P. Nemo : « Les socialistes parachèvent la destruction de l’enseignement »

Pour le philosophe et historien des idées politiques, l’Éducation nationale gomme le savoir traditionnel pour éviter les effets discriminants.

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Une salle de classe dans une école (Crédits : Conseil Général du Val-de-Marne, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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P. Nemo : « Les socialistes parachèvent la destruction de l’enseignement »

Publié le 12 décembre 2015
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Un entretien avec Philippe Nemo extrait des Enquêtes du contribuable numéro 13, octobre/novembre 2015.

philippe Nemo

Que pensez-vous de la récente réforme du collège ?

C’est le parachèvement de la destruction de l’enseignement secondaire classique engagée par la gauche depuis de longues années. Les socialistes échouent sur tous les plans, ils veulent au moins, avant de partir en 2017, faire avancer au maximum leur projet d’éradication complète de la culture classique, c’est-à-dire – car c’est là leur désir profond et obsessionnel – la destruction des classes sociales «privilégiées» qui la possèdent. À l’Éducation nationale, ils ont toujours eu tout pouvoir, et aujourd’hui plus que jamais ; ils franchissent aujourd’hui une nouvelle étape, c’est bien naturel.

Quelles sont les origines de cette désagrégation de l’enseignement ?

C’est la conséquence du choix politique qui a été fait d’imposer une « école unique », censée être la matrice d’une société nouvelle où n’existeraient plus d’inégalités. Le problème est que l’école unique, ça ne marche pas. En effet, quand vous enseignez sérieusement des savoirs et aptitudes aux enfants, c’est-à-dire de manière méthodique, en vérifiant les acquis de chaque étape avant de passer à la suivante, vous créez des effets différenciants : certains élèves comprennent tout de suite, d’autres plus lentement, d’autres jamais.

Vous ne pouvez donc poursuivre le processus qu’en séparant les élèves en filières distinctes. Or l’idéologie refuse cette différenciation. Il ne reste donc plus qu’une solution : ne rien apprendre à personne. Ne donner aux jeunes qu’une teinte superficielle de savoirs, en transformant les professeurs en animateurs de ce « lieu de vie » qu’est devenue l’école. C’est ce qu’on a fait dans l’Éducation nationale depuis des décennies. Et cela a donné le résultat que chacun connaît aujourd’hui : l’effondrement du niveau scolaire français dans tous les tests comparatifs internationaux, dont les fameux tests PISA où notre pays est en bas de l’échelle européenne et perd encore des points chaque année.

Ce phénomène est-il propre à la France ?

Oui et non. Des forces idéologiques identiques ont été à l’œuvre dans de nombreux pays, avec les mêmes conséquences. Mais elles ont trouvé en France un terrain d’élection, puisqu’il existe chez nous un appareil scolaire unifié où il suffit de prendre le pouvoir. En revanche, dans les pays où existe un certain pluralisme de fait et de droit (religieux, fédéral…), ces forces ont dû composer avec d’autres et l’école secondaire traditionnelle a pu subsister. En Hollande, Suisse, Italie, Allemagne, Angleterre, on a conservé la tradition d’enseignement secondaire qui a formé toutes les élites intellectuelles de l’Europe depuis l’origine.

Quels sont les fondements historiques de cette tradition ?

Cette tradition remontait à l’Antiquité, aux écoles épiscopales et monastiques du Haut Moyen Âge, aux « Facultés des arts » des universités médiévales, aux collèges des grandes congrégations enseignantes comme les Jésuites ou les Oratoriens. Le lycée napoléonien et républicain en a hérité, et cela s’est maintenu chez nous jusqu’à la fin des années 1960 environ.

Le caractère commun de toutes ces écoles secondaires traditionnelles est qu’on y enseigne le trivium et le quadrivium, c’est-à-dire les lettres et les sciences. Ce sont des disciplines élémentaires, mais déjà rationnelles et pleinement scientifiques, qui ne peuvent être acquises que par des élèves ayant déjà atteint, à l’âge de 10 ans environ, le stade de l’intelligence abstraite et désintéressée (pour reprendre les classifications de Jean Piaget). Ces jeunes peuvent être très nombreux dans une classe d’âge, mais il est certain qu’ils n’atteignent jamais 100%.

C’est pourquoi nos socialistes français, voulant à tout prix faire l’école et le collège uniques, ont cru pouvoir jeter aux orties cette tradition, ne se rendant pas compte que non seulement ils condamnaient ainsi le pays à la ruine intellectuelle et au non-renouvellement de ses élites, mais interdisaient aux jeunes des milieux populaires toute vraie promotion sociale, telle que le leur permettait l’école méritocratique de Jules Ferry.

Cet affaissement du niveau scolaire a-t-il des répercussions sur celui des enseignants ?

Bien entendu. La plupart des professeurs d’aujourd’hui ont fait leurs études à une époque où l’école était déjà dégradée : ils ne peuvent donc transmettre ce qu’eux-mêmes n’ont pas appris.

Cette chute observable du niveau des enseignants concerne aussi l’encadrement de l’Éducation nationale, y compris les inspecteurs, parmi lesquels je puis témoigner qu’il y a désormais de vrais illettrés (il suffit de lire leurs rapports, dont beaucoup sont publics, pour constater que leurs textes sont souvent aussi jargonnants et fautifs dans la forme que niais sur le fond).

Pas étonnant, puisqu’ils sont recrutés depuis des décennies sur des critères politiques et syndicaux, et non en fonction de leurs compétences intellectuelles.

Que faut-il faire pour redresser la barre ?

Il faut réintroduire dans le système diversité, innovation et émulation. C’est la seule voie possible et raisonnable. En effet, je ne crois pas à une grande loi qui réformerait globalement l’Éducation nationale. Les forces conservatrices qui s’y opposeraient sont trop importantes – forces idéologiques, syndicales, politiques et aussi sectaires, puisqu’on sait qu’une grande partie du pouvoir réel au sein de l’Éducation nationale appartient à la franc-maçonnerie.

Aucun gouvernement ne s’y risquera. En revanche, il est possible d’agir aux marges du système, avec l’accord tacite de l’opinion publique qui est lassée et désabusée et attend autre chose.

Comment renouer avec la tradition d’excellence qui a forgé la tradition française ?

Il faut, par exemple, autoriser la naissance d’établissements publics dérogatoires, fondés sur le volontariat, la liberté de recruter professeurs et élèves selon des critères affichés d’excellence. Ou instituer, pour les écoles privées, un nouveau type de contrat moins contraignant que les actuels contrats Debré et permettant une véritable autonomie pédagogique, comme cela vient d’être fait au Portugal.

L’essentiel est que de nouveaux types d’écoles et de cursus puissent naître, être testés, réussir, se faire connaître et servir alors de modèles pour d’autres acteurs de l’éducation qui ne se résignent pas à l’échec actuel du système. Par le jeu de l’émulation et sous la pression des parents qui sauront que d’autres modèles éducatifs sont possibles et efficaces, l’Éducation nationale pourra alors évoluer, éventuellement très vite.

  • « École : nos enfants en péril », Les Enquêtes du contribuable d’octobre/novembre 2015. En téléchargement gratuit sur la boutique en ligne des Enquêtes du contribuable.


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  • la gauche veut donc que la france , les français soient à son image : nuls ;

  • Et au final, 35% des 18-24 ans votent FN …

    Cherchez l’erreur. Ou plutôt ne la cherchez pas car elle est multiple, mais débarrassez nous de cette mafia d’idéologues qui nous entraine vers le fond.

  • Excellent article ; les solutions existent, il suffit de volonté politique pour les appliquer.Mais avec des bornés aux pouvoirs, la France croule sous la médiocrité. Ce pays est vraiment definitivement foutu !

  • Bonjour, P. Nemo parles de l’influence de la Franc-maçonnerie, j’ai toujours eu du mal à prendre la Franc-maçonnerie au sérieux. Existe-t-il de la documentation sérieuse et non affilié au Illuminati et reptilien…? J’aimerai être un peu plus informé sur leurs impact réel. Désolé si je suis un peu hors-sujet, merci.

    • Je vous conseille justement l’excellent livre de Philippe Nemo: « les français aveuglés par le socialisme », où il y a un chapitre complet qui l’explique

    • @ senn Bonjour,

      Vous pouvez essayer! D’abord, il vaut mieux prendre les Franc-maçons au sérieux, ne fût-ce que par leur nombre, leur poids, leur influence, le côté international et leur existence historique déjà très longue. Par contre ces caractères sont très variables d’un endroit à l’autre, d’où l’absence de définition (et de contours) clairs, dont déjà, wikipédia vous donnera un riche aperçu assez neutre: le lien:
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Franc-ma%C3%A7onnerie
      Je veux préciser que je n’en suis pas et que je n’en connais, personnellement, que ce que des rares amis « maçons » ont pu m’en expliquer, puisque le secret est une constante. Je connais sans doute d’autres membres sans le savoir, comme vous peut-être!
      La fraternité est une autre constante (entre eux, ils se disent « frères ») ce qui peut donner des réseaux utiles (J’en connais un, chirurgien, qui « remonte » un hôpital dans la brousse africaine, bien aidé par ses « frères ») ou réseaux utilitaires, comme on en suspecte, à bon droit, en politique. Votre quête ne sera pas facile mais chaque année, un ou deux hebdomadaires sortent des « dossiers » sur la question. Bon courage! Mais je pense qu’il ne faut pas prendre la « maçonnerie » de façon diabolique comme elle est parfois présentée: comme tout groupe humain, elle est ce que les individus en font.

    • Exemple de notre ancien ministre de l’édulcoration nationale, Peillon :

      « D’où l’importance de l’école au cœur du régime républicain. C’est à elle qu’il revient de briser ce cercle, de produire cette auto-institution, d’être la matrice qui engendre en permanence des républicains pour faire la République, République préservée, république pure, république hors du temps au sein de la République réelle, l’école doit opérer ce miracle de l’engendrement par lequel l’enfant, dépouillé de toutes ses attaches pré-républicaines, va s’élever jusqu’à devenir le citoyen, sujet autonome. C’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle Eglise, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi. »

      La Révolution française n’est pas terminée, Vincent Peillon, éd. Seuil, 2008 (ISBN 2020985209), p. 17

      « C’est au socialisme qu’il va revenir d’incarner la révolution religieuse dont l’humanité a besoin, en étant à la fois une révolution morale et une révolution matérielle, et en mettant la seconde au service de la première. »

      La Révolution française n’est pas terminée, Vincent Peillon, éd. Seuil, 2008 (ISBN 2020985209), p. 195

      Il n’y aurait pas de difficultés à trouver des citations similaires provenant d’autres francs maçons à de hauts postes dans l’ednat et ce depuis 1890. De plus, les citations d’au dessus sont soft pour le Peillon, car destinées au grand public. Ses allocutions à la loge du Grand Orient de France sont bien pires.

    • @senn connaissez vous le nombre de nos ministres franc maçon? Ils sont nombreux . Idem ds tous les corps d état , la justice , l enseignement. …. c est un réseau d influence comme il en existe d autres mais celui ci est secret et ses membres se font allegence. Vous imaginez bien par ex les pb que cela peut générer lors d un procès ….

    • Ce n’est pas du tout hors-sujet et Ph.Nemo a mis dans le mille…Il s’agit d’une dérive sectaire qui remonte loin dans le temps, en gros à la Révolution, quand les loges maçonniques menaient le combat pour l’instruction publique. C’était alors un combat hautement légitime à la pointe duquel se trouvait Condorcet.

      Il faut aussi distinguer enttre le Grand Orient ( de gauche ) et la Grande loge de France ( de droite). La Rue de Grenelle est un bastion de gauche mais n’est pas la Gauche qui a fondé l’école publique, ni la République d’ailleurs. C’est la bourgeoisie libérale du 19° siècle.
      Les « Frangins » ont toujours joué un rôle de premier plan en matière éducative mais tant qu’ils n’avaient pas pris rênes de l’ensemble de la machine étatique, leur influence délétère restait contenue et le bon sens a pu encore garder ses droits. Mais à partir de 1981, plus de retenue. Comme le mal venait de la gauche, l’écrasante majorité du monde enseignant a regardé ailleurs…., notamment par instinct de préservation,
      Le ver était dans le fruit et l’édifice entier a été contaminé. N’oubliez jamais que la France est ce pays bizarre qui a deux partis de gauche, dont un s’appelle la droite, et ce n’est nulle part plus vrai qu’à l’EN – D’où l’impossibilité de stopper la débâcle.
      Tout ce que dit Nemo est absolument exact :
      La gauche a détruit l’école des savoirs sur la vaine promesse de la génération spontanée d’une intelligence populaire.

      Un exemple: Les Khmers rouges de la rééducation citoyenne par l’école ont assimilé le déchiffrage syllabique à l’abrutissant travail à la chaîne qui interdit aux prolétaires d’exercer leur intelligence et, sur la foi de cette imposture, ont imposé à tous la méthode globale, dont on sait, depuis deux siècles qu’elle existe, qu’elle handicape à vie les plus fragiles, les condamnant ainsi à une double peine. Et, cerise sur le gâteau, elle pénalise aussi les gosses de riches qui y échappaient jusque-là…

  • Quand la majorité d’un peuple est désarmé intellectuellement, plus rien n’est possible !

    « Plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre. […] Même sous la Constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave. » [Condorcet]

    ou encore : « l’ennemi du peuple est sa propre ignorance »

  • Merci beaucoup, effectivement j’ai du mal à prendre au sérieux la Franc-maçonnerie car il est difficile de faire la part entre fantasme et réalité. Merci pour les infos, je vais lire tout ça.

  • Bonjour ;
    En effet c’est le nivellement par le bas .
    Tout cela pour des raisons à la fois idéologique :les socialistes ont TOUJOURS raison .
    Et économique les votes rapportant de l’argent il est hors de question qu les gens deviennent INTELLIGENT
    ils pouraient ne plus voter PS

  • La gauche confond égalité et égalitarisme.
    Les hommes n’ont jamais été égaux et il y a toujours eu des génies et des gens tout juste capable de compter jusqu’à 5.
    Il est inutile d’aller chercher des causes chez les autres.
    Quand deux élèves poursuivent le même cursus, dans le même pays et avec le même système d’éducation, celui qui réussit moins bien est donc moins intelligent.
    On a tous côtoyé des gens brillants et d’autres beaucoup moins et on n’a pas été chercher des raisons plus ou moins tordues pour expliquer le phénomène.
    Il faut s’accepter tel qu’on est sinon la vie devient vite un enfer.
    La gauche n’a jamais compris cela qui va chercher ces gens « défavorisés » pour en faire des aigris mais surtout des électeurs.

  • L’égalité pour l’Éducation nationale c’est : 0=0.
    C’est pas faux, tous pareils.

  • « …« école unique », censée être la matrice d’une société nouvelle où n’existeraient plus d’inégalités. Le problème est que l’école unique, ça ne marche pas.  »
    Le problème initial, qui est venu en amont de la débâcle, c’est surtout qu’il n’existe aucun moyen de créer une société égalitaire, ( sauf la manière forte, avec une Nomenklatura aux ordres) et que les inégalités sont le prix à payer pour la liberté. Guizot a tout dit dans sa théotie des inégalités naturelles, ( celle de l’intelligence par exemple) Elles sont le moteur de la démocratie.

  • Merci pour tout les infos sur la Franc-maçonnerie, je me souviens que Bastiat étais franc-maçon, mais j’imagine que son obédience était moins aussi néfaste que les obédiences d’aujourd’hui.

  • Constat sans concession. Il faut que ces choses là soient dites.

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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