Conversations privées avec François Hollande

Persuadé qu’il laissera une trace dans l’Histoire, se persuadant, calculs à l’appui, que 2017 est « jouable », François Hollande est si satisfait de lui que pour demain, sans discussion possible, sa candidature est la seule concevable.

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Conversations privées avec François Hollande

Publié le 23 août 2016
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Par Philippe Bilger.

conversations privées avec le président K Rissouli A AndréConversations privées avec le Président, par Antonin André et Karim Rissouli, est un livre passionnant. Une mine psychologique et politique.

De 2012 à 2016, les auteurs ont pu s’entretenir avec François Hollande et en alternance avec des chapitres objectifs et factuels, ils nous offrent la parole aussi libre que possible du président sur une pluralité de sujets et de personnalités de droite ou de gauche.

Étrange d’abord que ces propos pour analyser les éléments saillants, les séquences fondamentales d’un mandat présidentiel qui ne se terminera qu’au mois de mai 2017. On n’attend pas en principe d’un acteur qu’il soit avant l’heure observateur ou mémorialiste.

Ou bien faut-il considérer que, malgré les apparences de résolution et d’espérance, François Hollande estime déjà que son quinquennat est achevé, en tout cas sur le plan des résultats ? L’argument de l’Élysée, vantant la transparence pour justifier cette surprenante entreprise, me semble un peu court. En tout cas prématuré. (Le Point).

De la manière dont le président traite de la politique, des hommes et des femmes de pouvoir, de la pratique de l’État, on comprend que la substance même des actions ne le passionne pas mais que seules lui importent les forces ou les faiblesses des comportements par rapport à l’échéance présidentielle à venir. Les ministres n’ont pas été choisis parce qu’ils auraient été les meilleurs à leur poste mais seulement pour correspondre à des configurations partisanes. Non seulement la Justice n’est pas évoquée une seule fois dans ces monologues mais la mention de Christiane Taubira à plusieurs reprises n’est reliée qu’à des considérations secondaires.

Les bévues de François Hollande

Si François Hollande ne doute pas de lui et revient souvent sur le lien qu’un président doit entretenir avec le pays parce que les citoyens attendent beaucoup de lui, et parfois des attitudes contradictoires, par exemple de normalité et d’exception, il ne semble jamais mesurer la portée, pour le discrédit de son image, de telle bévue grave, qu’il s’agisse de l’affaire Leonarda ou de son équipée ridicule et dégradante de la rue du Cirque.

Sur le fond il trouve toujours le moyen, quand il s’agit de s’expliquer sur ce qui a été perçu indiscutablement par l’opinion comme des erreurs ou des promesses imprudentes, de se défausser sur d’autres, notamment sur la mauvaise communication du parti socialiste, de sorte qu’il se préserve de toute responsabilité et ainsi cherche à apparaître comme quasiment nouveau pour la suite. Puisque l’échec n’est jamais de son fait et qu’il ne résulte pas d’une inspiration initiale défaillante.

Il n’empêche qu’il y a un régal, pour le citoyen et le lecteur, à le voir, délié de toute entrave, répondre à un questionnement qui lui permet de s’abandonner à son exercice préféré ; dire du bien ou du mal avec finesse, intelligence, cruauté subtile ou compréhension condescendante de ceux qui le soutiennent ou de ses adversaires. Il faut alors reconnaître que l’œil est perspicace et le jugement souvent sûr.

Certains, comme Nicolas Sarkozy, sont croqués sans indulgence et le pire est que la vérité de ce personnage se dégage des scènes, des anecdotes et et des conversations qui sont rapportées. Dans son propre camp, Jean-Marc Ayrault, le fidèle et dévoué, est cependant traité avec une sévérité guère éloignée d’une forme de commisération pour son peu de finesse politique et d’intelligence tactique.

Hollande sauve Royal et Macron

De ce jeu de massacre, il est intéressant de constater que sont sauvés Ségolène Royal jamais dans la faiblesse, Emmanuel Macron auquel le président voue une tendresse politique de plus en plus inquiète et Manuel Valls qui, en définitive, campé authentiquement dans la posture d’un républicain sourcilleux et ferme, sort grandi de beaucoup d’épisodes où sa constance et son énervement face à la mollesse et la lenteur présidentielles le sortent du lot.

François Hollande, on s’en doutait, est tout sauf un naïf. Les conversations avec lui ne pouvaient être privées de perfidie et d’intelligence. Certaines de ses analyses sont à la fois pleines de bon sens et de justesse. Notamment celles qui sont relatives aux rapports des politiques avec les médias et au caractère suicidaire d’une stratégie qui ne viserait qu’à s’occuper des deux gauches qui ne sont pas irréconciliables pour lui, contrairement à ce que pense Manuel Valls, et non pas de la France tout entière.

On aboutit à ce paradoxe. C’est un jeu de massacre qui se développe, sadiquement, voluptueusement, dans un bilan avant le bilan, dans un fiasco avant son constat officiel, dans un commentaire en marge de l’action. On aurait envie d’entendre François Hollande, personnage privé, donner son avis sur le personnel politique, la conquête du pouvoir, la médiatisation mais on laisserait volontiers de côté le président que François Hollande d’ailleurs surestime.

Persuadé qu’il laissera une trace dans l’Histoire, se persuadant, calculs à l’appui, que 2017 est « jouable » et si satisfait de lui que pour demain, sans discussion possible, sa candidature est la seule concevable.

Après avoir lu ce livre, chassant de soi les humeurs partisanes, les hostilités aigres et les désirs de changement, si on ne se fonde que sur l’alacrité intellectuelle, la capacité d’analyse, la finesse d’observation et une sorte de tranquillité démocratique, il faut bien admettre qu’à gauche il n’y a pas photo !

Mais, attention, le président bouge encore.

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  • Quel dommage qu’il ne s’applique pas à lui-même sed supposées perspicacité et sûreté de jugement…

    • Qu’il ne se l’applique pas à lui-même, soit, mais à notre pauvre pays surtout. Il est arrivé sans programme, au petit bonheur la chance, se croyant toujours en Corrèze à distribuer de bonnes paroles de ci de là, au cul des vaches, ce qui lui a servi jadis, motivait son confortable salaire, mais à Paris-capitale, il fallait une autre stratégie, et surtout de l’action. Déjà, avoir nié, et renié la crise économique de 2008, aurait dû nous alerter. Quand on est aveugle, c’est presque un péché d’être sourd aussi.

  • Il laissera très certainement une trace dans l histoire: une trace de pneu ..de scooter ?

  • La seule « trace » que cet homme pourra laisser dans l’histoire… est celle d’un NARCISSE !
    Celle d’un personnage fantasque, prompt à rejeter ses erreurs sur autrui ou la triste coïncidence.
    La trace durable pour l’avenir ? celle de l’homme qui ridiculisa la France aux yeux de l’étranger …

    Tonton-tuteur Mitterrand disposait d’une cartomancienne. Il semble ici que l’élève en soit dépourvu.

    • Tonton est beaucoup plus fin et n’avait surement pas utilisé les services d’une cartomancienne pour savoir qu’il n’en ferai jamais un vice sous-secrétaire d’état.

  • « Mais, attention, le président bouge encore ».

    Les électeurs n’ont pas encore bougé, eux… Mais je doute qu’ils restent tous complètement immobiles le moment venu.

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