Ubérisation : à qui le tour ?

Tout secteur qui peut être transformé en place de marché le deviendra. Alors, à qui le tour ? À celui des professions réglementées !

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Ubérisation : à qui le tour ?

Publié le 1 juin 2016
- A +

Internet est le royaume des places de marché, qui mettent en contact l’offre et la demande sans intermédiaire et en temps réel. Des pans entiers de l’économie sont déjà devenus des places de marché, et ce n’est que le début : tout secteur qui peut être transformé en place de marché le deviendra. Alors, à qui le tour ? À celui des professions réglementées !

Par Emmanuel Arnaud.

By: Núcleo Editorial - CC BY 2.0
By: Núcleo EditorialCC BY 2.0

Internet est le royaume des places de marché

Une place de marché sur internet est un site (ou une application) où l’offre rencontre la demande. Lorsque vous vous connectez sur un site, si  la première chose que vous faites est une recherche, alors vous êtes “la demande”, si c’est de remplir une fiche décrivant quelque chose, alors vous êtes “l’offre”. Uber, airbnb, youtube,  tinder, tripadvisor, expedia, hotels.com, amazon, ebay… et chez les Français : lafourchette, meetic, evaneos, doctolib, younited credit, seloger, blablacar, leboncoin, guesttoguest… sont des places de marché.

Tout secteur qui peut devenir une place de marché le deviendra

La place de marché est la meilleure manière de mettre en contact l’offre et la demande, qui n’ont pas d’autre objectif que de pouvoir se rencontrer. C’est pour cela que ce modèle s’imposera partout où c’est possible.

Le premier avantage des places de marché est l’expérience offerte au client. Pour s’en convaincre il suffit de comparer d’une part l’expérience sur Uber, où le particulier peut en un clic être mis en contact avec la voiture la plus proche dans un cadre de transaction sécurisé, et d’autre part la recherche d’un taxi à pied avec les risques de ne pas en trouver, de tomber sur un mauvais conducteur, et de ne pas pouvoir payer en Carte Bleue, etc. Les taxis n’ont tout simplement aucune chance : la place de marché offre une expérience irrésistible qui ringardise complètement leur offre.

Le deuxième avantage est la désintermédiation. À ce titre, l’exemple d’Evaneos est particulièrement pertinent. Les agences de voyage sont des intermédiaires entre les clients du Nord et les “réceptifs” du Sud, qui vont concrètement organiser le voyage. Evaneos remplace via une place de marché les agences de voyage, en permettant au client d’être en contact direct avec le réceptif et choisir celui-ci en fonction de son offre, et des notations des précédents clients. Ainsi, Evaneos génère des économies, qui sont réparties entre le client qui paye moins, le réceptif qui gagne plus et Evaneos.

Bien sûr, dans de nombreux cas, des niches subsisteront en dehors des places de marché  par exemple pour les segments “premium” ou pour les clients avec des besoins non standard…mais ce seront là des miettes : lorsqu’un secteur est mûr pour devenir une place de marché, un mouvement commence de manière plus ou moins brutale mais inéluctable, et qui aboutit à ce que la très grande majorité des transactions du secteur ait lieu sur des places de marché.

Du coup, la question évidente devient : à qui le tour ?

Les secteurs réglementés : les prochains sur la liste

Les secteurs réglementés sont très nombreux en France comme ailleurs –  bon d’accord, peut-être un peu plus qu’ailleurs. On pense par exemple aux professions médicales (médecins, infirmiers, pharmaciens, kinés, médecine douce, etc…), juridiques (notaires, avocats, huissiers…), financières (banque, assurance, courtage…) mais aussi : architectes, restaurants, agents immobilier, et bien sûr… taxis.

Ces secteurs ont en commun d’avoir une offre limitée par des contraintes réglementaires qui ont l’avantage de protéger le consommateur, mais l’inconvénient de limiter la concurrence, et donc les incitations à améliorer leur service. Il y a donc une situation paradoxale :

  • D’une part, ces acteurs sont ceux qui se sentent les moins menacés, car ils sont protégés par la loi.
  • D’autre part, ce sont les secteurs où les start-ups ont le plus intérêt à se lancer, car ce sont ceux où les réservoirs pour améliorer l’expérience client – et faire baisser les prix – sont les plus grands.

Et si la place de marché arrive à ses fins, ces acteurs vont avoir beaucoup de mal à se défendre, car ils sont peu préparés à affronter la concurrence.

Alors, si vous travaillez dans une profession réglementée, soyez certains que votre offre sera bientôt ringardisée comme celle des taxis l’a été par Uber. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle est aussi ringarde que celle des taxis ! Mais comme les consommateurs n’ont pas le choix, ils tolèrent que leur banquier ne leur prête que quand ils ont de l’argent, leur notaire semble habiter le XVIe siècle, leur assurance ne couvre jamais aucun sinistre, leur avocat leur facture chaque seconde de chaque coup de fil et que leur médecin ait toujours une demi-heure de retard et ne prenne ni la carte vitale, ni la carte bleue.

Bref, si vous travaillez dans une profession réglementée, préparez-vous : c’est bientôt votre tour !

Sur le web

Voir les commentaires (8)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (8)
  • « Les taxis n’ont tout simplement aucune chance : la place de marché offre une expérience irrésistible qui ringardise complètement leur offre. » C’est là toute la tare de la mentalité Française qui, à force de s’hermétiser à l’innovation et jouer sur l’exception culturelle échappe à de belles opportunités telles que la géolocalisation, dans le cas des taxis. Cette ringardise ne tient donc pas de l’expérience offerte par la place de marché qui tendrait à faire croire qu’on subtilise leur marché, mais par l’incapacité à cette branche professionnelle de marketer correctement son offre, tant par la gamme de services proposés que par la politique de prix que par la modernisation des outils qui améliorent considérablement la relation client et amène l’interaction avec ce dernier à l’adaptation d’une offre toujours plus compétitive.

  • Pour de nombreuses professions réglementées, l’intérêt de l’apparition de la concurrence « uberisée » est d’obliger la réglementation à se moderniser, se simplifier, et à se frotter aux réalités du marché. Ca n’est pas de faire disparaître tout garant de l’honnêteté des transactions ni de dégager les parties aux contrats de toute responsabilité, faute d’autorité suffisamment forte pour faire respecter les engagements. L’échec provisoire de l’ubérisation à faire adapter et ouvrir cette réglementation publique ne signifie pas que l’ubérisation gagnera tous les secteurs. Comment ubériser les huissiers ou les notaires sans ubériser les juges, la police, le fisc ?

  • Ridicule article qui témoigne d’une méconnaissance profonde de ces professions : deux exemples.

    « mais l’inconvénient de limiter la concurrence » : pour, notamment, les restaurateurs, architectes, avocats, comment l’auteur peut-il affirmer qu’il y a une quelconque limitation de la concurrence en l’absence de numérus clausus ?

    « leur avocat leur facture chaque seconde de chaque coup de fil » : à regarder trop de films américains, on finit par croire la télé !!! Aucun Avocat ne facture à la seconde, et de moins en moins au temps passé : la règle est devenue le forfait, voire le forfait avec honoraire de résultat complémentaire.

    Quand aux médecins, ils sont mis sous tutelle par l’État, et si les CONsommateurs veulent payer moins cher en faisant jouer la concurrence et en confiant leur santé à des médecins étrangers sous-qualifiés, tant pis pour eux.

    On a vu ce que cela a donné avec les réseaux de dentistes à prix cassés…

    En fait, d’ubérisation, c’est juste la course au moins disant, en oubliant une donnée essentielle : on n’en a jamais que pour son argent.

    J’oubliais une dernière chose : si les prix sont trop chers, demandez pourquoi à l’Etat, qui par exemple pour les Notaires, a imposé une baisse de tarifs quand dans le même temps, il augmentait la fiscalité !!! Résultat : gain nul pour le consommateur, et plus d’argent à gaspiller pour la puissance publique.

  • Oserais-je vous encourager à lire le deuxième et dernier commentaire qui a été posté sur votre lien « les taxis n’ont tout simplement aucune chance » avant qu’ils soient fermés. Vous commencerez peut-être à comprendre l’arnaque de Uber et de ceux qui veulent lui ressembler.
    Ne confondez pas ces prédateurs avec la véritable évolution numérique qui permet l’économie de partage et le P2P. Et vérifiez vos sources. Uber se ramasse un peu partout dans le monde, non pas en raison des lobbies protectionnistes, mais par la non viabilité d’un système qui exploite les esclaves des temps modernes en prélevant 20% d’une recette qui ne permet pas aux chauffeurs de vivre et sans faire de bénéfice à ce jour. Grâce, ou malgré, selon, une capitalisation jamais égalée dans l’histoire de la finance qui promet l’explosion annoncée d’un bulle spéculative.

  • J’avoue, je suis avocat et potentiellement concerné par l’ubérisation.

    Je vois un vice de conception dans l’article: Uber est une plateforme et reste donc, quoi qu’on en dise, un intermédiaire, peut-être même pas transparent d’ailleurs (qui connaît l’identité complète du chauffeur Uber? Avec qui est-ce qu’on contracte?). En ce sens, je ne vois aucune désintermédiation, simplement un modèle économique qui s’est fondé sur la concurrence avec une profession soumise à numerus clausus (et donc peu encline à améliorer le service proposé). En réalité, qu’est-ce qu’Uber a proposé? Des chauffeurs indépendants (cela fait toujours l’objet d’un litige) évalués par les clients et pouvant donc faire l’objet d’un déréférencement en cas d’évaluation trop négative avec, SURTOUT, un mode de paiement très aisé par voie électronique que les taxis se sont entêtés à ne pas proposer.

    Quant à la profession d’avocat, je pense que c’est surtout la partie la plus routinière qui pourra être « ubérisée » (les startup du droit ont déjà commencé ce travail). Il s’agit notamment de l’élaboration des actes standardisés pour lesquels la plus-value de l’avocat est faible (alors que le temps passé peut être important). En revanche, les actes à plus forte valeur ajoutée (procédures contentieuses complexes, structurations juridiques et fiscales, contrats complexes) ne sont pas prêts d’être ubérisés. En réalité, tout le monde y compris les avocats pourront profiter de ce processus.

    A mon avis, la blockchain est bien plus porteuse de changement pour le monde du droit que l’ubérisation. Cette technologie permettra un suivi et un enregistrement des transactions de façon transparente, sans intervention d’un tiers. Cela contribuera à réduire l’intérêt de l’intermédiation (on pense notamment aux notaires pour les transactions immobilières) ou de l’intervention des avocats et huissiers pour l’exécution de certains contrats (celle-ci se trouvant automatisée, même s’il semblerait que les obstacles techniques à une telle automatisation par la blockchain soient encore assez loin d’être levés).

    Enfin, comme l’a souligné un commentateur, les professions réglementées ne sont pas toutes protégées de la concurrence. Les avocats, par exemple, ne sont protégés par aucun numerus clausus. La concurrence y est donc significative. A l’inverse, les notaires sont évidemment très protégés par la dévolution de charges qui conditionnent l’exercice de la profession. Le fait que la profession soit réglementée n’est pas en soi une tare: on souhaite bien entendu que certains actes ne soient accomplis que par des hommes de l’art. En effet, qui voudrait subir un acte médicat par quelqu’un qui n’est pas médecin ou obtenir des conseils juridiques de la part de quelqu’un qui n’est pas juriste?

    • Merci RD pour votre commentaire instructif. A mon tour de venir vous donner quelques précisions sur le taxi dont c’est mon métier depuis bientôt 40 ans.
      La seule raison qui justifie un numerus clausus dans notre domaine c’est l’usage accru du domaine public. On ne peut évidemment pas permettre à tout un chacun d’occuper les stations et utiliser les couloirs de bus dans les centres urbains.
      L’usage des applications était déjà disponible chez nous, à Genève, avant la venue de Uber et contrairement à eux, nous offrons, en plus de la possibilité de payer par carte de débit ou de crédit, le paiement cash.
      Pour le reste, vous avez parfaitement raison de préciser que Uber reste évidemment un intermédiaire qui prétend offrir des services selon les principes de l’économie de partage ce qui est une immense arnaque. Il est d’ailleurs assez consternant de voir que cette société a donné son nom à un phénomène qui touche bientôt tous les domaines et qui vise justement à supprimer les intermédiaires. La consternation se mue en stupéfaction lorsqu’on lit des journalistes ou des blogeurs qui tombent dans le panneau et contribuent à promouvoir une société qui est une véritable caricature du capitalisme financier. A tel point d’ailleurs que les tribunaux californiens l’ont condamnée à salarier ses chauffeurs.

      • Et un parasite qui défend le parasitisme…

        « On ne peut évidemment pas permettre à tout un chacun d’occuper les stations et utiliser les couloirs de bus dans les centres urbains. »

        Tout comme l’économie planifiée dans ces succès économiques que fut l’URSS ou qu’est le Venezuela se justifie parce qu’on ne peut pas permettre à tout un chacun de consommer ou de produire n’importe comment…

  • Si j’avais l’argent, en 2019, à l’ouverture les grands lignes TGV à la concurrence, je proposerai un TGV avec un concept totalement décalé, où la minute de retard serait remboursé à l’usage 50 euros où un truc dans le genre pour montrer qu’un train à l’heure existe. Bref un truc à la free mobile qui défonce bien la SNCF. Mais bon c’est un rêve encore pour l’instant

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Ferghane Azihari. Un article de l'Iref-Europe

Le mercredi 18 septembre, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, ratifiait une loi contraignant un certain nombre de plateformes de VTC à requalifier leurs prestataires indépendants en salariés. Cette nouvelle législation a été introduite après des années de débats relatifs à la nature des rapports qu’entretiennent les travailleurs avec les entreprises appartenant au secteur de l’économie numérique et des plateformes.

Ces entreprises représentatives de la fameuse « ubérisatio... Poursuivre la lecture

0
Sauvegarder cet article

Par Pierre-Guy Veer.

Aux États-Unis, toute nouvelle commençant par « Un homme de la Floride » sera presque assurément hilarante.

Parallèlement, toute nouvelle commençant par « Une nouvelle loi en Californie » sera presque assurément un désastre net.

C’est exactement le cas du A.B. 5, récemment signé par le gouvernement de l’État. Par cette loi, des individus considérés comme contractants seront désormais classifiés comme employés, ce qui implique une panoplie de bénéfices (santé, jours de congé, maladie, etc.) à appliquer... Poursuivre la lecture

Par Michel Albouy. Un article de The Conversation

Depuis une interview donnée fin 2014 par Maurice Lévy au Financial Times, l’expression « uberiser » fait florès. La question s’est même invitée dans les débats de la dernière élection présidentielle, c’est dire. Selon Wikipédia, ce terme, tiré du nom de l’entreprise californienne de véhicules de tourisme avec chauffeurs, Uber, renvoie à

« un phénomène récent dans le domaine de l’économie consistant en l’utilisation de services permettant aux professionnels et aux clients de se me... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles