Récompenser les bons citoyens ? Un game over annoncé !

L’application Sesame Credit vise à récompenser les bons élèves et à ostraciser les personnes déviantes en Chine. À quand en France ?

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Délation - Crédits : Camille Chenchei via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

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Récompenser les bons citoyens ? Un game over annoncé !

Publié le 11 janvier 2016
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Par Peter Baldwin.

Délation - Crédits : Camille Chenchei via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0
Délation – Crédits : Camille Chenchei via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

Cet article constitue une réponse à la conclusion de l’édito « La gamification du bon citoyen » de h16 : « Et alors que la Chine se donne cinq années pour rendre obligatoire cette application, on se demande ce qui va bien pouvoir freiner les autres pays, France en premier, d’appliquer la même recette. » Pour rappel, l’application Sesame Credit vise à évaluer tous les comportements des citoyens chinois selon leur conformité aux volontés du pouvoir en place, à récompenser les bons élèves et à ostraciser les personnes déviantes.

En lisant la description de la nouvelle application proposée par le gouvernement chinois, j’étais partagé entre l’admiration, l’amusement et la peur. L’admiration, parce qu’inventer un moyen aussi efficace de contrôler le peuple tout en ostracisant les esprits libres, créer une application reproduisant parfaitement le phénomène archaïque de bouc émissaire tel que décrit par René Girard, ce devait être l’œuvre de Satan en personne. L’amusement, parce que ces moutons chinois, heureux de participer à l’expérience, sont tout de même bien débiles. La peur, parce que les Français seraient sûrement les premiers à télécharger en masse une telle horreur. Je m’imaginais déjà, assis à la terrasse d’un café, un ami me montrant l’application et me disant : « De toute manière si tu n’as rien à te reprocher tu auras une bonne note ! ».

La question posée par h16 à la fin de son article paraissait donc prophétique : on se demande ce qui va bien pouvoir freiner les autres pays, France en premier, d’appliquer la même recette. Mais au fond, ne disait-on pas la même chose de l’URSS ? N’avait-on pas peur que l’Europe occidentale sombre toute entière dans le communisme ? Seulement, l’échec patent du régime soviétique a constitué le meilleur des arguments dans la lutte contre le totalitarisme. J’ose espérer, dans cet article, que la Chine nous fournira un nouvel exemple éclatant de ce qu’il ne faut surtout pas faire.

En effet, qu’est-ce que cette application, sinon le meilleur moyen de récompenser les esprits faibles et de condamner les esprits libres et créatifs ? Et si seuls les faibles subsistent, tandis que les forts disparaissent, qu’adviendra-t-il de la Chine ? H16 citait les deux grandes dystopies que sont 1984 et Le Meilleur des Mondes pour décrire cette invention. Personnellement, j’ajouterais Atlas Shrugged : s’il ne reste plus que des moutons obéissants, si les esprits libres, les seuls à même de créer, disparaissent, la société court à sa perte.

La description de cette chute via l’élimination des meilleurs au profit des plus faibles n’est pas difficile. F.A. Hayek l’avait très bien expliquée dans La Route de la Servitude. En effet, les totalitarismes ne sont pas soumis à la « rule of law » mais au règne de l’arbitraire. Les règles de juste conduite, qui permettent de vivre en société, n’existent plus. Hayek démontre alors que l’absence de telles règles mène inexorablement à la suppression des valeurs morales. Toutes les règles de bonne conduite doivent être oubliées lorsque règne l’arbitraire : en effet, elles sont la plupart du temps contraires aux injonctions de l’autorité. L’homme qui respecterait ces règles serait suspect. Il les oublie donc peu à peu et la morale disparaît au profit du nihilisme. Les hommes bons et libres disparaissent rapidement. Seuls ceux que l’absence de morale ne gêne pas, la lie de l’humanité, peuvent s’accommoder d’un tel régime et arriver aux postes de direction. Seuls ceux qui pourront dénoncer leurs voisins sans sourciller seront de « bons citoyens ». L’application proposée par le gouvernement chinois, en rendant d’autant plus efficace le tri entre les personnes répondant positivement aux injonctions de l’autorité et celles encore attachées aux valeurs morales, fluidifiera ce processus et créera une véritable aristocratie de dépravés.

Seul un système de liberté, qui tolère les comportements déviants au lieu de les supprimer, est à même de générer le progrès. En effet, ce sont toujours les esprits les plus libres qui innovent et créent de la valeur. Michaël Polanyi, dans La logique de la liberté, montre ce phénomène en œuvre dans le champ scientifique. Les progrès de la physique, par exemple, présupposent un système de liberté individuelle. Ce sont les découvertes individuelles d’hommes libres, capables de se détacher des préjugés et de ce qui est considéré comme acquis, qui font avancer la science. A contrario, le projet d’une science organisée par le haut, à l’instar des désastreuses expériences menées par le ministre soviétique de la science Lyssenko dans les années 1930, ne mènent jamais à rien. Si un chercheur doit demander l’autorisation à son gouvernement pour mener un projet à son terme, seuls les projets pour lesquels un consensus est déjà établi seront développés, et aucune recherche originale ne verra le jour. Le processus de progrès scientifique est donc le fruit de libres initiatives individuelles. Et cet exemple pourrait être généralisé aux domaines économique et artistique. En détruisant à la racine tous les comportements déviants ou originaux, le gouvernement chinois condamne son pays à la stagnation. En favorisant l’émergence d’un peuple de moutons, il condamne son pays à la ruine.

À court-terme, le succès de cette application communautaire n’est pas difficile à prévoir. Comme l’expliquait Zinoviev dans Le communisme comme réalité, l’esprit communautaire, qui limite la liberté humaine, repose sur un instinct atavique, présent au plus profond de la nature humaine. Les dirigeants chinois, en flattant cet instinct atavique, font revenir la Chine à un stade tribal. Le processus d’élimination du bouc émissaire, encore une fois, témoigne de ce recul de la civilisation à un stade tribal. Si le succès de l’application n’est donc pas une surprise, la chute du pays qui l’a inventée ne le sera pas non plus.

Entre Orwell et Huxley, qui aura établi la prophétie la plus juste ? Personnellement, je répondrais Ayn Rand, qui avait bien compris qu’un régime de privation des libertés ne pourrait pas subsister et déboucherait tôt ou tard sur le chaos. Je ne résiste donc pas au plaisir de citer le héros de son roman, John Galt, pour donner un conseil aux Chinois déviants, premières victimes de cette terrible invention :

« Tant que vous êtes prisonniers, agissez en prisonniers, ne les aidez pas à prétendre que vous êtes libres. Soyez l’ennemi implacable et silencieux qu’ils redoutent. Obéissez sous la contrainte, mais ne vous portez pas volontaires. Ne faites aucun pas vers eux, ne formulez aucun souhait, aucune réclamation, aucun projet qui abonde dans leur sens. N’aidez pas vos racketteurs à clamer qu’ils agissent en bienfaiteurs et en amis. N’aidez pas vos geôliers à prétendre que la prison est votre condition naturelle d’existence […]

Agissez en êtres rationnels et cherchez à devenir une référence pour tous ceux qui ont soif d’intégrité – agissez selon vos valeurs rationnelles, que ce soit seul au milieu de vos ennemis, avec une poignée d’amis choisis ou comme fondateur d’une modeste communauté à l’aube de la renaissance du genre humain.

Quand l’empire des pillards s’effondrera, privé de ses meilleurs esclaves, quand il arrivera au stade de chaos incontrôlable, à l’image des nations opprimées de l’orient mystique, quand il se dissoudra en troupeaux de voleurs affamés se massacrant entre eux, quand les avocats de la morale du sacrifice périront avec leur idéal ultime, alors sonnera l’heure de notre retour. »

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  • Quand on lit le document https://chinacopyrightandmedia.wordpress.com/2014/06/14/planning-outline-for-the-construction-of-a-social-credit-system-2014-2020/ on peut sans peine imaginer que seules la forme et la langue changent par rapport aux documents prospectifs de Bercy. Ne vous inquiétez pas pour les Chinois, il y a en France bien plus d’état d’urgence.

    • Pitoyable la façon dont vous relativisez tout ce que fait la dictature chinoise, vous aimez être dominé par d’autres ? Pas les libéraux !

      La comparaison avec Bercy est d’un ridicule sans nom.
      Une telle appli ne pourra jamais avoir de succès en France car le système démocratique empêchera son caractère obligatoire.

      Quant à la Chine son avenir s’annonce sombre alors qu’il était si prometteur comme pays.

      • Pitoyable comme vous relativisez la perte de liberté en France et dans le monde ! Pitoyable aussi cette manie que vous avez de commencer vos commentaires par une apostrophe arrogante, et de les continuer avec des attaques personnelles méprisantes.
        Avez-vous parcouru le document ? N’y avez-vous pas vu les mêmes arguments de lutte contre la fraude et la corruption que dans les justifications aux inquisitions fiscales et sociales qui nous tombent dessus en France ? Avez-vous la moindre idée des critères qu’il faut remplir pour obtenir un financement de recherche en Norvège, ou même à Bruxelles ?

        Je suis au moins aussi libéral que vous, et je le répète, seule la forme change, l’inquisition dans le monde « démocratique » suit exactement la même évolution qu’en Chine, et le grand malheur est que les peuples « démocratiques » ne s’en rendent pas plus compte ni n’ont plus de moyens de s’y opposer. A moins que vous n’en connaissiez, vous, auquel cas qu’attendez-vous pour nous en faire part ?

      • Akashi: « Une telle appli ne pourra jamais avoir de succès en France car le système démocratique empêchera son caractère obligatoire. »

        Ah bon ? et laquelle des 11’000 lois ou des 173’000 décrets le peuple a-t-il pu refuser par votation ?
        Aucune ! Le peuple n’est jamais consulté pour les 70 lois qui sont ajoutées chaque année.

        En fait de « pouvoir du peuple » (ce que signifie « démo » « cratie ») le peuple n’en a quasiment aucun en France, le régime tient plus de la monarchie parlementaire que de la démocratie.

  • La France n’a pas attendu pour appliquer cette mesure dans la science du climat !
    Les scientifiques qui ne sont pas d’accord sont bannis méprisés et prives de credits

  • Il faudrait au contraire encourager ce système, de cette manière les gens litbre, perdus actuellement dans la masse,se verront forcés à l exil et comme dans la grève cela permettra enfin l effondrement du système et le rassemblement des hommes libres ailleurs

    • L’exil ? Ailleurs ? Où ça ? Tout comme le système chinois séduira les Chinois parce qu’il permettra de lutter contre les arnaques, les autres pays mettent en place des systèmes qui n’ont rien à envier à Sesame Credit. Déjà, pour demander des crédits de recherche, il vaut mieux renoncer si vous êtes un homme, climato-réaliste et libéral. Ca ne se traduit pas encore par une note, sauf évidemment pour le crédit financier aux US, mais c’est bien la seule différence.

  • « ne disait-on pas la même chose de l’URSS ? N’avait-on pas peur que l’Europe occidentale sombre toute entière dans le communisme ? »
    Non, on disait que c’était le bien et le parti communiste montait, et le parti socialiste pris le pouvoir.
    Et d’ailleurs, même si maintenant le parti communiste officiel plonge, l’idéologie a bien gagné, l’UE est le pouvoir central.

  • Bonjour , je ne connaissais pas ce livre ( la grève ) de Ayn Rand mais je vais me le procurer . Je suis donc allé voir sur  » wikibéral  » .
    J’aime beaucoup le propos de John Galt , le héros du livre :  » nous sommes en grève contre ceux qui croient qu’un homme doit exister dans l’intérêt d’un autre !  »
    je pense très sincèrement que le mal provient vraiment de la morale judéo-chrétienne dont notre socièté est très imprégnée de façon inconsciente , et , au risque de vous surprendre , l’aboutissement le plus complet de cette morale liberticide qui prétend qu’il faut faire passer les besoins des autres avant les autres est le socialisme . Si vous approfondissez , vous trouverez de nombreuses analogies .
    exemples :
    – morale judéo-chrétienne : faire passer les autres avant soi-même
    Socialisme : cotiser pour tout le monde et charité forcée . Il faut aimer tout le monde de force!

    morale judéo-chrétienne : tendre l’autre joue!
    Socialisme : interdiction de se défendre soi-même , il faut d’abord se laisser tuer et porter plainte ensuite ( sinon c’est vous qui serez incarcéré ) !!! , de plus , angélisme forcené : selon les socialauds , le délinquant n’est pas délinquant parce qu’il est mauvais mais est délinquant à cause de la société , c’est la société qui est mauvais et lui n’est qu’une victime ! on est donc bien dans le pardon j-c !!!

    -morale j-c : compassion pour tout le monde
    – Socialisme : accueil forcé des migrants dont très peu sont qualifiés et employables ( sans consulter la population ) qui vont nous coûter très chers en terme d’impôt nouveaux et augmentés ! tout cela a un coût, que ce soit l’aide monétaire accordée , l’AME , coût des services sociaux engendrés , maintenant les conteneurs….et j’oublie certainement d’autres coûts … encore une fois , il faut aimer tout le monde de force et les aider de force !

    morale judéo-chrétienne : l’argent c’est mal , on ne peut aimer Dieu et Mammon.
    Socialisme : tout , absolument TOUTest fait pour vous décourager de créer ou de développer votre entreprise ( taxe pro CET maintenant excessive , d’ailleurs elle ne devrait même pas exister ; impôts et charges excessives également et arbitraires ( pourquoi devrais-je payer en charges patronales des allocations familiales , quel est le rapport avec le monde professionnel ? Il ne tiendrait qu’à moi , les prestations familiales n’existeraient même pas , les gens auraient le nombre d’enfants que leur permettraient leurs niveaux de revenus ,seraient donc plus raisonnables et la pauvreté serait donc éradiquée car l’enfant ne constituerait plus un revenu pour certains ! nous ne sommes plus en 1945 où une démographie importante était nécessaire pour reconstruire le pays .

    morale j-c : procréez , multipliez-vous !
    Socialisme : pléthore de prestations familiales toujours plus généreuses pour encourager la natalité ( nouvelles prestations crées , rentrée scolaire à 300 euros maintenant , etc….

    morale j-c : votre corps ne vous appartient pas ( sous-entendu il appartient à dieu ) et vous n’en faites pas ce que vous voulez .
    Socialisme ( et tous pratiquement tous partis confondus ) : même si vous prenez la décision de vous suicider car vous venez d’apprendre que vous avez un cancer incurable ou l’Alzheimer , on viendra vous sauver de force , on vous internera à limite en arguant que vous faites une dépression ( parce que à l’annonce de ces pronostics il faudrait peut-être avoir le sourire ultra-brite ? ) et encore pire : vos proches , même s’ils connaissent et respectent votre décision , seront encore ennuyés par la pseudo-justice s’ils n’appellent pas les secours assez rapidement !!!
    Et même le citoyen lamda : j’ai encore lu sur un forum aujourd’hui q’un posteur considérait que le suicide était le summum de l’égoisme car celui qui le faisait n’avait rien à foutre des autres . Si ce pauvre type n’est pas imbibé de morale judéo-chrétienne , alors qu’est ce que c’est ? Combien , toujours à cause de cette morale , se croient investis de la mission divine de sauver les autres de force , contre leur gré? et hélas , combien de gens considèrent normal de s’ingérer dans la vie des autres et plébiscitent des lois liberticides ? Malheureusement beaucoup et ça fait peur !
    Cela m’amène à une réflexion personnelle : si , selon cette morale , je dois faire passer les autres avant moi qui eux-même doivent aussi faire passer les autres avant’eux-même qui devront aussi faire passer les autres avant eux-même et ainsi de suite ……qui , finalement , vivra pour lui même et s’accomplira ? PERSONNE !

    • Le socialisme est à la morale judéo-chrétienne ce que le viol est à l’amour : la perversion totale d’une chose bonne par l’usage de la coercicion (et votre vision de la morale judéo-chrétienne est tout de même un peu caricaturale).

      • Bonjour !
        Disons qu’elle a engendré ce monstre qu’est le socialisme , ne pensez-vous pas?

        • Disons qu’elle a engendré ce monstre qu’est le socialisme , ne pensez-vous pas?

          Certainement pas ! Comme l’a dit couac : votre lecture de la morale judéo-chrétienne est caricaturale, voire complètement à côté de la plaque.

          Par contre, que vous fassiez référence à Ayn Rand est assez significatif : elle faisait les mêmes reproches à la morale kantienne, que ceux que vous faîtes à la morale judéo-chrétienne. Sauf que si Jésus ou Kant ont prôné de faire passer les autres avant soi-même (et non « charité bien ordonnée commence par soi-même ») ou que tendre l’autre joue signifie ne pas se défendre (et non la condamnation morale de la vengeance) alors je suis la Reine d’Angleterre. 😉

          « La bienfaisance , pour celui qui est riche (qui est pourvu jusqu’au superflu, c’est-à-dire au-delà de ses propres besoins, de moyens d’assurer le bonheur d’autrui), n’est presque jamais à tenir par le bienfaiteur pour un devoir qui serait méritoire de sa part, quand bien même assurément il oblige par là, en même temps, autrui. La satisfaction qu’il se procure ainsi à lui-même, et qui ne lui coûte aucun sacrifice, est une manière de se griser de sentiment moraux. Aussi lui faut-il éviter soigneusement d’apparaître le moins du monde imaginer qu’il obligerait ainsi autrui : car, si tel était le cas, ce ne serait plus vraiment de la bienfaisance qu’il témoignerait à autrui, dans la mesure où il manifesterait qu’il veut le forcer ainsi à être son obligé (ce qui rabaisse toujours ce dernier à ses propres yeux). Il lui faut bien plutôt montrer qu’il est lui-même comme obligé ou honoré par l’acceptation de l’autre, par conséquent faire apparaître le devoir simplement comme constituant sa dette, à moins (ce qui est mieux) qu’il accomplisse son acte de bienfaisance entièrement en secret. Plus grande est cette vertu quand les moyens de bienfaisance sont limités et que le bienfaiteur est assez fort pour prendre en silence sur soi les maux qu’il épargne aux autres – auquel cas il doit être réellement considéré comme moralement riche »
          Kant, Doctrine de la vertu.

          Ce texte est par exemple à comparer avec les tentatives récentes pour expliquer que Zuckerberg est un philanthrope et un bienfaiteur de l »humanité. Tentatives qui montrent que les principes moraux sont allégrement dévoyés à tout bout de champ. Et pour comparer, et mettre en contraste avec le principe socialiste, je vous propose cet autre texte :

          « Supposez encore que quelqu’un vous recommande un homme comme un régisseur auquel vous pourriez confier aveuglément toutes vos affaires, que, pour vous inspirer confiance, il le vante comme un homme prudent, qui entend supérieurement son propre avantage, comme un homme actif, infatigable, qui ne laisse passer aucune occasion sans en tirer profit ; supposez enfin que, pour ne pas vous laisser craindre de trouver en lui un égoïste vulgaire, il le vante comme un homme qui s’entend à vivre délicatement, qui cherche sa satisfaction, non en amassant de l’argent ou en se livrant à une sensualité brutale, mais en étendant ses connaissances, en fréquentant une société choisie d’hommes instruits et même en faisant du bien aux indigents, qui, du reste quant aux moyens (qui ne tirent leur valeur ou leur non valeur que du but poursuivi), n’hésiterait pas à employer l’argent et le bien d’autrui, comme s’ils lui appartenaient en propre, pourvu qu’il sache qu’il peut le faire sans être découvert et sans rencontrer d’obstacles, vous croiriez que celui qui vous recommande cet homme se moque de vous ou qu’il a perdu la raison. »
          Kant, Critique de la Raison Pratique.

          Voilà ce qu’est un socialiste : un homme qui veut faire la charité mais en utilisant les biens d’autrui.

          Pour la condamnation de la vengeance et tendre l’autre joue :

          « De cette joie prise aux malheurs d’autrui, la plus douce et celle qui, en outre, possède l’apparence du meilleur droit, et même de l’obligation (par amour du droit) de prendre pour fin, même sans avantage personnel, le malheur d’autrui, est le désir de vengeance.

          Tout acte qui porte atteinte au droit d’un homme mérité un châtiment à la faveur duquel le crime est vengé dans la personne de celui qui l’accompli (un châtiment qui ne répare pas seulement le dommage infligé). Or, le châtiment n’est pas un acte relevant de l’autorité privée de l’offensé, mais c’est l’acte d’une cour de justice distincte de lui, qui donne effet aux lois d’un pouvoir exerçant sa souveraineté sur tous ceux qui lui sont soumis; et si (comme c’est nécessaire dans le cadre de l’éthique), nous considérons les hommes dans un état juridique, mais qui soit établi selon les seules lois de la raison (et non pas selon des lois civiles), personne n’a le droit d’infliger des châtiments, ni de venger une offense subie par des hommes, si c’est celui qui est aussi le suprême législateur moral, et seul lui (c’est-à-dire Dieu) peut dire : « La vengeance m’appartient; c’est moi qui ferait payer. » C’est donc un devoir de vertu que, non seulement même de ne pas faire de la haine, par simple vengeance, une réponse à l’hostilité des autres, mais encore de ne pas faire appel pour se venger au juge du monde – en partie parce que l’homme a accumulé sur lui assez de fautes dont il est responsable pour avoir lui-même très fortement besoin d’être pardonné, en partie et, à vrai dire, avant tout parce qu’aucun châtiment, émanant de qui que ce soit, ne doit être infligé par haine. Raison pour laquelle la pardon (placabilitas) est un devoir de l’homme, sans qu’on doive toutefois le confondre avec la molle indulgence à l’égard des offenses (mitis injuriarum patientia), laquelle revient à un renoncement rigoureux (rigorosa) de parer à l’offense répétée d’autrui; car ce serait là déposer ses droits aux pieds des autres et violer le devoir de l’homme envers lui-même. »
          Kant, Doctrine de la vertu.

          Le principe de « tendre l’autre joue » était la réponse éthique de Jésus à ses frères juifs au sujet de leur principe juridique qu’était la loi du talion. Ce principe éthique n’exclut nullement le recours à la légitime défense comme vous le laisser entendre. D’ailleurs, dans sa Doctrine du Droit, Kant fait aussi explicitement de la loi du talion le principe de la justice pénale, et justifie ainsi le principe de la peine de mort.

          Par contre, pour lui, toute condamnation, même celle à mort, ne doit jamais satisfaire un quelconque sentiment de vengeance, ni à une quelconque utilité pour, par exemple, dissuader de commettre un crime de peur d’être puni : comme ce pourrait être le cas dans une justice utilitariste. Le principe signifie juste : le droit que tu as nié à autrui par ton crime, te sera refusé également par la cour de justice. Tu seras puni par là où tu as fauté.

          • Bjr , votre post est très intéressant et instructif . Merci pour cette référence à Kant dont j’ai survolé les écrits il y a très longtemps . ( J’adore lire et me cultiver mais une journée n’ayant que 24 h il m’est matériellement impossible de tout lire )

    • @jacques

      La morale judéo-chrétienne n’a pas enfanté le socialisme mais le libéralisme. C’est la morale judéo-chrétienne qui a fait le succès de la civilisation occidentale, car elle a comme fondements la propriété privée, la liberté et le respect d’autrui.

  • Et je dénonce aussi bien évidemment la législation toujours plus contraignantes pour les entreprises ( on dirait qu’entreprendre c’est mal donc il faut décourager ! ) Mais ces cons ne se rendent pas compte qu’ils se tirent une balle dans le pied , car s’il n’y a plus d’entreprises il n’y a plus d’argent qui rentrent dans les caisses de l’Etat non plus . Ou trouveront-ils l’argent pour toutes les prestations sociales et familiales , aides pour les réfugiés , AME et autres ? pour financer et toujours augmenter la dette publique ? pour leurs faramineuses indemnités ? ce sera le révolution !

  • Donc pour moi ( voir mes posts plus haut ) morale judéo-chrétienne et libéralisme sont COMPLETEMENT antinomiques . Le socialisme , avec cette idée d’aimer tout le monde et de tout partager ( de force , même avec ceux que vous n’appréciez pas ) est clairement d’inspiration judéo-chrétienne !

  • J e dirais même que la morale judéo-chrétienne est l’antithèse du libéralisme !

  • Bjr , c’est encore moi , je sais , j’exagère !
    Même si je n’en partage pas toutes les idées sous-jacentes ,  » la généalogie de la morale  » de Nietzsche est un excellent livre pour comprendre comment la morale judéo-chrétienne est une morale d’esclave . Les règles de la vie en société sont encore dictées par le diktat de cette morale .
    Le but de la lecture n’est pas forcément d’adhérer à toutes les idées d’un livre mais d’apprendre à réfléchir par soi-même .

    • Je pense que la Grève vous plaira ! Pour approfondir la vision de la morale judéo-chrétienne par Ayn Rand vous pouvez aussi lire son essai : La Vertu d’égoïsme. Pour ce qui est de la vision inverse (puisqu’il est toujours intéressant, par honnêteté intellectuelle, de confronter ses idées aux théories opposées), je vous conseille La belle mort de l’athéisme moderne de Philippe Nemo.

  • [ s’il ne reste plus que des moutons obéissants, si les esprits libres, les seuls à même de créer, disparaissent, la société court à sa perte. ]

    Mais c’est exactement ce qui se passe depuis quelques décennies, partout. Le pouvoir, le commerce l’industrie et la science sont exploités par des cons, au sens qu’ils ne font que répercuter des concepts anciens sans y apporter de réelles valeurs ajoutées, celles du bon sens & de la créativité.

    Les vrais, les bons, font figure de paria depuis longtemps mais ils sont acharnés…

    Cette hystérie gameuse est transposable dans notre pays, elle fonctionnerait parfaitement : notre ratio local de débiles profond est le même qu’en Chine, délateurs, jaloux, nombrilistes, enculeurs variés et hétérogènes, leur nombre est effarant.
    Certains lecteurs se reconnaîtront certainement 🙂 dans cette liste non exhaustive !

  • J’ai écrit APN en 2010.
    Tout existe aujourd’hui ou presque
    Mais le pire n’étant jamais certain… Reste l’espoir, celui qui parait-il ferait vivre.
    Bon article

  • En France ce rôle de bouc émissaire est déjà tenu par l’automobiliste.
    L’état, les collectivités locales et d’innombrables ONG, organismes et associations sont déjà engagés dans ce jeu de suppression du mode de transport le plus avantageux, la voiture. Modifications des infrastructures, rackets, répression de délits imaginaires, falsification de documentations, élaboration de documentations à charge, incitation à la haine, campagnes de com incessantes contre les mauvais automobilistes,….
    Peut-être les citoyens seront-ils bientôt poussés à dénoncer les automobilistes qui ne se conforment pas au stationnement imposé en pénurie et aux vitesses injustifiées imposées par les idéologues.

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