L’étonnant filet de sécurité sociale de Taïwan

Taïwan n’a pas besoin de sécurité sociale pour avoir un filet de sécurité sociale beaucoup plus robuste qu’en France. Voici comment.

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L’étonnant filet de sécurité sociale de Taïwan

Publié le 21 août 2016
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Par Peter St. Onge, professeur à la Taiwan’s Fengjia University[*].

Un article de la FEE.

L'étonnant filet de sécurité social de Taïwan
By: Jirka MatousekCC BY 2.0

Les libéraux sont souvent moqués quand ils proposent de remplacer en grande partie l’État-providence par le marché : laisser entendre que des adultes valides seraient mieux servis avec davantage de liberté stimulante et moins d’allocations débilitantes, c’est fumer la moquette, non ?

L’exemple de Taïwan

Nous avons une étude de cas fantastique avec Taïwan. Avec un PIB par habitant du niveau de l’Espagne et du Portugal, et de moitié moins que les États-Unis, Taïwan a un petit État-providence couplé à des réglementations concises et appliquées avec retenue.

Le résultat ? Une explosion du commerce et apparemment presque aucun sans abri. Promenez-vous dans n’importe quelle ville taïwanaise et vous y verrez 24 heures sur 24, des rues vivantes où des commerces se relaient en permanence, employant principalement de la main-d’œuvre faiblement qualifiée en faisant la joie de ses consommateurs.

Pour se donner une idée, prenons une rue près de mon université, Wenhua Street à Taichung. À partir de 5 heures, les agriculteurs étalent leurs produits sur des tables pliantes tout le long de la rue. La clientèle est variée : des personnes âgées qui peuvent marcher au lieu de prendre la voiture jusqu’au supermarché, des mères avec leurs enfants ainsi que des pères qui se concoctent un petit-déjeuner.

Aux alentours de 7 heures les agriculteurs plient bagages et laissent place aux vendeurs de petits-déjeuners, qui déchargent de leurs camionnettes des tables pliantes et des chaises superposables. On y mange des sandwiches, des nouilles, des omelettes et des petits-déjeuners anglais complets jusqu’aux environs de midi. Ensuite, tout est rangé dans les camionnettes et l’équipe de nuit arrive : d’autres restaurants servent du poulet frit et des boulettes de viande et des revendeurs de vêtements, de montres et de jouets pour enfants prennent place. Au cours de la nuit on y trouve de la soupe chaude et de la bière fraîche. Familles, adolescents et célibataires déambulent jusqu’à 3 heures du matin, quand les nettoyeurs viennent préparer la rue pour les agriculteurs de 5 heures.

Des centaines de boulots, des petites rivières de rentrées commerciales coulent le long d’une seule petite rue. Chaque parcelle de rue est recyclée au minimum trois fois par jour selon ce que désirent les consommateurs. Et rien de tout cela ne serait légal dans la plupart des villes des États-Unis.

Un filet de sécurité qui reflète toute la beauté du laissez-faire

Trois conséquences intéressantes émergent de ce laissez-faire vis-à-vis des petits commerces.

Premièrement, les rues de Taïwan sont remplies de vendeurs toute la journée et toute la nuit. Il n’existe pas de ces dangereux déserts urbains qui foisonnent dans les villes américaines comme Washington et New-York. Vous pouvez errer en toute sécurité à 3 heures du matin n’importe quel jour de la semaine, et trouver plein de bars et de restaurants de rue, remplis de personnes joyeuses profitant de la soirée.

Deuxièmement, puisque le laissez-faire permet à un marché robuste de se développer, la nourriture de rue de Taïwan est saine, délicieuse et à prix dérisoire. Un repas complet coûte entre 1,5 et 2 dollars, dans un pays où les charges totales sont moitié moindres qu’aux États-Unis. Si on ajuste les prix, nous payons donc entre 3 et 4 dollars pour ce qui pourrait facilement coûter trois à cinq fois plus aux USA. De ce fait, ma famille ne mange pas qu’une seule fois par semaine à l’extérieur comme aux États-Unis, mais deux à trois fois par jour.

Pourquoi si peu cher ? Parce que le marché est considérablement laissé à l’auto-régulation : si un vendeur vend de la nourriture mauvaise ou insalubre, l’information se répand et il ferme boutique. En effet, c’est dans l’intérêt des autres vendeurs car c’est la réputation de toute la rue qui est menacée. Il en résulte que les vendeurs nettoient scrupuleusement leur équipement chaque jour ; il y a d’ailleurs des services de nettoyage à la demande qui circulent. La libéralisation est imbriquée : un service non-régulé, fourni à un autre service non-régulé, qui est en dernier ressort contrôlé par les clients eux-mêmes.

De mon point de vue de client, le résultat final est génial : de la nourriture délicieuse, propre et abordable, chaque jour du mois. C’est d’ailleurs apparemment ce que les Taïwanais font maintenant : il est normal de ne jamais cuisiner chez soi, mais plutôt de prendre des repas à emporter à deux dollars chaque soir, et de cuisiner seulement pour les occasions spéciales ou pour grignoter au milieu de la nuit.

Troisièmement, et probablement la plus importante, la conséquence sur le travail et l’autonomie. Lorsqu’un ami taïwanais a annoncé qu’il avait perdu son emploi, la première question de ses amis a été : quel genre de boutique vas-tu ouvrir lors de ta recherche d’emploi ? Il est tellement facile d’ouvrir un commerce de rue qu’une industrie entière s’organise pour rendre service. Si vous perdez votre emploi, prenez le bus, louez un stand de restauration pour un mois, payez 50 dollars pour des panneaux, faites les livrer à un endroit à forte affluence et mettez vous à cuisiner des twinkies frits, des hots-dogs ou tout autre chose que les passants souhaitent déguster. Cuisinez de nuit, continuez à chercher un travail de jour, et quand vous avez trouvé un emploi, rendez le stand pour récupérer la caution.

Liberté et opportunité : c’est ce qui sous-tend une prospérité et une sécurité véritables. Les résultats sont édifiants : en trois ans ici, dans une ville plus grande et plus pauvre que Saint Louis, je n’ai jamais vu une seule personne sans abri. La personne la plus démunie que j’ai vue était une vieille femme qui faisait pousser des orchidées et qui les vendait sorties du sac.

Il faut donc choisir : conserver des règlements destructeurs d’emplois et l’État-providence, ou réduire les charges qui pèsent sur les petits commerces et libérer le peuple.

 

[*]Peter St. Onge est professeur assistant à la Taiwan’s Fengjia University College of Business. Il tient un blog sur Profits of Chaos.

 

Traduction Antoine Dornstetter pour Contrepoints de Taiwan’s Social Safety Net Is the Street Market de la FEE.

Voir les commentaires (17)

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  • cela fait plus de trente ans qu’en Europe et tout spécialement en Belgique nous subissons via une AUTHENTIQUE chape de plomb une vrai dictature administrative qui à comme seul résultat 1) de bloquer toutes initiatives privées,2)justifier les salaires de bien des parasites de fonctionnaires

  • la france fait tout le contraire , puisqu’elle va coller la taxe régionale sur les entreprises , et les particuliers ; une de plus ;

  • Bonjour,

    merci pour l’article !
    Auriez vous des chiffres concernant le niveau d’alphabétisation, la santé, la sécurité, la durée de vie moyenne d’un Taïwanais, etc. ?
    Quel est le régime taïwanais ? monarchique ? démocratique ?

    bien à vous,

  • Je confirme tout ça pour y avoir traîné mes guêtres… pas un seul mendiant, pas de sans abris, une économie foisonante et un niveau de vie………. qui n’a rien à envier au notre.
    Le PIB par habitant est ce qu’il est, mais le pouvoir d’achat des habitants est bien supérieur à celui d’un espagnol ou d’un portugais.
    J’ai pris une grande claque en visitant Taïwan.

    • Ben moi je vous confirme que y a bien des sans domiciles a Taiwan, y a meme des soupes populaires, a cote de la gare de Taipei, mais peut-etre y etiez vous,en touriste? Quand au niveau de vie, et bien cela fait 30 ans que la petite poignee de grandes familles,qui controle l’ile n’a pas daigne a la moindre augmentation. La realite derriete ce beau tableau ces des cohortes de jeunes condamnes a des boulots de m… 70 heures par semaines pour 600 euros par mois, dans un pays ou les memes grandes familles manipulent l’immobilier faisant de Taipei une ville aussi chere que Paris, heureusement que les enfants, par piete filliale, demeurent chez papa maman jusqu’au mariage et encore. Enfin bon y a du boulot, mais pitie verifiez un peu ce que vous dites avant d’utiliser le mot liberal. La souplesse permet certes l’adaptation, je peu vous dire que les greves grindent un peu partout, voir la recente greve de la compagnie aerienne Huahang China airlines. L’economie foisonnante c’etait y a 20 ans. Le systeme educatif foule au pied le developpement de l’enfant, en faisant courir des marathons, ecole ecole privee, des momes de 7 ans pas couches a minuit. L’Asie est un piege pour ceux qui se cantonnent au apparence. Mais les taiwanais sont sympas, et la souplesse du systeme offre des opportunites a qui sait les saisir.

      • Il en faudra certainement un peu plus pour contre carrer les idées données dans l’article vu que l’IDH est de 0.868 vs 0.888 pour la france par exemple.
        De plus le salaire median PPP est très proche du salaire moyen et supérieur à celui de la france, ce qui bat un peu en brèche ce que vous dites…

  • Toupareil en France.

  • Je me pose une question: quid des handicapés?
    Je sais que je chipote, mais je me demande comment faire pour cette population spécifique. Je pense à une allocation comme en France ou la charité privée. Comment cela s’organise à Taïwan?

  • Y a un gros défaut dans votre Etat Providence taïwanais, c’est qu’il oblige tous les gens valides et en âge de travailler… à aller travailler…
    😉

  • Ensemble de possibilités à comparer avec le régime (sic!) accordé aux auto-entrepreneurs en France, où tout est régenté de manière à les conduire à verser de plus en plus de taxes, en mettant la main dans un engrenage fiscalo-administratif légèrement délirant. Mais il faut bien cela pour engraisser nos apparatchiks, non ?
    Quid de la réduction du chômage ou de la pérennisation d’activités à faible développement ? Aucun intérêt si cela ne profite pas, certes bien indirectement, à nos si chères  »élites » …

  • « la nourriture de rue de Taïwan est salubre »

    Mais bien sur. Vous oubliez les scandales sanitaires reguliers avec de l’huile de vidange notamment vendues comme huile de consommation.

    « pas un seul mendiant »

    On en reparle en visitant certains coins ensemble.

    « il est normal pour les gens de ne jamais cuisiner chez eux, mais plutôt de prendre à emporter des repas à 2$ pour la famille tous les soirs »

    Super: avec un regime comme cela, c’est cancer et crise cardiaque a 40 ans…

    Ah oui, j’y ai vecu 5 ans pour info… C’est certe un endroit qui merite d’etre connu et reconnu mais de la a utiliser l’exemple de Taiwan pour dire que le filet de securite sociale y est plus robuste qu’en France cela me fait doucement rigoler.

  • Excellent article! Les grandes économies de demain sont celles qui encouragent l’entreprenariat. Malheureusement, en Occident, on fait tout le contraire depuis quelques générations.

    P.S. La traduction laisse quelque peu à désirer. En français, on ne dit pas «manger dehors» (calque de l’anglais)… on mange au restaurant (à l’intérieur du resto). 😉

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