Pour deux brassées de TGV

En passant commande de 15 TGV, Manuel Valls illustre l’État stratège : la dépense sans compter, le mépris de toute rigueur, l’électoralisme sans vergogne.

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Pour deux brassées de TGV

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 5 octobre 2016
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En France, à chaque solution doit correspondre un problème que le politicien s’empressera de trouver. Et mieux encore : à chaque problème correspond aussi une somme pharaonique que l’État s’attachera à dépenser rapidement dans un feu d’artifice communicationnel. Rassurez-vous : comme le veut l’adage, quand c’est l’État qui paye, ce n’est pas cher. Dès lors, quand Manuel Valls fait semblant de « sauver » une usine de trains en lançant une commande publique, tout le monde se doit d’applaudir à deux mains.

C’est aussi ça, la magie du pouvoir et des coups de mentons volontaires qui déplacent des montagnes à la sueur du front des autres : avec un minimum de volonté, une bonne motivation liée à l’approche concomitante d’élections désespérées, et un sacré p$*%ain de paquet de fric issu de contribuables tendrement attachés au consentement à la tonte l’impôt ainsi qu’aux nécessaires valeurs républicaines qui autorisent à peu près toutes les saloperies budgétaires, on peut arriver à annuler à peu près tous les coups du sort.

CorporatismeEt question sort, l’histoire de l’usine de Belfort illustre assez bien toute la puissance de l’État-stratège dont j’ai déjà parlé : cela fait plusieurs années en effet que cette usine, portée à bout de bras par la commande publique, avait vu son carnet de commandes s’étioler lentement. Le non-renouvellement des matériels SNCF, la fermeture de lignes ferroviaires peu ou pas rentables, le prix peu concurrentiel des motrices produites, facteurs auxquels s’additionnait la présence de l’État parmi les actionnaires avec toute sa finesse d’analyse et ses judicieuses orientations politiques, tout concourait à ce qu’Alstom entame une descente en petites foulées vigoureuses vers les enfers du capitalisme de connivence.

Début septembre 2016, l’annonce d’Alstom de relocaliser une partie de la production de Belfort à Reichshoffen, à 200 km de là, ne surprend donc qu’une classe politique complètement obnubilée par son désir d’avenir et qui ne peut pas se satisfaire du déplacement de 400 emplois de la France vers la France. Il lui faut donc agir, frapper les esprits par une puissance de feu directement proportionnelle à sa capacité de nuisance ponction : puisqu’il faut des commandes pour Alstom Belfort, on va commander à Alstom Belfort.

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Il ne faut pas désespérer Belfort : Manuel Valls a donc décidé de commander quelques demi-douzaines de trains. J’écris « quelques demi-douzaines » car le nombre précis, ainsi que le montant total de la transaction, sont assez difficiles à estimer. Selon des journaux pilotés par une Agence France Presse manifestement sous amphétamines, l’État aurait commandé pour 700 millions de trains, soit 15 rames. Ah, pardon, on me dit dans l’oreillette qu’il s’agirait de 16 TGV. Pour Libération, au taquet, c’est plutôt 21 TGV et 20 dépanneuses qui sont dans la commande. Pour le Monde, il s’agira de 15, et n’en parlons (presque) plus. Question montants, c’est là encore le même nuage de chiffres : de 400 à 700 millions, en comptant (ou pas) les investissements d’Alstom elle-même, en répartissant sur les années de production ou pas, on finit par comprendre que l’État va devoir débourser plusieurs centaines de millions pour éviter, non pas le chômage de 400 personnes, mais leur seule relocalisation.

On évoquait le sort, parfois coquin. Celui-ci nous aura cependant épargné le pire puisqu’Alstom produit plutôt des wagons et des locos et pas des préservatifs. Dans ce dernier cas, le Premier ministre nous en aurait probablement commandé 80 milliards, que, comme les trains, il aurait fallu utiliser à tout prix. Pour les TGV, il suffira de les faire rouler sur des lignes inadaptées ce qui en fera les trains inter-cités à petite vitesse les plus clinquants de l’Histoire (mais au moins avons-nous « sauvé » 400 travailleurs qui n’étaient pas menacés de chômage) ; 80 milliards de préservatifs auraient constitué un problème plus épineux que, même avec la meilleur volonté du monde, Manuel n’aurait pu écouler seul. Ouf. On peut donc se réjouir du choix judicieux (stratégique, même ?) de nos politiciens lorsqu’ils déversent ainsi la manne publique. Ou, alternativement, on peut regretter qu’Alstom ne soit pas dans les produits lubrifiants : l’année 2017 promet à ce titre des besoins surnaturels pour tous les Français.

baril de vaseline 200L

La journée du 4 octobre sera à conserver dans les annales comme l’une de ces journées où le gouvernement, trop imbibé de substances caféinées, se sera lancé dans des dépenses parfaitement consternantes pour contenter quelques catégories spécifiques de la population à des fins bassement électoralistes : plan de « sauvetage » des déserts médicaux, mesures de « sauvetage » des agriculteurs, « sauvetage » de l’usine Alstom de Belfort,… l’État pompier n’a jamais autant arrosé de tous côtés, travaillant à sauver des populations qui n’auraient jamais eu besoin d’être sauvées si l’État n’était pas déjà massivement intervenu, de travers, dans leurs domaines respectifs.

Et à chaque fois, on peut dresser la même constatation du côté parfaitement dérisoire des décisions prises : ces petits pansements hâtifs sont posés de travers sur des jambes de bois déjà bien vermoulues par des incompétents notoires exclusivement intéressés par une sorte de « damage control » de leur image déplorable à l’approche des élections. Ainsi, la commande pour Alstom permet de « sécuriser l’activité » jusqu’en 2021, autrement dit, après-demain, à un coût énorme pour des finances publiques exsangues, avec au bout une production dont l’adaptation aux besoins est assez discutable. Les problèmes structurels de coût de main d’œuvre, de charges sociales, les problèmes inhérents de la trop grande dépendance de la commande publique ne sont en rien résolus : le gouvernement a juste retardé tout effort de remise en question. Après lui, le déluge (et pas de pognon public, cette fois).

En réalité, cette affaire illustre assez parfaitement ce qu’État stratège signifie : il s’agit d’un appareil administratif public totalement à la solde de ceux qui le dirigent, dont les actions sont stratégiques pour assurer leur bien être et, éventuellement, leur réélection. Tout le reste n’est que fadaises.

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  • il n’y en a plus que pour les pleurnicheurs dans ce pays . tout ce cirque pour 480 bonhommes sclérosés par la peur de déménager . Pitoyable.

    • Pour le coup la « peur de déménager » est peut etre l’argument le plus valable dans tout ça. Il me semble avoir lu que les ouviers de belfort sont propriétaires de leurs maisons, avec un crédit sur le dos à rembourser.
      Si ces 480 salariés vendent leurs maisons en meme temps, les prix vont automatiquement s’effondrer (forte offre, aucune demande), et ils n’auront probablement plus les moyens d’offrir le meme cadre de vie à leur famille à Reichsoffen.
      Une sorte de demi-mort sociale et économique pour eux, qui n’est pas à négliger.

      De plus, l’arret d’une telle usine sur une ville comme Belfort porte un coup très rude à l’économie locale : tous les commerces chez qui allaient ces ouvriers verront leur clientèle (fortement ?) diminuer, et avec ça un risque de chute en cascade.
      Et je ne parle pas d’éventuels sous traitants sur place qui dépendent d’Alstom.

      La menace n’est pas sur Alstom elle meme qui se porte très bien, mais sur la ville de Belfort et ses environs.
      Et ça, ça justifie une politique économique locale.
      … mais pas l’achat manu militari de 15 trains inutiles.

      • Avec 700 millions d’euros, il y avait surement moyen pour l’Etat de racheter leur maisons aux ouvriers (au prix fort, pour les aider à se racheter une nouvelle maison près de Reichshoffen) et pourquoi pas d’en faire des HLM. Double victoire pour Valls. Je suis certain que ce plan aurait été bien mieux accepté par les français. Triple victoire pour Valls.
        Même quand il veut faire de l’interventionnisme, il trouve le moyen de le faire mal…

        • Vous êtes sérieux ? Pensez vous vraiment que ça aurait été mieux compris que ce soit appliqué uniquement aux salariés d’Alstom ?
          Et ceux qui étaient en location vous leur versez la différence ?
          Pourquoi ne pas aussi appliquer cette mesure de rachat de logement pour tous les salariés qui sont obligés de se relocaliser pour un nouveau boulot ?
          Un travail n’est pas quelque chose de pérenne. Et ça touche 50% des français une fois dans leur vie (hors fonctionnaire). Etre propriétaire c’est un risque.

          La réaction normale actuelle d’un salarié d’Alstom serait de demander sa mutation immédiate en Alsace et ainsi il pourrait éviter la chute des prix immo et pérenniser son emploi car dans 6 mois (cas d’une commande purement électoraliste) ou dans 4 ans le problème se reposera : aucune entreprise sauvée de cette façon n’a jamais survécu,il y a des exemples à la pelle.

  • On parie que cette commande annoncée à grand fracas n’aura pas lieu?

    • non elle n’aura probablement pas lieu car elle est contraire aux règles nationales et européennes il est interdit de traiter un marché de 500 millions sans appel d’offres à l’échelle européenne, et serait automatiquement reclassé en aide d’Etat illégale. les clowns à roulettes aux commandes de l’Etat le savent mais espèrent que Bruxelles ne se manifestera pas avant la campagne 2017 mais leur pari sera probablement perdu car ils m’étonnerait que des concurrents n’engagent pas des poursuites dans les jours qui viennent …

  • Nous somment leurs serfs.

  • Au vu du coût de l’opération, on aurait carrément pu donner un chèque de 1 million d’euros aux employés en guise de prime de licenciement…

  • dans la mesure où l’Union Européenne va mettre son veto à cette subvention directe, ces achats n’auront effectivement pas lieu. Mais : ce veto tombera après les échéances de 2017, et en plus il permettra de dire que si l’usine doit fermer célafôtaleurop. Et donc quoi qu’il arrive ça sera tout bénef pour les clowns en place, et pour ceux qui vont les remplacer (pour une fois que ça leur retombera pas sur le coin du bec, il faut en profiter !)

  • 20 dépanneuses pour 15 rames de TGV : il manque donc 26 dépanneuses de dépanneuses, 33 dépanneuses de dépanneuses de dépanneuses, …, etc.
    Sans parler des dépanneurs pour assurer la parité du genre.

  • petite consolation , je doute fort que cette énième dépense innutile permette au ps de se faire réelire ; certe les 400 emplois resteront sur place , mais les centaines de millions d’euros de cette dépense , ce sont des millions de contribuables qui vont la payer et ceux là , faudra pas leur demander de voter pour un parti qui dilapide bêtement notre argent ;

    • Mais c’est peut-être du billard à 3 bandes pour discréditer Montebourg, Valls, et même Macron et faire apparaître un candidat providentiel qui lui n’aura fait que croire à ce qu’on lui aura assuré : que la croissance revenue permet de s’offrir des danseuses.

  • Attention les conducteurs de TGV partent à la retraite à 49 ans avant les autres…
    Le salaire statutaire d’un conducteur de TGV n’est pas le même qu’un conducteur de ligne régionale…..
    Logiquement le conducteur de motrice classique va faire grève parce qu’il n’a pas un TGV.

    Sic en fait c’est un beau bordel et une foultitude d’effets pervers plus ou moins discrets en perspective…

  •  » le gouvernement polonais romp les négociations d’un contrat portant sur l’achat de 50 hélicoptéres caracal d’airbus , évalué à 3,14 milliards d’euros  » ( la tribune )..; j’ose espérer que notre trés généreux gouvernement ne va pas racheter ces 50 hélicoptères dans le seul but de continuer à faire tournenr la machine……..;

  • Vous êtes salarié d’une usine de trottinettes en difficulté ? Pas de problème, l’Etat va vous commander … des bicyclettes par douzaines dont il n’a pas d’utilité (Taubira a quitté le gouvernement ). Je plaisante, vous êtes une PMI anonyme, l’Etat ne pense à vous que pour vous taxer et vous imposer des réglementations toujours plus délirantes, sinon vous pouvez crever.

  • L’achat de voix le plus cher de toute l’histoire. 1 million par bulletin de vote.

    • Pas sûr CHATP, rappelez vous la Chapelle d’Arblay 300 emplois « sauvés » par Fabius pour 3 milliards de francs si mes souvenirs sont bons…

  • « [le] 4 octobre sera à conserver dans les annales […] »
    Vous êtes sûr de vouloir garder les deux « n » à annales ?

  • Creuser et reboucher des trous, on y est.

    Le plus effrayant, ce sont les réactions molles des médias (Ouest France ne le mentionne même pas) et l’incompréhension fondamentale d’une bonne partie de la population qui ne voit pas le rapport entre sa lente paupérisation et le naufrage de l’état dans une corruption qui devrait relever du pénal pour les responsables. En Suède l’affaire « Toblerone », une élue qui avait utilisé sa carte pour des achats personnels (dont deux Toblérone), avait déclenché un scandale. En France ils se paient des trains inutiles et tout est normal.

    Je souhaite bien du courage à ceux qui restent, moi je suis parti (je me demande si je suis parti assez loin?)

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