Accès aux médicaments : le triste ratage des Nations Unies

Si personne ne nie l’urgence, d’un meilleur accès aux médicaments, la mission confiée aux experts par les Nations-unies surprend par sa formulation, qui suggère une incompatibilité entre accès aux médicaments et propriété intellectuelle.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Accès aux médicaments : le triste ratage des Nations Unies

Publié le 17 septembre 2016
- A +

Par Pierre Garello.

Accès aux médicaments : le triste ratage des Nations Unies
Ban Ki-Moon By: International Fertilizer AssociationCC BY 2.0

Le Secrétaire général des Nations Unies, Mr. Ban Ki-Moon, a formé en novembre dernier un groupe d’experts en lui confiant pour mission d’«examiner et d’évaluer des propositions et de recommander des solutions qui permettraient de mettre fin à l’incohérence qui prévaut actuellement entre les droits légitimes des inventeurs, les droits de l’homme, les règles commerciales et la santé publique dans le contexte des technologies de la santé. »

Ce groupe d’expert, baptisé High Level Panel for Access to Medicines (Groupe d’experts de haut niveau sur l’accès aux médicaments) a remis aujourd’hui son rapport dont les principales conclusions avaient filtré avant l’été et qui nourrissait, avant même d’être publié, de vives inquiétudes.

Accès aux médicaments et droits de propriété intellectuelle

Si personne ne nie l’intérêt, voire même l’urgence, d’un meilleur accès aux médicaments, la mission confiée aux experts surprend par sa formulation qui suggère une incompatibilité entre accès aux médicaments et droits de propriété intellectuelle et qui incite donc à un affaiblissement de ces derniers. La publication du rapport du groupe d’experts montre que ces craintes étaient fondées.

Pourtant, la réalité est plus complexe que ne le supposent les experts. Il est évident que l’accès aux médicaments suppose qu’en amont des médicaments appropriés aux besoins soient développés. Or, la quasi-totalité des médicaments développés ces dernières décennies l’ont été précisément dans des pays offrant une forte protection de la propriété intellectuelle (comme la France).

Et la mise sur le marché de médicaments adaptés s’est plutôt accélérée. De plus, 95% des médicaments considérés comme essentiels pour les pays pauvres d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (plus précisément 350 sur 375) ne sont pas protégés par la propriété intellectuelle. Il semble donc difficile de voir dans les brevets accordés aux inventeurs (pour les inciter à chercher) la source première d’un moindre accès aux médicaments, et à des médicaments nouveaux.

Certes, on peut déplorer que l’industrie pharmaceutique ait des contraintes financières et donc des priorités dans le choix des médicaments à développer, mais cela n’implique en rien que le monde — y compris la situation des plus pauvres —serait meilleur si l’on abolissait la propriété intellectuelle.

Manque de réalisme des nations unies

Le rapport des Nations Unies est, en fin de compte, décevant par son manque de réalisme. Les bonnes intentions ne suffisent pas à faire de bonnes politiques. Certes la protection octroyée par les brevets n’est peut-être pas un système parfait, mais dans un monde de rareté relative aucun système n’est parfait et il est légitime, en effet, de s’interroger sur les moyens de palier ses faiblesses. Mais là n’est pas le propos du rapport. Ils veulent changer le système en profondeur. Ils veulent « déconnecter les considérations de coût avec les considérations de prix », mais pour instaurer quoi ?

La véritable question est la suivante : est-ce qu’un modèle basé sur l’initiative individuelle et la motivation du profit est moins performant qu’un système basé sur d’autres principes ? Le système de marché s’est accompagné de progrès rapides dans la mise au point et la mise sur le marché d’un éventail impressionnant de médicaments nouveaux. Les auteurs du rapport demeurent pourtant sceptiques.

Dès lors, la question qui hante tous les commentateurs est tout naturellement de savoir quel système, à supposer que celui de la propriété intellectuelle soit affaibli, est prévu par les Nations Unies ? Qui décidera des médicaments et traitements à développer et qui en financera le développement ? Devons-nous confier ces questions graves à des gouvernements qui n’ont pas pu, en près d’un siècle, régler le problème, pourtant bien plus simple, du logement social ?

Plutôt que de se lancer dans une chasse aux sorcières, les experts des Nations Unies devraient prêter une plus grande attention aux multiples rapports produits par de nombreux organismes qui oeuvrent depuis longtemps pour améliorer l’accès aux soins de santé pour les plus pauvres : manque d’infrastructures (routes, électricité, frigidaires,…), manque de compétences médicales, manque d’une organisation sérieuse des systèmes de santé, corruption… et la liste est encore bien longue.

Ce rapport détourne l’attention des vrais problèmes plus qu’il n’aide à les résoudre.

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Il serait intéressant d’avoir la liste de ce « groupe d’expert » et un aperçu de leur pedigree. Cela permet souvent d’éclairer les conclusions de bien des rapports.

  • « manque d’infrastructures (routes, électricité, frigidaires,…) »

    Pas politiquement correct : les pauvres doivent bouffer de la nourriture avariée pour sauver la planète du RCA !

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
jour du dépassement
3
Sauvegarder cet article

Par Michel Gay.

(Tiré d’un article de Michael Shellenberger paru sur Forbes le 29 juillet 2019.)

Depuis ce 28 juillet 2022 et jusqu’à la fin de l’année, l’humanité consommera plus de ressources que notre planète ne peut en produire de manière durable, selon le Global Footprint Network (GFN), qui détermine de telles dates depuis 1986.

L'humanité utilise la nature 1,75 fois plus vite que les écosystèmes de notre planète ne peuvent se régénérer. Cela revient à utiliser 1,75 Terre.

« Les pays riches utilisent les resso... Poursuivre la lecture

Par Alexander Hammond. Un article de HumanProgress

Voici le trente-troisième épisode d’une série d’articles intitulée « Les Héros du progrès ». Cette rubrique est une courte présentation des héros qui ont apporté une contribution extraordinaire au bien-être de l’humanité.

Nos héros de la semaine sont George Hitchings et Gertrude Elion, les deux scientifiques américains qui ont initié le développement de la conception rationnelle des médicaments.

Jusqu’alors, la méthode classique employée pour les découvrir reposait sur un... Poursuivre la lecture

inflation dette
2
Sauvegarder cet article

Paraphrasons : personne ne sait comment fabriquer un comprimé de Doliprane…

Hier, le grand Milton Friedman prenait l’exemple du crayon jaune, afin d’exposer sa vision du libéralisme.

https://www.youtube.com/watch?v=SDUB4Pw39sg

 

Hélas, je ne dispose ni de son talent, ni de sa vision. Je ne suis qu’un chirurgien de province mais cela m’offre un minime avantage : les inconvénients, je les vis. J’ai même le nez dans les diverses ruptures de stock dont souffrent plus cruellement les patients qui comptent sur un sy... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles