École professorale de Paris : une autre éducation est possible !

Entretien exclusif avec Philippe Nemo, directeur de l’École professorale de Paris.

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École professorale de Paris : une autre éducation est possible !

Publié le 22 mars 2016
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L’école professorale de Paris vient de voir le jour. Cet établissement privé entend « contribuer à recréer les conditions d’existence d’un enseignement secondaire d’excellence en France ». Contrepoints a interrogé son directeur le philosophe Philippe Nemo, qui s’est impliqué dans ce projet inédit en France. Philippe Nemo est ancien élève de l’école normale supérieure de Saint-Cloud, et Docteur d’État ès Lettres et Sciences humaines. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages et président de la Fondation Lettres et sciences.

Contrepoints : Pourquoi lancer une école de formation des enseignants aujourd’hui ? Est-ce une manière de répondre à la crise éducative d’aujourd’hui ?

Philippe Nemo : Si l’on veut faire œuvre utile en matière d’éducation, il faut commencer par le commencement, c’est-à-dire la formation des professeurs. C’est d’ailleurs l’idée qui commanda la création de l’École normale supérieure en 1795 après la fin de la Terreur. Il n’y avait plus eu d’enseignement digne de ce nom en France pendant des années. Il s’agissait de rebâtir des écoles, et Lakanal se rendit compte que, le pays n’ayant plus de professeurs disponibles, la tâche la plus urgente était d’en former. La crise actuelle de l’enseignement n’est pas sans analogie avec la situation d’alors. Les professeurs d’aujourd’hui, qui ont été instruits par une école qui était déjà dégradée quand ils y étaient élèves, n’ont pas tous le niveau requis, et il y a donc un problème sérieux de transmission de la culture. D’autre part, trop de formations actuelles mettent l’accent presque uniquement sur la formation pédagogique des étudiants qui aspirent à l’enseignement, au détriment de leur formation académique. Il est permis de n’être pas d’accord et de proposer un autre modèle. Et puis nous avons une autre motivation toute simple de nous lancer : après avoir gémi des années sur la déconstruction de notre Éducation nationale, nous nous sommes dit qu’il valait mieux essayer de construire, du moins à l’échelle de ce que peut faire une initiative privée.

Quels seront les débouchés pour les élèves qui suivront les cours de l’École professorale de Paris ?

Ils deviendront professeurs dans le public, le privé sous contrat et le privé hors contrat. Aucun débouché ne leur est fermé. Naturellement, s’ils veulent avoir un poste statutaire dans les deux premiers types d’établissement, ils devront passer les concours d’État de recrutement de professeurs, CAPES, CAPEF-CAPES ou agrégation. Nous les y préparerons. L’École est également ouverte à des jeunes qui, sans être d’ores et déjà certains de vouloir devenir enseignants, souhaitent acquérir une formation littéraire ou scientifique de haut niveau. Pour eux, l’éventail des débouchés possibles est donc très large.

Le privé peut-il être la solution aux problèmes rencontrés par l’Éducation nationale, notamment la baisse de niveau ?

Il est évident que des initiatives privées ne peuvent à elles seules redresser la situation nationale, et en ce qui nous concerne nous n’avons évidemment pas une telle prétention. Mais des initiatives privées peuvent au moins, par leur simple existence, prouver que d’autres options éducatives sont possibles. La liberté scolaire existe en France, il est légitime d’en user dans cet esprit. Si ces initiatives se révèlent fécondes et convainquent une fraction significative de l’opinion, peut-être nos hommes politiques daigneront-ils s’y référer et accomplir dans l’Éducation nationale les réformes de bon sens qui s’imposent. Mais, en ce qui nous concerne, notre seule ambition est d’accomplir sérieusement notre tâche au profit des étudiants et des écoles qui nous feront confiance.

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  • Parler de l’éducation en France – et en plus en donnant la parole à un philosophe – sans employer le moindre de terme de jargon ronflant auquel on es maintenant accoutumé, est un véritable exploit.

    Je plébiscite cette école et les enseignants qu’elle formera !

  • Bonne initiative, très certainement. Elle a le mérite d’ouvrir une voie alternative à l formation des enseignants de haut niveau. Espérons qu’elle sera moins marquée idéologiquement à gauche que l’EdNat.
    Ceci dit, l’auteur dit :
    « Philippe Nemo : Si l’on veut faire œuvre utile en matière d’éducation, il faut commencer par le commencement, c’est-à-dire la formation des professeurs »
    Le vrai commencement ne serait-il pas celui de former plus efficacement les enseignants du primaire, voire de l’école elle taire ? C’est le socle, la base culturelle, éducative et même sociale. Et ce socle est toute évidence mauvais.
    Former des professeurs d’excellence qui n’ouvriront qu’auprès d’élèves déjà pollués par 10 ou 15 ans d’éducation biaisée et bisounourienne risque de manquer quelque-chose. Enfin je le crains.

    • L’école élémentaire a, à mon avis, un rôle « initiatique »: il s’agit « d’apprendre à vivre à l’école » avec un groupe d’enfants de toute origine, éducation, fratrie et « type » familial: apprendre les moments de discipline, de silence, la tolérance aux autres et , déjà, le respect mutuel, les modes d’expression tolérés ou encouragés (dont la prise de parole) et ceux prohibés (coups et insultes). Les « cours »peuvent rester ludiques tout en préparant progressivement aux futures « disciplines » (lecture, écriture, calcul): les techniques sont maintenat bien connues.

      Quand à l’école primaire, son rôle doit rester basique: apprendre à lire, écrire, calculer et « TRAVAILLER / ÉTUDIER »! Cette base est le minimum indispensable à atteindre: le reste est optionnel si la base est atteinte. Ces matières sont vitales et ne devraient ni prêter le flanc à une idéologie quelconque ni faire l’objet de « nouveautés pédagogiques » dont l’efficacité éprouvée après essais pilotes répétés sérieusement évalués de façon scientifique et statistique, ne s’est pas imposée comme clairement supérieure: un demi-siècle d’essais trop vite généralisés qui ont pourtant disparu m’ont persuadé que les apprentis sorciers n’ont pas leur place face à des enfants cobayes!

  • Je ne vois pas en quoi une école qui a taux de réussite supérieure à 90% pour une classe d’âge peut être considérée comme dégradée ou en échec ?
    Au contraire, le système fonctionne à la perfection et le taux de succès augmentant chaque année on peut considérer qu’il se bonifie.
    Pourriez-vous expliquer cette contradiction entre ces résultats et la dégradation constatée ?
    (Avant que vous ne sortiez les lance-flammes, veuillez considérer l’existence possible de sarcasme dans ce qui précède).
    Cette école est une très bonne idée, mais comment des professeurs issus de cette école pourraient s’insérer dans le système actuel où le problème n’est pas vraiment (pas toujours) chez les enseignants, mais dans la gestion des enseignants et des élèves.
    Mettez le meilleur professeur du monde dans une école mal gérée, il fera comme les autres: fuir ou devenir fou, la fuite peut aussi passer par un détachement total.

    • Exact. Mais même dans le système actuel, un certain nombre de professeurs utilisent toutes les marges de liberté dont ils disposent dans l’intérêt de leurs élèves. Ils n’ont pas un inspecteur sur le dos toutes les semaines, et les parents se rendent compte qu’ils font du bon boulot. Augmenter le nombre de ces lrifesseurs peut être un bon début.

    • Vu de l’étranger, on apprend, avec le temps, que « l’éducation nationale », bien qu’ « égalitaire » dans son principe, ne l’est pas vraiment dans la réalité et c’est inévitable: je crois que bien des gens connaissent cette demi-douzaine de lycées, à Paris, qui jouissent d’un prestige particulier, bien au-dessus du lot, alors que les jeunes profs connaissent bien (et redoutent?), eux, une affectation dans ces lycées de zone d’éducation prioritaire.

    • Avec une épreuve de math au bac scientifique notée sur 24 depuis au moins deux ans, 90% d’une classe d’age qui obtient le bac est un perceptible idéologique vide de sens.
      Combien d’élèves de terminales décrocheraient le bac tel que celui que j’ai passé en 1980 ? Pas 90%, c’est évident. Et même loin…
      Augmenter le taux de réussite en diminuant la valeur, qualité et difficulté des épreuves est à la portée de tout gouvernement vertueux.
      Mais au final, tous ces bacheliers restent sur le carreau quand il s’agit de bosser, au travail ou à la fac…

    • Je penses que la plupart des professeurs qui seront formés dans cette école iront dans des écoles privés qui elles sont bien gérées.

  • « professeurs », pardon

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