Quand la cuisine favorise l’intégration

Le commerce permet de tisser des liens forts entre les individus et les communautés, qui ont plus d’intérêt à échanger qu’à entrer en guerre les uns contre les autres.

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La cuisine favorise l'intégration-Poulet General Tao By: Jarrod Lombardo - CC BY 2.0

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Quand la cuisine favorise l’intégration

Publié le 24 juillet 2016
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Par Mathieu Bédard.

La cuisine favorise l’intégration-Poulet General Tao By: Jarrod LombardoCC BY 2.0

 

J’ai récemment regardé The Search for General Tso sur Netflix, un documentaire qui s’intéresse à l’histoire du poulet général Tao, mais aussi de façon plus large à l’immigration chinoise et aux restaurants chinois aux États-Unis. Plusieurs de ses observations sont aussi vraies au Canada. C’est un superbe documentaire, je le recommande à tous. Mais surtout, il illustre bien certaines propriétés de l’économie de marché et du libre-échange qu’on oublie parfois.

Sans divulgâcher quoi que ce soit, puisque c’est révélé dans les trois premières minutes du film, le général Tao a véritablement existé. En revanche, il n’est pas l’inventeur du plat qui porte son nom, et même ne l’a-t-il jamais goûté, puisque c’est une invention relativement récente.

Le commerce et la cuisine favorisent l’intégration

Ce qu’on y apprend par contre, c’est la façon dont le commerce a aidé l’intégration des immigrants chinois aux États-Unis. Face à différentes vagues d’opposition à cette immigration, la cuisine chinoise, parce qu’elle a su s’adapter mais aussi grâce à l’ingéniosité de ses entrepreneurs, a joué un rôle important dans la réconciliation et l’acceptation des Chinois en Amérique du Nord.

Et le poulet général Tao n’est que l’un des derniers plats à avoir joué ce rôle. Au début du siècle dernier, c’était le chop suey. Plus tard, dans certaines régions des États-Unis, c’était le poulet aux noix de cajou. Le film documente l’histoire de ces restaurateurs faisant face à une vive opposition xénophobe dans divers endroits d’Amérique, pour ensuite se faire accepter par l’entremise de ces différents plats qui sont des adaptations de la cuisine chinoise destinées aux palais occidentaux.

Le poulet général Tao est emblématique par sa simple popularité. On peut le trouver presque partout. Ici au Québec, plusieurs enseignes de restauration rapide proposent même des poutines au poulet général Tao. Un peu comme la viande fumée et les bagels, deux produits d’origine juive, font partie intégrale du patrimoine culinaire montréalais, présents partout et symbole de l’intégration de la communauté juive à Montréal.

Le libre-échange apporte la paix

Cela rappelle quelque chose d’important à propos de l’économie de marché et du libre-échange : ils apportent la paix. On entend parfois dire que les démocraties ne vont pas en guerre contre d’autres démocraties. C’est sûrement vrai, mais encore plus frappant est le fait que deux nations s’adonnant au libre-échange entre elles n’entrent que très rarement en guerre, puisque ce serait contre leur propre intérêt.

La même chose est vraie à propos du commerce et de l’intégration des communautés. Deux personnes qui font affaire ensemble se rendent dépendantes l’une de l’autre. Si l’une a intérêt à acheter, l’autre a intérêt à vendre. Dans ce sens, les échanges forcent le respect mutuel. « Le commerce adoucit les mœurs » et « guérit des préjugés destructeurs », pour paraphraser un philosophe du 18e siècle.

L’un des mots parfois utilisés par certains économistes pour évoquer l’économie de marché fait directement référence à ce que le documentaire The Search for General Tso démontre. Il s’agit du terme « catallaxie », qui veut dire troc ou échange, mais aussi « admettre dans la communauté » et « transformer un ennemi en ami ». Les restaurateurs chinois et leurs clients ont fait les quatre en même temps.

Le récit de The Search for General Tso est d’autant plus nécessaire que c’est un phénomène dont on vante trop peu souvent les mérites. Au contraire, aujourd’hui certains politiciens populistes comme Donald Trump prônent le repli sur soi, la construction de murs et le recul du libre-échange. Ce genre de documentaire rappelle que l’entrepreneuriat et le commerce tissent des liens forts entre les individus et les communautés.

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  • Bonjour

    Je reste sur ma faim aiguisée par l’illustration.

    http://www.marmiton.org/recettes/recette_poulet-general-tao_166187.aspx

    miam :).

  • Le libre échange apporte en effet la paix et aussi l’amélioration du pouvoir d’achat, donc la prtodpérité. C’est pourquoi il est incompréhensible qu’un Trump propose le protectionnisme.

    • Jacquespeter,

      Affirmation péremptoire ( mairemptoire comme on dit dans le Ch’nord ) mais facilement démontable pour le libre échange qui apporterait paix , prospérité ….il suffit de voire qu’actuellement , nous sommes censés être en période de libre échange mais qu’il y a des guerres , des tensions , de la misère et pauvreté partout …et de se souvenir qu’avant 1914 , il y avait le libre échange dans quasi toutes les régions du monde , des devises échangeables partout avec valeurs admises sans contestation , la capacité de voyager dans le monde avec un simple passeport et …que.malgré tout cela , on s’est carnagé pendant la guerre de 14.18 …

      • « .il suffit de voire qu’actuellement , nous sommes censés être en période de libre échange mais qu’il y a des guerres , des tensions , de la misère et pauvreté partout  »

        non, il n’y a pas la guerre partout et rarement entre pays qui commerçaient librement. Les zones de guerre sont justement dans les pays qui sont les plus fermés au commerce.

        « et de se souvenir qu’avant 1914 , il y avait le libre échange dans quasi toutes les régions du monde , des devises échangeables partout avec valeurs admises sans contestation , la capacité de voyager dans le monde avec un simple passeport et …que.malgré tout cela , on s’est carnagé pendant la guerre de 14.18 … »

        Le commerce international était beaucoup moins développé qu’aujourd’hui et les droits de douane importants un peu partout dans le monde. Les pays dépendaient beaucoup moins les un des autres qu’aujourd’hui.

        • pmn,

          « ‘.non, il n’y a pas la guerre partout et rarement entre pays qui commerçaient librement. Les zones de guerre sont justement dans les pays qui sont les plus fermés au commerce. »…

          On ne doit pas lire les mêmes cartes de conflit , car entre les guerres entre états , les guerres civiles , les guerres économiques et les diverses déstabilisations , il n’y a plus beaucoup d’états indemnes de tensions diverses…

          «  »Le commerce international était beaucoup moins développé qu’aujourd’hui et les droits de douane importants un peu partout dans le monde. Les pays dépendaient beaucoup moins les un des autres qu’aujourd’hui.

          Avant 1914 , le commerce international était très important , les droits de douane existaient comme aujourd’hui et servaient , comme aujourd’hui , à protèger les marchés intérieurs…

          Renseignez vous un peu sur les échanges monétaires et economiques pré 1 ére GM , et vous serez surpris …
          « 

          • « On ne doit pas lire les mêmes cartes de conflit , car entre les guerres entre états , les guerres civiles , les guerres économiques et les diverses déstabilisations , il n’y a plus beaucoup d’états indemnes de tensions diverses… »

            https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_guerres_contemporaines
            C’est peut être une histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide mais je trouve qu’il y’a au contraire très peu de guerres dans le monde ne ce moment et presque aucune guerre ouverte entre états.
            De plus, la majorité de ces guerres sont situées en Afrique et au moyen orient. Il n’y a pas la guerre partout.

            « Avant 1914 , le commerce international était très important , les droits de douane existaient comme aujourd’hui et servaient , comme aujourd’hui , à protèger les marchés intérieurs… »

            Il n’y a pas de droits de douane dans l’UE, ce qui est une énorme différence avec l’europe de l’époque.

            Il y’avait évidemment des échanges et des voyages internationaux à l’époque mais beaucoup moins qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, on peut trouver des produits venant de partout dans le monde dans n’importe quel supermarché et on trouve très facilement des gens qui ont visité 3 ou 4 pays étrangers, ce qui n’était réservé qu’à une élite à l’époque.

  • Il y a eu une chose comparable dans les années 90 – en France – avec le couscous qui a eu une fois l’honneur de passer comme plat préféré des français.

    Cette histoire d’effet social des plats qualifiés d’étranger, luttant victorieusement contre la « xénophobie » est marginale. En tout cas, bien inférieur à d’autres indices sociaux comme le taux de mariage inter communauté. Taux pourtant très fort en France aussi.

    Et pour quel résultat ?

    En réalité, il s’agit de l’habituelle storytelling consistant à majorer les reproches faits aux uns et minorer les différences des autres, pour arriver à ses fins.

  • Visions angéliques et innocentes de deux choses qui n’ont que les liens qu’on veut bien leur donner. Le libre échange est très utile puisque il attise la concurrence, et oblige les concepteurs et producteurs à se remettre régulièrement en cause. Leur but est de proposer au consommateur (solvable) des produits ou services dont il a besoin et de lui fournir la meilleure qualité possible, cela à un prix acceptable. Le problème principal vient des intermédiaires distributeurs, qui utilisent tous les moyens possibles pour manipuler les consommateurs et contraindre les producteurs à des conditions économiques à la limite du supportable. La survie du fabricant est le cadet de leurs soucis, sauf s’il est unique par son savoir faire ou par sa taille. Je vais même plus loin, car si le marché mondial n’offre pas aux grandes centrales d’achats le producteur répondant à leurs critères ou exigences, elles en créent de toutes pièces là où elles peuvent influencer les dirigeants du pays en leur faveur. Quand elles ne rachètent pas tout simplement le meilleur fournisseur (toujours selon leurs critères) après l’avoir étranglé, et les techniques éprouvées ne manquent pas, toute éthique mise à part bien entendu. Tout cela évidemment ne peut que participer au rapprochement des peuples.
    La restauration de proximité importée ne joue pas dans la même cour, et ce mouvement ne date pas d’hier. Il existait des pizzerias en France et en Allemagne il y a plus de 50 ans, même à Londres il y a un peu plus de 30 ans, et l’on y mangeait des pizzas meilleures que communément en Italie, car dans son pays d’origine, c’était le plat du pauvre, un peu de pâte à pain, une tomate en rondelles et un ou deux anchois. Aujourd’hui, on ne peut que constater que la pénétration de la cuisine exogène ne se fait que grâce à ses bas prix, comme cela a été le cas pour la mode chinoise et l’engouement récent en France pour les kebabs, où l’on voit un tas de barbaque halal mijoter à longueur de journée et servi à l’identique le lendemain. Qu’en est-il de la chaîne de froid?. L’absence de respect des règles d’hygiène explique en partie la compétitivité de ces produits et les fermetures administratives sont très fréquentes. Compte tenu de la clientèle constatée, j’ai la quasi certitude que cette tradition culinaire favorise plutôt le communautarisme.
    La cuisine et la gastronomie constituent une culture perméable qui est propre à chaque région ou pays selon ses traditions et ses ressources, de là à ce que le partage de ces cultures rapproche les peuples, il y a un grand pas à effectuer, qui a peu d’importance du reste, car lors d’un voyage en Écosse, j’ai rencontré énormément de gens très sympathiques et que j’aimerais recevoir chez moi, alors que je n’ai pas aimé, mais pas du tout le haggis
    Que je sache, le jambon braisé voire la choucroute bien garnie ou encore le travers de porc grillé n’ont jamais eu un franc succès auprès de la majeure partie de nos « visiteurs » ni influencé leurs goûts d’une manière perceptible, pas plus du reste que leur assimilation au peuple hôte. La culture gastronomique française par contre s’est trouvée enrichie à la marge par des plats exotiques, après les avoir adaptés aux exigences des papilles gauloises. C’est normal car elle est vivante et évolue en permanence.

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