San Francisco rejette une proposition anti-Airbnb orwellienne

San Francisco a tenu un référendum pour la « Proposition F » visant à créer un cadre orwellien autour des locations Airbnb.

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Orwell crédits David Blackwell (licence creative commons)

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San Francisco rejette une proposition anti-Airbnb orwellienne

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 novembre 2015
- A +

Par Emmanuel Bourgerie.

Orwell crédits David Blackwell (licence creative commons)
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La Californie est une zone du monde très étrange, où cohabitent une des plus grandes concentrations au monde d’entrepreneurs au mètre-carré, ainsi qu’un des mouvements de luddites les plus actifs. À tel point que de nombreuses manifestations ont eu lieu avec des annonces « Google dégage », et que les développeurs vivant sur la côte ouest sont frappés d’infamie. La ville de San Francisco, engluée dans son immobilisme politique, n’a rien fait ces dernières années pour améliorer la crise du logement à laquelle elle fait face. De plus en plus d’ingénieurs viennent s’y installer, mais la construction de nouveaux logements ne suit pas la demande. Résultat, les loyers et le coût de la vie s’envolent.

La faute à qui ? Un plan d’urbanisme tellement contraint que les constructions sont quasi impossibles ? Non, la faute à Airbnb apparemment. En tous cas, c’est ce que la ville et les nouveaux luddites voudraient faire croire. Plutôt que de remettre en cause des plans d’urbanisme contre-productifs (leur but originel n’est-t-il pas d’améliorer la qualité de vie des résidents, au lieu de les transformer en sans-abris ?), la ville a tenu un référendum pour la « Proposition F », visant à créer un cadre orwellien autour des locations Airbnb. Heureusement, la proposition a été rejetée.

Calvin Welch, un des architectes de la Proposition F, permet de mieux apprécier la complexité et la réalité de la situation du logement à San Francisco. Dans les années 70, il fût l’un des architectes d’un plan visant à réduire la densité d’habitations dans la ville. Plus récemment, il est apparu dans une vidéo expliquant que construire plus de logements augmente les prix des loyers. Il faudrait le prévenir qu’une telle découverte est digne d’un Prix Nobel, s’il arrive à prouver ses dires. Et surtout, si ce qu’il dit est vrai, San Francisco ne souffrirait pas de hausse des prix, puisque la ville ne construit qu’une poignée de logements, n’est-ce pas ?

Pointer du doigt Airbnb est un geste habile pour se laver de toute responsabilité, tout en donnant un bouc-émissaire pour les activistes anticapitalistes. Dans un marché où il n’y a pas assez de construction, il est vrai qu’Airbnb va tirer les loyers vers le haut en retirant des logements du marché locataire. Mais c’est ne rien comprendre aux mécaniques économiques que de tirer un lien de causalité entre Airbnb et une hausse des prix sans pousser la réflexion plus loin. Les mécaniques de prix sont là pour envoyer des signaux, et une hausse des loyers signifie une hausse de la profitabilité de la construction. Pourquoi est-ce que les investisseurs, ces affreux capitalistes qui ne cherchent que le profit, ne mettent pas des millions sur la table pour construire des immeubles d’appartements ? Je peux vous garantir que ce sera très, très profitable. Mais comme d’habitude, personne ne relève que ces vilains exploiteurs d’enfants chinois ne sont pas là pour profiter de ce qui semble être une merveilleuse opportunité.

En quoi la proposition F aurait-elle pu être un problème ? Pour commencer, elle cherchait à obliger Airbnb à notifier les copropriétés que l’appartement est mis en location sur le site, au cas où les utilisateurs du site ne le fassent pas, à autoriser la ville à piocher dans les bases de données Airbnb, et les utilisateurs auraient eu à fournir à la ville un rapport trimestriel sur l’occupation de leur logement pour que les locations ne dépassent pas 75 jours d’occupation par an. Toute proportion gardée, je dois tout de même pointer du doigt que c’est le genre de programme que la NSA avait mis en place, avec toute la vague de critiques et de scandales qui ont suivi. Pourquoi est-ce que personne ne pointe du doigt, dans une ville largement dominée par un électorat et des élus démocrates, que c’est exactement ce qu’ils critiquent par ailleurs ? N’y a-t-il pas un léger deux poids deux mesures ?

L’aveuglement de la gauche américaine sur ce sujet est palpable. Comme le titre Vice, « Personne ne peut trouver un remède à la crise du logement de San Francisco ». Si, il existe des remèdes connus et parfaitement documentés. Que Vice ne parvienne même pas à les citer en dit très long sur son aveuglement idéologique. La possibilité que les autorités locales ait créé de toute pièce cette crise est un concept qui lui est interdit de concevoir. Les villes les plus chères des États-Unis (San Francisco, New York, Washington, etc.) sont des villes connues pour leurs plans d’urbanisme extrêmement contraignants. L’article ne prend même pas le soin de mentionner ce qui est une théorie économique très courante, même pour la critiquer.

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  • Finalement nous avons les même nullités politique des deux côtés de l’atlantique.

    • Le système fédéral US autorise les idées différentes et remises en cause cependant. pAR EX / L4ACTUEL gouverneur de Floride, Rick Scott, a compris la nocivité de ces plans d’urbanismes et a donc mis fin à ces restrictions au niveau de l’Etat, la mesure aurait eu un certain succès.

  • San Francisco sera bien obligée de voir la réalité en face un jour…a noter que Houston n’a pas ces plans d’urbanisme et a davantage de logements en construction que toute la Californie tout en ayant des prix en dessous de la moyenne américaine ! Incroyable non? Pourtant le Grand Houston a ajouté plus de 500 000 habitants à sa population de 2010 à 2014, soit le double de la région parisienne pourtant 2 fois plus peuplée.

    • Quel optimisme ! Le mur de la réalité met toujours suffisamment de temps à arriver pour que les bonnes excuses abondent pour innocenter les responsables. C’est bien là-dessus, d’ailleurs, que jouent ceux qui tentent de faire passer des mesures à base de logique de comptoir. Quant à comparer les 100 km^2 de la presqu’île ultra-dense de San Francisco aux 26000 de plaine du Greater Houston, personne ne voudra croire qu’il y ait quoi que ce soit de transposable.

      • Rien n’empêche de construire vers le haut, favoriser la construction d’immeubles de centaines de mètre ne prendrait pas d’espace. On peut innover aussi et construire sous terre. Imagination, ambition et moins de bureaucratie peuvent faire des miracles.

        • +1 Certains ont très peu d’imagination !

          • En tant qu’architecte, et portant un intérêt certain sur l’urbanisme et notamment le cas de SF où j’aimerais bien aller jouer avec mes crayons, je tiens à souligner que justement il faut être méfiant avec ce genre de solution. Quasiment aussi extrême que la proposition F.
            Densifier une ville n’est pas aussi simple que çà, et cela provoque forcément de nouveaux problème (trafic, zones de stationnement qui bouffent les espaces, etc.)
            Il ne faut pas oublier que les villes américaines ont été élaborées autour de l’usage d’une voiture et non des humains. Par exemple, dans les années 30 les GM, Ford et autres rachetaient les anciennes lignes de chemin de fer pour les supprimer – éliminant ainsi les potentiels trams et « trains de banlieues ». Dans le Colorado, ils sont ainsi en train de restaurer / compléter une ancienne ligne de chemin de fer pour créer une liaison avec Boulder – et pourquoi pas à terme Fort Collins. Cela correspond en gros à nos bon vieux TER, mais pour eux c’est super innovant !

            Pas mal de firms d’urbanisme se penchent sur différentes solutions – et s’inspirent fatalement des pays européens. Aujourd’hui ils cherchent effectivement à densifier, mais aussi à favoriser des moyens de transports alternatifs – marche, vélo, transports en commun, etc. – ce qui implique donc de reprendre presque à zéro leurs règles d’urbanisme. Jusqu’alors les règles avaient plutôt tendance à définir des activités sur les différents secteurs (un peu à la sim-city : résidentiel, commercial, etc.) et aujourd’hui ils essaient d’évoluer vers des règles plus souples permettant de mixer les usages et ainsi d’éliminer les voitures des centres-villes.

      • Vous lisez que ce qui vous arrange…J’ai aussi dit « et a davantage de logements en construction que toute la Californie tout en ayant des prix en dessous de la moyenne américaine » La Californie est plus grande que Houston et pourtant…

        • L’important est que ce genre de comparaison qui n’a pas lieu d’être sert au final la cause de ceux qui défendent leurs mesures anti-libérales sur la base de situations exceptionnelles. Si vous voulez défendre le libéralisme à Paris, vous vous ferez descendre en flammes si vous utilisez la comparaison avec « ces méthodes qui réussissent si bien en Aveyron ». Et vous l’aurez mérité.
          Quant à l’imagination, c’est un peu trop souvent la défense des constructions délirantes socialistes.

  • San Francisco est un bastion gauchiste (comme la Californie en général)

  • « Si, il existe des remèdes connus et parfaitement documentés »
    Lesquels ?

    • San Francisco a connu plusieurs terribles crise du logement : pendant la ruée vers l’or, après le tremblement de terre de 1906 qui a rasé 80% de la ville, ….
      Toutes ces crises ont été promptement réglées par le marché tout seul : forte hausse des loyers -> incitation (provisoire) à la densification (plus d’habitant par logement) et (permanente) à la construction -> retour des loyers à la normale. La seule crise qui dure c’est la crise actuelle, depuis que les mécanisme de marché sont distordu par la planification…

  • La réalité toute crue est que les progressistes ont un seuil de tolérance à la contradiction et aux idées non conformes aux leurs quasiment nulle.
    Ils veulent bien l’argent de ceux qui viennent acheter, mais à condition de conserver un droit de regard sur leur mode de vie.
    Les libéraux s’occupent de leurs affaires, les progressistes de celles des autres. Le résultat est évidemment à la hauteur.

  • Les commentaires sont fermés.

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