Espagne : le vote contestataire bénéficie aux libéraux

Ciudadanos semble prêt à devenir la deuxième ou troisième force politique espagnole.

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Albert Rivera credits Contando Estrelas ((CC BY-SA 2.0) )

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Espagne : le vote contestataire bénéficie aux libéraux

Publié le 19 décembre 2015
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Par Alexandre Colin.

Un article de Trop Libre.

Albert Rivera credits Contando Estrelas ((CC BY-SA 2.0) )
Albert Rivera credits Contando Estrelas ((CC BY-SA 2.0) )

Ce dimanche 20 décembre, les citoyens espagnols sont appelés aux urnes pour élire leurs députés, et indirectement le nouveau chef du gouvernement. Les sondages d’intentions de vote témoignent tous d’une même tendance : le parti centriste Ciudadanos (Citoyens) bénéficie d’une dynamique exceptionnelle. Crédité de 3% des intentions de vote au début de l’année 2015, il remporterait 19% des voix dimanche, dépasserait Podemos (gauche radicale) et ferait presque jeu égal avec le PSOE (centre-gauche) et le PP (droite conservatrice).

Une même demande de changement anime la plupart des peuples européens touchés par la crise économique. Cependant, cette demande de renouvellement n’est pas captée par les mêmes partis partout en Europe : alors qu’elle semble profiter au Front National en France, elle bénéficie à Podemos et surtout à Ciudadanos en Espagne. Pourquoi ? Ces deux partis espagnols ont été capables de proposer des idées neuves portées par des visages nouveaux, ce que la droite et la gauche françaises peinent à effectuer.

Un contexte porteur

Le contexte politique national explique la demande de renouvellement qui se fait entendre parmi les citoyens espagnols. Les deux partis traditionnels, le PP et le PSOE, qui avaient réuni 73% des suffrages aux dernières élections générales de 2011, ne sont crédités que de 45% des intentions de vote. À droite, les conservateurs ont été discrédités par de très nombreuses affaires de corruption, comme l’affaire Barcenas. En 2013, leur projet de réforme du droit à l’avortement, à contre-courant des tendances actuelles de la société espagnole, avait en outre suscité une très forte opposition. De son côté, la gauche ne parvient plus à convaincre du bien-fondé de sa politique économique. Au cours de son dernier mandat (2008-2011), le taux de chômage avait ainsi crû de 9% à 23% et la dette publique de 39% à 69%.

À première vue, la situation paraît donc semblable à celle de la France : un contexte économique difficile et une désaffection à l’égard des deux grands partis. Cependant, contrairement à la France, l’envie de changement et le vote contestataire ne sont pas captés par un parti xénophobe d’extrême-droite. Cette demande de renouvellement bénéficie à deux partis encore inconnus aux dernières élections : Podemos pour la gauche radicale et Ciudadanos pour le centre-droit.

Un ambitieux programme libéral et réformiste

Ciudadanos a su profiter du contexte porteur pour s’imposer dans le paysage politique grâce à des idées réformistes et ambitieuses. Le marché du travail, la qualité du système éducatif et la régénération démocratique constituent leurs trois principaux axes de campagne.

Ciudadanos propose ainsi d’introduire un contrat de travail unique avec acquisition progressive des droits, une idée défendue par le Prix Nobel d’Économie Jean Tirole en France. Cette mesure vise à fluidifier le marché du travail, aujourd’hui divisé entre « insiders », titulaires d’un CDI très protecteur, et « outsiders » qui accumulent les emplois temporaires et précaires.

Sur le plan économique, le parti propose de simplifier drastiquement le complexe système fiscal espagnol et de réduire la pression fiscale, en réduisant le taux de TVA de 21% à 18%.

Ciudadanos veut aussi redynamiser les universités espagnoles en accordant une large autonomie budgétaire et académique aux directeurs d’université. Plusieurs études ont en effet démontré les bienfaits de l’autonomie des universités : plus une université est autonome et bien dotée financièrement, plus elle est performante en termes de recherche1.

Le sérieux du programme de Ciudadanos est indiscutable. Pour Luis Garicano, professeur à la London School of Economics et principal artisan du programme économique du parti, ce sérieux et ce réalisme comptent parmi les principales raisons de la popularité du parti : « Les gens se disent : ces gars-là sont différents. Ils sont sérieux, ne nous mentiront pas et ne diront pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

Un leader symbole du renouveau

En France, les visages se renouvellent bien peu à droite comme à gauche depuis 20 ans, à quelques exceptions près. La situation est bien différente en Espagne, qui compte deux nouveaux leaders politiques inconnus du grand public en 2011 : Albert Rivera pour Ciudadanos et Pablo Iglesias pour Podemos.

Albert Rivera est de loin le plus jeune des quatre leaders politiques : il n’a que 36 ans. Alors que depuis 2004, seules 13 personnalités issues de la société civile ont été nommés ministres, Albert Rivera souhaite changer les pratiques politiques. Interrogé sur son potentiel gouvernement, il a indiqué qu’il compterait de nombreux représentants de la société civile, des membres d’autres partis et des ex-ministres compétents. Il dit vouloir suivre l’exemple de Justin Trudeau, le nouveau Premier Ministre du Canada, qui a fait appel à plusieurs médecins, entrepreneurs et autres professionnels sans aucune expérience politique préalable pour former son nouveau gouvernement2.

Ciudadanos semble donc prêt à devenir la deuxième ou troisième force politique espagnole. Il lui faudra ensuite finement négocier avec le PP et le PSOE pour parvenir à imposer ses idées réformatrices, dans un Parlement probablement très fragmenté.

Sur le web

  1. Philippe Aghion and all., Brugel Policy Brief, Septembre 2007.
  2. El País, Rivera diseña un Gobierno con profesionales sin experiencia política, 13 décembre 2015.
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  • « Le marché du travail, la qualité du système éducatif et la régénération démocratique constituent leurs trois principaux axes de campagne. »
    Ne pourraient-ils pas venir donner quelques cours à nos politiciens de salon?

  • Réduire le taux de TVA est probablement la façon la plus inefficace de relancer l’économie par des baisses d’impôt…l’effet Laffer ne fonctionne quasiment pas. Il vaut bien mieux cibler l’impôt sur le revenu et l’impot sur les sociétés par exemple.

    • « l’effet Laffer ne fonctionne quasiment pas ».

      Si c’était vrai, c’est-à-dire si après un certain point l’augmentation de la fiscalité à la marge ne réduisait pas l’activité, il y a longtemps qu’on aurait vu les états prélever 100% du revenu des gens et des profits des entreprises. La question de fond, c’est de savoir à partir de quel moment on a atteint le maximum de la courbe. Et comme cela varie d’un pays à un autre, d’une époque à une autre, que la pente de la courbe varie également entre les lieux et les époques (ajoutons que les études trouvent parfois quelque chose qui correspond et parfois pas) c’est une question à laquelle les économistes ne parviennent pas à répondre.

      Il s’ensuit qu’il est très difficile dans un lieu précis à un moment donné de savoir de quel côté du maximum on est et quelle est la forme exacte de la courbe (donc sa pente), et qu’il est donc impossible de faire une prédiction, mais cela ne veut pas dire que le principe est faux.

    • C’est vrai, au Royaume-Uni les baisses de Tva n’eurent aucun effet.

      Mais à part cela c’est du lourd Ciudadanos, la France a besoin de ça aussi !

  • Un rêve : « Et plus vous tapez sur Ciudadanos, plus vous faites monter Ciudadanos ! »

    Ils en ont de la chance en Espagne. Ici, du FdG au FN, c’est socialisme et étatisme à tous les étages.

  • 21 décembre, lendemain des élections:

    ¡ caramba ! Encore raté

    Les libéraux de type centriste semblent avoir de la peine à obtenir une masse critique: FDP allemand, Liberal Party UK, UDI/MODEM France.
    Bonne nouvelle quand même: C’s va pouvoir jouer les arbitres, à moins qu’une grande coalition à l’allemande…

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