Le bleu de l’or, de Daniel Cordonier

Un roman à suspense sur la confiance en l’autre.

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Le bleu de l’or, de Daniel Cordonier

Publié le 22 octobre 2015
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Par Francis Richard.

Daniel Cordonier Le bleu de l or« Durant ma formation je m’étais intéressé à l’or bleu. Je me disais que si on parvenait à créer un alliage résistant et facile à travailler, cette teinte aurait un grand avenir en bijouterie. »

C’est ainsi que s’exprime à 51 ans, Thomas Gottier, le héros du dernier roman de Daniel Cordonier.

Thomas a onze ans, quand, chez des amis de sa mère, à Vandoeuvres, se trompant de porte pour aller aux toilettes, il se retrouve inopinément dans le bureau de la maison. Il y voit pour la première fois de sa vie la photo du corps entièrement dénudé d’une jeune femme, celle qui illustre le mois de juin du calendrier érotique suspendu au mur.

De là date l’attrait de Thomas pour le corps nu des femmes, résultat de la fascination qu’il éprouve pour la splendeur de leurs formes. Adolescent, il aura l’occasion de voir en vrai, dans une cabane, sans être autorisé à les toucher, les seins nus que lui montrera Viviane, une de ses camarades de classe, et il en gardera un souvenir ému.

Plus tard, quand il choisira le métier de bijoutier, après avoir fait des études aux Beaux-Arts ce ne sera pas seulement parce qu’il aura été captivé dès l’adolescence par les métaux nobles et les pierres précieuses, mais parce qu’il espèrera que ce métier le reliera à l’univers féminin. Ce ne sera bien évidemment qu’un fantasme, du moins au début.

Car, jeune homme, ce n’est pas dans ce milieu qu’il prospecte pour assouvir son besoin de jouir avec les yeux, en découvrant le corps de femmes dans leur nudité. Mais c’est tout de même en exerçant son métier qu’après avoir longtemps vagabondé, il fera la connaissance d’Estelle, qui deviendra sa femme et avec laquelle il aura des jumeaux, Pierre et Madeleine.

Après la mort de sa mère, tout bascule. Ce décès lui rappelle qu’il est mortel. Il a besoin d’un exutoire pour se sentir vivant. Son fantasme de jeunesse devient réalité. Il est maintenant un bijoutier célèbre ; les talents de gestionnaire d’Estelle y ont largement contribué. Des femmes séduisantes fréquentent sa boutique. Certaines, qu’il choisit dans la trentaine, se donnent à lui.

Thomas a un frère aîné, Mathieu, qui s’est occupé de lui, après le décès de leur père. Mathieu a suivi un chemin très différent. Il est entré dans les ordres et ne se prive pas de lui faire la morale quand ils se rencontrent. Ce qui ne facilite pas leurs relations et les empêchent de se connaître fraternellement.

Thomas a un seul véritable ami, et confident, Gabriel, qui, après des études d’œnologie à Bordeaux, s’est établi dans le Valais, où il est éleveur de vin. Il est marié avec Marianne, une amie d’Estelle. Pendant toute l’histoire, sincèrement inquiet pour Thomas, il cherchera à l’aider du mieux qu’il pourra à surmonter ses vicissitudes.

Car Estelle, bien au fait de son infortune, attend que les jumeaux soient devenus majeurs pour demander le divorce, au moment même où, justement, Thomas s’apprête enfin à se ranger. Le monde s’effondre pour lui. Sa boutique est rachetée par des investisseurs. Il est licencié. Estelle, qui a prouvé ses compétences, garde son emploi.

Pour s’en sortir, Thomas revient à sa quête de jeunesse. Avec ses dernières ressources il se lance dans le projet fou de fabriquer de l’or bleu. S’il réussit, sa fortune est faite. Il en parle à Mathieu, qui compare ce projet à celui des alchimistes. À Thomas qui s’étonne de ses connaissances sur le sujet, il répond qu’il existe des liens étroits entre eux et la spiritualité.

Mathieu expose à Thomas la théorie de Carl Gustav Jung. Ceux qui parviennent à se détacher de leur masque social, la persona, peuvent s’engager dans le processus d’individuation qui mène à eux-mêmes et où ils rencontreront trois archétypes principaux : l’ombre (un double inversé), le sexe opposé qui réside au fond de nous (anima pour l’homme, animus pour la femme), le Soi.

Carl Gustav Jung s’est intéressé à l’alchimie. L’œuvre au noir des alchimistes, c’est pour lui la confrontation avec l’ombre ; l’œuvre au blanc, la rencontre de l’animus et de l’anima ; l’œuvre au rouge, le Soi, qui est la part divine en nous : Il est l’expression d’une totalité psychique qui inclut le conscient et l’inconscient, de laquelle naît notre ego.

Thomas accompagne son frère Mathieu à l’hôpital universitaire. Ce dernier a accepté de se livrer à une expérience de neurothéologie : « L’idée est d’analyser le comportement du cerveau lorsqu’un individu pratique une activité de type spirituel comme la prière et la méditation. Nous nous intéressons au moment où la personne perçoit une ouverture de sa conscience à une dimension supérieure. »

Il ne reste plus qu’à convoquer un dernier personnage pour que l’histoire que raconte Daniel Cordonier commence vraiment. C’est Daphné. Thomas la rencontre dans un restaurant en compagnie d’Alfred, qui lui a tourné le dos quand il a dû quitter boutique. Sans bien comprendre ce qui lui arrive, il se retrouve chez lui avec elle et le corps dévêtu de Daphné le touche comme aucun autre :

« Je n’ai pas saisi immédiatement la raison de l’attraction particulière qu’il exerçait sur moi. J’ai mis un certain temps à comprendre que ce n’était pas ses formes qui me bouleversaient, mais le rapport qu’elle entretenait avec sa beauté. »

À partir de ces éléments, Daniel Cordonier bâtit un roman à suspense, aux multiples rebondissements. Ces rebondissements ne se produiraient pas s’il n’y avait pas tant de non-dits – on ne dira jamais assez que les silences ne sont pas des réponses – et s’il n’y avait pas tant d’attitudes sujettes alors à interprétation, surtout prises isolément.

Mais Le bleu de l’or n’est pas seulement un roman à suspense habilement conçu. Il pose la question fondamentale de la confiance en l’autre, sans laquelle il n’y a pas de relations possibles, qu’elles soient amicales ou amoureuses. Il pose aussi cette autre question fondamentale de la dimension spirituelle que peut revêtir la soumission librement consentie à l’autre à qui l’on accorde confiance et s’abandonne.

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