Encore une fois, le gouvernement nous a bobardé sur la dette et les déficits

Contrairement à ce que Michel Sapin annonçait récemment, le déficit budgétaire n'a pas été réduit. Il continue d'augmenter.
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Michel Sapin (Crédits : Parti Socialiste, licence Creative Commons)

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Encore une fois, le gouvernement nous a bobardé sur la dette et les déficits

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 29 mai 2016
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Oh non, encore une fois la communication du chef de l’État s’est pris les pieds dans le tapis de la réalité et le pachyderme présidentiel, agitant dans l’air vide ses petits bras potelés pour tenter de se rattraper aux rideaux, n’y sera pas parvenu. Le voilà qui s’étale de tout son long sur les tapis moelleux de la République et le carrelage froid d’articles de presse pas spécialement tendres.

Évidemment, je pourrais revenir en détail sur ce qui s’est passé la semaine dernière ou les péripéties de la Loi Travail qui se soldent pour le moment par un pays en plein blocage syndicaliste devenu presque rituel à cette période de l’année. Rien que les exactions de la CGT, depuis leur censure ouverte des médias nationaux jeudi dernier jusqu’à la pénurie de carburants actuelle, suffirait à remplir un billet, surtout si l’on devait se remémorer les prises de positions officielles de cette même CGT, il y a quatre ans, lorsqu’elle adoubait de son soutien le candidat socialiste d’alors, un certain François Hollande, qu’elle semble ne plus pouvoir encaisser actuellement.

cgt - si je n'étais pas là

Cependant, en marge de ces remarques sur ce qui fait, actuellement, le plus gros de l’actualité, les efforts faits par le gouvernement et le chef de l’Exécutif se traduisent par un assez remarquable plantage. Sur le front du chômage, l’annonce fanfaronnante d’un nouveau recul du nombre de chômeurs aura laissé assez froids la plupart des éditorialistes, journalistes et organismes de presse.

Une fois passée la joie très contrôlée d’annoncer une bonne nouvelle, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’épluchage des chiffres ne laisse guère de doute : s’il y a moins de chômeurs, ce n’est pas parce qu’ils ont repris le travail, mais c’est plus simplement parce qu’un nombre croissant ne prend même plus la peine de s’enregistrer auprès d’un organisme qui, de fait, ne leur sert absolument à rien une fois arrivés en fin de droits. Seuls quelques habitués du soutien aveugle aux institutions continuent, vaille que vaille et avec toute la mauvaise foi nécessaire, à trouver des arguments plus ou moins latéraux pour expliquer de façon enthousiasmante la baisse de ce nombre.

Bref : malgré des efforts évidents en communication, l’écran de fumée hollandesque sur le front du chômage n’a berné que les plus nigauds ou les plus serviles des journalistes.

tweet ayrault chômage

Mais ce n’est pas tout et de façon plus discrète, le gouvernement s’est tout autant planté dans sa communication budgétaire… Et ça s’est vu : alors que Sapin était tout fier, il y a quelques semaines de cela, de nous expliquer crânement être parvenu à réduire le déficit budgétaire de l’État de 15 milliards d’euros en 2015, voilà que la Cour des Comptes réduit à quasi-néant la réalité de ces chiffres qui seraient en réalité 50 fois inférieurs si l’on excepte les éléments exceptionnels.

Pourtant, rappelez vous : tout le monde nous expliquait en long, en large et en travers que l’austérité s’était abattue sur le pays et qu’elle avait directement provoqué tout ce chômage. Manque de bol, en fait d’austérité, on a continué à dépenser comme avant avec la même décontraction, et à cramer de l’argent public des autres avec le même appétit féroce.

Tous calculs faits par les experts de la Cour, la baisse de déficit budgétaire se monte non pas à 15 milliards, mais à… 300 millions. Fouchtra, voilà qui fouette du chaton mignon !

gifa oh noes facepalm power rangers

Et lorsqu’il s’agit de détailler ses positions, la Cour n’y va pas avec le dos de la cuillère. Pour cette dernière, les 15 milliards d’économie n’existent pas puisqu’il s’agit d’un pur effet d’optique, l’année 2014 comptant des dépenses exceptionnelles qui n’ont pas été reportées en 2015, soulageant d’autant un déficit budgétaire de toute façon bien trop gros (l’équivalent d’un trimestre de dépenses de l’État, plus, même, que ce que rapporte l’impôt sur le revenu). Pour la Cour, la baisse observée est une évolution «peu significative», ce qui rend la mine réjouie du Sapin ministériel tout à fait déplacée.

D’autant qu’à cette évolution insignifiante, on doit ajouter des économies «mal définies, au final faibles et en majorité non reconductibles sur 2016», ce qui veut dire que les opérations « one-shot » pour épater la galerie n’ont pas du tout impressionné les Sages. Autrement dit, on bombe le torse et on rentre l’énorme bedaine étatique en espérant séduire la Commission européenne, les autres États ou les investisseurs qui passent à proximité, mais c’est peine perdue.

Et pour ce qui est de la dette de l’État, elle a malheureusement encore continué à grimper l’an dernier. Tout juste peut-on se réjouir qu’elle l’ait fait moins vite. En somme, on présente comme une rémission un cancer qui métastase mais aurait la mansuétude de n’être plus fulgurant. C’est consternant.

À l’analyse, la situation est même pire puisqu’en dehors des éléments exceptionnels et à périmètre constant, les dépenses ont en réalité progressé de 2,6 milliards par rapport à 2014. Oui, vous avez bien lu : alors qu’on a lu partout que l’État avait fait preuve d’un véritable ascétisme en réduisant ses dépenses, la réalité comptable est sans ambiguïté. Les dépenses ont progressé.

Toute cette tempête d’austérité de plus en plus évanescente n’empêche cependant pas nos deux clowns ministériels, Michel Sapin et Christian Eckert (le secrétaire d’État au Budget), de contester «vivement l’analyse de la Cour sur le respect des cibles de dépenses et d’économies». Ils auraient tort de se priver, d’autant que leurs contestations ne seront pas plus entendues que le rapport de la Cour qui les a déclenchées.

En réalité, plus personne n’a rien à faire de ces chiffres, devenus trop abstraits par leur volume. Tant que les manquements de l’État ne se traduisent pas en problèmes physiques concrets, le peuple, soigneusement entretenu dans son ignorance par ses élites, ses médias et, douillettement, par lui-même, continuera de regarder ailleurs en attendant un hypothétique retour de croissance qu’il s’emploie pourtant à saboter consciencieusement.

« La France va mieux » nous serinait le chef de l’État il y a encore quelques jours, lorsque l’essence coulait à flot et les Nuits de Boue s’écoulaient, tranquilles. Personne n’avait compris qu’il voulait dire « La France va mieux… que l’année prochaine ».

dépenses publiques 2014 INSEE

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  • L’argent est un concept multiple et différent dans le cadre d’un individu et d’une administration (état mais aussi entreprises). Pour l’individu, il est facilement représenté par des billets ou pièces de monnaie et par des heures de labeur nécessaires à remplir le portefeuille ou rembourser ses emprunts. Pour l’administrateur ce n’est qu’un chiffre dans son tableur. Le moins qu’on pourrait attendre de ces administrateurs est le professionnalisme, l’honnêteté, le respect des engagements et des budgets.

    Mais on peut toujours rêver …

  • Comment l’unité de l’échelle verticale peut être en € si ils ont été ajustés ? (quelle année de référence de l’inflation ?)
    NB : sur la plupart des graphiques que tu postes l’échelle verticale n’est pas à zéro, ici on a l’impression que la pente est deux fois plus forte du coup !

    • sur la plupart des graphiques que tu postes l’échelle verticale n’est pas à zéro, ici on a l’impression que la pente est deux fois plus forte du coup !

      L’important n’est pas la pente en elle-même. L’important c’est que la pente est bel et bien la même qu’avant. Non seulement la soit-disant austérité ne produit aucune diminution de dépense, mais la progression des dépenses se poursuit au même rythme.

  • « Le mensonge et le truquage des chiffres…. »sont l’une des composantes de l’art de l’imposture car, pour être porté aux plus hautes fonctions de la vie politique de ce pays, il est nécessaire d’être apte à faire rêver les électeurs.
    Après avoir été l’heureux bénéficiaire du verdict électoral, ont voit venir….pendant 5 ans avant de revendiquer un renouvellement de mandature en se prévalent du nombrilisme à la française.

  • C’est nécessaire, la masse monétaire se contracte car plus assez de prêt part pour l’économie réelle. Vous vous efforcez de parler économie sans jamais traité le sujet à la base, c’est à dire la monnaie et la gestion de sa création. Osez dévoilé le mensonge un peu de courage. Oups j’avais oublié, contrepoints sert à accentuer l’enfumage.

    • Contrepoints a déjà soulevé la problématique de la « politique monétaire accommodante » de la BCE et de quelques autres grandes banques centrales 😉

    • abba: « C’est nécessaire, »

      Claquer systématiquement plus de fric qu’il n’en rentre depuis 1974 dans un pays pourtant recordman mondial de la taxation est « nécessaire » ? Vous vous moquez du monde !?

      abba: « car plus assez de prêt part pour l’économie réelle. »

      Et ça n’a rien à voir évidemment avec la fragilité et l’atonie des entreprises françaises qui ont les marges les plus faibles d’Europe et un taux de faillites record dû à une fiscalité et une législation folle. L’état français n’aime ni les patrons, ni les entreprises, ni le capital et cette politique est un succès, mais il n’y a plus d’emplois non plus.

      abba: « Osez dévoilé le mensonge un peu de courage. »

      Osez faire une recherche sur contrepoint plutôt, le sujet du faux « argent gratuit » en soutien d’élus incapable de gérer correctement l’argent des citoyens y est traité de long en large.

  • Avec l’augmentation de la durée moyenne du chômage, le nombre de fins de droits augmente mécaniquement, faisant sortir nombre de chômeurs des statistiques (vu que Pôle Emploi ne va pas leur trouver un job miraculeusemnt au bout de deux ans ou trois d’inefficacité).L’INSEE avait même souligné discrètement il y a quelques mois, que c’était la seule chance d’inverser la courbe!
    Le cynisme érigé en politique…

  • Analyse intéressante, mais comment voulez que Boudin 1er (en Asie il y a Boudha pour éclairer les consciences, en France nous avons Boudin) prépare sa réélection de 2017 ?
    Pas sur ses résultats réels ? C’est du zéro en tous domaines.
    Pas sur des promesses ? Les petits camarades ont le postérieur douloureux de la pénétration de 2012.
    Il n’y a donc qu’une solution : mentir.
    Mentir c’est maquiller ce qui a été réellement fait par des habillages savants (encore que la Cour des Comptes a recardé les choses).
    Mentir c’est attiser les peurs de l’Inconnu : ouh ouh ! la Droite extrême c’est terrible.
    Mentir c’est ne pas traiter les problèmes : la France est une communauté généreuse qui peut accueillir de braves et innocents migrants sans risque (sauf le 13 novembre 2015).
    Mentir c’est diffuser des informations contraires à la réalité ou sans aucun intérêt pour détourner l’attention des gens sur d’autres problématiques.

    En 2017 il y aura beaucoup de travail à faire :
    dans les Médias, complices serviles d’un Pouvoir dévoyé,
    dans la Justice qui manifeste son dogme destructeur par des décisions d »une incompréhensible clémence envers des tueurs
    dans la Haute Administration Enarchique qui depuis 40 ans ne propose comme solution que de créer des impôts ou d’augmenter ceux qui existent
    dans l’Education Nationale, incapable d’ENSEIGNER les notions de base de bin et de mal, de permis et d’interdit.

    En 2017 il faudra vraiment reprendre les fondations de la maison pour éviter qu’elle ne s’effondre.

  • La politique se résume à utiliser l’argent des contribuables de façon à se faire réélire. Le bien public…

  • « La France va mieux… que l’année prochaine ».
    mort de rire. rire jaune bien sûr

  • Tout ça n’est pas bien méchant …..
    S’il n’y avait que sur ce sujet que nos si géniaux élus nous racontaient des histoires à dormir debout !!!!
    Dites vous bien que sur tous les sujets « ON » vous raconte des bobards, afin de justifier, aux yeux des plus crédules, le génie incommensurable de notre administration: sur le Moyen Orient, sur les statistiques du travail, sur l’inversion de la courbe, sur le dévouement et l’abnégation de nos élus …. en bref toute information est à prendre avec des pincettes et rares sont celles qui soient crédibles.
    Information ….. Manipulation …. où se situe la frontière ?????
    A part développer des pathologies originales (phobie administrative) lutter contre la fraude fiscale (Cahuzac), « draguer » ou plus exactement agresser les femmes et faire claquer les élastiques de string … je me demande à quoi peuvent bien servir ces centaines de délinquants de haut vol

    • Poser la question, c’est y répondre: à rien, évidemment!

      Rien que sur le plan européen, vous allez volontairement vous placer entre l’Espagne qui montre quelques signes de redressement et la Grèce qui n’est pas encore au milieu du gué (ni au premier tiers, sans doute)!

      Vous pensez bien que toutes les instances européennes (27 pays, tout de même!) se demandent où vous allez en ne comprenant plus pourquoi les avis de la Cour des Comptes, seule instance officielle à ne pas raconter de balivernes, ne sont jamais suivis d’effets. Mais que peuvent-ils y faire?

      La France ira, cette année encore, « défendre ses efforts » pour répondre aux critères de Maastricht », signés par elle en 1992, et dont depuis cette époque, elle s’éloigne chaque année d’avantage!

      Les Européens savent se tenir et se retiendront de pouffer de rire face au speaker français mais quoi faire? Infliger à la France la première amende de quelques milliards? Elle sera tout de suite versée au débit fiscal des citoyens qui n’y sont pour rien, en augmentant ainsi leur dette collective!

      La solution est pourtant logique: donner simplement à la cour des comptes, le pouvoir de proposer des « projets de loi » qui diminueront ou supprimeront structurellement des dépenses inutiles.

      Ou bien créer (c’est mon fantasme!) un ministère « de l’abrogation des lois et règlements désuets (et parfois contradictoires!), de la simplification administrative drastique et de l’informatisation démocratique des différentes fonctions étatiques (politiques, administratives, annexes et comités « Théodule » compris, comme toutes les couches du « mille-feuille » français!).

      Ce ministère, si il se veut un tantinet « transparent », pourrait rapidement recueillir un assentiment populaire et engranger des économies pérennes et on ne verrait plus les gens dormir sur le trottoir de la préfecture pour être en ordre utile, le matin, et pouvoir demander à la préfecture la prolongation légale de leur titre de séjour!

      Mais que vont dire les syndicats si les fonctionnaires deviennent des esclaves au service de la population comme les ouvriers sont esclaves au service du « grand capital?

      Pays de c…!

  • Quand bien même il y aurait 15 milliards de mieux que prévu, le déficit serait toujours conséquent. Imaginons, soyons fous, qu’il y ait 15 M d’excédents, il faudrait 140 ans pour résorber la dette! YOUPI. comme dit l’article.

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