Il a vraiment parlé d’attardés réduits en esclavage ou c’est ce que vous avez voulu comprendre ?
      J’ai l’impression que ça nous en dit plus sur votre vision du monde que sur la sienne.

      • Si je me souviens bien de ses propos, il y avait clairement un sous entendu péjoratif, pour ceux qui refusaient d’une part la vie quasi illimitée dans le temps et d’autre part l’augmentation des capacité cognitives (que ce soit par la génétique ou par la technologie).
        Il disait clairement que l’humanité de pourrait pas échapper à une prise en main par ces êtres supra intelligents. Et que les autres, sans ces capacités cognitives, ne pourraient être à la hauteur de ces êtres dans la compétition mondiale. Il suffisait d’après lui, qu’un seul pays l’autorise pour que celui ci prenne un avantage décisif sur les autres. Et que dans notre monde globalisé, selon lui, ceci arriverait tôt ou tard, donc il fallait y penser à le faire avant les autres.
        Je peux vous assurer que je restitue là le sens de ses propos à défaut d’en restituer le contenu mot à mot. La question posée par un membre du public était de savoir quelle serait encore la part d’humanité de ces supra êtres qui rejetteraient le reste de l’humanité comme n’étant pas à leur hauteur. Je bous cite cette question pour cous indiquer que cette perception du sens des propos de M Laurent Alexandre n’était pas subjective mais bien partagée. La réponse donnée fut en résumé « De toutes façons, c’est inévitable », ce qui illustrait bien la vision, encore une fois de M Laurent Alexandre.

        Par ailleurs, nous ne sommes pas des êtres transformés avec des modification techniques permanentes comme des puces implantées ou nous ne sommes pas issus d’une construction génétique, gène par gène comme des briques. Nous disposons des expériences de nos parents et ceci depuis que l’humanité existe. Chrétien de Troye avait bien dit : « Nous ne sommes que des nains sur des épaules de géants » et notre époque a trop tendance à l’oublier.

  • Pourquoi pas en effet confier la justice à l’intelligence artificielle ?

    Encore faudrait-il qu’elle ne soit pas qu’artificielle, parce que pour l’intelligence, on va attendre encore un peu… beaucoup… jamais…

  • Les commentaires sont fermés.

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