La Neutralité du Net tue l’internet libre

L’accès à internet est-il un droit de l’homme fondamental ?

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Mark Zuckerberg - Crédit photo : JD Lasica (CC BY-NC 2.0)

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La Neutralité du Net tue l’internet libre

Publié le 20 février 2016
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Par Gary McGath

Mark Zuckerberg - Crédit photo : JD Lasica (CC BY-NC 2.0)
Mark Zuckerberg – Crédit photo : JD Lasica (CC BY-NC 2.0)

Donner des biens ou services à des gens qui ne peuvent pas se les offrir en temps normal permet généralement de recevoir des éloges. Dans le cadre de la Neutralité du Net, c’est un affront de mettre une limite à ce que vous donnez. Facebook en a fait l’expérience.

Facebook a présenté un plan appelé Free Basics ou Internet.org « pour rendre disponible et abordable à l’humanité entière l’accès aux services internet de base », a déclaré le Président de Facebook Mark Zuckerberg. Free Basics est conçu pour opérer selon un modèle de « bande passante sponsorisé » : les utilisateurs ont accès à n’importe quel site web depuis leurs téléphones, mais ils ne sont pas facturés des coûts de réseaux tant qu’ils naviguent parmi les services du plan « Free Basics ». Facebook se rémunère à travers des partenariats et, dans le même temps, des gens obtiennent un accès à Internet, ce qu’ils n’auraient pas sans cela. C’est bien une opération gagnante pour tout le monde, n’est-ce-pas ?

Le problème, selon les opposants, est que cet accès est soumis à des restrictions. En effet, les sites internet mobiles doivent fonctionner en l’absence de JavaScript, vidéo, images de grande taille, Flash et plugins Java (Java et JavaScript sont deux langages de programmation différents en dépit de leurs noms similaires). Certaines de ces restrictions ont pour but d’éviter les pages gonflées qui consomment des grandes quantités de bande passante – le coût de l’accès à Internet étant plutôt élevé dans certaines zones. D’autres restrictions dissuadent d’utiliser des technologies qui ne sont pas supportées universellement sur les équipements mobiles.

Ces restrictions, disent les critiques, violent le principe de Neutralité du Net, qui implique que tous les fournisseurs proposant un accès à Internet doivent traiter toutes les données transitant par leurs réseaux de manière égale. Certains défenseurs de la Neutralité du Net considèrent donc le plan Free Basics comme scandaleux. Et de fait, quelques pays ont empêché son déploiement.

En décembre 2015, le gouvernement indien a ordonné à Reliance Communications, la seule société proposant Free Basics, d’arrêter de le proposer jusqu’à ce que l’Autorité de Régulation des Télécommunications puisse décider si elle satisfait les conditions de la Neutralité du Net. L’interdiction a été rendue permanente en février 2016. Par ailleurs, l’Égypte a également interdit Free Basics.

La problématique de la Neutralité du Net a tout d’abord été la source d’un intérêt généralisé car les fournisseurs d’accès peuvent secrètement fournir plus de bande passante pour leur propres contenus, ou pour des sites avec qui ils ont des accords, aux dépens d’autres sites. Il est vrai que si des fournisseurs agissaient d’une telle façon, cela pourrait constituer un marketing trompeur. Néanmoins, en ce qui concerne Free Basics, la neutralité est plutôt un impératif catégorique.

Zuckerberg a ébranlé la position de Facebook en déclarant que la « connectivité fait partie des droits de l’homme ». Si les gens ont un droit intrinsèque à une connexion internet – un « droit » qu’une puissance mystérieuse a refusé à l’ensemble de l’humanité pendant la majeure partie de son histoire -, alors toute restriction quant à son accès viole les droits de l’homme. Les opposants de Zuckerberg ont été prompts à l’attaquer sur ce point. Un article de CNBC indique ainsi qu’une critique en Inde « compare Free Basics à un apartheid numérique, car cette offre sert principalement les intérêts de Facebook plutôt que le maintien de l’idée selon laquelle la connectivité est un droit de l’homme ».

Même si la liste des droits inaliénables devait inclure la vie, la liberté et la connectivité internet, protéger cette dernière en interdisant les services limités est une idée bizarre. Cela revient à dire que les gens ont un droit d’accès à la nourriture, puis à interdire la distribution gratuite de soupes à la tomate à moins qu’un filet mignon soit aussi distribué gratuitement.

Free Basics peut avoir des défauts, mais seuls ses utilisateurs peuvent les juger. Les gouvernements n’ont aucune raison légitime d’interdire le service d’accès à Internet de Facebook.

Traduction Contrepoints

Lire sur Contrepoints notre dossier spécial Libertés publiques

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  • « Les gouvernements n’ont aucune raison légitime d’interdire le service d’accès à Internet de Facebook. »

    Sans doute, encore que cela reste encore un débat compliqué malgré l’apparente simplicité de la position libérale.

    Facebook n’a aucune légitimité à déclarer l’accès à Internet droit fondamental, sans parler de crédibilité. Personne ne voit aucune manipulation là-dedans, aucun élément de langage? Entendre Zuckerberg prétendre défendre un droit d’accès à Internet sorti d’on ne sait quelle imagination, c’est pour moi exactement comme d’entendre un écolo clamer un droit opposable au logement, qui donne finalement le droit officieux de s’approprier n’importe quel logement vacant ou non, du moment qu’on n’en dispose pas déjà d’un.

    Clamer un « droit à Internet » qui n’a jamais existé, c’est prétendre définir une règle de Droit, et c’est donc finalement en céder le contrôle à l’état. CQDFD.

    Et dans cette optique on peut légitimement douter des intentions de Zuckerberg quand on prétend n’y voir que commerce libéral.

  • Le droit à l’internet, défendu par Facebook, a effectivement un petit quelque chose de suspect. Mais OK, laissons les utilisateurs de Free Basics juger, en comparant avec les autres offres. Les autres offres ? Oh wait !

    • C’est sûr que la concurrence du gratuit produit toujours quelque chose de vertueux. Metronews pourra vous le dire… D’autant plus que ce n’est qu’un faux internet en carton qui est proposé.
      C’est gratuit, mais c’est de la merde.

      • « C’est gratuit, mais c’est de la merde. »

        C’est quoi de la merde ? Un truc qui ne vous plaît pas ?
        Ca me rappelle les commentaires que certains font sur les émissions de télé dont TF1, de la TNT etc… qui ne sont pas dans leur standard. Pourtant ça se consomme donc c’est qu’il y a des clients donc ils ont choisi donc c’est bien, et dans ce sens c’est un jugement de valeur étayé.

    • Si Internet est un droit, il va aussi devenir une obligation. Cela devient de plus en plus le cas, y compris pour l’administration qui veut nous obliger à remplir des déclarations sur Internet.

      Mais alors, on est en droit de demander à rester à l’écart de certains acteurs comme Facebook, par exemple en exigeant que les navigateurs propose une option pour bloquer leurs petites « balises ». Vous savez, la petite icône en haut à droite de la page que vous êtes en train de lire et qui sert à vous suivre à la trace.

  • > un droit intrinsèque à une connexion internet

    Même si on admet son existence, ce n’est pas ce que Facebook propose. Ça n’a rien à voir avec Internet, il serait même trompeur de l’offrir comme tel.

    Bien sûr, ne nous voilons pas la face : si les gouvernements l’interdisent, c’est qu’ils veulent être les censeurs à la place de Facebook, pas parce qu’ils veulent un véritable accès à Internet, ce qui se fait de plus en plus rare.

  • « Cela revient à dire que les gens ont un droit d’accès à la nourriture, puis à interdire la distribution gratuite de soupes à la tomate à moins qu’un filet mignon soit aussi distribué gratuitement. »

    Bonne démo.

  • Cet article mélange allègrement les choses et ne fait qu’égratigner le sujet. La neutralité du Net est une question difficile. Le cas de « Free Basics » tel que décrit ici est très particulier. On dirait que Facebeook cherche à créer un Internet « bis » dans lequel il controle les contenus. C’est gratuit mais limité à ce que Facebook a décrété comme bon pour ses utilisateurs. Ce n’est pas choquant en soi, mais il y a tout de même des enjeux assez lourds. Quand on contrôle l’info disponible pour toute une population on dispose d’un grand pouvoir.

    • « Quand on contrôle l’info disponible pour toute une population on dispose d’un grand pouvoir. »

      Il faut donc vite interdire les journaux gratuits, la TNT gratuite…
      Rien de neuf en fait.

      • Ah mais je n’ai pas écrit qu’il fallait interdire quoi que ce soit. Les médias ont un pouvoir. Ce qui fait la force des médias sur internet c’est qu’il y en une très grande variété, ce qui est très loin d’etre le cas de la TNT. Free Basics c’est une réduction de la variété de l’offre. On peut le voir comme une tentative de prendre le contrôle d’une audience.

        • Oui, donc pour vous tout ce qui est gratuit c’est une réduction de la variété de l’offre.
          Pour moi c’est juste le résultat d’une offre variée.

          • D’ailleurs en élargissant votre concept, la concurrence est une réduction de la variété de l’offre.

            Ceux qui vendent moins cher incorporent donc du gratuit par rapport aux autres.

            Imaginons maintenant que vous receviez de l’argent pour surfer sur certains sites ! wah !

      • Les journaux, la TNT, gratuits? Vous prenez les journaux gratuitement, au kiosque? Et la redevance TV, c’est pour les chiens? Et les millions de subventions annuelles, pour les uns et les autres, c’est gratuit, c’est l’état qui paye?

        Rappel: « There is no such thing as a free meal ». Et il n’y a pas d’internet gratuit non plus. L’interdiction du gouvernement n’a en effet rien de libéral, et est un abus de pouvoir, mais le projet de Zuckerberg sous couvert de « droit à l’accès à Internet », libéral? En apparence, mais dans l’intention, et dans les conséquences futures, permettez qu’on en doute.

        Donnez accès à un Internet gratuit à toute une population par l’intermédiaire d’un seul fournisseur, je ne vois pas non plus en quoi c’est libéral. C’est très malin de la part de Facebook, mais l’état indien n’est pas totalement idiot non plus. Pour mieux faire, il aurait pu faire un appel d’offre, mettre en concurrence Facebook avec d’autres fournisseurs, et permettre l’entrée de 3 ou 4 fournisseurs, à l’inverse de laisser naïvement le marché ouvert à un seul entrant, ou de le fermer bêtement à une innovation intéressante.

        Et d’ailleurs, question: pourquoi Zuckerberg n’a pas proposé ça aux USA? Ou en Europe? Ce ne me paraît pas anodin.

        • Oubliez ma question à la fin sur l’Inde, erreur de ma part!

        • Nomi : je parlais des journaux tel que MetroNews ou 20 minutes.

          La redevance télé n’est versée qu’aux chaînes d’état… et oui les autres sont gratuites (merci de m’éviter le couplet sur la pub que vous payez dans les produits que vous achetez, oui on est le produit et alors).

          « Donnez accès à un Internet gratuit à toute une population par l’intermédiaire d’un seul fournisseur, je ne vois pas non plus en quoi c’est libéral. »

          D’où ça vient cette manie de vouloir définir ce qui est libéral ou pas ? Pisser debout ou assis c’est libéral ?
          Dans le cas présent ce qui ne me paraît pas libéral c’est de vouloir interdire un service qui ne coûte rien à personne sauf à celui qui l’offre. Il vous aura échappé que FB a noué des partenariats avec des opérateurs locaux utilisant légalement des fréquences pour mobiles. C’est quoi cet appel d’offre ? MDR. ce n’est pas un marché public payé avec de l’argent des autres.
          D’ailleurs il n’y a pas si longtemps (5-6 ans) en France des providers tels Bouygues ou SFR ne décomptaient pas de votre forfait data le temps passé sur FB ou Youtube.

  • « L’accès à internet est-il un droit de l’homme fondamental ? »

    J’ai l’impression de revoir la discussion avec le droit au travail ou le droit au logement. Va-t-il falloir redonner les mêmes arguments? Il n’y a pas de droit universel au sens de liberté fondamentale ou droit de l’homme qui consiste à pouvoir obtenir de l’utilité en contraignant autrui à la fournir. c’est même la négation des libertés fondamentales, que de prétendre qu’un tel droit existe. Les libertés fondamentales sont des libertés négatives, pas positives.

    D’ailleurs, s’il y a un droit à l’accès à internet, on devine d’emblée quelle en est la conséquence dans la logique socialiste des libertés positives: pour que cet accès soit effectif, encore faut-il que les gens aient un ordinateur. Je ne dis pas droit à un mobile, mais bien à un ordinateur, puisque dans la logique de ces gens, l’accès de base limité à ces appareils reviendrait à créer un différentiel d’accès (horreur une inégalité!) qu’il faudra bien sur corriger. Donc il faut ajouter parmi les droits de l’homme, le droit à avoir un ordinateur!

    Sans rires, faites inscrire de suite ces droits avec les autres droits sociaux dans les constitutions pour être certain de pouvoir vilipender les libéraux qui oseraient venir les contester, et surtout pour gagner du temps, n’oubliez pas d’ajouter aussi le droit au ramassage des poubelles comme droit de l’homme, ou celui à un abonnement fitness, etc., etc.

  • Les commentaires sont fermés.

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