Les 3 dimensions de l’immigration

Immigration : pourquoi les Européens se divisent-ils sur la conduite à tenir ?

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Migrants à Kos (Grèce) (Crédits : Stephen Ryan - IFRC, licence CC-BY-ND-ND 2.0), via Flickr.

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Les 3 dimensions de l’immigration

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 24 septembre 2015
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Par Jacques Garello.

Migrants à Kos (Grèce) (Crédits : Stephen Ryan - IFRC, licence CC-BY-ND-ND 2.0), via Flickr.
Migrants à Kos (Grèce) (Crédits : Stephen Ryan – IFRC, licence CC-BY-ND-ND 2.0), via Flickr.

 

Dans le drame actuel de l’immigration, il y a une dimension humaine, une dimension politique et une dimension économique.

La dimension humaine a suscité émotions, compassions, solidarités, révoltes, toutes légitimes.

La dimension politique est surtout faite d’interrogations : quelle attitude tenir en Syrie ? Quel est le jeu d’Erdogan ? Et celui des sunnites ? Et celui de Poutine ? Et d’Obama ? Les Européens sont-ils capables de définir une position commune ? Cette dernière question est sans doute liée à ce que l’on attend de l’Europe : une autorité régulatrice de l’immigration, ou un espace ouvert, ou un compromis entre États souverains ?

Le fait est que les Européens sont à ce jour divisés sur la conduite à tenir.

Cette division est peut-être politique, mais elle révèle aussi la dimension économique de l’immigration. Certains voient dans la vague des immigrants des coûts considérables à assumer, d’autres y voient à l’inverse des bénéfices.

Il faut de ce point de vue distinguer le long terme et le court terme.

 

À long terme

Les immigrants sont tenus pour acteurs de développement économique. C’est incontestable pour les « colonies de peuplement » et les « pays neufs » comme les États-Unis, l’Australie ou le Canada.

Mais c’est aussi vrai pour de vieux pays, et en particulier la France. Les Italiens, Polonais, Espagnols, Portugais ont contribué à la prospérité de notre pays. Quantitativement, parce qu’ils ont fourni une main-d’œuvre qui manquait (songeons par exemple à la saignée de la population française par la guerre de 14-18), qualitativement parce que l’immigration (surtout quand elle est volontaire et pacifique) opère toujours une sélection en faveur d’individus et de familles acceptant le changement et le risque.

Faut-il rappeler que le million de pieds-noirs et harkis fuyant la barbarie algérienne a donné un élan extraordinaire à la France de 1962 ? Un pays qui accueille des gens de qualité économise les coûts de croissance, d’éducation et de formation assumés par le pays d’origine. Une aubaine pour les Canadiens ou les Anglais qui reçoivent chaque année des milliers de jeunes Français ! La France devient une réserve de cerveaux dans laquelle les autres peuvent puiser.

 

À court terme

L’immigration apporte plutôt des bénéfices dans certains pays, et plutôt des coûts dans les autres.

Pourquoi l’Allemagne n’a-t-elle pas la même position que ses voisins polonais, tchèques, baltes ?

La première raison est que les salaires sont élevés en Allemagne, car la main-d’œuvre y est rare, même dans des métiers qualifiés (60 000 informaticiens indiens y opèrent). L’immigrant accepte des rémunérations moindres, au moins dans l’immédiat.

La deuxième raison est que la population allemande a vieilli, ce déséquilibre démographique grevant lourdement le système de retraites. Par contraste, les voisins n’accueillent pas volontiers des personnes jeunes et peu exigeantes, de nature à concurrencer les travailleurs nationaux.

Certes les données culturelles, et principalement les religions et les traditions, peuvent expliquer une réaction de limitation ou de rejet, mais elles ne font qu’amplifier les données économiques et démographiques.

Pour en revenir aux Allemands, il faut considérer que la plus grande immigration qu’ils ont vécue a été à l’occasion de la réunification. Il y avait déjà eu une immigration clandestine avant 1989 qui a poussé des centaines d’Allemands de la RDA à franchir le rideau de fer : immigration courageuse et qualitative. Mais ensuite les habitants de la RFA ont pendant près de vingt ans assumé les coûts de l’immigration de leurs compatriotes, par solidarité bien sûr, mais aussi parce qu’ils ont réussi à intégrer une population désireuse de vivre « autrement » au prix d’un effort considérable. Le pari sur la liberté s’est révélé payant.

 

Un débat politique

À coup sûr, ces considérations économiques ne sont pas souvent prises en compte en France.

Tout d’abord, la main-d’œuvre est suffisante, ce sont les emplois qui manquent. Ensuite, l’immigration en France est en grande partie artificielle, amplifiée par une protection sociale « généreuse ». Les droits sociaux sont accordés sans réserve aux immigrés, nombreux sont ceux qui viennent chercher des indemnités plutôt que du travail.

Enfin, la population française, bien que vieillissante, décline moins vite qu’ailleurs, grâce à une natalité plutôt élevée (à laquelle les immigrés participent activement) et si le régime des retraites est en faillite c’est essentiellement à cause du système lui-même.

Enfin, les considérations non économiques sont moins présentes dans les réactions des Français, la religion et la culture paraissent plus déterminantes. Dans ces conditions, les coûts de l’intégration, et a fortiori de l’assimilation, sont bien plus élevés qu’un siècle en arrière.

Voilà pourquoi le débat sur l’immigration est chez nous d’abord politique, déclenchant une surenchère entre partis. Il est heureux que, dans le court terme, la dimension humaine ait été retrouvée, la société civile jouant ici sa mission naturelle de réconfort et de solidarité.

Mais, même là encore, l’arrière-plan politique n’est pas absent… « Ils viennent manger le pain des Français » dit un clan. « Ils n’ont pas de pain », dit l’autre.

Il faudra attendre que la vague et la fièvre migratoires diminuent pour dépasser les passions et éviter les erreurs.


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  • « Un pays qui accueille des gens de qualité économise les coûts de croissance, d’éducation et de formation assumés par le pays d’origine. Une aubaine pour les Canadiens ou les Anglais qui reçoivent chaque année des milliers de jeunes Français ! La France devient une réserve de cerveaux dans laquelle les autres peuvent puiser. »

    Je ne suis pas sûr que le meilleur argument pour justifier l’immigration soit de se réjouir de vider « la réserve de cerveaux » de la Syrie ou de l’Afrique ou autre. Évidemment je ne dis pas qu’il faut interdire aux cerveaux de ces pays d’émigrer : j’estime juste que l’idéal serait que ces cerveaux puissent rester dans leur pays pour les développer. L’idéal c’est donc que leur pays deviennent attractifs, deviennent libéraux. L’idéal ce n’est pas de vider « la réserve de cerveaux » de ces pays. L’article ne dit d’ailleurs pas le contraire. Mieux vaut cependant que son propos soit clair pour tout le monde.

    D’autre part, justifier l’immigration par le fait qu’il se peut que les immigrés se retrouveront plus ou moins esclaves de nationaux qui encouragent au pillage fiscal desdits immigrés pour que soient financées leurs aides sociales, leur retraite, ne me parait pas non plus une très bonne idée. Encore une fois, je ne dis pas que tel est le propos de l’article, mais mieux vaut ne laisser aucune ambiguïté à ce sujet.

  • Je vous rejoint sur l’essentiel de votre article. A l’exception de la considération sur l’immigration de l’ex-RDA. La réunification allemande montre l’importance d’une proximité culturelle pour l’assimilation d’une population.

    A mon sens, il n’y à pas de débat à avoir concernant l’immigration en France, elle coûte bien évidemment plus qu’elle ne rapporte.
    Avec plus de 2000 milliards de dettes c’est toutes les personnes vivant sur le sol français ( natif ou pas ) qui coûtent plus qu’elle ne rapporte.
    Ajouter 100 000 personnes, c’est ajouter quelques millions de dettes en plus.

    Donc, c’est changer notre pays, sa politique qui doit être la priorité. L’immigration ne sert à rien, au contraire, les problématiques qu’elle induit, quand elle fait l’objet d’une organisation étatique, justifient les élans de « solidarité », la politique keynesienne, la caste socialisante et socialiste au pouvoir.

    • @ romaric ce que vous affirmez est tabou en France meme le figaro publie des enquetes ou cette immigration ne couterait rien a l’economie francaise selon un professeur de Lille Etonnant Il est etonnant que les Liberaux de ce media ne fassent jamais allusion a l Australie Ce pays liberal a une politique ferme et les prises en charge directe pour les soins n’existent pas comme la CMU en france ect ect

      • Bonjour
        En effet mais L’Australie est loin et est une ile .
        Ensuite voyez les réactions des bien -pensants lorsque l’Australie a sorti sur le net Not way home for you .
        Le tollé totale alors que c’est de la logique simple : connaissance parfaite de la langue ,avoir du travail ,avoir de l’argent pour ne pas etre DEPENDANT d’un service social .
        L’Horreur totale pour nos beaux donneurs de leçons démocratiques .
        Le jour ou l’ Europe osera cela elles se relèvera mais cela sera sans le couple franco -allemand .
        Politique FERME voilà ce qui manque à l’Europe des 28

  • il y a aussi un problème culturel : les migrants musulmans apportent leur propre culture incompatible avec la culture française.

    • S’ils apportaient le libéralisme, je ne suis pas sûr que les Français les laisseraient s’intégrer non plus…

    • Vous avez des arguments objectifs pour démontrer ce que vous dites.

    • Argument réellement objectivable ou islamophobie banale et vulgaire?

      • je vous laisse comparer le Coran avec la déclaration des droits de l’Homme…

        • Avez vous lu le Coran et l’avez vous replacé dans son contexte historique ?

          Pour ma part oui et au fond je n’y voit pas de grandes incompatibilités avec la CDH. Des différences certe, mais aussi des points communs.

          Pour résumer, le Coran (il y a 1300 ans) comme la CDH (il y a 225 ans) ont voulu sortir de la barbarie de leur époque et faire en sorte que tout se passe bien entre les hommes.

          Pour la charte des droits de l’homme je serais d’ailleurs le premier content le jour où elle sera réellement appliqué en France.

          • C’est bien ça le problème : le Coran, texte universel et intemporel n’est pas supposé être remis dans son contexte !

            • Non le problème vient de la désinformation.

              Il existe beaucoup de courants dans le monde musulman. Seul une minorité ne fait pas cet effort. Pareil pour toutes les anciennes religions d’ailleurs.

              Si ce n’était pas le cas tous les imams prêcheraient de couper la main aux voleurs. Hors ce n’est pas le cas dans la majorité.

              D’ailleurs si comme breizh vous êtes sensible à la CDH je vous recommande l’article 12 :

              « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

    • Bonjour
      Allez le dire au PS

  • Assurément, ce n’est pas la dimension économique stricto census qui pose problème, d’ailleurs, elle est parfaitement tranché au sein du monde libéral, Libre échange, des biens des capitaux et des services. Tout celà est bon en sois.

    La liberté de circulation des personnes proprement dite (à différencier de celle de s’installer), comme le fait d’aller et venir pour faire affaire, ne fait pas débat non plus.

    C’est bien la dimension politique, communautariste, de « vivre ensemble », avec des valeurs différentes sous un même territoire et une même loi qui pose problème.

    Les attentats qui se suivent, témoignent clairement du fait que le « creuset de la république » qui avait déjà du mal entre les alsaciens, les bretons, les corses, les parisiens et les savoyards, qui à clairement échoué de long en large avec le colonialisme suprémaciste, commence à se fissurer à l’intérieur même du territoire.

    Le « modéle anglo-saxon » qu’on lui oppose souvent ne se porte pas mieux.

    • Tout à fait, il y a un souci en France à ce niveau.

      On dirait qu’on a un principe d’intégration qui vise vers l’uniformité et la négation des différences de l’autre. Rien qu’à ce niveau celà ne peut que craquer dans le sens où l’on demande aux autres d’aller contre leur nature. Et ce, même lorsqu’elle ne représente pas un danger réel.

      L’autre souci est que nous ne sommes pas éduqués pour aller au delà de nos instincts racistes et de rejet de ce qui est différent de nous (deux instincts naturels et qui sont plus ou moins prononcés chez les uns comme chez les autres).
      Et cette histoire d’assimilation/intégration n’arrange en rien le problème dans le sens où elle légitimerait même ces instincts (tu n’est pas comme moi donc tu dois devenir comme moi ou partir).

      Une éducation (école et média) favorisant un principe de tolérance et d’ouverture d’esprit ne ferait de mal à personne. Tout comme montrer les avantages d’apprendre des différences de l’autre et/ou la paix sociale qui peut en résulter.

      Dans un sens on est dans une sorte de conflit idéologique. Et dans la plupart des cas celà se règle avec un principe de tolérance et d’une meilleur connaissance de l’autre.

      Mais avec cette mentalité coupler à des politiques qui mettent de l’huile sur le feu et déforment les réalités pour leurs visées électorale (sans se soucier le moins du monde du pays) on fait tout le contraire niveau éducation dans les médias. Celà ne risque pas de changer et de faire baisser les tensions. C’est bon pour personne.

      • Je fais une grosse différence entre assimilation et intégration. Autant pour moi l’intégration est souhaitable, parce qu’elle doit et peut se faire dans le respect mutuel, autant dans l’assimilation on a du mal à savoir lequel va avaler l’autre, et chacun se retrouve avec des craintes légitimes pour lesquelles les demandes que l’éducateur lui fait des les surmonter sont ressenties comme un non-respect de son identité, de sa culture ou de sa propriété.

  • La dimension humaine a suscité émotions, compassions, solidarités, révoltes, toutes légitimes, mais aussi les pires hypocrisies de ceux qui sciemment n’ont rien fait pour éviter les plus gros drames (certains les ont même exploités, comme les immigrationnistes): les agissements de ceux qui ont massacré, appauvri et terrorisé en masse les populations et de ceux qui ont attiré ces populations en Europe pour s’en servir. Et la on touche à la dimension politique.
    Le million de pieds-noirs (peu de harkis, exterminés par le FLN ou exclus dans la métropole) fuyant la barbarie algérienne n’ont pas économisé les coûts de croissance, d’éducation et de formation qui été payés par la France en Algérie avant leur fuite. Leur reformation et leur déménagement ont coûté cher à la France et surtout à eux.

  • « Certes les données culturelles, et principalement les religions et les traditions, peuvent expliquer une réaction de limitation ou de rejet, mais elles ne font qu’amplifier les données économiques et démographiques. »

    Ne vous inquiétez pas : les migrants l’ont bien compris et ne veulent sous aucun prétexte s’installer en France pour tomber dans un pays national-bolchevique où ils ne vont trouver que chômage, ghetto, racisme, fiscalité confiscatoire, pauvreté, saleté, bêtise et arrogance.

    http://www.tdg.ch/reflexions/politiciens-semblant-voir-migrants-evitent-france/story/17736448

  • Quelle conclusion en forme de lapalissade !

    J’ai plutôt l’impression d’une extension folle du phénomène. Et avez-vous pense aux lois sur le regroupement familial ?

  • « Il faudra attendre que la vague et la fièvre migratoires diminuent pour dépasser les passions et éviter les erreurs. »

    Bonne chance.

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