Loi Santé : la colère des médecins

Le 13 novembre prochain, les médecins manifesteront contre la loi Santé.

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Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)

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Loi Santé : la colère des médecins

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 novembre 2015
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Par Bernard Kron.

Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)
Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)

On ne compte plus les mesures coûteuses dont on peut douter de l’utilité. Elles entraînent une inflation du temps consacré à les satisfaire au détriment de celui consacré aux soins. Paradoxalement, l’administration et l’État leur reprochent l’augmentation des délais pour les rendez-vous et les rendent responsables de la mauvaise organisation de la Permanence des Soins (PDS). De plus, elle a lourdement pesé pour faire adopter les systèmes d’informatisation. Ce coût a été prohibitif.

L’informatisation du système de soins

La complexité de ce système améliorera-t-il le suivi médical ? Rien n’est moins sûr. À titre comparatif la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) qui avait fait l’objet de multiples rapports n’a rien donné en France. Vincent de Gournay le prônait déjà au XVIIIe siècle. Partisan de la liberté de commercer, de produire, de travailler, il dénonçait déjà la bureaucratie tatillonne ainsi que l’intervention directe de l’État dans l’économie. Au Canada, il y a une dizaine d’années, elle avait consisté à rebâtir un État nouveau à partir de missions épurées et redéfinies. Ce fut un succès.

L’informatisation du dossier médical

Informatiser le dossier du patient était un objectif prioritaire du ministère de la Santé, mais le Dossier Médical Partagé (DMP) a été une mesure coûteuse. Elle est chronophage car nécessite une synthèse régulière des données afin d’éviter de se transformer en un catalogue inexploitable.

Le patient pourrait également exiger de masquer certaines pathologies. Le secret médical ne pourra plus être respecté. De plus, le dossier personnel du médecin reste irremplaçable en cas de procédure judiciaire.

Contrepoints952médecinsOn ne pourra pas empêcher que le dossier fasse l’objet d’attaques informatiques. Un rapport dévoilé par le journal Le Monde, rédigé par les sages de la rue Cambon est édifiant. C’est le troisième à avoir été adressé à la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Les conclusions qui ont filtré mettent en cause une défaillance de stratégie et de pilotage, un manque d’évaluation rigoureuse de son utilité et l’insuffisance grave de suivi financier ou technique (sic).

Le Système d’Information Hospitalier Orbis (SIH) a été acheté par l’AP-HP à grands frais en 2009 pour 125 millions d’euros. Trois années plus tard, Il n’est toujours pas opérationnel et la facture continue de s’allonger. L’enjeu est considérable, car ces budgets sont colossaux, ce qui rend de telles dépenses suspectes.

Au niveau national, les sommes investies pour se doter du SIH ont dépassé les 650 millions d’euros dès 2011. Il faudra les doubler compte tenu des systèmes informatiques administratifs qui en découleront. Le ministère des Armées a connu les mêmes difficultés pour s’informatiser pour une somme qu’on estime à 800 millions.

Malgré ces coûts, les hôpitaux français pâtissent d’un retard considérable. Seule une bonne moitié des établissements ont développé le dossier médical informatisé, censé être le document de référence. Très peu intègrent les résultats d’examens ou permettent la validation et la prescription des médicaments. Seuls les services d’urgence sont opérationnels.

Depuis le lancement en 2004 de ce projet pharaonique par Philippe Douste-Blazy, un peu moins de 200 000 DMP ont vu le jour. Il faut en effet être équipé d’un logiciel compatible.

L’Agence des « Systèmes d’Information Partagés de la santé » (ASIP santé) tablait sur l’ouverture d’un million de DMP en 2013. Le déploiement du dispositif, après une expérimentation dans les quatre régions pilotes d’Alsace, Aquitaine, Picardie et Franche-Comté, n’a pas eu une vitesse de croisière suffisante pour atteindre cet objectif.

Malgré ces faibles résultats, la Cour des comptes estime que le DMP a déjà englouti au moins 210 millions d’euros entre 2005 et 2011, chiffre plus vraisemblablement proche du demi-milliard. De plus en plus de parlementaires et de médecins fustigent le déploiement du DMP. Le docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des Médecins de France (FMF) n’est d’ailleurs pas étonné par ce rapport au vitriol de la Cour des comptes : « J’ai participé aux premières expérimentations dès 2004 mais j’ai arrêté il y a trois ans quand j’ai vu que les appels d’offres n’en finissaient pas de se succéder ».

Selon le leader syndical, le DMP tel qu’il est aujourd’hui déployé, est voué à l’échec. De plus, le piratage informatique n’étant pas une utopie, il serait plus judicieux d’intégrer les informations indispensables concernant la pathologie du patient dans une carte vitale infalsifiable.

En Grande-Bretagne le National Project for Information Technology (NPfIT) prévoyait un système d’information national centralisé. Il devait assurer un accès sécurisé aux patients, aux praticiens hospitaliers et aux médecins généralistes. Cela concernait les données confidentielles et le système de prise de rendez-vous en ligne intitulé  « choose and book ». Un système de transfert des ordonnances (Electronic Prescription Service) et un système de gestion en ligne des dossiers médicaux (Summary Care Records System) complétaient ce dispositif.

On sait d’expérience que nombre de malades ne décommandent pas leurs rendez-vous où les oublient, une relance s’avère alors nécessaire. La Grande-Bretagne a préféré abandonner ce projet, avec une économie à la clef de l’ordre de 700 millions de livres sterling.

Quelles solutions ?

Ce n’est pas le TPG (Tiers payant généralisé), mesure phare de F. Hollande, qui apportera un meilleur accès aux soins. Il sera chronophage pour les médecins qui devront contrôler le paiement des quelques 600 mutuelles.

Notre système de soins pourrait-il un jour atteindre son équilibre financier ? Après plus de 30 ans de balance négative, les déficits de notre système de santé ont atteints des gouffres impressionnants.

L’alcoolisme, le tabagisme et la pollution coûtent à la collectivité plus de 100 milliards d’euros chaque année. Si l’on ajoute les conséquences des particules fines, cela représente plus de 150 000 morts chaque année.

Nos politiques craignent de créer un principe de malus pour les patients qui, par leur comportement alimentaire ou d’hygiène de vie accroissent les risques pathologiques, car ils savent que les syndicats des salariés s’y opposeraient violemment.

Alors après ce Vendredi noir du 13 Novembre il serait temps que nos gouvernants entendent raison.

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  • Mais pourquoi donc les medecins ne se déconventionnent ils pas ?

    Je suis convaincu que s’ils n’utilisent pas ce levier, alors qu’ils sont en position de force, c’est parceque le systeme leur va bien, qu’ils ne veulent surtout pas avoir à faire à un systeme plus efficient.

    D’autant qu’ils peuvent déjà commencer par refuser de faire prendre en charge par la secu, les certificats d’aptitude sportive qui n’ont pas à relever de la solidarité

    • Mais pourquoi donc les medecins ne se déconventionnent ils pas ?

      ils craignent probablement les reactions de leurs patients. Je paye une assurance maladie a la sécu. Si je vais chez un medecin non conventionné je ne suis pas remboursé. Donc je paye deux fois. C’est difficile quand on a un budget serré.

      • Moi je pense qu’ils aiment ce système sympa dans lequel leurs clients ne paient jamais rien.

        Un bon matelas est bon pour la santé : il n’y a qu’à les rembourser, et les marchands de matelas seront aussi heureux que les medecins.

        Blague à part… Imaginez ce qui se passerai si 50% dès toubib se déconventionnaient ?

        En 10 minutes ils obtiendraient ce qu’ils veulent.

        PS : la secu peut se brosser pour avoir une autorisation de prélèvement sur mon compte. Et je refuse que la moindre info soit laisser sur le DMP

        • Blague à part… Imaginez ce qui se passerai si 50% dès toubib se déconventionnaient ?

          => tout le problème est là : c’est difficile de se déconventionner seul dans son coin. Pour info, les roannais sont en train de sérieusement d’aller dans ce sens, entrainant le beaujolais avec eux…

          Cela fait parti d’une éventualité sérieuse que j’envisage !

          Fm06 soulève un problème existentiel : le patient a déjà cotiser pour des soins remboursés… un cas de conscience : est ce qu’on respecte le patient en se déconventionnant ? Comme la loi santé ne respecte pas le futur patient, le futur du médecin, on peut penser légitiment que le déconventionnement n’est pas « amorale ».

          J’ai lu dans le quotidien du médecin que les médecins généralistes allemands gagnaient 40% de plus que moi !
          Je ne suis pas certain de trouver notre système « sympa » ! vu les horaires que je me tape… même en limitant mes horaires par rapport d’autres confrères dont certains sont en burn out sans le savoir !

          PS depuis longtemps je ne fais pas rembourser par la sécu les certificats de sport… c’est illégal !

          • Vous dites que le patient a déjà cotisé….

            1- il s’agit d’une cotisation obligatoire, à une assurance dont le bénéficiaire ne décide pas dès risques couverts… il s’agit d’une assurance ‘toute irresponsabilité » imposée… en droit, cela s’apparente plus à du racket, sous couvert des meilleures intentions du monde.

            2- c’est justement parceque les syndicats et les politiciens si peux représentatifs, si peux légitimes, garantissent ce systeme à la légalité douteuse selon le droit européen, qu’ils ont l’absolu obligation de délivrer le service.

            Le praticien fournira une facture à son client… ce client se retournera vers son assureur choisi pour lui par le pouvoir syndical et administratif… et c’est bien l’assureur qui rejettera le remboursement…

  • Si ils ne se déconventionnent pas c’est parcequ’il existe un tarif d’autorité : les patients sont remboursés 10 fois moins que chez un conventionné.

    • Courageux les toubibs…. mais pas téméraires…

      Un déconventionnement massif ferait tout simplement tomber le système … les professions médicales n’y ont pas intérêt…
      Pourtant qu’ont ils à craindre ? ils ont le gros avantage de ne pas être immédiatement remplaçables, contrairement à tous les salariés ou indépendants de ce pays.

      Et bien, quand on dispose d’un tel levier de pression, et que l’on ne l’utilise pas, c’est qu’on est d’accord, complice…
      MST a surement raison de clamer que la très grande majorité des toubibs sont attachés à ce systeme particulièrement injuste, si peu solidaire entre corporation, et avec les générations futures.

      • Ca va etre le top ! Les patients vont adorer !

        http://www.dailymotion.com/ucdf

      • Vous ne comprenez pas : les médecins ont intérêt à sortir du système …mais pas tout seul !
        Et surtout ils sont comme tout le monde, ils ont des dettes à payer, une famille à assumer.
        C’est donc un risque énorme de se déconventionner si on se retrouve tout seul ou même seulement quelque uns.
        Or comme dans toutes les sociétés humaines, vous avez des avis divergents, tous les médecins ne sont pas des libéraux, tous les médecins ne sont pas sensibilisés à ses problèmes et certains se satisfont effectivement du système actuel.
        Mais les dernières élections syndicales montrent que le vent tourne et que les idées libérales font leur chemin.

  • On prend les francais pour des imbéciles. A votre avis le sont ils vraiment ?

    https://youtu.be/CYVQuee-W5M

    • D’un autre coté le gouvernement va tellement les matraquer en impots et charges sociales qu’il ne pourront meme pas avancer les 23 euros d’une consultation.
      Ce que vise marisol touraine c’est en réalité la perte d’indépendance du médecin, rémunéré directement par l’assureur et donc aux ordres.

      https://youtu.be/CYVQuee-W5M

      • C’est difficile de se déconventionner. Pour info, les Roannais vont dans ce sens: lisez
        http://www.contrepoints.org/2015/11/07/228109-loi-sante-la-colere-des-medecins#4sc6X0YOpHtig0sr.99
        Lisez aussi mon livre Chirurgie chronique d’une mort programmée Ed L’Harmattan
        Le déconventionnement n’est passible que dans les régions « riches », C’est ce que souhaite la Sécu pour ne plus rembourser ce qui ferait la richesse des mutueles
        Ailleurs nombre n malades ne pourraient plus payer la Cs non remboursée qui serait bp plus chère car le médecin non conventionné fait une médecine lente avec des charges plus importantes

  • Les commentaires sont fermés.

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