Libéral ne veut pas dire nécessairement libertaire

Burke distingue la liberté ordonnée de la simple licence. Que doit-il advenir, la liberté ordonnée ou la licence ?

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Libéral ne veut pas dire nécessairement libertaire

Publié le 10 décembre 2015
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Par Gerard Casey.

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J’ai appris, par expérience, à l’occasion de discussions sur le libéralisme, que de nombreuses personnes acceptent que le marché libre régisse la production, la distribution des biens et des infrastructures, et même l’éducation et d’autres secteurs semblables, mais dressent une frontière en ce qui concerne le droit, la justice et la sécurité. C’est placer le curseur, pour beaucoup, un cran trop loin. Concrètement, il est certain que le minarchisme est plus facile à vendre que l’anarchisme. Pourtant, bien que l’objection relative au droit, à la justice et à la sécurité représente le point de résistance logique, et évident, le point de résistance rhétorique ou sentimental réside ailleurs. On prend les libéraux et les anarchistes pour des gens sans cœur, égoïstes et égocentriques, qui ne se soucient pas des autres et de leurs malheurs. « Qu’advient-il des pauvres ? », me demande-t-on. Évidemment, cette question a une réponse. Des personnes m’ont dit, récemment : « Je ne suis plus libéral. Tout va à vau-l’eau, l’ordre social se fissure, le philistinisme devient monnaie courante. On nous présente, en public, avec encore plus de vulgarité. Le libéralisme, ça ne suffit pas. » Mais qui a jamais dit que ce dernier suffisait ?

On n’insistera jamais assez sur le fait que le libéralisme n’a pas vocation à nier l’importance de l’amour, de la communauté, de la discipline, de l’ordre, de l’apprentissage, ou de quelque autre valeur parmi les nombreuses qui sont indispensables au développement humain. Les libéraux, comme n’importe qui d’autre, peuvent affectionner ces valeurs, mais, aussi attachés soient-ils à celles-ci, ils rejettent toute tentative de les mettre et de les maintenir en place par la force, la coercition ou l’intimidation. Ils considèrent de telles tentatives de coercition comme à la fois intrinsèquement mauvaises et inefficaces. Comme le dit Tibor Machan  « L’usage de la force n’est admissible et utile que pour empêcher l’usage de la force, pas pour forger du caractère, de l’amour, de la foi, des connaissances scientifiques, etc… » Finalement, comme l’indique Rothbard, la question pour le libéral est la suivante : « Est-ce que les actes vertueux, quelle que soit la manière dont on les définit, devraient être imposés, ou doivent-ils relever d’une décision libre et volontaire de la part de l’individu ? » Il n’y a pas de troisième voie possible à ce sujet, l’on doit choisir entre la contrainte ou la liberté.

Le fait de ne pas reconnaître le caractère profondément limité de la portée du libéralisme peut engendrer des méprises, et ce, même parmi les libéraux, que l’on pourrait supposer mieux renseignés. Le libéralisme n’a pas vocation à être, et n’est pas, un système politique ou éthique complet, c’est plutôt une restriction générale à un tel système. Le libéralisme n’implique pas que tous les modes de conduite se valent ou ont un mérite équivalent. Il se peut bien que ceux qui se considèrent comme des libéraux pensent cela mais cette idée n’est pas une conséquence nécessaire du libéralisme en tant que tel, malgré l’affirmation de certains, comme Russell Kirk, selon laquelle la liberté sombre dans un tourbillon de licence. Un libéral peut décider d’être libertin, mais rien dans le libéralisme ne l’y oblige. Machan pose la question suivante : « Le libertinage est-il implicite dans la défense de la liberté en tant que principe politique premier ? » et donne pour réponse : « Non, le libéralisme ne fait qu’interdire la répression par la force des conduites indécentes, pas leur critique vigoureuse, leur boycott ou leur dénonciation de manière pacifique. »

Telle est la question qui doit vous permettre de déterminer si les gens sont libéraux ou pas : « Souhaiteriez-vous faire usage de la force, de la violence physique, que ce soit vous-même ou par délégation à une autre personne ou institution, afin d’obliger ou d’empêcher une autre personne, adulte, d’agir, sans qu’il y ait d’agression de sa part ? » Si la réponse est oui, votre interlocuteur n’est pas libéral, si c’est non, il est libéral. Il n’y a rien à ajouter.

Nous reconnaissons avec joie que le libéralisme n’est pas plus suffisant pour une vie morale/sociale/politique convenable que l’eau ne le serait pour un régime varié. Il y a plus, dans la vie, que la liberté. Après tout, l’intérêt d’être libre est de pouvoir agir, pas de rester simplement assis pour admirer et encenser notre liberté.

Quelques distinctions

Il nous faut, arrivés à ce stade, établir quelques distinctions. La première concerne les notions d’implication et de cohérence, au sens de compatibilité, la seconde concerne les formes culturelle et politique du conservatisme et du libéralisme.

Prenons les deux phrases suivantes : « L’université de Dublin est située à 5 km au sud du centre-ville de Dublin » et « Saint-Marin est un petit État, montagneux, entièrement encerclé par l’Italie » (la devise de Saint-Marin est libertas, soit dit en passant !). Ces deux assertions sont compatibles, elles peuvent êtres correctes toutes les deux à la fois. Cependant, elles sont indépendantes en termes de véracité : l’exactitude ou la fausseté de l’une n’implique absolument rien au sujet de l’exactitude ou de la fausseté de l’autre.

À l’inverse, le libéralisme et le conservatisme politique sont incompatibles. On ne peut pas être à la fois politiquement conservateur et libéral. Le progressisme politique et le libéralisme sont également incompatibles.

Les conservateurs ne sont pas opposés à la liberté en tant que telle. La liberté est précieuse, mais du fait de l’attachement conservateur à l’ordre, elle doit être subordonnée à la morale et aux normes sociales traditionnelles. Les libéraux, par définition, accordent une importance toute particulière à la liberté individuelle. Ils rejettent le fait d’imposer par la force des conceptions particulières de la vertu, de la justice et d’une bonne société, qui, quelle que soit leur valeur possible, ne justifient pas l’asservissement violent de la liberté d’un individu. Le libéralisme ne se préoccupe que de déterminer les conditions dans lesquelles la force, ou la menace de la force, pourrait être légitimement utilisée dans les relations sociales. Cette condition, précisément, réside dans la protection de la liberté humaine individuelle. Tous les autres usages de la force ou de la menace sont illégitimes. Le libéralisme est une affirmation sur l’étendue de l’usage légitime de la force ou de la menace parmi les hommes, y compris ceux qui gouvernent toute communauté donnée.

Pareillement, on ne peut pas être progressiste politique et libéral. Les progressistes accordent de l’importance à la liberté, mais comme ils accordent encore plus d’importance à d’autres choses, ils sont prêts à faire usage de coercition sur les autres pour mettre en pratique ces autres valeurs.

Néanmoins, le conservatisme et le progressisme, en tant que convictions personnelles, ainsi que toute position entre les deux, sont compatibles avec le libéralisme, mais pas impliquées par lui. Les convictions de quelqu’un ne sont pas prédéterminées par son libéralisme. Les convictions que l’on décide d’épouser relèvent d’un champ extérieur au libéralisme.

Société et tradition

L’homme est un être intrinsèquement social qui vit dans et par la société. La société n’est pas un simple rassemblement aléatoire d’individus mais est un réseau de relations individuelles, imprégné et pénétré d’institutions diverses, lesquelles se restreignent les unes les autres, se concurrencent, coopèrent, déterminent le contexte de la vie des gens et façonnent celle-ci, agissent en tant que dépositaires des connaissances artistiques, techniques, sociales et politiques. La société est réelle, pas de la même façon qu’un nain de jardin l’est, mais comme le marché l’est. La société n’est pas le résultat d’un quelconque grand dessein ou d’un plan global. Elle est plutôt issue de l’évolution de la façon dont les gens ont vécu leur vie depuis tant d’années, des décisions qu’ils ont prises, individuellement et collectivement, des lois qui ont émergées pour réguler leur vie en communauté, et des moyens qu’ils ont conçus pour atteindre leurs buts.

La société, au fond, dépend de liens qui précèdent la raison et le calcul, comme l’amour de sa famille et de sa région et d’autres liens qui partent de là et vont jusqu’à son pays et sa nation. De tels liens sont constitutifs de l’être d’une personne, ils ne sont pas choisis arbitrairement.

Dans leur insistance sur la tradition, les conservateurs sont sur une piste importante, qui n’a pourtant peut-être pas l’importance politique qu’ils lui attribuent. Il est indéniable que l’essentiel de ce que nous sommes nous est simplement donné et ne relève pas d’un choix. La famille à laquelle on appartient, la nation que l’on considère comme sienne, la langue que l’on parle, la manière dont on la parle, beaucoup de nos idées, toutes ces choses sont des parts importantes, peut-être constitutives, de ce que l’on est, des parts de notre identité même, si vous voulez, et pourtant ne relèvent pas d’un choix. Même si l’on change d’allégeance politique et que l’on obtient un nouveau passeport, il est rare de cesser d’être, dans un certain sens fondamental, membre de la nation dans laquelle on est né. On peut appliquer pareilles considérations à sa famille : on choisit ses amis, ou on est choisi par eux, mais notre famille nous est simplement donnée. Il est sensé de parler d’un ex-ami, d’un ex-colocataire ou d’une ex-compagne, mais il serait bien difficile de trouver du sens à des formules telles que « ex-frère » ou « ex-sœur ». En ce qui concerne la nationalité et les questions de famille, nous sommes dans ce qu’Henry Maine appellerait le royaume du statut, pas du contrat. Cependant, la tradition, bien qu’elle soit constitutive de notre identité, n’a, pour le libéral, au mieux qu’une fonction heuristique, et non normative, car quoiqu’il ait été fait, pour quelle période et par qui que ce soit, on peut toujours se demander si cela est bien, ou si c’est le mieux, et ces interrogations minent toute affirmation normative ultime que la tradition pourrait soutenir.

Bien que certains libéraux adoptent aujourd’hui une position hostile envers les usages, habitudes et traditions, et en particulier, envers les traditions religieuses, le principal libéral de la seconde moitié du XXe siècle qu’était Murray Rothbard ne partageait pas cette position. Dans un essai sur Frank Meyer qui visait à « fusionner » le respect des conservateurs pour les traditions avec l’amour des libéraux pour la liberté, Rothbard écrivait que les coutumes « devaient être volontairement adoptées et non pas imposées par la coercition », et que « les gens seraient bien avisés, mais pas obligés, de partir avec un a priori favorable à la coutume ». Cette question de la coercition représente un point critique de tension entre conservateurs et libéraux, mais, tant que la coercition était proscrite pour obliger quiconque à suivre les coutumes et traditions, Rothbard acceptait volontiers une grande part de la pensée conservatrice. Dans un ouvrage plus récent, il a rappelé ses pairs libéraux à l’ordre, faisant remarquer que les libéraux supposaient souvent, à tort, « que les individus n’étaient liés les uns les autres que par le lien de l’échange marchand », oubliant que « tout le monde est nécessairement né au sein d’une famille » et « d’une ou plusieurs communautés se superposant, comme, généralement, un groupe ethnique, avec des valeurs spécifiques, une culture, des croyances religieuses et des traditions ».

Le libéralisme se distingue du progressisme, dans sa forme classique et moderne, et du conservatisme par son refus de l’usage de la force dans tous les cas, à l’exception de ceux qui empêchent ou punissent l’agression. Le progressiste moderne utilise, ou utilisait, jusqu’à récemment, sans vergogne le pouvoir étatique pour imposer ses idées économiques à tous dans le but d’obtenir ce qu’il considère être la bonne répartition des biens et services, tout en appelant à une liberté la plus grande possible dans le domaine de la morale personnelle, en particulier dans le champ sexuel. À l’inverse, le conservateur demande en général une liberté la plus grande possible pour les activités économiques, et fait appel à l’État pour imposer ses idées morales aux autres. Le progressiste et le conservateur sélectionnent tous deux les sphères dans lesquelles ils acceptent la liberté, contrairement au libéral, pour qui la liberté s’applique, en tant que principe, à tout l’éventail des activités humaines. Un libéral ne diffère pas d’un conservateur, dans le champ des coutumes, habitudes et traditions, par son manque d’appréciation de leur valeur sociale, morale et culturelle, mais simplement parce qu’il refuse de les maintenir ou de les diffuser par l’emploi de la force ou de la coercition. Si la coercition est prohibée, nombre de libéraux ne sont que trop heureux de défendre une disposition favorable à leur égard.

La différence entre le conservatisme et le libéralisme ne repose pas sur le fait qu’un ordre soit désirable, mais sur quel ordre est désirable et d’où cet ordre doit provenir. Pour le libéral, l’ordre authentique émerge spontanément de l’interaction libre entre individus et entre groupes d’individus, il n’est pas imposé de l’extérieur, par le haut. Comme le montre le monde marchand, un ordre très développé peut émerger sans ordonnateur. Chaque consommateur individuel, chaque entreprise ordonne ses propres affaires et les relations qu’il a avec les autres. De ce lien relationnel émerge un ordre de niveau supérieur qui n’est le dessein de personne. Aucun individu ou aucune structure, par exemple, n’est nécessaire pour organiser la production, le transport, la distribution et la vente de la nourriture dans un pays donné. Les producteurs de nourriture, les entreprises de transport, les grossistes et les vendeurs, chacun travaillant à ses propres fins, produisent un résultat ordonné et flexible, qui n’est planifié par aucun individu et par aucune structure.

Il est clair que les conservateurs et les libéraux accordent à la liberté des priorités différentes. Nisbet considère que, pour les libéraux, « la liberté individuelle, dans presque tous les domaines concevables, est le bien social le plus précieux » et est telle, « quels que soient le degré et la forme de décadence morale, esthétique et spirituelle qui pourraient être la conséquence involontaire de cette liberté ». C’est un jugement intéressant, quoiqu’erroné. Au contraire, je dirais que pour les libéraux, la liberté est le bien social le moins précieux, dans le sens de bien le plus fondamental, une condition sine qua non pour qu’une action humaine soit, de quelque façon que ce soit, sujette à un jugement moral. La liberté humaine peut être utilisée pour toutes sortes d’actions, dans toutes sortes de buts, qui sont par la suite sujets à un jugement moral, mais à moins que l’action humaine ne soit libre de toute coercition, le jugement moral est intrinsèquement impossible. Les libéraux sont attachés à la liberté en tant que noyau fondamental sans lequel toute action humaine porteuse d’une dimension morale est impossible, mais, au risque de me répéter, si le libéralisme en tant que tel n’a rien d’autre à dire que de défendre la liberté individuelle, c’est tout à fait différent de penser que les libéraux, dans leur façon de vivre leur vie, ne se préoccupent de rien d’autre que de la liberté. Comme pour contredire Nisbet, Murray Rothbard, dont les convictions libérales ne peuvent être remises en question, a soutenu que « seul un imbécile pourrait jamais penser que la liberté est la plus haute, a fortiori la seule fin de la vie humaine ». Pour lui, une telle allégation est à peine cohérente et sensée. Il pensait, en accord avec Lord Acton, que « la liberté est la plus haute fin politique, mais pas la plus haute fin de l’homme en tant que tel… ».

Un libéral peut donc accepter, dans une large mesure, une légitimé a priori des structures sociales existantes, mais ne leur accorde pas de statut d’inviolabilité.

Capital économique et social

Les hommes agissent dans le but d’améliorer leur situation. Pour qu’ils agissent, quelque chose doit être perçu, dans leur situation, comme sujet à amélioration, et ils essaient alors de rendre réelle cette amélioration. Un homme rencontrant un ami qui se frappe la tête contre un mur lui demande pourquoi il fait ça. « Parce que ça fait tellement de bien quand j’arrête ! », répond l’ami. Un être parfaitement satisfait, en tous sens, n’agirait pas, on pourrait discuter de s’il pourrait même agir ! Comme en économie, on tend, mais n’atteint jamais, le point d’équilibre, à cause de la nature changeante et kaléidoscopique du monde. De la même façon, la satisfaction complète n’est jamais atteinte dans nos vies humaines, mais elle est, au mieux, désirée. Les conditions physiologiques très variables nous obligent à agir pour maintenir l’homéostasie, mais nous sommes aussi psychologiquement, et, à en croire Saint Augustin, spirituellement instables. « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ». Nous pouvons vivre chichement, comme le faisaient nos ancêtres lointains, ou nous pouvons essayer d’améliorer notre situation, en nous organisant et en réfléchissant à long terme. Économiquement, cela équivaut à la création de capital.

Il existe des théories néfastes qui, malgré leur ineptie démontrable et démontrée, persistent. Le marxisme, dans toutes ses formes, multiples et variées, représente l’une de ces néfastes et indestructibles théories. Un aspect particulièrement dérangeant du marxisme et des marxistes est leur totale incapacité à appréhender la nature et la fonction du capital. Cela peut sembler surprenant, étant donné que Marx a précisément écrit un ouvrage très épais sur le sujet, mais c’est bien le cas. Marx et ses disciples actuels sont victimes de l’illusion partagée selon laquelle la consommation est la clef de la prospérité économique et que les capitalistes, en exploitant leurs travailleurs et en thésaurisant leur gain mal acquis, sont coupables non seulement de vol mais aussi de mener régulièrement l’économie entière à sa ruine.

L’erreur basique, dans ce cas, est une variance du post hoc, ergo propter hoc – à la suite de cela, donc à cause de cela. Des dépenses en baisse sont associées à la phase de dépression dans le cycle prospérité/dépression, donc nos marxistes en viennent à penser que la dépression est provoquée par la baisse des dépenses. La dernière chose dont l’économie ait besoin, lors d’une dépression, est une stimulation extérieure. L’idée de reprendre un verre pour faire passer la gueule de bois est aussi inefficace en économie qu’avec l’alcool, et cela ne fait que repousser ou prolonger la gueule de bois, ou la contraction économique. On peut dépenser aujourd’hui, et épargner plus tard, ou épargner aujourd’hui et dépenser plus tard, mais on ne peut pas dépenser aujourd’hui et dépenser plus tard. Bien sûr, la douloureuse vérité est que le capital est la toute première condition du vrai développement économique, mais le capital ne peut être acquis que par la restriction de la consommation et par l’ajournement du plaisir immédiat. L’épargne est la clef de la prospérité, pas seulement pour les capitalistes repus, mais pour tout le monde.

La mauvaise compréhension marxiste du capital n’est pas morte. Le succès éditorial, improbable, de l’année a été un épais ouvrage de 700 pages, écrit par l’économiste français Thomas Piketty, intitulé Le Capital au XXIème siècle, qui, comme le suggère son titre, se présente comme une actualisation de Das Kapital. En ce qui concerne le capital et le capitalisme, il ne fait pas mieux que l’original de Marx, avec des agrégats économiques comme le revenu national et le retour sur capital qui valsent les uns avec les autres dans une danse exsangue. Piketty, confondant la richesse réelle avec des mesures monétaires, est animé d’une jalousie égalitariste envers ceux qui ont plus d’argent que les autres et, c’est sans doute peu surprenant, il reçoit les éloges de ceux qui, comme les États, ont un intérêt particulier à prendre aux riches ce qu’ils considèrent comme leurs biens mal acquis. L’erreur la plus flagrante du livre est peut-être l’idée que le capital est une sorte de corne d’abondance, dont les fruits, tels des haricots magiques, ne déçoivent jamais, et qui crée automatiquement, mécaniquement, même, une richesse croissante pour ses propriétaires. Le profit, le profit et le profit, c’est tout ce que le capital peut apporter, jamais, semblerait-il, une perte. Cela est vrai, bien sûr, du capitalisme supervisé par l’État, ce capitalisme entre amis que l’on observe dans les entreprises considérées comme « too big to fail », mais cela n’est pas vrai du capitalisme de libre marché.

Le capital joue un rôle dans la culture, comme il le fait en économie, et n’est pas plus miraculeusement produit dans un domaine que dans l’autre. Les deux formes de capital nécessitent de l’épargne, de la restriction, de la limitation, de la patience pour le plaisir, qui nous est peut-être, au départ, imposée par notre famille ou notre société, mais, que, plus tard, nous nous imposons.

Une vie civilisée requiert à la fois de la liberté et de l’ordre. De même qu’une économie saine nécessite du capital produit par l’épargne, par la patience, de même le capital culturel est produit par la patience. La liberté sans l’ordre est comme une soudaine libération d’énergie, une explosion inutile et destructrice. L’ordre sans la liberté est un cadavre inerte. La liberté et l’ordre, ensemble, produisent une société vivante et énergique. Le conservatisme culturel représente l’école autrichienne de la culture. Le progressisme culturel représente le keynésianisme de la culture.

Les usages comme capital culturel

Burke considérait que les usages importaient plus que le droit, et même plus que la morale, dans la mesure où le droit et la morale dépendent en grande partie des usages. Dans sa Première lettre sur une paix régicide, il écrit que « les usages sont d’une plus grande importance que les lois. Les lois dépendent d’eux en grande partie. La loi nous touche, ici et là, de temps à autre. Les usages, eux, nous contrarient ou nous apaisent, nous corrompent ou nous rendent plus purs, nous exaltent ou nous avilissent, nous rendent plus barbares ou plus raffinés, d’une manière constante, stable, uniforme et insensible, comme l’air que nous respirons. Ils donnent toute sa forme et sa couleur à notre vie. Du fait de leur caractéristique, ils soutiennent la morale, l’établissent, ou la détruisent complètement. »

Nous ne fixons pas nos usages, et ne les maintenons pas, en premier lieu selon un processus rationnel. Ils émergent naturellement dans le contexte des relations sociales. Le jugement qu’ils incarnent est une sorte de jugement pré-rationnel, ce que Burke appelle un préjugé. Les usages, en tant que préjugés, nous permettent d’agir rapidement, sûrement et correctement sans avoir à réfléchir et à raisonner pendant des siècles. Les notions de restriction, de limitation, de patience dans le plaisir forment le socle des usages, et leur produit est une sorte de capital social, de la même façon que le produit de la patience pour la récompense économique et la restriction représente le capital économique. Burke distingue cette forme de liberté ordonnée avec la simple licence, qui est la liberté de pouvoir faire ce que l’on veut, quelles que soient les circonstances. Que doit-il advenir, la liberté ordonnée ou la licence ?

Le libéralisme est compatible à la fois avec la liberté et avec la licence qu’évoque Burke. Un libéral peut arriver aux mêmes conclusions que Burke, à cette différence près que les restrictions et limitations qui encadrent l’exercice de notre liberté doivent être volontairement imposées, acceptées, et pas imposées par le pouvoir coercitif de la loi, à l’exception des restrictions concernant les actions agressives envers les autres.

Quand les usages disparaissent du fait d’une décadence culturelle, alors le droit, ou plutôt la législation, s’empresse de combler le vide. Les soucis qui auraient été traités par des sanctions informelles dans une société culturellement riche doivent désormais être explicitement réglementés par des lois, comme celles sur le harcèlement sexuel ou le discours haineux, avec à la clef un empiètement sur notre liberté. La loi est un instrument mal taillé et grossier et une telle micro-réglementation est à la fois inefficace et étouffante. L’homme ne vit pas selon la loi s’il est seul. Une société emplie d’une législation minutieuse et détaillée est une société dont le stock de capital social a diminué et continue de diminuer. Tel est le cas, je pense, d’une grande partie de la société occidentale contemporaine. Que ces sociétés puissent s’en remettre ou pas est une question ouverte. Certaines l’ont fait dans le passé, d’autres non, et ont péri.

L’ordre est nécessaire à l’épanouissement humain. On peut l’obtenir, ou en obtenir un simulacre, par une législation omniprésente, ou alors par ce que Burke appelle les usages. À vous de choisir. Je sais quel choix est le mien.

Traduction de l’Institut Coppet – Sur le web

Lire sur Contrepoints notre dossier Conservatisme

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  • Intéressante cette clarification. Au bout du compte le résultat société + liberté ressemble étrangement à l’ordolibéralisme me semble t-il ?

    Concernant les usages par rapport aux lois, elles ne sont pas exemptes de contraintes parfois cruelles comme le mariage forcé et j’en passe. Ces usages archaïques sont alors bien souvent à l’origine des lois.

  • Voici un article difficile d’accès dont la lecture demande un gros effort de concentration…
    Bref, être libéral n’est pas à la portée de Mr tout le monde…

    • Hé ! Monsieur le professeur de philosophie nous a fait là une dissertation en bonne et due forme, fort intéressante d’ailleurs.

      Notons que les usages archaïques relevés par Artemus ont une tendance nette à disparaître avec le progrès général. Seule leur fossilisation par une loi écrite et imposée ensuite par la contrainte d’Etat, pose problème.

      • Fossile, peut-être, mais ce réflexe de se regrouper, après le « Bataclan », sur la « place de la République » avec des drapeaux tricolores en pagaille a quand même une signification sociale, même si tous les présents étaient venus librement, bien sûr sur stimulus émotionnel: mais comme quand on est « désarçonné », on cherche à se raccrocher à quelque chose de plus « sûr » et de réconfortant, ici, le groupe et la nation, et c’est, dans ces conditions, bien normal mais passager.

        Ce qui signifie que les émotions, qui vont jusqu’à nous ébranler, peuvent, à ce moment-là, inhiber notre désir personnel de liberté surtout individuelle et brouiller notre libre-choix rationnel.

        Autre choix: on est évidemment libre d’habiter (presque) où l’on veut, et même d’adopter la nationalité qu’on désire (avec plus de freins imposés: j’ai fait les 2 et pas pour des raisons fiscales) mais le jour où votre pays, le plus démocratiquement possible, décide d’entrer en guerre, vous pensez que la conscription vous laissera le choix d’y aller ou pas, ou, en tout cas de participer à l’ « effort de guerre », même si vous y êtes opposés? Situation extrême, j’en conviens,mais qui montre la limite de la liberté individuelle, surtout dans l’avenir suivant notre choix et décision, par le groupe, la société ou la nation, à assumer, forcément. Ou à fuir?

        Mais la réalité est plus difficile à vivre que l’élaboration des principes théoriques.

        Je veux dire que la THÉORIE de l’article, difficilement praticable, actuellement, en France, en « état d’urgence » déjà prolongé, confirme ma conviction que le libre choix n’est actuellement, bien souvent que le choix de ses contraintes (simple formule sans doute excessive et pessimiste), sans connaitre l’avenir, mais en gardant les responsabilités de ce choix et en les assumant.

        Alors, bien sûr, on peut démissionner chaque fois que nous sommes poussés à faire ce que nous n’avons pas choisi ou divorcer dès que nos conditions de départ ne sont pas assumées par le conjoint, mais, franchement, ce n’est pas réaliste.

        Il faut donc bien accepter que dans la vie réelle, la liberté selon l’idéal libéral, trouve rapidement ses limites et donc, nos concessions: le tout est de savoir si le jeu en vaut la chandelle: réponse à la fin de la partie!

        Ceci n’est que mon point de vue, plus réaliste et pragmatique, je crois, alors que l’article développe un libéralisme idéal qui n’existe que par des écrits et que nous avons rarement l’occasion de déguster

  • Intéressant, trop long mais intéressant.
    Seulement la difficulté, la seule, est totalement esquivée. C’est la définition de l’agression.
    Pourquoi est-ce que les « liberals » américains sont à l’extrême gauche ? parce qu’ils considèrent que consommer de la drogue n’est pas une agression, mais que priver un employé de revenus (en le licenciant), ou lui proposer un salaire « trop faible » ou un logement « trop cher » en est une. Les « conservateurs vous diront l’inverse : consommer de la drogue nourrit les dealers qui proposeront de la drogue à leurs enfants, c’est une agression alors qu’offrir un salaire ou un logement même à un prix calamiteux, c’est bien.
    Il faut prendre au sérieux le mot « justice » dans l’expression « justice sociale » : à la base on trouve l’idée qu’il y des « injustices » à corriger, c’est à dire des agressions à faire cesser. On peut (on doit !) n’être pas d’accord, mais on ne peut pas juste écarter l’argument avec un « c’est n’importe quoi » dédaigneux.

    C’est là qu’interviennent la coutume et l’expérience accumulées des sociétés.
    Et c’est pourquoi un libéral est FORCEMENT conservateur : il n’a aucun droit à déplacer les marques qui définissent une agression dans son environnement social, ni dans un sens, ni dans l’autre. il peut seulement changer lui-même de société, aller ailleurs où les règles sont plus souples ou fonder sa propre sous-société appliquant des règles plus dure.

  • Alléché par la tag line, je me suis précipité sur l’article et … patatras

    Je ne vais pas entrer dans le mode nettoyage au karsher des innombrables sophismes, hommes de pailles, généralisation et autres raccourcis qui composent l’article. Le sous titre et la référence à Burke suffiront :

    Que dit Burke (en langage châtié, parce que britannique et du XVIII°) ? Que le libéralisme vu sous le prisme intellectuel, philosophique, rationaliste est une immense, une terrible connerie criminelle.

    Et que fait l’article : exactement ce que dénonce Burke.

    La notion de violence, de contrainte, de force est une notion intellectuelle, d’intellectuel de salon même. Il n’y a pas plus relatif que la notion de force : tout est force. Je bois un verre d’eau, j’utilise la force physique (de mon bras, de ma main, de ma gorge) pour amener le liquide à ma bouche…

    Le test :

    « Souhaiteriez-vous faire usage de la force, de la violence physique, que ce soit vous-même ou par délégation à une autre personne ou institution, afin d’obliger ou d’empêcher une autre personne, adulte, d’agir, sans qu’il y ait d’agression de sa part ? »

    N’a absolument aucun sens, on est dans le royaume des bisounours, du politiquement correct : il repose sur des définitions fausses, celle de la violence, qui est un une différence dogmatique, une vision personnelle du réel, basée sur la connaissance et la culture : ce que trouve violent un moine tibétain n’a absolument rien à voir avec ce que trouve violent un cowboy.

    D’ailleurs, Locke, dans la lettre à la tolérance, dit exactement le contraire de cette phrase : il explique pendant des pages et des pages, que ca ne sert à rien d’utiliser l’escalade de la violence pour convaincre les gens, certes, mais ceci uniquement parce que contraindre n’a aucun sens : on n’arrive à rien en contraignant les gens, que ce soit par la force, par les règles etc …

    Ce n’est pas une question de « souhaitez-vous que … », le souhait est dans le domaine de la liberté des gens. C’est une question d’ordre politique :

    « Pensez-vous que l’on puisse faire changer des gens d’avis en les contraignant, en allant contre leur volonté, leur gré ? »

    La plupart des gens répondront que oui … et c’est ils ont raison ! Mais le résultat est minable et rend les gens malheureux pour un très mauvais rendement.

    (L’économie planifiée en est un exemple : ce n’est pas qu’elle ne marche pas, c’est qu’elle marche super mal, bien moins bien que l’économie libérale.)

    Le libéralisme balaie cela et explique tout simplement que la contrainte, l’ordre imposé ou décrété, l’avis des autres, le plan, tout ce qui est de nature « humaine » (y compris la science et la philosophie, y compris « libérale » quand elle est « intellectuelle »…) ne détiendra jamais la vérité universelle et que le but de toute organisation politique est de favoriser la liberté et le développement individuel afin que la liberté puisse « enchanter le monde » et que les gens sortent de l’esclavage et de l’assistanat, sortent de la tutelle, arrêtent d’être des enfants.

    La vérité est ce qui a un impact sur le réel.

    C’est pourtant pas difficile : une seule phrase.

    • Avons nous lu le même document ? Déjà je vois mal en quoi la notion de violence et de contrainte serait une notion d’intellectuel de salon. C’est très concret et extrêmement facile à illustrer; d’ailleurs je boxe en lourd; si vous avez un instant pour discuter entre hommes je me fais fort de vous expliquer le concept(2ème degré, rassurez vous; je suis costaud mais fort civil, en général).

      Votre partie sur « tout est force » y compris lever le coude est, disons, faible. Passons. Quand à « ce que trouve violent un moine tibétain n’a absolument rien à voir avec ce que trouve violent un cowboy » c’est pertinent mais ces gens s’adresseront sans aucun doute à des arbitres différents pour régler leurs conflits selon leurs conceptions des choses et tout le monde sera content.

      • Je reconnais que j’ai été expéditif.

        Je vous encourage à lire la dénonciation de la révolution Française de Burke en supprimant le préjugé « conservateur » : les libéraux britanniques et américains ont dans la lignée de Burke fait vivre le libéralisme dans leurs pays pendant un bon bout de temps …

        Et ce point sur la violence et les droits naturels y est très bien développé.

        Sinon : la notion de violence repose entièrement sur un mécanisme suggestif, intellectuel.

        Comme vous l’avez dit vous meme : un coup de poing sur un ring de boxe n’a absolument rien à voir avec un coup de poing dans un bar, ou un coup de poing d’un violeur sur sa victime.

        Factuellement, le geste est toujours exactement le même. C’est la temporalité qui donne son sens à l’acte : l’avant et après, les circonstances. De la même manière, c’est l’intention de celui qui frappe et le ressenti de celui qui reçoit le coup qui déterminent la violence.

        La vision extérieure (d’un spectateur) n’est donc qu’un mécanisme suggestif : vous ne pouvez pas en étant spectateur, déterminer le passé, le futur, le ressenti et l’intention qui ne sont vécus que par les protagonistes.

        C’est exactement comme le marché où se confrontent vendeur et acheteur : la violence confronte agresseur et agressé, dans un mécanisme bien plus compliqué que le manichéisme qui est observé de l’extérieur.

        De la même façon que les spectateurs ont tous une vision fausse du marché (c’est la raison pour laquelle Keynes se trompe), les spectateurs ont une vision fausse de la violence.

        Fausse parce que leur vision n’a aucun impact sur le réel. Ce n’est pas en « légiférant », en normant la violence qu’on la modifie : ce n’est pas en réagissant en spectateur devant un acte de violence, en s’indignant que l’on change la violence : on ne fait que communiquer sa propre perception des choses qui est et restera subjective : on ne fait que socialiser ses émotions et c’est la base du mécanisme des chatons si cher à h16.

        L’exemple du voile en est patent : il est dénoncé comme un acte de violence par les gens qui n’en portent pas…

      • « ces gens s’adresseront sans aucun doute à des arbitres différents pour régler leurs conflits selon leurs conceptions des choses »

        @Synge : Pourquoi « des arbitres différents » ? Je comprends pas. Mon cerveau fonctionne au ralenti…

        Imaginons qu’un moine tibétain et un cowboy jouent au foot ensemble, et que le cowboy bouscule le moine. Pour déterminer s’il y a faute ou pas les deux hommes s’en remettront au jugement neutre du MÊME arbitre, non ?

        • « Pour déterminer s’il y a faute ou pas les deux hommes s’en remettront au jugement neutre du MÊME arbitre, non ? »

          Ils n’ont qu’à tirer à pile ou face, avant le match, qui sera l’arbitre de leurs différents. 😛

          Pour prolonger la métaphore sportive, je ne serais assez à jamais reconnaissant de mes parents de m’avoir, en tant qu’enfant, inscrit dans un club de tennis. C’est un sport où les adversaires s’auto-arbitrent et cela sans animosité. Il reste bien la solution du juge arbitre en cas de conflits; mais je n’y ai jamais eu recours, ni mes adversaires : il se contentait d’enregistrer le résultat final.

          Que chacun regarde ce sport, et qu’il constate, même chez les professionnels, comment un joueur peut déjuger l’arbitre de chaise en faveur de son adversaire : cela est on ne peut plus courant [1], ce qui s’appelle le respect d’autrui et de la règle commune. 🙂

          [1] les joueurs ne se remettent à l’autorité judiciaire (les juges de lignes et le juge de chaise) qu’en cas de doutes. Avant cela, ils jugent eux-mêmes, se font confiance et ne délèguent leur jugement qu’en dernière instance.

        • @ commando – Des arbitres différents au sens où les moines tranchent leurs différents entre eux avec l’aide d’un arbitre choisi parmi eux et idem pour les cowboys. Quand à l’hypothèse d’un conflit entre moines et cowboys, elle est amusante mais peu réaliste et peut se résoudre entre gentlemen.

          @ Stéphane Boulots – J’ai lu Rothbard avec attention et sa définition de la violence comme atteinte aux droits de propriété (étendus à la personne elle même) rend limpide la lecture de l’article du professeur Casey.
          Je n’ai pas tout compris à votre réponse mais nous sommes bien d’accord sur l’affaire du voile. Ce n’est pas une agression, personne n’étant lésé. Cela en devient une quand l’Etat se mêle de me punir parce que j’exprime le peu de goût que j’ai pour cette pratique vestimentaire, ma possible bêtise n’étant pas non plus une agression.

          • @Synge : Oui, la référence à Rothbard est évidente, mais comme je l’ai déjà dit, et que vous avez du le comprendre, je ne suis pas Anarcap et je m’oppose à cette vision qui n’est pas pour moi libérale, mais constructiviste prenant comme axiome social la propriété.

            J’aurais attendu une vraie critique de Burke, comme annoncé dans le titre et une confrontation convaincante des arguments de Burke qui peuvent tout à fait s’appliquer à l’anarcap : pour Burke, la propriété est avant tout un élément patrimonial et structurant de la société, nécessaire dans sa diversité et son inégalité. C’est cette nature inégale qui doit être conservée car elle structure la société et lui permet d’être libérale.

            Burke fait le constat inverse de Rothbard : la propriété n’est pas un « droit » qui régit la société, mais une conséquence de la société, qui rend concrète sa constitution, alors que Rothbard dans la lignée des révolutionnaires, définit la propriété de façon légale et non concrète.

            Pour Burke, la propriété (réelle) est la constitution de la société, pour Rothbard, la propriété (légale) est un axiome qui permet de construire une société.

            Page 86 et suivantes
            https://books.google.fr/books?id=xtxfhkpL8TkC&dq=editions%3Ao06t7SOSkMEC&hl=fr&pg=PR3#v=onepage&q&f=false

            • @boulots : l’anarcho capitalisme c’est une vision constructiviste prenant comme axiome social la propriété ???

              ça ne veut rien dire, vous n’avez pas compris ce qu’est l’anarcho capitalisme.

              Dire que c’est un constructivisme est un parfait contre sens.

              un « axiome social  » est un assemblage de mot vide de sens.

              Le respect du droit de propriété et le principe de non agression sont les traductions dans la réalité de ce qu’est la vie dans une société anarcho capitaliste.

              la propriété est un droit de l’individu, qui s’exprime dans le cadre de la vie en société.

              propriété réelle et propriété légale sont des termes flous.

              dire que Rotbarhd définit lapropriété de façon non concrète, c’est manifestement n’avoir pas lu Rothbard, qui (par ex. Dans l’éthique de la Liberté) passe sont temps à traduire dans la réalité, le concret et la vie de tous les jours la traduction de ses concepts.

              La propriété n’a pas pour but de construire une société (????????????????), aucun rapport avec la pensée de Rothbard, veuillez le lire svp.

              • @Stéphane: merci de ne pas présumer de ma compréhension, je ne suis pas d’accord avec Rothbard, pour les raisons invoquées plus haut et qui sont exactement les mêmes que celles pour lesquelles Burke dénonçait la révolution Française.

                Ma première critique concerne l’approche rationaliste de Rothbard. Rothbard décrit une logique rationnelle qui se base sur des axiomes (les droits naturels dont la propriété est le fondement et le principe de non-agression la règle politique). Tous cela est absolument logique, rationnel et donc doctrinal et fallacieux : l’approche de Rothbard est à l’inverse du pragmatisme et ne laisse aucune place à … la liberté.

                Un système politique ne doit pas se baser sur des axiomes et de la logique, mais sur la transcendance de la société : la vie et la liberté : il doit d’abord s’inscrire dans le passé et figurer l’avenir. Tout système qui ne place pas la transcendance (pas seulement la religion, mais ce qui est en dehors de l’entendement) eu centre de son mécanisme, qui n’enchante pas le monde est mortifère car il ne repose que sur la raison humaine et sur des choix binaires : c’est de près ou de loin le meilleur des mondes, quel qu’en soit la forme.

                La propriété n’est pas un élément transcendant : elle n’est pas en dehors de l’entendement. La liberté en est l’essence : elle consiste justement à considérer la capacité d’imaginer et de réalisé ce qui est dans le domaine de l’inconnu, du non réglé, du non réglementé.

                Ma seconde critique est d’ordre plus formel : la propriété ne permet en rien de déduire la liberté, ce qui n’est pas le cas de l’inverse.

                Mon avis est que Rothbard, dans la lignée des philosophes d’après les Lumières, ont posé comme principe la validité du positivisme et ont par dogme rejeté la transcendance, tentant d’établir des systèmes qui ne fassent pas intervenir d’élément « divin », ils procèdent tous, à de rares exceptions, du principe que le seul élément valable pour guider le monde est la raison, ce que je réfute absolument.

  • Merci à l’auteur pour nous apporter un éclairage original sur une façon d’être un libéral.
    Le libéralisme est une conception polymorphe qui peut, par certains cotés, s’assimiler à ce que certains espèrent trouver dans une auberge espagnole…

  • L’article est indéniablement libéral, admirablement libéral, et très simple à comprendre grâce aux belles métaphores qu’il utilise, mais n’en reste pas moins un article puritain/sexophobe.

    L’article était parfait jusqu’à ce que, hélas, il se mette à parler de capital social/culturel :

    Il explique, avec une grande justesse, que « Une vie civilisée requiert à la fois de la liberté et de l’ordre »

    Puis, sans la moindre explication, il laisse entendre que le progressisme culturel ne peut que conduire à une liberté SANS ORDRE, (« explosion inutile et destructrice ») et que seul le conservatisme culturel peut conduire à la fois à la liberté et à l’ordre :

    « Le conservatisme culturel représente l’école autrichienne de la culture. Le progressisme culturel représente le keynésianisme de la culture. »

    Pourquoi ai-je dit que c’était un article puritain/sexophobe ? Parce que tout le discours conservateur se résume essentiellement à un discours sur la sexualité, toutes les positions conservatrices reviennent TOUJOURS, d’une façon ou d’une autre, à la question de la sexualité. Les conservateurs aiment se présenter comme de nobles gardiens de la beauté des traditions, mais le conservatisme n’est qu’un prétexte pour restreindre la sexualité de sorte que même les individus les moins avantagés y ait accès.

    • A part votre fixation sur les organes reproducteurs, je suis assez d’accord…

      Le conservatisme culturel … Ça ne veut rien dire, pas plus que le progressisme culturel : ce n’est qu’une question de point de vue : la Joconde, c’est du progressisme culturel pour un papou ou un japonais….

      C’est pendre pour acquis le dogme gauchiste comme quoi les conservateurs sont des réactionnaires…

      C’est nier que c’est par exemple Cameron qui a transformé le mariage en Angleterre ou que ce sont les Quakers qui sont à l’origine de l’abolition de l’esclavage aux US…

      Opposer le nihilisme et le relativisme culturel au libéralisme oui, mais c’est carrément différent.

      • « A part votre fixation sur les organes reproducteurs »

        @Stéphane Boulots : Vous inversez les rôles. Moi je m’en fous de la vie sexuelle des gens, c’est les puritains/sexophobes qui me conduisent à parler de sexe, c’est eux qui sont obsédés par ça, il suffit de savoir lire entre les lignes comme Nietzsche pour s’en rendre compte. C’est eux qui veulent à tout prix savoir qui dort dans votre lit. Pas moi. C’est eux qui veulent vous décernez une médaille de respectabilité s’ils approuvent votre choix, ou vous calomnier s’ils désapprouvent votre choix. Pas moi.

        L’article dit que les progressistes appellent à « une liberté la plus grande possible dans le domaine de la morale personnelle, en particulier dans le champ sexuel » puis l’article (pourtant très argumenté jusque là) disqualifie de façon totalement expéditive le progressisme culturel. Que sommes-nous censés penser de tout ça ? Que ce qui dérange l’auteur dans le progressisme culturel n’a aucun rapport avec la sexualité ?

        • heu … à mon œil extérieur, c’est bien vous qui semblez obsédé par le sexe…
          mais bon, c’est juste mon avis, hein, et puis ça ne dérange ni moi ni Stéphane Boulots (je suppose, puisqu’il se contente d’expédier en une courte phrase la question ; alors que vous vous sentez obligé de rebondir sur un commentaire complet rien que sur cette question)

          • @P : Et sinon à part ça, vous avez d’autres opinions intéressantes à partager ? Votre avis m’importe beaucoup voyez-vous.

            • Bonjour commando
              Vous avez quand même une grosse fixette sur le sexualité..
              Sexophobe c’est mignon (rires)

              • @gillib : Je fais une fixette sur la vérité. Et mon erreur c’est peut-être de vous croire prêts à l’entendre.

                J’estime que le discours des conservateurs est prévisible, qu’il en revient toujours tôt ou tard à diaboliser la sexualité, particulièrement la sexualité féminine, et mon seul souhait c’est de tomber sur des articles conservateurs qui me prouvent que j’ai tort, qui me démontrent que les conservateurs sont moins prévisibles que je le pense.

                Tel que je l’expliquais dans un message posté le 7 août 2015 : J’en viens presque à souhaiter me tromper, en tombant sur un article conservateur qui, contrairement à ce que je m’imaginais, se révèle véritablement sincère, c’est-à-dire pense sincèrement que les traditions, la religion, la famille, la nation, sont des choses importantes en elles-mêmes et non pas juste de bons prétextes dont peuvent se servir les conservateurs pour ne pas que les femmes « aillent voir ailleurs. »

            • Pour mes opinions (intéressantes … ou pas… ) à partager, voyez plus haut. ou sur d’autres articles.

          • Je ne donnerais pas mon avis (de conservateur réactionnaire bigot coincé etc…) sur la question : hors de question, je n’ai pas du tout envie d’avoir des ennuis avec les modérateurs 🙂

        • Je serai un progressiste culturel quand le Ministère de la Culture aura été supprimé et qu’on ne verra plus un plug anal géant planté au cœur de Paris avec MES sous. Car là est l’agression : jamais, au grand jamais, je n’aurais donné un centime pour financer une pareille infamie.

      • les quakers à l’origine de l’abolition de l’esclavage aux USA ????

        développez svp …

  • L’article est une expérience de pensée, un exercice intellectuel qui n’a aucune réalité empirique. Quelle définition du pouvoir pour un libéral? La politique implique la coercition à minima.Le libéralisme est donc ontologiquement apolitique voir antipolitique.
    Politique et libéralisme sont incompatible en philosophie.

  • Je trouve que souvent un libéral donnera trop d’importance à la liberté au détriment de sa jumelle la responsabilité (que l’on peut presque définir comme la liberté de l’autre).

    Notre label y incite.
    Nos débats portent majoritairement sur la liberté.
    Les ressorts juridique de la responsabilité sont rarement évoqué.
    La destruction de la responsabilité conduit naturellement à celle de la liberté, et à la sur-réglementation.

    • @ Patrick : Liberté et Responsabilité sont indissolublement liées.

      Parlez de Liberté, c’est parler de Responsabilité, sinon, c’est de licence qu’il s’agit.

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