Les subversions à la presse

Les subventions sont un outil de subversion. La culture et les médias en France en sont un bon exemple.

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Les subversions à la presse

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 5 décembre 2015
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Au moins deux conditions sont nécessaires pour qu’une démocratie ne se transforme pas en tyrannie. Les droits fondamentaux doivent servir de garde-fous, et des contre-pouvoirs équilibrés doivent empêcher la concentration des pouvoirs.

Outre la séparation entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, l’équilibre des pouvoirs et le fonctionnement de la démocratie reposent en grande partie sur l’indépendance et le poids de la presse et de la société civile. Mais en France, cette indépendance est compromise : la presse et les associations sont subventionnées.

Officiellement, les subventions versées par l’État sont censées garantir leur indépendance. Il n’est pourtant pas difficile de comprendre en quoi la subvention publique est un outil de subversion : comment demeurer objectif quand on est à la fois juge et partie ? Par exemple, sera-t-il aussi évident de dénoncer la dépense publique et les gaspillages quand on en bénéficie soi-même ?

À l’approche des élections régionales, le gouvernement s’est lancé dans une campagne anti-Front National. Sans être partisan du FN (loin de là), on ne peut que s’inquiéter d’une frontière aussi poreuse entre le pouvoir et les partis : en théorie, les élus se concentrent sur l’exercice du pouvoir, pas sur leur succession (ou leur réélection).

Il est moins choquant que la presse s’engage de plain-pied dans la campagne électorale. Mais, là encore, le fonctionnement de la démocratie française laisse à désirer.

En Île-de-France, de nombreux partis « outsiders » dont « Aux Urnes Citoyens » n’ont pas eu les mêmes chances de présenter leur programme et de débattre que les partis « insiders » (EELV, Debout la France, les Républicains, le PS, le FN). D’abord, il y avait les attentats, qui ont, à juste titre, pris le pas sur les régionales. Mais ensuite, il ne restait que peu de temps, et seules les listes les « plus importantes » ont pu trouver leur place sur les ondes. Ce fut notamment le choix de France 3 Île-de-France, télévision publique, qui a refusé d’inviter les listes outsiders à un débat télévisé puis de leur permettre de présenter leur programme.

presse subventionnée rené le honzecEt de nombreux médias se sont engagés dans la campagne anti-FN menée par le gouvernement. C’est en théorie leur droit ; mais en pratique, ces journaux (notamment Le Monde et La Voix du Nord) bénéficient de subventions publiques censées favoriser la pluralité des médias.

Marine Le Pen, présidente du FN, a menacé de priver ses détracteurs de subventions ; cela n’a pas manqué de provoquer une levée de boucliers, notamment de la part de la ministre de la Culture, qui craint que les médias ne soient à la solde du pouvoirElle craint également l’avènement d’une culture officielle, où certaines formes d’art seraient subventionnées au détriment des autres.

Les récentes inquiétudes de Fleur Pellerin sont pour le moins surprenantes, alors qu’elle cherchait il y a quelques semaines à peine tous les moyens de priver certains médias (par exemple Valeurs Actuelles) de subventions – au motif qu’ils ne sont pas compatibles avec la vision officielle des valeurs républicaines.

Propagande en Corée du Nord (Crédits stngiam, licence Creative Commons)
Propagande en Corée du Nord (Crédits stngiam, licence Creative Commons)

On ne peut pas revendiquer le pluralisme et le restreindre à certains médias. On ne peut pas craindre une culture officielle tout en subventionnant la culture. Les médias et la culture deviennent « officiels » dès lors qu’ils sont subventionnés – d’autant plus que dans les faits, la plupart d’entre eux ne survivent que grâce aux grasses subventions qu’ils perçoivent. Là aussi, l’État privilégie les insiders au détriment des outsiders.

Le pluralisme des médias, ce n’est pas le rôle de l’État, et il est dangereux que le pouvoir se mêle des contre-pouvoirs. Tout comme il est dangereux que le pouvoir se mêle à ce point de la vie politique et prétende décider ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas, alors que c’est a priori aux électeurs d’en décider.

Pour que les médias et la société civile soient des contre-pouvoirs et non des extensions du pouvoir, il faut supprimer les subventions et réaffirmer la liberté d’expression. Il en va de même pour que la culture ne soit pas « officielle ».

Et si on craint pour leur financement, il faut rendre leur pouvoir d’achat aux citoyens en réduisant le poids des prélèvements. C’est aux citoyens d’acheter leurs journaux et non au gouvernement d’acheter les rédactions ; c’est aux citoyens de choisir leur culture et leurs dirigeants et non à l’État de faire une présélection.

Ce n’est pas aux élus de décider du bien et du mal. S’ils craignent réellement que certains partis ne fassent un mauvais usage du pouvoir, il faut réduire le pouvoir plutôt qu’en écarter certains partis. Rendons leur liberté aux citoyens, rendons leur objectivité aux médias, rendons leur indépendance et leur créativité aux artistes.


Lire aussi sur Contrepoints : FN : pourquoi la polémique Voix du Nord n’aurait pas dû exister

Voir les commentaires (24)

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  • « la presse et les associations sont subventionnées. »
    On pourrait aussi citer les syndicats. Tous.

  • Pour certains les subventions sont déguisées, ça permet de laisser croire qu’on est encore libre …

    http://www.lepoint.fr/medias/tva-sur-la-presse-en-ligne-l-assemblee-vote-une-amnistie-fiscale-04-12-2015-1987313_260.php

  • Sur le fond, tout cela ne revient qu’à une chose: les idéaux collectivistes ou étatistes sont dominés par une pensée totalitaire. Sans influence libérale, il n’y a aucune place pour la diversité d’opinion, de conception ou de débat.
    Point de salut hors du dogme.
    La fin justifie les moyens.
    Le reste n’est que mise en musique et apparences.
    Du coup les autres visions politiques de la société ne peuvent qu’échouer face au mur que représente cette pensée.
    Un seul exemple: seules les menées « de progrès » sont caractérisées par la recherche permanente de l’impossibilité du retour en arrière, de la remise en cause.

  • Moralité: un pouvoir qui subventionne les « contre-pouvoirs » est une tyrannie.

  • Votre argumentation est contradictoire. En bon libertarien vous dites que les individus doivent pouvoir choisir, c’est le fonctionnement normal (peut-être un peu caricatural) du marché et en même temps pour que ceux-ci puissent choisir ils doivent être informés. C’est un des innombrables paradoxes qui devraient tarauder tous ceux qui pensent le marché comme spontané. Parler de « choisir » son information via le marché n’a donc aucun sens puisqu’il faut d’abord être informé pour faire des choix sur le marché. En termes plus clairs, sur un marché on prend des décisions en fonction notamment de l’information dont on dispose alors que l’information est quelque chose qu’on ne choisit pas. L’information vient à l’individu et n’a aucun moyen de l’empêcher (il peut simplement ne pas y faire attention involontairement ou volontairement). C’est pour cela que ce qu’on nomme le marché de la presse ou de l’information ne peut être un marché comme les autres, on peut même se demander comme moi si le terme marché est adapté.

    • Vous vous êtes trompés de débat, le marché c’est sur un autre article. ici, à aucun moment l’auteur n’a cité le mot « information » ni « marché » mais vous 7 ou 8 fois chaque ! Hors sujet.

      Ici l’auteur dit simplement que si les subventions ont pour but le pluralisme des medias alors ça ne marche pas puisqu’on est dans la pensée officielle (la voix de son maître) qui va jusqu’à menacer les publications qui seraient de son avis non-républicaines.

      • ah parce qu’il ne faut utiliser que les mots de l’article ?

        C’est malheureux que vous ne compreniez pas ce qui est écrit.

        • Parce que vous jouez sur l’ambivalence du mot « information ».
          Pour enfoncer le clou, vous vous êtes trompés entre information et traitement de l’information.

          Par exemple : il y a eu 130 morts pendant les attentats c’est de l’information et cette information est la même partout. Personne n’a dit 131 ou 132 ou 104.

          Le traitement de l’information c’est de tergiverser sur le pourquoi. Même vous si ça tombe vous avez votre propre idée et n’allez pas tarder à nous parler de votre droit de l’exprimer aux 66 millions de français pour les en informer et qu’ils puissent faire un choix dans un marché parfait… uhm…

          • une information n’existe jamais de manière « pure ». Elle ne parvient aux individus qu’en étant « traitée » comme vous dites.

            Dans votre exemple, vous prenez la source officielle reprise par les medias qui est déjà traitée. Qui sont considérés comme morts à cause de l’attentat ? Les victimes sur place ? Les victimes sur place et celles en état d’urgence ? Les victimes sur place, celles en état d’urgence et les victimes qui sont décédés quelques jours ou quelques semaines plus tard ? Votre exemple est vraiment très mauvais (pour vous) puisqu’il montre justement que l’information ne nous parvient qu’en étant traitée.

    • Un marché qui n’est pas spontané n’est pas un marché (rappel: un marché et la rencontre entre une offre et une demande)
      Si une autorité vous oblige à acheter( état ou racket) ce n’est pas une situation de marché.
      il peut ne pas y avoir d’offre d’information sur le marché , donc pas de choix. Une seule offre, vous pouvez prendre ou ne pas prendre…L’article estime que la qualité de l’offre est fossé par l’ assujettissement des « offreurs » à l’autorité qui les subventionne . Donc le traitement dont vous parlez pour l’information quelque soit sont traitement peut être altéré par le désir de conserver cette subvention quelque soit l’opinion ou l’idéologie de « l’offreur »;

      • un marché qui n’est pas spontané n’est pas un marché ? que dire alors à propos du « marché du carbone » ? Un marché est crée par les individus, avec des normes, des règles, des lois.

        ce que vous dites sur l’information rejoint ce que je dis. Les individus décident en fonction de l’information disponible, ils ne choisissent pas l’information alors que sur un marché les individus ont le choix. Vous voyez la contradiction ?

        • Tegup, Un marché est crée par les individus,
          En l’occurrence c’est l’état qui crée le marché du carbone, ce n’est donc pas un marché. C’est vous qui lesdites…

    • Je ne partage pas votre avis. En tant que décideur c’est de mon ressort de trouver, comparer et analyser les informations sur tel ou tel sujet. Hors je ne peux que mieux le faire si la presse est libre, si les informations sont plurielles voir contradictoires. Hors aujourd’hui ce n’est que grace à internet que j’arrive à avoir cette diversité … Et avec des annèes de recul, c’est là (et donc pas dans l’officiel), que je trouve les informations les plus vraies et les plus pertinentes. L’information ne vient pas à nous. C’est a nous de la trouver dans un « marché » – bien que je n’aime pas ce mot – comme les autres. Je dispose des informations que je me donne la peine de chercher

    • À votre avis, pourquoi selon vous je ne lis plus jamais ni Le Monde ni Le Figaro ❓
      Parce que d’un puant conformisme téléphoné. Toujours la même information. Pourtant il a bien fallu les acheter quelques fois pour découvrir le contenu (rasant, oups, barbant :!:). J’ai bien fait … mon marché.

  • Article lucide et juste, d’ailleurs les critiques sur ces subventions ne sont lues que sur Contrepoints, c’est pas pour rien.

    Concernant Marine elle est encore pire, menacer les subventions de ceux qui la critiquent est du pur autoritarisme : Soit on les supprime pour tous ou pas du tout.

  • Pour information, une « economiste de la presse », prof à Sciences Po, propose d’encore plus réguler ou réglementer les médias en France… :
    http://www.inaglobal.fr/presse/article/la-concentration-des-medias-menace-le-pluralisme-8684

  • Un autre point qui mériterait d’être abordé au titre des subventions à la presse est le choix que font les hommes politiques au titre des medias sur lesquels ils s’expriment. Après tout ils sont payés par les contribuables et n’ont pas à privilégier ou aller se vendre exclusivement à tel ou tel media. Leur communication doit être exclusivement publique puisque payée par tous. Ca éviterait le coté servile des medias qui leur servent la soupe pour faire de l’audience… et être sûr de les voir revenir pour le rab.
    Accessoirement s’ils pouvaient rester dans leur bureau et bosser on ne s’en porterait pas plus mal.

    • C’est la cas de RMC qui à viré un chroniqueur, si non il n’avait plus de source d’information de la part du ministère de l’interieur.

      • Oui c’est le cas auquel je pensais et après y avoir réfléchi, il n’y a pas 36 solutions.
        J’irais même plus loin : leur communication ne devrait passer que par de l’écrit, genre communiqué officiel éventuellement en video, le reste c’est du blabla.

  • Les commentaires sont fermés.

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