Système de santé : des lois qui s’empilent

Dans le domaine de la santé, on empile des lois qui complexifient la situation au lieu de régler les problèmes.

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Système de santé : des lois qui s’empilent

Publié le 12 juin 2016
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Par Bernard ZImmern.

Urgences by killaee-CC BY-NC-ND 2.0
Urgences-santé by killaeeCC BY-NC-ND 2.0

Les Français continuent souvent de croire ce que leur assènent les grand médias, à savoir que la France a l’un des meilleurs systèmes de santé du monde. Mais les insiders eux, connaissent bien les illogismes et désorganisations de notre système de santé : la morosité règne chez les médecins, qu’il s’agisse des libéraux qui sont de plus en plus étranglés, et davantage encore chez les hospitaliers qui affirment unanimement que dans les hôpitaux « c’est le bordel ». Emploi 2017 a rencontré un médecin directeur de département hospitalier, dont l’article ci-dessous résume le propos.

On constate tout d’abord que notre système de santé se complexifie de plus en plus : des lois successives ont essayé d’améliorer l’existant mais on peut se demander si elles n’ont pas surtout augmenté la confusion. La loi Bachelot par exemple, qui comprenait 57 articles au départ, a fini avec 227 articles, qui se sont traduits par pas moins de 8 ordonnances et 200 décrets. Avant même sa pleine entrée en application, la loi Touraine avait déjà en partie défait cette loi ; et n’oublions pas les candidats à la présidentielle qui se promettent pour certains de détricoter la loi Touraine. On arrive donc à un enchevêtrement législatif, où les nouvelles lois s’ajoutent aux anciennes de manière confuse, créant un allongement considérable du Code de la santé.

Par ailleurs, si l’on prend l’exemple de la loi Bachelot, on constate qu’elle a eu des effets pervers inquiétants.

Une loi centralisatrice

La loi Bachelot procédait en apparence à une régionalisation et meilleure coordination des acteurs locaux. Elle a été en fait le cheval de Troie d’une étatisation croissante de la santé, les « agences régionales de santé » (ARS), donnant lieu non pas à une décentralisation mais à une déconcentration, puisque c’est le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales qui coordonne l’action de tous les directeurs d’agence. On assiste ainsi à une situation étonnante où il faut en référer à Paris pour décider du nombre d’infirmières à former en Bretagne, pour accorder le moindre équipement à l’autre bout de la France, etc.

C’est donc l’État qui a le pouvoir et non les régions, et leurs budgets respectifs en sont une illustration, puisque l’agence régionale de santé d’Ile-de-France a un budget de 30 milliards d’euros, contre seulement 5 milliards d’euros pour le conseil régional. Au passage, en consultant l’annuaire des anciens élèves de l’ENA, il est intéressant de constater que la création des ARS a permis de placer une longue liste d’entre eux.

Outre ces éléments, on peut se demander si la région était le bon échelon de coordination alors que les départements présentaient en réalité une meilleure unité en termes de découpage, avec des acteurs qui se voyaient et se connaissaient. Auparavant en effet, la coordination se faisait à l’échelon départemental, qui comportait de nombreux avantages puisqu’elle réussissait à réunir : les hôpitaux, les conseils généraux, la psychiatrie (qui historiquement a toujours été gérée au niveau du département), les ordres professionnels et les services médico-sociaux. Avec la loi Bachelot, on a donc ajouté la confusion à la centralisation.

Une loi idéologique

La loi Bachelot a renommé les territoires de santé en territoires de démocratie sanitaire, traduisant l’orientation idéologique des politiques de santé, qui mettent l’accent sur l’égalité d’accès aux soins. Néanmoins, cette loi, comme toutes les lois égalitaristes, promeut en fait surtout les intérêts de quelques-uns : la réforme donne une place et un pouvoir de plus en plus importants aux associations de patients dans les différentes instances, mais ces associations autoproclamées viennent souvent de nulle part, ne représentant personne, favorisant donc magouille et copinage.

Dans cette optique de l’accès aux soins pour tous, on cherche par ailleurs à envoyer des jeunes médecins dans les provinces, disant qu’il s’agit de « déserts médicaux » alors qu’il s’agit en fait… de déserts tout court. On prétend ainsi envoyer des jeunes de 31 ans, finissant tout juste leur études et poursuivant le but légitime de fonder la famille qu’ils n’ont pas eu le temps de constituer, pour faire au fin fond de la campagne 20 km de voiture pour une consultation à 23 euros. Il faudrait plutôt chercher à y envoyer des médecins proches de la retraite cherchant une seconde vie au vert, et s’attaquer au problème de fond qu’est la limitation des tarifs des médecins.

Cette limitation est d’autant plus perverse qu’elle n’aboutit pas à l’objectif recherché de maîtrise du déficit de la Sécu. Afin de rentrer dans leurs frais, les médecins multiplient en effet les actes, demandant à leurs patients de revenir la semaine suivante pour traiter tel autre problème, la suivante pour un autre, etc. N’ayant pas le temps de faire un diagnostic complet, ils prescrivent aussi beaucoup d’analyses coûteuses, voulant suppléer à leur manque de temps.

D’une manière plus générale, on peut se demander si l’accès aux soins est vraiment le problème principal en France : même les clandestins peuvent se faire soigner, en revanche notre pays se situe seulement à la 11ème place européenne en termes de qualité globale.

Classement des systèmes de santé européens de 2015 :

Source : 2015 Euro Health Consumer Index
Source : 2015 Euro Health Consumer Index

Le problème non résolu de l’hôpital public

Enfin, les différentes lois n’ont pas résolu le problème d’un hôpital public sous-performant. Une des principales raisons en est la taille des structures, trop petites pour atteindre la rentabilité. Mais il est difficile de faire fusionner les hôpitaux car il faut obtenir l’assentiment de beaucoup trop d’acteurs, dont certains poursuivent leur propre intérêt au détriment de celui des patients.

Ainsi par exemple cette aventure survenue il y a quelques années dans une province française : deux hôpitaux étaient séparés de 6 km, avec respectivement 150 millions et 350 millions d’euros de budget, mais qui ne leur permettaient pas ni à l’un ni à l’autre d’offrir un service vraiment satisfaisant. Un médecin a eu l’idée de faire fusionner les deux hôpitaux. Tout le personnel médical des deux hôpitaux a trouvé l’idée formidable, car pouvant donner enfin un véritable potentiel à la structure qui se serait ainsi créée. Mais les deux directeurs d’hôpital, des administratifs non médecins, et les élus locaux se sont opposés au projet. Les deux hôpitaux sont ainsi restés sous-performants pour des raisons purement politiques… Entre temps, ces deux directeurs sont partis à la retraite et les élus ont été battus par l’opposition aux élections suivantes.

Cette situation est représentative de ce qui se passe un peu partout : d’un côté les élus souhaitent conserver leur pouvoir pour prendre des orientations qui leur plaisent ou qui plaisent à ceux dont ils achètent les voix (fonctionnaires, etc.) mais de l’autre ils refusent toute responsabilité en matière de dérive budgétaire.

La loi Touraine tente actuellement de régler le problème de la sous-performance des hôpitaux, mais elle le fait de manière peu habile… Elle leur demande de mutualiser certaines fonctions sur la base des affinités personnelles, ce qui entraîne des calculs politiques où chaque hôpital ne veut s’associer qu’à un hôpital plus petit qui ne risque pas de prendre l’ascendant sur lui.

Par ailleurs, cette loi n’apporte aucune solution à la guerre de tranchée entre hôpitaux publics et cliniques privées. Les directeurs d’hôpitaux étant rémunérés en fonction du volume d’actes, ils sont toujours tentés de vouloir prendre ou conserver des patients que l’on pourrait orienter vers le privé, alors même qu’ils sont dans l’incapacité de traiter correctement toutes les demandes. Outre cet aspect de répartition, on sait aujourd’hui que plutôt que de vouloir faire entrer les patients, il faut arriver à les faire sortir, c’est-à-dire développer les soins de suite et de réadaptation, axés sur le retour du patient chez lui.

Les problèmes de notre système de santé sont donc loin d’être résolus.

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