Égalité, citoyenneté, foutaises

La loi Égalité et Citoyenneté, actuellement en discussions à l'Assemblée Nationale, est l'occasion de cavaliers législatifs douteux.
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Le Palais Bourbon à Paris, siège de l'Assemblée Nationale

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Égalité, citoyenneté, foutaises

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 juillet 2016
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Dans moins d’un an, l’Assemblée sera renouvelée. Concrètement, compte-tenu des vacances et d’un calendrier électoral chargé, il ne reste donc à nos députés qu’une poignée de mois pleins pour les laisser exprimer leur moi profond, leur créativité législative et les laisser passer toutes les jolies petites expériences sociétales qu’ils ont âprement préparées toutes ces années durant. Excellente raison, donc, pour se déchaîner.

Et justement, ça tombe bien : avec la Loi Égalité et Citoyenneté, il y avait un projet de loi tout désigné pour les idées les plus moisies belles qui pouvaient germer dans l’esprit fertile et inarrêtable de nos élus en mal de légitimité et de reconnaissance éternelle.

Il faut dire qu’arrivé à ce bout du quinquennat, il devient difficile de se lancer dans les lois aux répercussions économiques les plus importantes. La tentative désespérée de remettre un peu d’ordre dans le Code du travail par le truchement du factotum El Khomri ayant abouti à une situation de blocage quasi-parfaite en République du Bisounoursland, il faut donc se concentrer sur ces lois qui se contentent de bricoler à la marge, et qui peuvent toujours se parer de la morale, du bien-être ou de ce bon sens dont les députés sont, pourtant, si dépourvus habituellement.

Le sociétal est donc un domaine tout trouvé pour ces expérimentations législatives. Oh, attention, on ne parle pas de ces grands chambardements tels que le mariage homosexuel qui aura lâché sur la France des hordes de conservateurs assoiffés de destructions de magasins, de manifestations violentes avec échauffourées et d’occupations permanentes de places publiques pour réclamer un autre monde possible, démontrant d’ailleurs l’impuissance d’une police désemparée, incapable de calmer ces dangereuses mères de famille avec poussettes qui passaient leur temps à lancer pavés et objets contondants à des compagnies républicaines stoïques sur ordre. Non. Pas de ça ici, mais plutôt de simples bricolages qui n’ont, dans l’opinion publique générale, qu’un impact modeste sur les individus et semblent couler de source.

Or donc, quelques amendements permettent d’ajouter des petites sucreries législatives à un projet par ailleurs fourre-tout morne, et habituelle giclée de moraline grasse et corrosive d’un socialisme en bout de course.

Je ne vous ferai pas l’affront de détailler le projet global, ce dernier s’ébrouant mollement dans les boues épaisses du service civil obligatoire et de la réserve citoyenne, l’immixtion de l’État dans la vie associative, du mille-feuille administratif entre les régions et l’État, de la formation décidée, encadrée et organisée par l’État, la mixité sociale, l’égalité réelle, concrète, palpable, tangible et solide et des douzaines d’autres babioles plus ou moins cachées au détour des 41 articles, trois titres et de la demi-douzaine de chapitres qui forment ce gros patapouf législatif sur lequel il fut finalement fort aisé de coller plein de cavaliers.

On pourra en tout cas en citer deux, symptomatiques.

collectif antigone - liberté d'expressionLe premier, c’est l’extension de la lubie catastrophique de nos députés à vouloir absolument régenter les pensées. Surfant sans la moindre gêne sur le sophisme qu’interdire par la loi un négationnisme est un vrai acte de courage et qu’une interdiction d’une pensée idiote ou coupable permet de faire reculer les idées nauséabondes, nos braves élus ont décidé qu’il ne suffisait pas d’interdire la négation de la Shoah mais qu’il fallait aussi faire de même pour le génocide arménien. Youpi. La liste des génocides étant (malheureusement) assez longue, on peut déjà voir se profiler les supporters d’une loi mémorielle équivalente pour le génocide vendéen ou pour tous ceux qui viendraient à l’idée de quelqu’un de contester.

La suite logique, c’est d’interdire la contestation de faits historiques moins saillants, puis, pourquoi pas et par extension, verrouiller une bonne fois pour toutes certains champs de la géographie, de la biologie, de la physique ou des mathématiques que d’aucuns prennent un peu trop à la légère, merde à la fin : il est temps que la valeur de Pi soit gravée dans le marbre, les approximations ont suffisamment duré. Et de toute façon, la liberté d’expression s’entend toujours pour ceux qui ont une opinion décente, n’est-ce pas…

freedom of speech - liberté d'expression

Le second, c’est l’invasion, toujours plus loin, toujours plus forte, du législatif dans la vie intime des individus, de leur famille, et dans l’encadrement de leurs comportements. Cette fois-ci, il s’agit de légiférer sur les violences corporelles exactement comme si celles-ci avaient un jour été autorisées en France et s’il était permis, jusqu’à présent, de torturer ou frapper ses enfants dans la plus parfaite décontraction du législateur qui regarderait ailleurs en attendant tranquillement qu’un os se brise pour décider d’intervenir, éventuellement, peut-être… L’idée réelle des députés est donc d’accroître encore le champ d’application des textes existants et d’étendre ces interdictions au cadre de l’autorité parentale qui exclura donc « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ».

Comme souvent lorsqu’on pave l’enfer de bonnes intentions, les députés ont ici soigneusement alignés leurs pavés en croyant lutter contre les sévices faits aux enfants (ce dont toutes les lois précédentes se chargeaient pourtant déjà). Charge ensuite à l’État, dans sa grande intelligence et son immense finesse, de définir au quotidien ce que « traitement humiliant » veut dire. Délice de l’administration qui se chargera de retirer les enfants de parents jugés incompétents par la magie d’un texte de trop : forcément, il n’y aura pas d’erreurs, de dénonciations calomnieuses, de dérapages et de familles déchirées, jamais, puisque le texte part d’une bonne intention, voyons.

spanking - fessée

Mmmh, vraiment, ce projet législatif obèse, ces amendements cavaliers, tout ceci sent bon la fin de règne, la nécessité pour cette Assemblée de pondre de la loi toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus fort. La meute républicaine a reniflé sa fin proche et ces derniers projets, passés en blocs, sentent un peu l’hallali.

Chaque député, chaque ministre, gonflés de sa propre importance, veut passer sa petite loi, faire le plein de projets concrétisés afin de pouvoir dire enfin, lorsque le temps des urnes reviendra, « Regardez ce que j’ai fait pour vous » tant est forte la peur de se faire débarquer pour incompétence à la prochaine législative.

Mais surtout, l’actuelle majorité a bien compris qu’en tartinant ainsi les codes de leurs excréments législatifs, leurs successeurs devront se coltiner ces lois débiles et interminables sans vraiment pouvoir revenir en arrière (et on ne manque pas d’exemples en la matière – Rocard, récemment décédé, n’imaginait probablement pas que sa CSG lui survivrait). Ici, c’est identique : à la fin de règne, on ouvre à fond le robinet à niaiseries, on taille à grands coups de marteau-pilon dans un sociétal peu coûteux, et les députés de la majorité suivante devront gérer leurs scories les cinq prochaines années. Et si jamais il leur venait la fantaisie de revenir en arrière, l’opposition d’alors se fera un plaisir de hurler devant tant d’infamie.

La France, bateau ivre et percé de toutes parts, s’enfonce lentement. Les élus, cyniques et bien certains d’avoir une place dans de beaux canots de sauvetage, vérifient que personne ne chaparde les petites cuillères en argent.

Ce pays est foutu.
—-
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  • Un article en accord avec mes propres pensées à leur sujet. La république est un monstre législatif.

  • Ce qui est relaté par l’auteur est la triste réalité d’une France gangrenée par le bonapartisme qui concentre à Paris le pouvoir législatif et réglementaire.

    Il est incontestable que la France Profonde de nos provinces est de plus en plus éloignée de la classe politique actuelle. Il en résulte le phénomène du rejet de la politique en général et des hommes politiques en particulier marchant trop souvent à coté de leurs pompes.

  • Promis juré craché: je vote pour le candidat qui promet 5 ans sans promulguer de nouvelles lois, mais en supprimant toutes les lois débiles, obsolètes de tous les codes civils, pénaux, du travail et autres…Mais pas sûr que 5 ans suffiraient..

  • l’État est non seulement incapable de résoudre des problèmes économiques ; il n’a pas non plus la capacité de résoudre durablement des problèmes sociaux. L’État ne peut garantir ni des valeurs éthiques, ni des modes de comportement, pas plus qu’il ne peut communiquer des principes religieux ou moraux et donner un sens à la vie des êtres humains. Jamais on ne parviendra à résoudre des problèmes sociaux sans l’implication de la société civile et sans prestations de l’économie privée pour soutenir des personnes en détresse. l’État est non seulement incapable de résoudre des problèmes économiques ; il n’a pas non plus la capacité de résoudre durablement des problèmes sociaux. L’État ne peut garantir ni des valeurs éthiques, ni des modes de comportement, pas plus qu’il ne peut communiquer des principes religieux ou moraux et donner un sens à la vie des êtres humains. Jamais on ne parviendra à résoudre des problèmes sociaux sans l’implication de la société civile et sans prestations de l’économie privée pour soutenir des personnes en détresse.

  • A quand la prochaine Révolution, seul moyen de remettre les idées en place en France? Tant qu’il n’y aura pas du sang et des larmes, la France restera un pays en voie de sous-developpement.

    • Meme si je pense qu’il y a du vrai dans ce que vous dites, on peut quand même aussi imaginer qu’il n’y a pas de fatalité absolue et qu’on peut quand même essayer de ne pas passer par une guerre civile à chaque changement de régime dans l’hexagone. La fin de la tyrannie étatique en France peut aussi arriver par une faillite d’Etat sans qu’on s’étripe tous les uns les autres.

  • Très bel article résumant a merveille les maux profonds du ,pays ; Pays gangrené par un état omniprésent qui , par sa propagande permanente, réussit a formater une grande partie de la population a sa pensée unique; J’ai particulièrement apprécié le dernier paragraphe et, surtout, la conclusion: Ce pays est foutu !!
    Le seul moyen de faire quelque chose de sa liberté , c’est de quitter ce bateau ivre. Il y a , de par le monde, énormément de pays ou il fait mieux vivre qu’en france.(f minuscule volontaire)

    • … avec une miniscule, c’est ce que je fais aussi. J’encourage d’ailleurs h16 à en faire autant dans ses articles !

  • Pour ce qui est de cette histoire de « mixité » sociale (mais raciale en vrai si j’ai bien compris), il me semble que les français ne l’on pas encore compris, mais ici l’élite developpe une politique que mao lui meme n’aurait pas renié il me semble. Mais si on vote pour ca, apres tout ca ne regarde que nous.

  • Dans l’ordre des priorités, plus proche de nous que le genocide vandéen il y a le génocide rwandais, je me demande ce qu’attend l’assemblée pour reconnaitre les français (au moins partiellement) comme coupables de ce 1 million de meurtre en 3 mois et d’indemniser toutes les victimes de cette infame barbarie. Un génocide (et surtout les indemnnités) qu’on devrait partager avec l’allemagne et la belgique car évidemment l’allemagne fidele a elle même en ce début du XXe siècle, aura percu une supériorité génétique des Tutsis sur des bases raciales et morphologiques (source wikipedia, je précise on sait jamais). Ce qui menera bien sur l’allemagne a privilegier les tutsi. Puis la belgique et la France arrivant ensuite auront cultivé soigneusement ces tensions. Donc oui les français sont bien coupables, pour au moins 1 tiers de ce drame. Des français coupables pas d’avoir tué eux meme, mais moralement d’avoir entretenu et pire de n’avoir rien fait quand les meurtres ont commencé. Les usa portent une également responsabilité. Mais l’échec des usa en somalie n’était une raison suffisante pour rester a regarder un million d’etre humains se faire massacrer sans rien faire.

  • on doit aussi rappeler que toute loi demande du travail et des fonctionnaires pour la faire respecter…quelques sous pour les prisons..etc…

  • Il est encore de temps de rendre obligatoire un hommage national pour tout premier ministre, pdt Senat/AN (devant un PM par ordre protocolaire) et president de Parti de gauche. Les depenses pour ledit contribuent au PNB et le temps perdu a faire le recueilli en uniforme ou echarpe doit etre rattrape, donc aussi bon pour le PNB. La nation , on lui demandera son avis sur les destinataires des hommages un autre jour.
    Avec une loi on evite les oublis dans les testaments.

  • Constat effarant : quand on lit le texte de la Loi en lien dans l’article, on voit que les raisons de tous ce chambardement social sont les « fondements de la République » : egalitè et fraternité. Ces deux termes et leurs variantes sont omniprésents dans les dizaines de pages de texte.
    Le mot liberté n’y est qu’une fois.
    Tout est là…

    • A propos de génocide, il y a aussi le génocide de classe accompli par les communistes en Russie. A ce propos je vous invite à regarder (jusqu’au bout) ce film, en russe sous-titré anglais. Film certes parfois techniquement maladroit, mais racontant une vérité largement occultée:
      https://youtu.be/_RQVSHfuPCQ

  • Si on retire les jugements a deux vitesses selon la race, la richesse ou le pouvoir politique, pour les autres c’est la roue de la fortune. Je dirais que finalement c’était mieux quand la justice n’était pas indépendante – dans le sens ou le vote donnait une direction politique a la justice (via les politiques) et on n’assistait pas a une justice aléatoire en dent de scie selon la couleur syndicale ou politique du juge. On risquait pas de se retrouver avec un terroriste remis en liberté « parce qu’il y a plus de papier dans l’imprimante ».

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