COP21 : reculez, vous n’avez pas le droit de circuler !

Faut-il s’asseoir sur nos libertés citoyennes au nom de la lutte antiterroriste ?

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COP21 : reculez, vous n’avez pas le droit de circuler !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 novembre 2015
- A +

Par Natasa Jevtovic.

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Je ne suis pas une militante écologiste, et encore moins d’extrême gauche, mais je suis allée manifester ce dimanche place de la République pour protester contre les dérives de ce gouvernement qui prive les citoyens de leurs libertés fondamentales, celle de circuler librement ou encore celle de manifester.

Et pourtant, je suis de ceux qui se plaignent lorsque les ampoules écologiques n’éclairent pas, les robinets avec photo cellule ne fonctionnent pas, les produits d’entretien écologique ne nettoient pas bien, ou encore à chaque fois qu’on me sert un poisson trop exotique sous prétexte de protéger l’écosystème. Soyons honnêtes : si nous pouvons obliger d’autres pays occidentaux à respecter les quotas à polluer, nous n’avons aucune marge de manœuvre avec les pays émergents qui sont dépendants de l’énergie fossile et qui ont besoin de la croissance pour nourrir leurs populations. À mes yeux, les taxes écologiques sont tout simplement un moyen pour les États de remplir leurs caisses car ils ne peuvent plus frapper la monnaie pour réduire la dette publique. Je n’ai pas d’opinion sur la COP21 ; elle doit être encore une conférence inutile qui n’aboutira pas aux mesures concrètes. Mais il me semble que Paris a connu dans le passé d’autres grands événements de ce type sans qu’il y ait eu des mesures de sécurité aussi draconiennes.

Pendant la durée de la conférence, on a déconseillé aux franciliens de se déplacer en voiture et donc de privilégier les transports collectifs qui seront gratuits. Puis la Préfecture de police a déconseillé d’utiliser les transports collectifs pour des raisons de sécurité. Comment faire ? Aller au travail en skateboard ? La mesure ne passe pas, les citoyens se sentent assignés à résidence.

D’ailleurs, 24 militants écologistes l’ont été1, sans avoir commis le moindre délit, comme s’ils étaient des terroristes. Parmi eux se trouvait le responsable juridique de la coalition qui organise les manifestations des opposants à la COP21. Amnesty International a tiré la sonnette d’alarme en estimant que l’interdiction de manifester est une mesure disproportionnée. L’état d’urgence est dérogatoire au droit commun, puisqu’il entraîne les interdictions de circuler librement ou de manifester, et permet les perquisitions ou interpellations sans décision judiciaire2. Vu les dangers pour le maintien de l’État de droit, l’état d’urgence doit être exceptionnel et ne peut dépasser 12 jours, à moins d’être prolongé par le parlement. Seulement, le jour où cette prolongation a été soumise au vote, Manuel Valls a déclaré qu’il y avait un risque réel d’attaque chimique, avant de le minimiser le soir même, après le vote des parlementaires prolongeant l’état d’urgence3. Curieux timing pour une telle déclaration… ou excellente communication utilisée pour forcer la main des députés ?

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Je me suis donc rendue à la manifestation en marge de la COP21, afin de prendre quelques photos et discuter avec quelques manifestants. J’étais loin d’imaginer l’ampleur de la violence étatique dirigée contre des citoyens ordinaires, armés de roses et de pancartes appelant la paix. Certains étaient habillés en clowns et jonglaient devant les forces de l’ordre, parfois les mains en l’air. D’autres portaient des masques d’Anonymous et scandaient, « Même pas peur ». La plupart avaient masqué une partie de leur visage, d’une part pour éviter les effets du gaz lacrymogène, copieusement utilisé par les forces de l’ordre, d’autre part pour éviter d’être filmés car une manifestation interdite pendant l’état d’urgence peut coûter six jours de garde à vue et six mois de prison. Certains ont déposé leurs chaussures en très grand nombre, puisqu’il était interdit de manifester (parmi elles se trouvaient les chaussures du Pape François et de Ban Ki Moon, déposées par l’ONG Avaaz). D’autres ont fait une chaîne humaine tout au long du boulevard Voltaire, où se sont déroulés les attentats du 13 novembre. Les citoyens scandaient, « Liberté, fraternité, sans armes, sans haine, sans violence ! » Les fourgons des CRS avançaient et gazaient même les personnes assises par terre. Un jeune inconnu m’a apporté un collyre, car j’avais reçu moi aussi une charge de gaz lacrymogène. Les manifestants hurlaient, « Vous ne nous enlèverez pas le droit de manifester ! État d’urgence, État policier ! » Quel profond malaise que de voir les manifestants hurler le mot Liberté face aux forces de l’ordre, au pied de la statue de la République !

J’ai décidé de poser la question à un policier.

« Qu’est-ce que cela vous fait d’entendre les citoyens hurler le mot Liberté face aux forces de l’ordre ? 
—  Je ne vous entends pas, m’a-t-il répondu.
—  Je travaille, m’a dit l’un de ses collègues.
—  Fermez votre gueule, on s’en fout de ce que vous dites », m’a répondu un troisième, qui m’a tout de même vouvoyé.

Lorsque les manifestants ont formé une chaîne humaine devant le cordon de la police, plusieurs jeunes ont été arrachés par force et emmenés dans les fourgons des CRS, l’un d’eux violemment écartelé comme une sorcière du Moyen Âge condamnée à mort. J’avais l’impression que les visages de ces jeunes manifestants étaient semblables à ceux des victimes des attentats du Bataclan, et que Daesh avait gagné, en réussissant à nous enlever la liberté et les droits de l’homme.

Assez rapidement, toutes les personnes présentes ont été poussées vers le même trottoir sans pouvoir repartir chez elles. Des centaines de personnes, dont des blessées, ont été retenues en pleine rue, jusqu’au soir. Ni interpellées, ni en garde à vue, ni en liberté. Un grand gaillard à la barbe rousse, habillé en clown, a poussé un impressionnant cri de douleur et d’horreur en recevant une charge de gaz lacrymogène directement au visage ; un photographe du Journal du dimanche, séquestré avec les autres, a immortalisé la scène ; à ma droite, un entrepreneur sortant de la salle de sport et se trouvant sur les lieux par hasard, s’est mis à protester contre la charge fiscale et l’inutilité d’une telle intervention policière. Il a été emmené dans un fourgon de police sous mes yeux ; à ma gauche, un photographe indépendant a été lui aussi emmené ; derrière moi, deux mineurs de quinze ans qui craignaient les représailles parentales s’ils ne rentraient pas immédiatement chez eux ; une touriste grecque qui avait besoin d’aller aux toilettes ; une stagiaire de Arte qui n’avait pas encore sa carte de presse. « On est séquestrés ! Appelez la police ! », protestait la foule. Seulement, les policiers n’avaient reçu aucune consigne et ne savaient pas s’ils devaient tous nous emmener en garde à vue ou s’ils devaient nous laisser repartir.

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Finalement, il y a eu 289 interpellations et 174 gardes à vue suite à la manifestation. Parmi les personnes embarquées, un clown qui jonglait avec les balles multicolores, un militant d’Anonymous et un jeune homme qui avait embrassé le bouclier d’un policier.

De retour chez moi, j’ai été indignée par les réactions de François Hollande et de Manuel Valls qui ont dénoncé la profanation du mémorial des victimes des attentats soi-disant commise par les manifestants. Il suffisait de faire un tour sur Twitter pour voir les images des forces de l’ordre piétinant les bougies et les fleurs…

Aucun des manifestants ne s’est rendu place de la République pour protester contre les chefs d’État étrangers en visite à Paris. Ils étaient là pour dénoncer les dérives de notre propre gouvernement. Les Français n’acceptent pas d’être assignés à résidence à cause d’une conférence.

Faut-il s’asseoir sur nos libertés citoyennes au nom de la lutte antiterroriste ? À quoi bon rétablir le contrôle des frontières ou retirer la nationalité aux terroristes binationaux, s’ils brûlent leurs passeports pour montrer leur allégeance à Daesh et s’ils peuvent voyager avec les documents falsifiés ? À part restreindre la circulation des ressortissants français et critiquer Poutine, qu’est-ce que nos autorités ont fait contre Daesh ?

Il nous faut combattre les causes avant de lutter contre les effets du terrorisme. De toute urgence, car nous avons déjà perdu trop de temps. Ne sacrifions pas nos libertés citoyennes à ce gouvernement qui cherche à masquer son incompétence.


Lire sur Contrepoints notre dossier Libertés publiques

  1. Les locaux de militants écologistes perquisitionnés à quelques jours de la COP21, Francetv info, 27 novembre 2015.
  2. Amnesty International, Interdiction des manifestations en France : une mesure disproportionnée ? 27 novembre 2015, http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Liberte-expression/Actualites/Interdiction-des-manifestations-en-France-une-mesure-disproportionnee-16974?utm_source=twitter&utm_medium=reseaux-sociaux
  3. Angela Bolis, Nathalie Guibert et Nicolas Chapuis, Le risque d’attaques chimiques ‘réel mais très faible’, Le Monde, 20 novembre 2015.
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  • Comment des écologistes peuvent dire lutter contre les libertés citoyennes alors que ce sont eux les premiers à les violer quand ils envahissent des propriétés ; champs, labo de recherche, squatts et qu’ils demandent encore plus d’argent es autres. Bien fait !
    J’espère que ça les fera réfléchir à leurs actions, même pas sûr.

    • lutter pour les libertés citoyennes bien sûr… lapsus révélateur !

    • Le jour où tu verra un écolo réfléchir correctement …

      Et puis pourquoi disqualifier les bonnes actions sous prétexte des mauvaises ? Au moins pendant qu’il proteste contre ce qui mérite la protestation, ils ne font pas les cons.

      • Certes P mais je te rappelle que les écolos venaient manifester parce qu’ils trouvaient que les mesures envisagées par la COP21 n’étaient pas assez radicales.

        Accessoirement je pourrais effectivement ma rallier à leurs causes si effectivement on avit un ennemi commun, mais leur credo est « + d’état ».

        J’ose juste espérer qu’a titre didactique cette expérience de perquisitions, d’assignation à résidence, d’interdictions de manifester leur fera respecter un peu plus les droits de leurs concitoyens dans leurs prochaines actions ou soutiens lors de votes de lois écolo-liberticides.

    • Les pastèques se voient appliquer ce qu’ils prônent pour les autres. Pas sûr qu’ils deviennent plus intelligents après.

  • Tout cela est voulu par le gouvernement, pour rendre la COP21 plus importante, une exagération donc.

  • Qui a commencé?!!

    Les libertaires d’ultra-gauche qui n’ont eu aucun respect pour le mémorial dédié aux victimes ont non seulement outrepassé l’interdiction de manifester mais aussi cherché la violence. Il y a un moment, il faut être intelligent, respecter les consignes et ne pas troubler l’ordre par la violence. Beaucoup de ceux qui ont été interpelés hier méritent la prison. Ca leur mettra un peu de plomb dans le cerveau. Ils veulent faire la révolution, qu’ils disent? Ces gens sont des dangers, quiconque porte atteinte à la sécurité publique en utilisant la violence physique doit être arrêté. C’est ça, la liberté citoyenne: qu’on cesse d’importuner tout le monde, qu’on se montre civilisé, et qu’on se mette enfin au BOULOT!!!

    Je trouve cet article bien complaisant à l’égard des extrémistes d’hier. La liberté est le contraire du chaos, ne l’oublions jamais. Le corollaire de la liberté est l’ordre public, rompre celui-ci est amener le chaos et c’est inacceptable, surtout dans la situation actuelle!

  • Nous sommes d’accord sur le fait que nos libertés en ont pris un coup. Pour le reste, il me semble à peu près aussi efficace d’aller manifester, interpeller le gendarme mobile de base et s’indigner de la profanation d’un « mémorial » improvisé constitué de bouquets fanés que de lutter contre le terrorisme en interdisant d’acheter sa baguette de pain en liquide : ça donne une image de manque de sérieux et ne fait que du buzz et du contre-productif.

  • Hollande incapable de combattre le chômage, la dette, la montée du radicalisme, la bureaucratie paralysante nous promet de sauver la Terre! Pas moins.

    n.b. : avecl’aide de plus de 120 chefs d’Etats totalitaires.

  • La situation s’enlise, et je suis persuadé qu’importe le pouvoir politique en place, la situation aurait été la même, ça ne sert à rien de s’en prendre à cette gauche, c’est tout le système représentatif qui est à revoir.

    Et le gouvernement ne devrait pas trop continuer à jouer avec le feu, c’est avec des citoyens scandant «liberté !», qu’est nourrit le feu de la révolte populaire, les gens se complaisent peut être dans leur zone de confort, mais s’ils s’y sentent attaqués, un mouvement d’insurrection pourrait faire effet boule de neige.

    Rendez vous compte, que le pays des droits de l’homme, ne respectait déjà même pas son credo (liberté – égalité – fraternité), mais ne respecte même plus ces derniers, et en a officiellement fait part ! La liberté n’est pas à vendre, ni à échanger, contre une sécurité somme toute, relative, le risque 0 n’existe pas et n’a jamais existé !

  • « l’un d’eux violemment écartelé comme une sorcière du Moyen Âge condamnée à mort »

    lol ^_^

  • Si je comprends bien, il pouvait y avoir dans cette manifestation des écologistes et en même temps des anti-COP21, les uns et les autres n’acceptant pas l’interdiction des manifestations à cause de l’etat d’urgence?

    • Oui, une manifestation écologiste des anti-COP21 avait été prévue initialement, mais une fois interdite elle s’est transformée en une manifestation contre l’interdiction de manifester.

  • Les pouvoirs étatiques et la mairie de Paris ont utilisé les habitants comme cobayes pour voir comment plus facilement supprimer les déplacements individuels qui ne plaisent pas aux Verts et autres ayatollahs liberticides. Tant pis pour les habitants, leurs revenus et leur bien être diminués par ces mesures totalement injustes.

  • Bonjour Natasa, on s’est rencontré brievement dans les derniers instants sur la place, j’étais omnubilé par mon vélo. Je suis venu ici par curiosité pour voir si vous aviez finalement écrit. Merci pour votre article et je suis content que tu se soit bien fini pour vous aussi. De notre coté on est passés très près de la garde à vue.

  • C’est quoi les libertés « citoyennes » ? Pouvez-vous me donner une liste des libertés « non-citoyennes »? Ou cet adjectif est-il simplemnt l’expression de la débilité ambiante ?

    • Mettez un verbe, choisissez un sujet puis ajoutez dans un ordre aléatoire : citoyen, durable, valeurs + république, réchauffement climatique…
      Vous reste plus qu’a signer dans un média subsidié.

  • C’est marrant pendant les manifestations pour tous personne ne parlait des violences policières + quasi interdiction de manifs (en rendant le parcours au dernier moment etc…) et maintenant que ce sont les « gentils » altermondialiste tous le monde en fait un plat… Bizarre bizarre…

  • Le bal des hypocrites se porte bien …
    Passez il n’y a rien à voir
    Vous n’avez qu’un seul droit vénérer les génies planétaires qui vont « maitriser » le climat …

    En fait ils se moquent de qui aussi ouvertement ???????????

  • Je suis attéré de la dérive de nos gouvernants, le soicialisme pur et dur est de retour. Fuyez la France, gardez la dans votre coeur. Chaque jour qui passe je me félicite d’avoir quitté un pays qui n’est plus que l’ombre de sa grandeur, et plus que tout je suis heureux de vivre avec ma famille dans un pays (vraiment) libre ou tout est plus facile, plus léger et le sourir toujours présent.

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