Replaçons l’individu au centre

Clamer que les objectifs communs ne peuvent être exclusivement atteints que par la centralisation de la prise de décision est une erreur. La Nature nous en offre l’exemple. Une métaphore sur la liberté individuelle.

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Replaçons l’individu au centre

Publié le 9 août 2016
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Par Qi Log.

Observons une nuée d’étourneaux. Harmonieux et dynamique sont les adjectifs qui viennent à l’esprit contemplant ce spectacle fascinant. Analyser les origines de ce phénomène naturel permet un raisonnement comparatif très intéressant dans l’observation des organisations de systèmes d’agents (d’individus) comme la société humaine. Les portées poétique et symbolique de cette image sont les fondements de ce texte.

Ces mouvements de nuées, essaims ou bancs de poissons, ont été étudiés en 1986 par Craig Reynolds. L’intérêt central de cette étude scientifique par simulation informatique qu’il a nommé BOIDS réside dans la nécessité d’identifier les composants et mécanismes du système afin de pouvoir le reproduire sur ordinateur.

Les règles expliquant ces mouvements d’ensembles sont suivies par chaque individu du groupe, elles ont été identifiées dans ce modèle initial ( et sont encore utilisées aujourd’hui par les études sur le sujet) comme étant :

QL1

Ce mécanisme de règles a donc l’effet suivant :

QL2

Grâce à cet ensemble de règles extrêmement simples appliquées par chaque individu, le groupe se comporte donc harmonieusement. Cette distribution horizontale répartit la prise de décision de manière homogène et totalement décentralisée. Le but de la cohésion de ces mouvements d’ensemble semble être la quête d’un objectif commun à tous les individus tel que la recherche de nourriture, la recherche d’un abri, la chasse et toutes les autres problématiques nécessitant le déplacement en groupe. Peut-être que l’apparition d’un intérêt de groupe n’est qu’une émanation des intérêts individuels, nous y reviendrons

Par ailleurs, il semble que la diminution du rayon d’analyse de l’agent (c’est-à-dire le nombre de voisins que l’oiseau observe et analyse constamment) augmente la dynamique de déplacement. Certaines situations stipulées plus haut, comme la chasse ou la défense contre les prédateurs nécessitent sans doute un dynamique optimale (changements de direction brutaux, réactivité) et on observe que plus la distance analysée est courte, et donc le nombre de voisins observés est faible, plus le groupe montre des comportements réactifs et dynamiques ; le nombre idéal de voisins à observer pour qu’un groupe de milliers (voire de dizaines ou centaines de milliers) d’individus atteigne une dynamique optimale semble se trouver entre 5 à 10 voisins observés par chaque agent.

Un aspect important de ce modèle est le fait que ces règles soient acquises par l’ensemble des individus sans nécessité d’être imposées. Elles sont respectées sans même être décidées. D’une origine génétiquement innée et instinctive ou acquise par mimétisme, ce comportement individuel à la racine de la dynamique du groupe, cette stratégie de résolution de problème, peut être perçue ici comme une des solutions optimales de l’évolution des espèces vivantes à épargner dans son tri implacable.

Quand on pense à l’évolution au sein de la vie, on se représente plus facilement l’évolution de la forme des animaux plutôt que l’évolution de leur organisation, mais ces deux aspects, la forme et l’organisation, sont aussi importants. Sûrement comment le corps le plus adapté sort vainqueur de cette course à l’adaptation, la meilleure organisation aussi.

Cette évolution au sein de la vie a donc fait émerger chez cette espèce (et de nombreuses autres) un comportement individuel qui porte en lui des implications de dynamiques de groupe bénéfiques. Émergence d’une loi passive (qui n’est pas imposée), utile à tous ; qui n’implique pas de réelle volonté globale et unique dans l’action mais provoque tout de même une cohésion apparente.

Ce comportement social exacerbe le lien entre l’harmonie de groupe et la liberté individuelle.
La cohésion sociale est ici émanation du comportement individuel. La liberté de ce dernier concernant le choix de sa direction et de sa vitesse est la clef de voûte du phénomène. Et même en considérant ce comportement comme étant régulé, il ne l’est que par l’individu lui même, et non par un tiers.

La nature a donc fait émerger ce principe comme une solution optimale, clarifions le à nouveau :

Dans une quête d’efficacité dans l’accomplissement d’un objectif commun, le groupe atteint une cohésion maximale quand l’individu observe et s’adapte en étant seul décideur de ses propres actions, il suit simplement quelques règles élémentaires qui ne lui sont pas imposées.

Malgré la splendeur du ballet, il n’y a pas de chef d’orchestre.

QL3

Ce concept de structure de prise de décisions décentralisée et distribuée, très répandu dans la nature, est fort intéressant dans l’analyse de l’organisation des sociétés chez les espèces animales intelligentes.

D’un point de vue économique, philosophique et politique dans l’étude de la société humaine, il se prête à merveille à ce fabuleux exercice qu’est l’analogie car il n’est finalement qu’une proposition d’organisation dans le but d’atteindre un objectif commun de manière optimale grâce à un comportement dynamique et réactif.

Alors trêve d’ornithologie, venons en à l’essence.

Application

Il n’est évidement pas question ici de dire que les humains devraient s’organiser comme des oiseaux . Mais analyser les dynamiques des systèmes naturels fut toujours une riche source d’inspiration, pensons à la pomme de Newton, et on peut ici transposer le principe étudié à certaines dynamiques humaines.

Résumons l’idée :

Ce système présente la possibilité qu’un ensemble complexe d’agents puisse tendre, évoluer, vers l’organisation décentralisée, dans le but d’optimiser ses chances de résoudre des problématiques de groupe .

Le nombre de scenario avec lesquels on pourrait tracer une analogie est considérable, je me focaliserai sur une comparaison avec l’économie humaine.

L’Économie d’une société donnée, dans le sens de l’ensemble des interactions économiques dans une société, correspondrait donc à la nuée dans cette métaphore : les oiseaux représentent les individus (particuliers ou entreprises), les interactions de mouvements correspondent aux interactions économiques, l’idée de distance serait remplacée par celle d’intérêt. Nous obtenons alors :

Un oiseau parmi des milliers, des millions, cherche sa place pour accroître ses chances et simultanément celles de l’ensemble, il observe ce qui l’entoure et s’adapte, interagit.

Un individu parmi des milliers, des millions, cherche sa place pour accroître ses chances, son quotidien, et simultanément celles de l’ensemble, il observe ses intérêts ; ce qu’il produit et ce qu’il achète, et interagit.

Bien que l’on puisse ressentir une certaine individualité émaner du modèle, rien n’empêche un oiseau ou un individu de s’entourer de ses proches. On peut considérer la place potentielle de l’affect dans ce modèle où l’intensité d’une relation peut faire partie des critères de composition de cette sphère à laquelle l’individu est attentif. Il est aussi intéressant de noter que l’on peut déjà observer ce phénomène dans certains comportements humains, voir les références plus bas.

Il existe en théorie économique un modèle qui semble pouvoir accompagner cette analogie d’arguments solides. Il s’agit du libéralisme classique, le laissez-faire économique. Ses principes serait transposés ici de la façon suivante :

Le Marché libre et ouvert, composé d’un grand nombre d’agents, atteint un comportement optimal (réactif et homogène) dans la recherche de prospérité quand la liberté d’action est réservée à l’individu, qui, gouverné par ses intérêts, participe pleinement aux décisions de groupe.
Afin d’approfondir le parallèle, le lecteur est invité a s’intéresser à des auteurs du libéralisme économique classique tels que F. Bastiat ou de l’école autrichienne d’économie comme F. Hayek. Un des axes de ces pensée est le constat qu’aucune entité politique centralisée n’est à même d’appréhender clairement la complexité d’un marché économique et qu’il est donc meilleur de laisser faire l’individu.

Un autre exemple économique, et technologique, est la révolution des systèmes Peer-to-Peer, comme Bitcoin, qui sont de nature distributive décentralisée ; c’est ce qui leur donne leurs puissances.

Le lecteur est invité à lire l’article sur ce sujet, précisément de visionner la vidéo d’Andreas Antonopoulos. Il est particulièrement intéressant de voir la similitude, au sein des systèmes d’échange d’information sur internet (P2P) comme au sein des systèmes d’organisation d’agents dans la nature (la nuée d’étourneaux), de l’émergence d’une solution d’organisation décentralisée répondant le mieux aux défis auxquels font face les individus. Le potentiel anti-corruption des systèmes distribués est aussi illustré dans la deuxième vidéo du même article.

Ce processus de repositionnement de l’importance de l’individu est aussi le cœur de théories philosophiques comme l’Objectivisme d’Ayn Rand (dans sa notion, par exemple, d’individualisme vertueux).

Conclusion

Cette perspective qui consiste à replacer l’individu au centre des processus d’organisations agit comme un prisme, une lunette qui permet une approche alternative des défis sociaux gravitant autour de la question de liberté individuelle, ce texte n’est rien de plus que cela, une proposition de perspective, un angle d’attaque.

Puisque d’autres pistes de réflexions semblent viables, clamer que l’atteinte d’objectifs communs comme le progrès social, la croissance économique ou la sécurité ne peuvent être exclusivement atteint que par la centralisation de la prise de décision est une erreur. La Nature nous offre de fascinantes images aux portées newtoniennes qui peuvent nous faire douter de certains monopoles décisionnaires dont l’efficacité mérite examen.

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  • Article intéressant mais qui présente des biais.

    Le vol des étourneaux est simple, des individus ayant intégré des règles simples de façon génétique, des objectifs simples et partagés et en fin aucune volonté individuelle consciente (du moins de haut niveau).
    La société humaine se sont des individus complexes n’ayant pas ou peu de règles fortes communes au niveau génétique, des volontés discordantes et des fois diamétralement opposées.

    De plus l’auteur tire une relation entre le vol des étourneaux et … l’économie; pourquoi pas mais les sociétés humaines ne sont pas qu’économie. La réduire à cela c’est aller vers de sévère ennuis.

    Au finale on peut promouvoir la place de l’individu, de sa volonté consciente et des actions qui en découlent puisque c’est la base même de l’esprit libéral mais chercher des exemples dans une nature qui ne présente pas cette volonté consciente me semble peu pertinente.
    Sinon je pourrais faire un article sur les molécules d’eau qui sous certaines conditions de température et d’impuretés forment des cristaux de neige ordonnés, est ce que cela veut dire quelque chose pour l’humanité ?

    • Merci de cette reponse qui nous  » repose sur terre » . j ai reve un instant a cette utopie que l homme pouvait avoir une conscience collective dans son present et ssurtoutdans son futur..
      Une conscience collective harmonieuse au point de preserver l individualite de chacun.
      Helas l homme est le premier predateur de l homme

    • Ah et j’oubliais dans le vol d’étourneau chaque individu a le même poids dans le vecteur résultant, justement parce que il n’ y a pas de centre; nous sommes dans un système homogène. Ce qui vous le remarquerez n’est pas le cas dans les sociétés humaines qui sont hétérogènes qu’on le veuille ou non un chef d’une grande d’entreprise est en lui même un centre, les sociétés humaines sont hétérogènes.

      • @ Montaudran

        L’article est très clair: il s’agissait initialement de comprendre (et de faire comprendre à et par un ordinateur) le « système » à la base de ces vols d’étourneaux: « éthologie », purement).

        Mais ‘homme n’est pas un étourneau (démonstration inutile) et « comparaison n’est pas raison » (sagesse populaire!). Un phénomène « naturel » observé avec une explication proposée qui tient la route, augmente ses chances de correspondre à la « réalité ». L’utiliser pour exprimer une idéologie est bien plus risqué, si pas caduc!

        Par contre, cette comparaison illustre (pas plus), très bien comment des comportements individuels peuvent provoquer une « dynamique de groupe » déjà bien connue, pratiquée et utilisée et qui n’a rien d’anarchique!

        Je pense d’ailleurs que ce comportement animal est à la fois génétique, un peu sans doute, comme une « propension à » ou un risque augmenté d’être atteint de telle maladie, mais aussi « culturel », terme « anthropomorphique »pour décrire à tout qui a vu la scène, la promenade (« éducative »?), sur l’eau, d’une canne promenant ses canetons.

        En économie, par contre, il est difficile d’ignorer la bourse, jeu à résultat théoriquement nul, où le « mouvement de groupe » favorisera sans doute celui qui n’en a pas fait partie mais a « joué » en pariant sur le résultat et la récupération des pertes ou des excès de prix d’achat des individus du groupe! Je ne dis pas que ça va contre la philosophie des étourneaux, évidemment.

        • @miky stouffs

          Je ne dis pas autre chose sauf que l’illustration reste faible car les conditions présentes dans le vol d’étourneau n’étant pas présentes dans les groupes humains, vous ne pouvez affirmer que ces absences n’infirment pas totalement le modèle. De plus les groupes humains présentent d’autres caractéristiques (volonté, conscience, individualité) qui font que le modèle vol d’étourneau est plus que probablement caduc.

          Le but de l’article est de dire qu’il faut remettre les individus et ses interactions au centres, fort bien c’est louable mais alors il ne faut pas s’appuyer sur un phénomène trop éloigné de « notre » réel. Peut être les exemple Peer to peer sont plus intéressant.

          Je soupçonne une volonté de mettre en avant une idée de « naturalité » indiscutable.

          • Les règles n’ont pas nécessairement besoin d’être simple pour que ça fonctionne, au contraire c’est lorsque la complexité augmente que cela marche le mieux.
            Les individus ne font que réagir aux paramètres avec des heuristiques et adoptent des stratégies différentes. Lorsqu’il ne s’entendent pas ils s’évitent, se fixe un territoire, se battent.. Parfois. Lorsqu’ils s’entendent ils forment des groupes, font des compromis etc.. En fonction des intérêts et expériences.

            C’est une erreur que de vouloir appliquer certains critères particuliers pour juger les choix d’individu en général et les déclarer mauvais ou meilleur. Les différences sont si importantes que les laisser s’adapter, même si leurs choix nous paraissent bizarres est quand même la meilleure des options.

            • « Les règles n’ont pas nécessairement besoin d’être simple pour que ça fonctionne, au contraire c’est lorsque la complexité augmente que cela marche le mieux. » >>>>> Vous dites cela parce que vous le croyez ou il y aurait des études qui le confirment, j’ai mon idée… Mais en définitive si cela fonctionne encore mieux dans notre humaine complexité alors cela signifierait que la centralisation que nous observons est le résultat de ce « marche encore mieux », paradoxe non ?

              « Lorsqu’ils s’entendent ils forment des groupes, font des compromis etc.. En fonction des intérêts et expériences. »>>>>> Mais bien sûr que les humains agissent ensemble pour faire civilisation, je crois que tous le monde l’a un petit peu remarqué. Mais avouez que ce n’est pas le bel automatisme harmonieux du vol d’étourneau et que justement les conflits invalident le modèle. L’humanité n’est PAS un vol d’étourneau…

              « C’est une erreur que de vouloir appliquer certains critères particuliers pour juger les choix d’individu en général et les déclarer mauvais ou meilleur. » >>>>> Je suis d’accord avec vous sauf qu’il y a une aporie, le libéral conspue la centralisation étatique qui n’est après tout qu’une des solutions humaines apportées par des relations humaines; au dernières nouvelles elle n’est pas amenée par des puissances surnaturelles. Donc vous comme n’importe quel autre humain, moi compris, vous apportez un jugement de valeur en la « déclarant mauvais ». L’humain est une machine à générer du jugement de valeur, certains libéraux se rengorgent en croyant qu’ils sont au dessus de ça, fatale erreur.

          • @ Montaudran

            Bonjour et merci pour cette réponse.

            Oui, le modèle semble efficace pour comprendre le comportement des étourneaux. Comme on sait, il y a des espèces animales « à comportement social » (nouvel anthropomormphisme) comme les fourmis ou les abeilles (mais il existe bien des abeilles « sauvages » solitaires!), les termites , les loups ou les « grands singes », avec des comportements individuels ou grégaires, sans généralisation!

            C’est donc bien là que la comparaison devrait s’arrêter.

            Donc si vous soupçonnez bien la motivation de l’auteur (qui « n’a pas de nom!), la démonstration n’est pas valide, bien sûr.

            Seule la proposition d’une « stratégie » proposant l’échange d’une participation à un système à discipline commune contre un bénéfice individuellement recherché et obtenu, est valable et déjà bien connue: armée, équipe de foot, cartel, sociétés ou même « démocratie ».

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