L’inquiétant retard démographique français

La population française progresse moins vite que celle de la majorité de ses voisins européens. La France doit revaloriser sa politique familiale et s’ouvrir davantage à l’immigration intra-européenne pour rattraper son retard.

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L’inquiétant retard démographique français

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 août 2016
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Par Ilyes Zouari.

L'inquiétant retard démographique français
By: Mysudbury.ca Ouisudbury.caCC BY 2.0

La population française croît de moins en moins vite. En 2015, la France finit 14e du classement des pays selon leur croissance démographique en Europe (hors Turquie), selon Eurostat. Elle rétrograde d’une place par rapport aux deux années précédentes, du fait de la crise des migrants. Il s’agit là de la croissance démographique totale, incluant croissance due au solde naturel et celle due au solde migratoire, et seule à avoir un sens afin de mesurer l’évolution des rapports de force entre pays.

Ainsi, la France métropolitaine n’est plus le deuxième territoire le plus peuplé d’Europe (hors Russie), dépassé par le Royaume-Uni (65,3 millions d’habitants) en 2011 et dont la croissance démographique (0,88 %) a été plus que deux fois supérieure à la nôtre en 2015.

La France, toujours 3ème en 2060 ?

La seconde place souvent attribuée à notre pays ne s’explique, en fait, que par l’intégration, toute légitime certes, de la population de nos cinq départements d’outre-mer (2,1 millions). Si la tendance devait se poursuivre, le Royaume-Uni pourrait devenir le pays le plus peuplé de cet espace d’ici 2060, et la France serait troisième, toujours derrière l’Allemagne.

Dans l’ensemble, ce sont les pays anglo-saxons, scandinaves et la majorité des pays germaniques qui tireraient leur épingle du jeu, au détriment de notre pays et, plus globalement, des parties latine et slave du continent. Or, les premiers ne partagent pas totalement les mêmes valeurs et les mêmes orientations économiques et politiques que les nôtres.

Afin de mettre un terme à ce déclassement, la France doit donc agir sur les deux leviers de la croissance démographique : la natalité et l’immigration. Mais tout en veillant à ce que cette croissance demeure essentiellement due à l’augmentation naturelle de sa population, condition sine qua non à la réussite de toute politique d’assimilation républicaine des nouveaux arrivants.

Signaux négatifs envoyés aux Français

Dans ce cadre, notre pays doit tout mettre en œuvre afin d’atteindre au minimum le seuil de renouvellement des générations, de près de 2,1 enfants par femme, niveau qu’elle n’a plus atteint depuis 1974. Les différents coups de canif portés à notre politique familiale ces dernières années vont donc dans le mauvais sens et expliquent peut-être en bonne partie la baisse du taux de fécondité observée en 2015, à 1,96 (1,93 pour la France métropolitaine).

Par ailleurs, les déclarations de certaines personnalités politiques établissant une corrélation entre vitalité démographique et hausse continue du chômage constituent un signal extrêmement négatif envoyé à nos compatriotes, en plus de relever de la plus grande irresponsabilité et inexactitude. Irresponsabilité d’abord, car la France se doit de maintenir son poids et donc son influence en Europe, d’une part, et d’autre part, car c’est bien notre niveau de fécondité actuel, quoiqu’insuffisant, qui explique que notre pays soit l’un des rares du continent à pouvoir se passer d’une immigration de masse. Contrairement à l’Allemagne, qui perd chaque année près de 200.000 « autochtones ».

Inexactitude ensuite, car l’ensemble des études en la matière démontrent bien que croissance démographique et croissance économique vont de pair, sous réserve que l’environnement des affaires soit favorable à l’investissement. D’ailleurs, force est de constater que 12 des 13 pays européens affichant une croissance démographique supérieure à la nôtre, affichent également un taux de chômage – largement – inférieur au nôtre (la Finlande étant la seule exception).

Rééquilibrer l’immigration

Pour leur part, les flux migratoires doivent présenter une répartition géographique des provenances au moins équilibrée en faveur des ressortissants originaires du vieux continent. La France est, en effet, le seul et unique pays de cet ensemble à connaître en permanence un solde migratoire européen minoritaire (Russie européenne incluse), situé autour de 40 % du solde total.

Chaque année, cette part représente presque partout ailleurs au moins la moitié de l’immigration totale nette, de plus ou moins 50 % au Royaume-Uni à près de 80 % en Allemagne jusqu’au début de la crise des migrants (sur un solde annuel déjà élevé de 300.000 à 400.000 individus), et a même atteint 83 % pour la Suisse en 2014 d’après l’Office fédéral de la statistique helvétique.

S’il est tout à fait normal que la France continue à accueillir des ressortissants extérieurs au continent, et en priorité ceux faisant partie de la vaste famille francophone (460 millions d’habitants sur quatre continents) auxquels nous lient de puissants liens historiques et culturels, la différence encore palpable de niveau et de mode de vie entre notre société et celle de la majorité des pays du Sud fait que cette singularité française (résultant du fait d’avoir longtemps empêché la libre installation des personnes venant des nouveaux pays membres de l’UE) constitue une grave erreur : une immigration majoritairement d’origine européenne est en effet de nature à faciliter considérablement l’adaptation des immigrants non européens en évitant toute concentration extra-européenne ne pouvant qu’entraver sérieusement tout processus d’assimilation.

Un retard datant du XVIIIe siècle

Enfin, nos hommes politiques ne doivent jamais perdre de vue le terrible retard démographique accumulé par notre pays du milieu du XVIIIe siècle à 1945. La France, qui vers 1760, était plus de trois fois plus peuplée que le Royaume-Uni dans ses frontières actuelles, 2,8 fois plus peuplée que l’Espagne (1,4 fois aujourd’hui), un tiers plus peuplée que l’Allemagne, et autant peuplée que le Japon (127 millions d’habitants de nos jours) et la Russie (144 millions). Notre pays hérite ainsi d’une faible densité démographique par rapport à ses grands voisins, de 117 hab/km2 (France métropolitaine), contre 269 pour le Royaume-Uni, 230 pour l’Allemagne, 202 pour l’Italie, ou encore 336 pour le Japon.

De la même manière que nul n’aurait imaginé il y a deux siècles que notre pays perdrait un jour sa supériorité démographique – et économique – continentale, il est tout à fait possible que la France retrouve très progressivement cette prépondérance, sous réserve de mettre en place tous les outils nécessaires en ce sens. Ce qui ne pourrait que renforcer davantage le poids de l’Europe dans le monde, dont la multipolarité serait alors consolidée.

  • Ilyes Zouari est secrétaire adjoint de la revue « Population & Avenir »

Article paru dans Les Échos

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  • Comparez l’âge moyen des Japonais, leur immigration et leur niveau de vie, éducation, chômage, avec le nôtre…
    Ce n’est pas par l’immigration, mais par la robotisation que l’Occident pourra créer et répartir de la valeur.

  • Cet article est il bien sérieux. Non Pas sur le côté analyse chiffrée. Mais surtout sur l’analyse du besoin d’une nation.
    Il semble positionner le classement au niveau quantitatif alors que le nombre de têtes ou de paires de fesses (on vit un monde de services tertiaires) est de moins en moins important pour classer un pays par production de richesses.
    Le problème de la France jusqu’en 1973 est que l’immigration était pilotée par les entreprises ayant besoin de travailleurs peu qualifiés en très grand nombre. L’alimentation en flux continu des travailleurs du Maghreb était essentiellement poussé pour maintenir les salaires à la baisse (les immigrés de l’époque étaient probablement moins regardants et moins revendicatifs) et par l’incapacité des dirigeante de l’époque (économiques, politiques…) à changer leurs processus de production et surtout leur bilan coûts avantages à court terme prônait l’importation massive de paysans du bled capables de tenir une pelle ou un marteau qu’à imaginer de nouveaux processus et à investir du cash…
    Concernant l’immigration subsaharienne, essentiellement à partir des années 80, la France étant déjà en crise depuis des années, je doute qu’elle ait été demandée par les entreprises. Elle est le probablement le produit des politiques d’aides sociales et de regroupement familial.

  • Grâce à la propagande américaine la préférence sexuel des Français ont changé et ce depuis les hormonothérapies bienvenues et aujourd’hui grâce aux nouvelles orientations LGPTistes libératrices : les proctologues ne sont pas encore des accoucheurs mais ça viendra ! Aussi ,pas besoins de l’ immigration la robotique va arranger tout cela comme au Japon toujours en avance !

    • C’est sur
      La plupart des activités back offices seront automatisées ou très assistées dans 10 ans (elles pourraient l’être dès à présent si les dirigeants d’entreprises le voulaient réellement ) idem pour probablement la plupart des activités administratives publiques.

  • La population française progresse moins vite que celle de ses voisins. Et alors ? Avant de proposer des mesures supplémentaires dans un pays où la politique pro-natalité est déjà une des plus interventionnistes au monde, ne conviendrait-il pas de nous expliquer en quoi les citoyens ne savent pas comment et pourquoi on fait les enfants…

    • Je suis d’accord avec vous. Y a t’il un niveau de population idéal ou est ce juste un délire nataliste se réduisant à : toujours plus ?
      L’auteur pose qu’il y aurait un « retard » ancien, cela suppose donc que dans son esprit il y a une courbe « idéale » que nous sous-performons, nous devrions tout simplement être plus nombreux et tout irait pour le mieux. Combien ? sais pas mais plus.

      Le catastrophisme nataliste est ancien en France mais avant c’était le spectre de la masse allemande, un problème militaire donc. Une poitrine c’était un fusil, le calcul était simple.
      Aujourd’hui l’article semble dire que le problème est économique, Plus de personne en France et tout ira bien… c’est vraiment léger comme raisonnement..

  • Bonjour

    Article furieusement constructiviste.

    Un libéral considère que l’état n’a pas de politique migratoire, ni nataliste ou même pire de vision de suprématie de l’état sur ses voisins.
    L’état est neutre par rapport aux choix des individus (dans le respect de la loi).
    L’état n’a pas à décider de la bonne natalité, l’état n’a pas à décréter le bon flux migratoire, l’état n’a pas à décider de l’optimum de densité de population.

    • Il est aussi possible de dire que la majorité des apports de population exogène ont été le fait d’entreprise avec de forts besoins de main d’oeuvre non qualifiée.
      La légende selon laquelle c’était l’Etat ou le pays qui avait besoin de reconstruire le pays dans les années 50 et 60 est bien belle mais peu voire pas fondée. L’État n’a fait que régulariser les arrivants.
      Donc c’est bien une démarche libérale qui à fait arriver des immigrants.
      Par la suite, l’État, par le regroupement familial et la founiture de services et d’aides sociales à accru ce flux et à fixé les populations.
      Ce qui est cocasse, c’est que les descendants de ces immigrés , dans des situations de non emploi voire de non employabilité, ne font pas comme leurs parents, cad migrent vers des territoires plus verts.
      Il doit y avoir quelque chose d’exceptionnel en France qui fait que des personnes qualifiées et théoriquement faciles à intégrer dans le marché du travail local préfèrent quitter leur pays, alors que d’autres, non adaptés aux besoins du marché, et n’ayant que peu de chances de trouver un travail, préfèrent rester.

  • Compte tenu du taux de chômage, est-il vraiment nécessaire d’encombrer encore davantage Pôle Emploi et de faire naître de futurs malheureux? Quel est l’intérêt d’avoir un pays surpeuplé dans un monde déjà surpeuplé? Je ne vois pas la logique du raisonnement.

    • Je crains que l’idée est de compenser les départs à la retraite afin de maintenir suffisamment de cotisants pour payer les montants nécessaires aux retraites et au système de redistribution.
      C’est oublier les gains de productivité et le changement des besoins en qualifications.
      Il y a suffisamment d’exclus du système scolaire pour prendre en charge des tâches d’aide à la personne.

    • horrible article, qui pour avoir de la croissance à tout prix encourage une natalité frénétique… Nous sommes déjà bien trop nombreux, notre mode de vie n’est pas soutenable sur quelques décennies et il faudrait encore plus ?…pour vivre heureux, il ne suffit de faire de la croissance, par contre vivre les uns sur les autres n’arrange rien… Sur un site libéral réclamer l’intervention de l’État, c’est quand même fort de café…

    • Monde surpeuplé par rapport à qui et à quoi ? En Australie, vous pouvez faire plusieurs milliers de km en voiture sans croiser personne.

  • Au même titre que le déficit ne doit pas dépasser les 3% ou l’inflation tutoyer les 2%, le taux de natalité doit être de 2 enfants, sans quoi ce sont le sang, les larmes et le bannissement. Comme d’hab, ces chiffres, peut-être valides à une certaine époque, le sont ils encore? A pas loin de 6 millions de chômistes (ou équivalents partiels…), plein de centaines de milliers d’expatriés et un un bon 6% d’immigrés non intégrés, je ne suis pas sûr que ce constat démographique soit encore pertinent.

  • « une immigration majoritairement d’origine européenne est en effet de nature à faciliter considérablement l’adaptation des immigrants non européens en évitant toute concentration extra-européenne ne pouvant qu’entraver sérieusement tout processus d’assimilation. »

    C est pour ça (immigration polonaise notamment) que les britanniques ont vote pour le brexit…No comment sur cet argument.

    Il semble que l auteur pense que la difficulté de s intégrer ne provienne que des personnes issus des pays d Afrique d’ou sont probablement issus ses propres aïeuls du reste. Il veut aller dans l air du temps probablement.

    Ceci est faux. Le HCI (Haut conseil Intégration qui a été depuis remplacé) a précisé qu’une intégration est difficile pour tout le monde. Preuve est fait que seul 30% des immigrés italiens ont réussi leur intégration en restant en France, les autres sont rentrés au pays. Ce processus est délicat pour toute personne intégrant une nouvelle société.

    Par ailleurs, l Auteur doit se rappeler que pour bien s’intégrer il faut maitriser la langue française. Or, je suis convaincu qu’un sénégalais (exemple Lamine Sane ex-joueur de Bordeaux venant d’être transféré au Werder de Breme) a plus de chance de parler français qu’un suédois (exemple Zlatan Ibrahimovic)

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