Quand le gouvernement sensibilise à l’autisme

Encore une fois, l’État veut prendre en charge un problème mais ne le fait pas correctement.

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Gabriel Legaré (CC BY-SA 2.0)

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Quand le gouvernement sensibilise à l’autisme

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 avril 2016
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Par Nafy-Nathalie.

Gabriel Legaré (CC BY-SA 2.0)
Gabriel Legaré (CC BY-SA 2.0)

 

La « journée mondiale de sensibilisation à l’autisme » s’est déroulée le 2 avril dernier. Un article précédent de Contrepoints « Être autiste au pays des droits de l’homme » pointait la situation déplorable des personnes autistes en France. Après avoir été condamné par le Conseil de l’Europe à plusieurs reprises, l’État avait jusqu’à 2014 pour remédier aux différents manquements, ce qui bien sûr n’a pas été le cas. En effet nos politiques ont, comme à leur habitude, pris « à bras le corps » le problème et ont accumulé 3 plans inefficaces et non suffisamment dotés.

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, alerté sur la situation dramatique de la France, s’est emparé du problème. Il a auditionné la France les 13 et 14 janvier 2016. Ses conclusions sont pour le moins inquiétantes. Le rapporteur de ce comité a pointé comme dit Le Monde « un inventaire à la Prévert peu flatteur » et notamment le fait que :

  • malgré les obligations légales, « plutôt que de financer des programmes d’éducation inclusive on a tendance à placer les enfants dans des écoles spécialisées ». Débloquer des moyens n’a pas d’intérêt s’il n’y a pas de volonté de « veiller à ce que les enfants puissent être scolarisés dans des écoles ordinaires, et non pas isolés afin qu’ils ne soient pas victimes d’une ségrégation ».
  • les cas de maltraitance des enfants handicapés dans les institutions n’entraînent que rarement de sanction à l’encontre de leurs auteurs.
  • l’utilisation de la technique du « packing » ne soit pas légalement interdite et toujours pratiquée sur des enfants.
  • la mise en œuvre des recommandations de la Haute Autorité de Santé de 2012 ne soit pas encore obligatoire. Notre gouvernement si prompt à légiférer sur n’importe quoi n’a pas encore trouvé le temps, depuis 2012, de sortir un texte pour contraindre les professionnels de santé à l’usage des bonnes méthodes de prise en charge de leurs patients autistes. Il est tout de même curieux que les enfants autistes se voient encore proposer des thérapies psychanalytiques inefficaces, une surmédication, et le placement dans des hôpitaux et institutions psychiatriques, quand ils ne sont pas tout simplement renvoyés vers l’étranger. Il est encore plus surprenant que l’État rembourse des thérapies non scientifiquement éprouvées et que celles qui le sont ne soient, à contrario, pas couvertes.
  • les familles puissent être victimes de représailles (menace, perte de la garde) par les autorités lorsqu’elles s’opposent à l’institutionnalisation forcée de leurs enfants.

Enfin, pourquoi l’État finance la formation de personnel de santé à des techniques qu’il réprouve ? Pourquoi laisse-t-il des professionnels de santé culpabiliser les mères sur la base de théories dépourvues de fondements ? Pourquoi a-t-il, alors qu’il prétend avoir un rôle de protection de ses citoyens les plus démunis, favorisé légalement le basculement de familles entières dans des situations de désespoir ?

La réponse de la France a été pour le moins évasive. Comment pouvait-elle justifier une ségrégation et une maltraitance légalement organisées malgré toutes les lois et traités qu’elle a adoptés ? Cela semblait difficile. Elle s’est contentée de rappeler le dernier plan qu’elle avait pris (Plan Autisme 3) et d’indiquer qu’il « prévoit des actions pour encourager les changements de culture et de pratiques professionnelles », une « évaluation des structures expérimentales » et « l’élaboration d’un référentiel de qualité pour les établissements spécialisés ».

La lecture du rapport du comité de l’ONU amène inévitablement à penser que lorsque la secrétaire d’état. en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, martèle, comme elle le fait actuellement, sur les plateaux que « la psychanalyse ne fait pas partie des méthodes recommandées pour les enfants autistes ! », il s’agit juste d’une énorme farce. Son intervention dans l’émission Ça vous regarde m’a laissée presque pantoise. Elle a en effet déclaré qu’« il faut des méthodes éducatives » pour « apprendre » à ces enfants « à communiquer », et non « des parcours de soins ». Oui… des parcours de soins qui ne sont pas appropriés… alors que c’est le gouvernement dont elle est membre qui a oeuvré pour faire adopter fin 2015, ce principe même du Plan d’accompagnement Global dit « PAG ».

autisme rené le honzecRappelez-vous qu’à l’époque, les associations, fâchées par l’inertie de l’État, avaient décidé de s’organiser pour poursuivre l’État qui avait été lourdement condamné. Au lieu de lancer des actions correctives des dysfonctionnements, l’État a réagi en tentant de contourner les lois pour maintenir la situation tout en échappant aux condamnations à venir. C’est d’ailleurs également un des points relevés par l’ONU qui a trouvé curieux que le sixième pays le plus riche au monde, à priori civilisé, en arrive à faire voter un texte de loi pour échapper à une politique de prise en charge adéquate des enfants handicapés. Cette attitude est d’autant plus surprenante que cela coûterait nettement moins cher à la collectivité que les choses soient faites correctement.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • environ 7000 enfants naissent autistes chaque année.
  • la moyenne d’indemnisation obtenue par dossier avec condamnation de l’État, pour carence dans la prise en charge, est de 34 000 euros.
  • un autiste non pris en charge correctement et placé dans un établissement psychiatrique coûte environ 300 000 euros par an à l’État et donc après 50 ans, au minimum 8 millions d’euros au contribuable.
  • 2 milliards d’euros annuels sont alloués à des prises en charge inadaptées.

Ainsi que l’indique d’ailleurs le porte parole du collectif autismeil serait certainement utile « (…) de mandater la Cour des comptes pour voir où sont les 2 milliards d’euros annuels qui sont alloués à des prises en charge qui ne sont pas adaptées et les réaffecter. »

Ces chiffres sont à mettre aussi en rapport avec ceux annoncés lors d’un débat Autisme, le combat des familles du 30 mars 2016 auquel participait Madame Ségolène Neuville. On y apprend que la prise en charge précoce d’un autiste serait d’un coût de 3000 euros par mois, cette prise en charge adaptée pendant 10 ans permettrait dans de nombreux cas une inclusion dans la société par la suite. Les familles ne peuvent pas supporter ce coût et les enfants ne peuvent pas être correctement aidés. Il faut en effet noter que si l’État prend en charge tous les coûts énormes liés à une prise en charge psychiatrique à vie, il ne prend pas en charge ceux liés à la mise en place de solutions adaptées amenant à l’inclusion.

Pour mémoire, le plan « autisme 3 », destiné selon le gouvernement, à remédier à la situation, est estimé à un montant de 205 millions à dépenser sur 4 ans, ce qui est nettement insuffisant.

Dans ce contexte, le contenu du dossier de presse du gouvernement Autisme, dépasser les préjugés paru le 29 mars dernier prêterait presque à sourire si la situation n’était pas si dramatique. On y apprend que :

« Une révolution est en marche concernant l’autisme en France et ce changement est vertueux et irréversible. Il est attendu depuis si longtemps par les personnes et les familles. Cette révolution porte sur les idées, sur les connaissances, les pratiques et les réponses concrètes aux besoins et attentes des personnes autistes. Alors, tous ensemble, à l’occasion de la journée du 2 avril, ne laissons pas les préjugés parler à la place des personnes autistes. »

Pour l’anecdote, un petit clip éducatif a aussi été réalisé et diffusé à l’occasion de cette fameuse journée de sensibilisation. Le but était de dénoncer la ségrégation dont sont victimes les autistes. Pourtant, un comédien non autiste a été retenu pour jouer le rôle d’un autiste, pour, paraît-il, ne pas « infliger » de souffrance à un autiste en le faisant participer au film. La polémique a été immédiate. Les associations ont eu du mal à comprendre ce préjugé du gouvernement alors que dans plusieurs films comme par exemple « Presque comme les autres », l’acteur est autiste sévère et que cela n’a pas été considéré comme une source de maltraitance à son égard. Comment se fait-il que le gouvernement, si prompt à sensibiliser le citoyen et à donner des leçons, n’ait pas commencé par s’auto-sensibiliser à cette grande cause ? Chacun jugera.

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  • On sait que la médecine générale détecte très peu de cas d’autisme : ce sont en majorité les parents qui , consultant le net font ce travail et galèrent pendant des mois pour avoir une confirmation médicale
    On constate que malgré les exemples Étrangers , la France se plait dans la médecine psychiatrique et les traitements pesticides pardon médicamenteux à haute dose pour assommer les enfants atteints
    On s’inquiète des sommes ahurissantes gaspillées par l’État ,pour le traitement , l’éducation avec des résultats encourageants mais bien faibles —–
    ALORS que des associations privées font un travail remarquable ——-et que l’on ignore ces MAMANS qui pour s’occuper 168 h / semaine de leur enfant ont abandonner un travail , ont vu , dans de nombreux cas , un conjoint s’éloigner mais font un suivi au top avec peu de moyens =
    Pourquoi ne pas les indemniser , leur assurer une retraite digne , les soutenir dans les moments pénibles : cette solution aurait le mérite de couter moins cher à la collectivité et les valoriserait aux yeux de l’opinion qui , en FRANCE , n’est pas tendre

    • Pour étayer les propos du journaliste et de Nivelle, ma femme a dû arrêter de travailler pour s’occuper de ma fille qui n’est pas autiste mais dys (dysphasique, dysortographique et dyspraxique). Le système est le même, il faut se débrouiller pour monter les dossiers de prise en charge, pour trouver les bons « médecins » qui sauront d’abord de la diagnostiquer puis de l’aider pour qu’elle grandisse le plus « normalement » durant son enfance et son instruction. Naturellement, il en va de même pour l’éducation de nôtre fille, ou il faut l’aider à s’habiller, à se coiffer, à faire ses devoirs (un devoir chez un élève « normal » qui prend 5 minutes pour lui, prendra 20 minutes à une heure quand cela se révèle parfois impossible à faire tout bonnement). Donc toutes ses choses « dossiers à monter, l’enfant à s’occuper, les prises de rendez-vous, les réunions avec les équipes éducatives » font que ma femme comme beaucoup de femmes (parfois des hommes) ont dû faire le sacrifice professionnnel. Cela veut aussi dire sacrifice financier pour la famille (les frères et soeurs iront moins souvent en vacances, au cinéma et s’achèterons moins souvent de vêtements neufs, etc, etc…) puisqu’il y a un revenu en moins. Mais au delà de l’aspect financier qui certes compte, c’est le sentiment de se battre seuls ! Et encore, ma femme et moi avons de l’instruction, j’ai un emploi correcte, mais certaines famille n’ont ni l’un ni l’autre voire aucun des deux et là c’est la misère assurée pour le devenir de l’enfant. Car les écoles sous prétextes fallacieux que les parents aient refusés d’envoyer leurs enfants « Dys » ou Autistes dans des écoles dites « spécialisées » (qui peuvent êtres très bien, mais souvent trop éloignées ce qui engendrent d’autres problèmes à venir) refusent de remplir des demandes de prises en chage afin de faire évaluer l’enfant par l’AMDPH (association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées) et Maison du Langage. Bref, si pour nous parent d’enfant DYS c’est pas facile dans ce pays ou des aides pour des trucs incompréhensibles existent la vie est parfois pénible, pour les parents d’enfant Autisme, c’est encore pire et là on ne parle même pas de l’enfant DYS ou Autiste tout court !

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