Loi travail : le pistolet de Bruxelles sur la tempe du gouvernement ?

Loi Travail : quelles sont les véritables motivations du gouvernement ?

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Myriam El Khomri credits Parti Socialiste via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0)

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Loi travail : le pistolet de Bruxelles sur la tempe du gouvernement ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 mars 2016
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Par Olivier Myard

Myriam El Khomri credits Parti Socialiste via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0)
Myriam El Khomri credits Parti Socialiste via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0)

On peut trouver toutes sortes de vertus à ce projet. Au moins il prend à bras le corps l’un des problèmes de fond de l’économie française, à savoir les rigidités du marché du travail.

Les entreprises petites et moyennes, en théorie principales pourvoyeuses d’emplois, ne recrutent qu’à la dernière extrémité, paralysées par la perspective des contraintes qui s’abattraient sur elles si elles devaient se séparer de certains de leurs employés, en cas de coup dur.

Les grandes entreprises ont des services juridiques et de ressources humaines qui ont le savoir-faire, et les surcoûts résultants sont mutualisés sur une large échelle.

Une fois débarrassés de nombre de ces contraintes, on peut imaginer que les chefs d’entreprises seront plus incités à embaucher, y compris les populations les plus marginalisées sur le marché du travail (jeunes, seniors, femmes sans qualifications, immigrés, etc.).

On peut déplorer pour l’instant, après avoir mis le paquet sur la « flexibilité », qu’il n’y ait pas un volet « sécurité ». Il faudra bien en effet trouver des solutions d’urgence et des formations utiles pour encadrer les personnes qui vont perdre leur emploi et qui risquent, dans un premier temps, d’être plus nombreuses que celles qui vont bénéficier de cette libéralisation du marché du travail.

On peut aussi regretter qu’il n’y ait pas de volet fiscal. Les mesures décidées par les gouvernements successifs depuis 10 ans sont toujours allées dans le sens d’un alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Outre que c’est injuste (le capital a été constitué avec ce qui reste des revenus du travail, déjà taxés), c’est inefficace économiquement, car le dynamisme de l’économie vient de l’investissement, que ces mesures fiscales ont découragé…

Mais sans doute des mesures seront-elles annoncées un peu plus tard, dans le cadre d’un dialogue « gagnant – gagnant ». Il faudra bien faire passer cette pilule, particulièrement amère.

Pour de nombreux partenaires dits sociaux, le progrès est à terme d’aligner la sécurité du secteur privé sur celle du public, ce qui constituerait alors selon le vocabulaire consacré « une grande avancée historique ».

Certes, l’effondrement du communisme à l’est de l’Europe a montré la limite de ce modèle sympathique (tous fonctionnaires, emplois à vie, le rêve !). Même les gouvernements de gauche n’osent plus depuis longtemps le proposer. Mais pour des syndicalistes, et certains militants, cela reste un objectif indépassable. Et les mesures proposées constituent, de ce point de vue, un recul majeur.

Il va donc falloir trouver des contreparties, et on peut faire confiance à l’imagination des politiques pour distribuer aides et autres allocations là où il faut pour que ça passe.

On peut quand même s’interroger sur les motivations véritables de ce gouvernement

Les Hollande, Valls, Macron… se seraient-ils positionnés à gauche au début de leur carrière politique par snobisme intellectuel ? Cela fait toujours bien de se dire à gauche, et donne un côté progressiste, ouvert, généreux, toujours utile pour construire une carrière politique. Donc cette réforme révélerait leurs convictions profondes, en définitive plus pragmatiques qu’idéologiques.

On peut aussi y voir une manœuvre politicienne, en contournant la droite qui n’a pas osé, en la rendant carrément ringarde. Mais aucune de ces lectures ne peut justifier une telle digression.

Le résultat concret de la mise en œuvre de ces réformes à caractère révolutionnaire pour notre société conservatrice et vieillissante sera de faire augmenter le chômage d’abord, et cela au pire moment pour le gouvernement, juste avant les élections de 2017 avant que d’autres en cueillent plus tard les fruits… Un peu étrange pour un président obsédé par sa réélection depuis mai 2012.

En fait, la manœuvre est limpide : ajustement par les salaires

La France a connu, au cours des 50 dernières années, trois hausses significatives des bas salaires : 1968, 1981, et 1998 (généralisation des 35 heures payées 39).

Lors de ces deux premiers événements, le poids de ces surcoûts, sans contrepartie immédiate en termes de gains de productivité, a été amorti par des dévaluations (1969 et 1982/1983). Pour le troisième, cela n’a pas été possible du fait du régime de changes fixes qui prévalait alors, préalablement à l’entrée de la France dans la zone euro, en 1999. Et depuis, notre pays traîne toujours ce boulet, jamais totalement résorbé.

Sur le principe, l’union monétaire aurait pu être une très bonne idée, les économies européennes n’étant plus balayées par les tempêtes monétaires à répétition, les entreprises ayant un système de comptes en une seule devise pour toutes leurs implantations de la zone euro, sans risques de change, et les particuliers appréciant de voyager, que ce soit à titre professionnel ou personnel, dans de nombreux pays d’Europe sans passer par le bureau de changes.

Normalement, si nos dirigeants avaient pris les bonnes décisions, ils auraient aligné leurs politiques économiques et surtout budgétaires (avec certes des nuances liées au dynamisme démographique, la structure de l’industrie, etc.) sur celle de l’Allemagne, l’euro étant, en définitive, une sorte de deutschemark mark CFA (mais chut, il ne faut pas le dire…), concept bien connu des familiers de l’Afrique francophone.

En fait, nos dirigeants ont fait l’inverse, se croyant à l’abri des conséquences néfastes de leurs mauvaises décisions. Ils ont ainsi pu s’endetter, pour financer des dépenses clientélistes grâce à des taux d’intérêt germaniques ou presque, ce qui était inespéré dans l’ancien monde.

Mais tôt ou tard, il faut payer la facture. Avant, on dévaluait le franc. Aujourd’hui, la seule variable d’ajustement devient le niveau des salaires, malgré ses conséquences récessives. Grecs, Espagnols, Italiens sont passés par là. Et on voit bien, parmi les mesures de ce projet de loi, ce qui va y contribuer. D’abord, les entreprises pourront certes licencier plus facilement, et donc recruter plus librement. Mais pas au même salaire. Ensuite, il est aussi prévu que les salariés n’acceptant pas une réduction de rémunération seront licenciés. Combien refuseront ?

Quatre ans après avoir déclaré la guerre à la finance (ce qu’on peut se permettre si on n’a pas de dettes…), après une succession de renoncements et de revirements, portés notamment par le ministre de l’Économie, le gouvernement opère un nouveau violent tête-à-queue.

Il semblerait que pour ce gouvernement de gauche, le sauvetage de l’euro, sur commande de Bruxelles, prime sur la préservation du pouvoir d’achat et le confort intellectuel de sa base électorale, aujourd’hui révoltée. Il faut vraiment que l’heure soit grave.

  • Olivier Myard est ancien cadre du privé dans le secteur financier et a aussi été haut fonctionnaire, notamment au sein de la Cour des comptes.

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  • On peut dire ce qu’on veut d’Hollande, dont le bilan est désastreux, mais je le félicite d’avoir tenté de bouger les lignes du marché du travail, plus que les précédents gouvernements.
    Dommage de se dire que la loi sera bien dégraissée, la montagne accouchera d’une souris.

  • Oui, cette loi est comme la loi Macron : un enfumage complet destiné à faire croire à Bruxelles que la France engage des réformes, alors que le contenu exact est, sera et deviendra un bon condensé de collectivisme et d’Etatisme, un de ces machins soviétiques dans la ligne du programme commun.

    Toute cette farce de mobilisation n’est qu’un écran de fumée destiné à faire croire que l’on est en train de changer le monde et que ce pays est irréformable, que Podemos et Siriza sont au pouvoir etc, etc…

    Je ne crois pas une seule seconde que la clique au pouvoir soit motivée tout d’un coup par autre chose que de se complaire dans leurs fonctions…

  • La principale raison qui fait embaucher, c’est qu’il y a un travail à faire et personne de disponible pour le faire. Le premier problème est l’absence d’investissement et donc de financement de l’innovation. Après on peut toujours fluidifer le fonctionnement du travail, mais je ne vois pas de simplification des trop nombreuses normes administratives. Pourquoi faire porter tout le poids de la réforme sur les salariés, comme s’ils étaient responsables du problème ? Pour que cette réforme soit acceptable, il faut offrir des perspectives favorables pour l’ensembles des parties prenantes et ici on a l’impression que les seuls qui tirent les marrons du feu ne sont ni les entrepreneurs, ni les salariés mais les financiers qui ont mis en place le meilleur système de prédation depuis la fin de l’esclavage.

    • Complètement d’accord. On peut fluidifier ce qu’on veut, tant que 3 personnes bosseront pour payer le 4ème improductif qui leur met en plus des bâtons toujours plus nombreux dans les roues, on n’y arrivera pas. L’idéal serait de revenir à un ratio de 1 pour 10, et encore si cela se justifie au nom de missions purement et exclusivement régaliennes.
      S’il y a le moins de charges possibles, il y a des bénéfices. S’il y a des bénéfices, il y a des investissements. S’il y a des investissements, il y a de l’emploi. Et s’il y a de l’emploi en suffisance, un employeur n’a aucun intérêt à laisser un salarié au salaire minimum sous peine qu’il change de crémerie.
      On a vraiment l’impression que TOUT est fait pour laisser perdurer cet état de fait. Toute la question est : qui en profite ?

      • @Cincinnatus
        « On a vraiment l’impression que TOUT est fait pour laisser perdurer cet état de fait. »
        Ce n’est pas une impression. Il y a des solutions, mais ceux qui en parlent n’ont pas accès au journal de 20h.

        « Toute la question est : qui en profite ? »
        Pour avoir la réponse, il faut examiner de près le fonctionnement de la monnaie. Il ne peut plus y avoir aujourd’hui un Euro en circulation sans une dette en contrepartie. C’est une mécanique diabolique. Si vous savez à qui profitent les dettes, vous avez la réponse et la solution.

        • Bonjour Pascal LEGRIS

          « Il ne peut plus y avoir aujourd’hui un Euro en circulation sans une dette en contrepartie. »

          Quels sont vos sources?
          Quelle est la proportion de création monétaire par rapport à la masse monétaire circulante?
          Quid du cycle création-destruction monétaire?

          • Mes sources sont ce qui est disponible sur Internet + le livre de l’économiste Steve Keen : « l’imposture économique ».
            Sur Internet, on trouvera, pour la zone Euro, les masses monétaires en circulation (M1 à M3, je n’ai pas trouvé M4), les volumes des dettes publiques et privées et les PIB.

            Tout ce qui est émis par la BCE l’est sous forme de billets qui sont prêtées aux banques. Ces banques ne font circuler qu’une infime partie de ces billets, le reste reste dans les réserves pour permettre la création monétaire. Cette création se fait uniquement en contreparties de dettes. La banque peut créer beaucoup plus de prêts qu’elle dispose de réserves par un effet de levier. L’effet de levier est limité par les accords de Bâle 3, mais les banques disposent de 15 jours pour régulariser la situation auprès de la BCE en empruntant un peu plus de billets. Les dépôts peuvent également générer des prêts à la demande du déposant, mais sans effet de levier, ce qui fait que c’est devenu marginal. La part de la monnaie préexistante, donc créée sans dette a fondu avec l’inflation et les déficits commerciaux.
            Aujourd’hui, la dette privée + la dette publique dans la zone Euro est plus du double de la masse monétaire M3, et également plus du double du PIB. On peut donc en déduire que la totalité monnaie en circulation seule ne suffira pas à effacer l’ensemble des dettes et qu’il faudra également y adjoindre des biens qui font partie de notre richesse. On peut en déduire également, que pour faire fonctionner notre économie, il faudra réinjecter de la monnaie et sans créer de dette, c’est impossible avec les mécanismes actuels.
            Tout d’abord, il manque une grande quantité de monnaie pour faire simplement fonctionner l’économie et le simple rattrapage du niveau ne génèrerait pas d’inflation. La BCE serait donc bien inspirée de faire ses QE directement sur les comptes des particuliers et des entreprises sans passer par les réserves des banques.
            Pour le reste, il ne faudrait pas que le niveau de dette ne dépasse 20 à 30% du PIB pour que cela reste gérable or les mécanismes de création monétaire actuels rendent cet objectif impossible à atteindre. Pas de PIB sans circulation monétaire, donc pas de PIB sans dette.

            La création monétaire pourrait très bien être faite avec une autre contrepartie que de la dette. Il serait possible de cibler les projets de création de richesse en mettant la création monétaire directement en contrepartie de ces projets (dans les fonds propres s’il s’agit d’une entreprise). Cela créerait un cycle de circulation monétaire plus long que le prêt. La monnaie serait détruite lorsque le projet commence à faire de l’effet et non des années auparavant.

          • « Il ne peut plus y avoir aujourd’hui un socialisme en action sans une dette en contrepartie. »

            Corrigé.

            L’euro est UN problème. Le socialisme est LE problème.

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