La CSG progressive est inconstitutionnelle

L’amendement Ayrault veut démolir la seule cotisation sociale qui fonctionne bien.

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La CSG progressive est inconstitutionnelle

Publié le 18 novembre 2015
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Par Jean-Philippe Delsol.

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L’amendement Ayrault vise à établir de la progressivité dans la CSG qui est aujourd’hui un impôt proportionnel, une flat tax, dont le produit est élevé (plus de 90 milliards d’euros en 2016 contre 72 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu). Manifestement, il veut démolir le seul impôt/cotisation sociale qui fonctionne bien, sans doute parce qu’il ne supporte pas qu’une flat tax puisse exister, et à la satisfaction générale. Mais aussi parce qu’il veut simplement prendre une revanche stupide sur son successeur à un moment où la France doit se mobiliser sur d’autres fronts.

Heureusement, au regard de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel devrait normalement s’opposer à la dénaturation de cet impôt social. Celui-ci considère que les cotisations sociales, dont la CSG, doivent respecter le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques et qu’elles doivent être en rapport avec les prestations auxquelles ces cotisations donnent droit. Les propres commentaires de cette haute juridiction, reproduits en partie ci-après, sur sa décision n° 2014-698 du 6 août 2014 en attestent.

L’article 1er, paragraphes I et III, de la Loi de financement rectificative de la Sécurité sociale adoptée le 23 juillet 2014 introduisait une réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale au bénéfice des travailleurs salariés dont la rémunération équivalent temps plein était comprise entre 1 et 1,3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Les cotisations sociales touchées par cette réduction dégressive étaient essentiellement la cotisation « vieillesse », et accessoirement la cotisation « maladie ».

La même orientation était mise en place dans la fonction publique avec une progressivité des cotisations à la charge des agents dont le traitement était inférieur à un indice majoré (paragraphe II de l’article 1er). Dans les deux cas, l’entrée en vigueur de ces dispositions était prévue pour le 1er janvier 2015 (paragraphe IV de l’article 1er).

Dans leur saisine, les députés requérants soutenaient que l’introduction d’une réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale était contraire à la distinction entre les cotisations sociales et les impositions de toute nature, telle qu’elle résulte de l’article 34 de la Constitution, et avait pour effet de dénaturer l’objet des cotisations sociales. Ils avançaient également qu’en réservant la réduction dégressive de cotisations sociales aux seuls salariés dont la rémunération équivalent temps plein était comprise entre 1 et 1,3 fois le Smic, alors que ces salariés continueraient de jouir d’un niveau de prestations sociales inchangé, le législateur méconnaissait le principe d’égalité devant la loi. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cotisations sociales est distincte de celle applicable aux impositions de toute nature.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel réserve sa jurisprudence sur la prise en compte des facultés contributives aux impositions de toute nature. La cotisation sociale est ainsi, pour l’assuré, marquée par sa proportionnalité.

En second lieu, les différences de traitement au regard des cotisations salariales doivent être en rapport avec l’objet de ces cotisations, qui est d’ouvrir droit à des prestations.

Aussi, au sein des cotisations salariales, le Conseil constitutionnel veille au respect de leur nature particulière qui est d’ouvrir droit à des prestations et avantages servis par le régime de Sécurité sociale (Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, cons. 12.).

Le Conseil constitutionnel a ainsi fait application de cette orientation lors du contrôle de la LFSS pour 2013. La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 131-9 du Code de la Sécurité sociale (CSS) prévoyait la possibilité d’instaurer des taux particuliers de cotisations d’assurance maladie sur la fraction des revenus des assurés d’un régime français d’assurance maladie exonérés en tout ou partie d’impôts directs en application d’une convention ou d’un accord international qui n’est pas assujettie à l’impôt sur le revenu. Le Conseil a relevé « qu’en soumettant à un régime dérogatoire de taux de cotisations certains des assurés d’un régime français d’assurance maladie, la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 131-9 du Code de la Sécurité sociale crée une rupture d’égalité ente les assurés d’un même régime qui ne repose pas sur une différence de situation en lien avec l’objet de la contribution sociale ». Il a par conséquent déclaré cette disposition contraire à la Constitution.

Dans sa décision du 6 août 2014, le Conseil constitutionnel a relevé qu’alors que les dispositions contestées instauraient une réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale, elles maintenaient inchangés, pour tous les salariés, l’assiette de ces cotisations ainsi que les prestations et avantages auxquels ces cotisations ouvrent droit. Il en a déduit « qu’ainsi, un même régime de Sécurité sociale continuerait, en application des dispositions contestées, à financer, pour l’ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l’absence de versement, par près d’un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime » (cons. 13). La différence de traitement instituée par les dispositions contestées ne reposait donc pas sur une différence de situation entre les assurés d’un même régime de Sécurité sociale.

Au total, tout est lié dans le régime juridique des cotisations sociales, bien distinct de celui des impositions de toute nature. C’est parce que les cotisations sociales ont pour objet d’ouvrir des droits à prestations qu’elles ne peuvent pas prendre en compte les facultés contributives. C’est parce qu’elles ne prennent pas en compte les facultés contributives qu’elles ne sont pas additionnées dans le calcul du caractère confiscatoire d’une addition d’impositions… Le Conseil constitutionnel a donc jugé que la différence de traitement instituée par les dispositions contestées était « sans rapport avec l’objet des cotisations salariales de Sécurité sociale » (cons. 13). Dès lors, l’article 1er méconnaissait le principe d’égalité et devait être déclaré contraire à la Constitution.

Cette jurisprudence devrait s’appliquer à l’amendement Ayrault.

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  • « Heureusement, au regard de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel devrait normalement s’opposer à la dénaturation de cet impôt social. Celui-ci considère que les cotisations sociales, dont la CSG, doivent respecter le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques et qu’elles doivent être en rapport avec les prestations auxquelles ces cotisations donnent droit. »

    Egalité devant la loi ? Parce qu’est une marque d’égalité que de faire payer le même taux de TVA à celui qui gagne 1000 et à celui qui gagne 6000 ?

    L’égalité est dans une contribution proportionnelle aux revenus, de sorte que l’effort soit équitable !

    • Si c’était le cas il faudrait en toute logique que les prestations augmentent avec le revenu : plus d’allocations aux riches et moins aux pauvres. Je doute que ça soit ce que vous voulez.

      De toutes façons votre opinion n’est pas la réalité du droit…

    • @consolideur : mdr ! you made my day ! dites moi , vous militez réellement pour une tva modulée en fonction des revenus ? J’attends votre projet de loi avec délice …

    • Bonne idée, si vous gagnez deux fois plus, tous coûte deux fois plus, comme ça tous le monde il est égaux !
      Bon par contre, je me met au chômage étant donné que gagner plus ne sert à rien.

      • Mais c’est bien sûr, quand vous allez faire vos courses vous présentez votre fiche de paie à la caissière.

        J’irai encore plus loin : pour deux boîtes de fayots achetées, TVA offerte sur la deuxième de manière que les gens voient que le taux de TVA n’a aucune influence sur les prix et c’est l’entreprise qui la paie au final.

    • commentaire contradictoire.

      Dire « L’égalité est dans une contribution proportionnelle aux revenus, de sorte que l’effort soit équitable ! » c’est justement dire notamment que le taux de TVA est le même pour tout le monde, exiger « faire payer le même taux de TVA à celui qui gagne 1000 et à celui qui gagne 6000 »

      En somme vous protestez vigoureusement contre ce que vous réclamez à cor et à cris dans la phrase suivante…

    • Et comment feriez payer une TVA plus élevée aux étrangers ❓
      À la tête du client ❓ Et comment le commerçant justifiera-t-il le taux progressif choisi ❓
      Chacun devra-t-il se munir d’une attestation fiscale en sus du passeport ❓
      Imaginez le coût…

      Décidément, la France un pays à éviter : entre les attentats, paf la TVA à Consolideur vous matraque…

      • Il ne faut pas se tromper de sujet quand même. En bonne théorie républicaine (et libérale !) il faut une contribution des CITOYENS (les étrangers sont donc a priori exemptés, sauf à leur accorder des droits en rapport avec leur contribution) et proportionnelle aux « facultés », il n’y a donc pas de TVA ni d’autre impôts indirects.

        • Même si vous enlevez les étrangers de l’équation, vous arrivez dans tous les cas à une usine à gaz.

          • C’est votre réponse à ma remarque tendant à supprimer la TVA et les impôts indirects … ?
            ???

            • Bien entendu, votre proposition est bonne.
              Mais qui l’appliquera, vu le trou sans fond, qui se creuse jour après jour ❓

              De toutes façons, ce qui compte est de ne pas créer d’usine à gaz bureaucratique dans le style de la première proposition.

              • Quelle première proposition ? celle de faire varier le taux en fonction des revenus ?
                Hélas avec l’informatique moderne ça peut-être fait de façon relativement simple, en tout cas pas plus compliqué que l’IR sans les niches fiscales.

                • Ah oui l’informatique Big Brother, avec une panne de serveur, pas de vente… Pour acheter à manger, on repassera demain… S’il faut sortir sa carte d’identité pour acheter une baguette…

                  C’est vrai qu’un impôt sur le revenu serait sain.

    • Ca me rappelle qu’il y a 1 ou 2, Eckert souhaitait supprimer l’entière déductibilité de la CSG à l’IRPP au motif que ceux qui en payait le plus pouvoir déduire le plus et que ce n’était pas juste socialement que les plus riches.
      Par contre, je prendrais le chemin inverse, pourquoi la CSG n’est elle pas déductible entièrement des revenus s’il s’agit d’une cotisation sociale ou tout comme ?

    • Avec un taux à 7,5% de CSG, celui qui gagne 1000€ cotise 75€ mais celui qui gagne 6000€ cotise 450€…

    • « Egalité devant la loi ? Parce qu’est une marque d’égalité que de faire payer le même taux de TVA à celui qui gagne 1000 et à celui qui gagne 6000 ? »

      Parce que c’est Normal de faire payer plus les gens sous prétexte qu’ils travaillent plus ou qu’ils travaillent mieux? C’est la punition de la productivité?

  • je vous signale que la CSG est différente pour les retraités en fonction de leurs revenus et que le CC laisse faire sans problème alors ….pour la CSG Ayrault , cela va passer comme une lettre à la poste.

  • « C’est parce que les cotisations sociales ont pour objet d’ouvrir des droits à prestations qu’elles ne peuvent pas prendre en compte les facultés contributives. »

    Mais dans ce cas, la modulation des prestations d’allocations familiales décidée par les socialistes est incostitutionnelle : un salarié cotise mais au-delà d’un seuil de revenus, il ne perçoit rien (ou presque) en retour.

    • Il me semble que l’argument était que les allocations sont un mécanisme de solidarité via redistribution et donc il saurait être admis des distorsions en fonction des revenus.
      Je recherche et je poste la vidéo si je la retrouve.

  • La CSG n’est qu’une arnaque, puisqu’elle n’a pour but que de permettre à des gens de bénéficier de prestations sociales sans en avoir payé le prix (régimes spéciaux, taux de cotisation ne correspondant pas à des critères économiques mais politiques, …), alors que les prestations sociales ne devraient être qu’une affaire d’assurance (a quand l’assurance habitation ou voiture en fonction des revenus ?).
    La CSG ne devrait être que le moyen de financer les prestations sociales des vrais démunis (ceux ayant subit des accidents de la vie, donc ne pouvant compter que sur la solidarité pour vivre).

  •  » La seule cotisation sociale qui fonctionne bien  » Ce n’ est pas mon avis depuis longtemps ni celui de la CEJ depuis peu suite à la plainte d’ un citoyen Hollandais
    J’ ai noté en tant que Français pour mon cas perso qu’ elle fonctionne comme un ascenseur qui monte et ne descend jamais ! jolie la morale socialococochiraco
    A mon avis c’ est surtout pour contourner cette condamnation que ce député veut fusionner IR &csg

  • Il est clair que l’amendement Ayrault est une nouvelle débilité revancharde collectiviste, néanmoins je ne comprends pas très bien votre argumentaire :

    « C’est parce que les cotisations sociales ont pour objet d’ouvrir des droits à prestations qu’elles ne peuvent pas prendre en compte les facultés contributives. »

    Un taux fixe de CSG et donc un montant proportionnel aux revenus pour cette cotisation correspond déjà à une prise en compte des facultés contributives : celui qui gagne plus cotise plus (en €/ mois) tout en recevant les mêmes prestations (je n’ai pas l’impression que les riches soient plus malades que les autres ou mieux remboursés par l’assurance maladie..)

    Pour que les « facultés contributives » ne soient pas prises en compte il faudrait que la cotisation (en € et non en % du revenu) soit la même pour tout le monde, ce qui n’a jamais été le cas.

    • Tel que je comprend c’est les prestations qui ne peuvent prendre en compte les facultés contributives, mais en aucun cas les cotisations.

      Comprendre, tout le monde alimente le pot commun proportionnellement à ses moyens, mais n’en retire que ce que les soins lui coute (ou le % de ce que la sécu décide de rembourser, ce % de remboursement en fonction du type de soin/prestation étant le même pour tous).

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