Taux d’intérêt négatifs : les banques à bout de souffle ?

Banques centrales : comment rebondir après l’échec de la politique de taux négatifs ?

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Euro BCE (Crédits Maciej Janiec, licence Creative Commons)

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Taux d’intérêt négatifs : les banques à bout de souffle ?

Publié le 19 mars 2016
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Par Régis Yancovici.

Euro BCE (Crédits Maciej Janiec, licence Creative Commons)
Euro BCE (Crédits Maciej Janiec, licence Creative Commons)

Petit à petit le sentiment que les Banques Centrales ont utilisé toutes leurs munitions s’installe. Elles seraient désormais incapables de nous sortir de la déflation. Pour le moment les politiques de taux négatifs, peut-être en dehors de la Suède, n’ont pas produit les effets escomptés. La NIRP1 a deux objectifs : pousser les banques à prêter et affaiblir la devise. Mais le système est grippé.

La première variable d’ajustement n’est pas le crédit dispensé par les banques mais la santé des banques elle-mêmes. Elles sont prises en étau. Soit leurs réserves déposées auprès des banques centrales fondent, puisque qu’elles sont « rémunérées » à un taux négatif, soit elles octroient des crédits pour des projets à risque. Les projets de « qualité » n’ont pas besoin d’incitation pour être financés. Le fait que la BCE annonce acheter désormais des emprunts privés ne change pas grand-chose à la donne.

La faiblesse de l’investissement en Europe ne vient pas d’un problème d’accès à la dette mais d’un manque de confiance dans l’avenir, d’un manque de stabilité, d’un manque de réformes, du risque populiste… Les acteurs économiques ont besoin d’un nouvel élan. L’action des gouvernements doit maintenant prendre le relais des banques centrales. Le dogme du niveau d’endettement doit être mis de côté provisoirement de manière à mener des politiques contra-cycliques. Les taux négatifs leur offrent cette possibilité. Hélas, croire à une telle perspective serait faire preuve d’un optimisme de mauvais aloi tant le « track record » des dirigeants est désastreux.

Bien sûr, il y a la situation française. Que de promesses non tenues ! (mais pas de déception… Pour être déçu, il aurait fallu que nous ayons placé quelques espoirs). Mais qu’il se rassure, M. Hollande n’est pas seul. Au Japon, les espoirs provenant des « Abenomics » est retombé comme un soufflet. Les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Pas d’accélération structurelle de la croissance, ni de l’inflation. Surtout la promesse de réformes est restée lettre morte. En Inde, les promesses du président Modi semblent avoir été oubliées à la lecture du budget. En Corée, la « Creative Economy » est restée un slogan.

Rôle de la devise

La seconde variable d’ajustement est la devise. Mais dans un monde ouvert, c’est un jeu à somme nulle. L’intérêt, en tant qu’investisseur, est d’analyser des politiques qui sont intégrées dans les cours et les cours qui n’intègrent pas la politique qui devrait être menée. À ce jeu-là, le dollar risque maintenant d’être le perdant.

Nous avons atteint, voire dépassé le point paroxystique entre les politiques monétaires de la BCE et de la BoJ d’un côté, et la politique de la Fed de l’autre. La réaction de l’euro après les annonces de M. Draghi en est un nouveau signe. Le grand écart entre les politiques de la BCE/BoJ d’un côté et la Fed de l’autre a laissé un euro, et surtout un yen très sous-évalué. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, malgré le rebond des actions depuis un mois le yen n’a pas rebaissé. Son potentiel de hausse n’est sans doute pas épuisé. Par ailleurs, le niveau atteint par le dollar a déjà lourdement pénalisé l’industrie américaine comme en atteste le niveau de l’indice ISM.

L’échec de la NIRP ne signifie pas que les Banques Centrales soient impuissantes. Puisque les banques préfèrent perdre de l’argent placé auprès de leur banque centrale avec certitude plutôt que de risquer de le perdre avec leur client, la seule chose qui reste à faire de réellement efficace, c’est que la banque centrale prête directement aux acteurs économiques qui sont sûrs de le dépenser : les États.

C’est bien entendu une solution radicale. Couplée à des réformes structurelles, c’est l’assurance de booster l’économie. Mais nous n’en sommes pas là. Le financement des États est interdit par les traités européens, les dirigeants japonais trop timorés et les Américains déchirés en période électorale. Ce ne sont pas les options qui manquent, c’est le courage. Sans doute faudra-t-il une nouvelle crise pour envisager de telles solutions.

  1. la politique des taux d’intérêt négatifs.
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  • Relancer la croissance via des dépenses d’état financées aux dépens de l’avenir (dette). En espérant que l’argent sera dépensé à bon escient par cet acteur économique éloigné du marché réel. Comment dire… Lol ?

    Les banques centrales sont et seront toujours impuissantes, et imprimer ou détruire de la monnaie ne crée pas de richesse, juste des aléas.

    Quant à partir prendre comme base de raisonnement l’idée que la déflation doit être évitée, ça reste triste. Le progrès est d’ailleurs fondamentalement déflationniste (les classes moyennes d’aujourd’hui vivent mieux que importe quel milliardaire il y a un siècle).

  • Pas très libéral comme solution : permettre aux états de s’endetter et de dépenser plus !
    Face aux aberrations de la politique de la BCE (et des banques centrales), les banques ordinaires n’ont plus qu’une solution : réduire la voilure (donc avoir besoin de moins de réserves à taux négatif) et revendre à la BCE toutes ces OAT qui ne rapportent rien (sans en acheter d’autres bien sur) en profitant des largesses du QE. Le marché du crédit (et donc la cure d’amaigrissement des banques qui en découle) se restreindra alors aux seuls emprunteurs fiables et rémunérateurs (sauf à accroitre le dirigisme, il est inévitable que les entreprises se retirent de ce qui n’est pas rémunérateur). On s’apercevra alors que l’on est revenu aux pratiques funestes du passé avec une banque centrale qui crée de la monnaie pour les états. Les pays vertueux ne laisseront surement pas faire.

  • Prêter aux Etats c’est s’assurer d’un boost dans l’économie ???? Mais bien sûr ! Pourquoi n’y a t’on pas pensé plus tôt ?
    En plus nous sommes très bien extrêmement bien placés en France pour donner des conseils en ce sens à tous nos voisins ! Pensez-donc ! Un déficit structurel depuis 40 ans et une économie flamboyante, pas de chômage, des comptes partout à l’équilibre !
    Quelle formidable idée !!!! Allons y gaiement, dépensons, dépensons ! Les dépenses de l’Etat et des collectivités territoriales sont tellement productives !
    Même mieux ! Comme isait récemment Clémentine Autain (jolie femme au passage, dommage…), avec l’argent « donné » aux patrons au travers du CICE, on aurait pu embaucher 2 Millions de fonctionnaires en plus ! Mais pourquoi ne pas l’avoir fait ??? Mais la voilà la solution, tous fonctionnaires et hop, plus de soucis !

    • Sur un plan libéral, théoriquement, c’est au niveau du marché que devrait se trouver la solution.

      En fait, on en voit déjà des ébauches.

      Nul doute que « le public » n’a pas oublié le rêve des grandes banques (commerciales) qui s’est réalisé en 2008, à de rares exceptions près: « la privatisation des bénéfices et la mutualisation des pertes ».

      Mais ni le public ni les états ne sont prêts (ni capables, d’ailleurs) à renouveler l’expérience: les banques en sont bien conscientes et, d’une certaine façon, réagissent en faisant la « grève du risque ».

      Comment ne pas voir, en face, ces « nouveautés » qui trouvent sur internet un nouveau terrain de jeu:

      – le crowdfunding, d’abord qui permet de réunir des fonds:

      * soit des dons qui n’ont pas pour vocation de rapporter mais peuvent traduire la volonté du donateur de favoriser une activité (ce qui n’est pas ce qu’il vit avec l’état qui exige pourtant une part bien plus importante!),

      * soit des avances qui seront, au pire, remboursées, en cas d’échec, au mieux multipliées si le projet est couronné de succès: aucun compte d’épargne bancaire banal ne permet cet espoir.

      – le nombre de ces banques sans agence et sans papier, aux frais de gestions réduits et qui vous permettent de gérer votre compte de votre fauteuil à moindre coût.

      – mais aussi, l’apparition bien plus discrète, encore, de banques qui veulent se démarquer du système bancaire traditionnel, un système coopératif remplaçant le capital, le client devenant actionnaire: c’est un chemin ardu qui doit faire face à une opposition des « professionnels », mais ça a le mérite d’exister!

      Mais les banques commerciales traditionnelles devront bien finir par s’adapter, quitte à perdre un peu de leur superbe.

  • C’est le gros problème de notre soi disant démocratie : tout dirigeant élu ne voit pas plus loin que le bout de son mandat ou sa réélection, et trop souvent sa seule stratégie est d’assurer sa survie et son bien être personnel et sa seule politique de maintenir le bateau plus ou moins à flot jusqu’au moment où il refilera le rafiot déglingué mais encore flottant à son successeur, avec un sourire sarcastique, surtout si le successeur appartient à l’opposition. Qui peut dire quelle est la stratégie long terme de Hollande ou même simplement s’il a une vision réaliste et non démagogique du futur de la France ? Vers où nous emmène-t-il ? Aucune réponse à ces questions. Pas plus que pour ses adversaires politiques d’ailleurs, c’est bien là le drame.

  • « …désormais incapables de nous sortir de la déflation ».
    Ils nous emm… avec leur trouille de la déflation. Et si la déflation étaient une bonne chose?

    • La déflation? C’est pas ce truc qui nous ferait avoir plus de pouvoir d’achat, donc en d’autres termes nous rendrait plus riches?

      Oui, mais voilà, moi président n’aime pas les riches, nous avait-il prévenu. Tant pis.

      • La déflation ❓ Le truc qui les obligerait à faire des réformes… Oh mais quelle horreur… Ils en grelottent rien qu’à cette idée…

        • La déflation c’est la baisse des revenus de l’état mais c’est tout bénéf pour le citoyen ordinaire. L’état est mort si la déflation augmente parce le poids de sa dette qu’il ne peut rembourser devient ingérable avec des revenus diminués. C’est la peur des dirigeants de devoir déclarer l’état en faillite vu qu’il est déjà en semi cessation de paiements à partir de septembre. C’est pourquoi ils veulent tant relancer l’inflation qui n’est autre qu’un impôt universel, insidieux, non voté et facile à recouvrer.

  • Très bonne affaire pour les prêts indexés sur l’Euribor

  • Les taux d’intérêts négatifs couplé à la fin du cash comme en Suède c’est surtout une manière pour les banques de faire des profits monstrueux très facilement et pour le travailleur de se faire dépouiller sans ne pouvoir rien faire.

  • Les commentaires sont fermés.

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