Investir en Fran… Ah non, plutôt en Irlande, tiens

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Investir en Fran… Ah non, plutôt en Irlande, tiens

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 septembre 2015
- A +

Tristesse pour quelques ponctionneurs, joie pour une poignée d’abrutis, simple bruit de fond « people » pour la plupart : on apprenait récemment que Depardieu décidait d’en finir une fois pour toute avec la France et comptait revendre les affaires dans lesquelles il a investi. La raison invoquée par l’acteur devrait pourtant faire réfléchir tout le monde.

Pour Gérard Depardieu, l’investissement en France est tout simplement devenu un calvaire. Le fisc, pourtant instrument de justice sociale louangé par tous les sociaux-démocrates du pays, l’« emmerde » suffisamment pour que l’acteur laisse définitivement tomber tout lien avec sa patrie. Bien sûr, cette information ne trouvera guère sa place dans l’actualité surchargée d’émotionnel, mais elle est pourtant lourde de signification : la France peine de plus en plus à attirer les investisseurs, et à les conserver.

Or, comme me l’ont fait remarquer deux lecteurs que je salue et remercie au passage, le mal est bien plus profond que ce que pourrait laisser penser la seule réaction épidermique d’un acteur populaire. Et comme profondimètre, nous allons utiliser ce site que j’ai déjà évoqué dans ces colonnes, celui de France.fr. Rappelez-vous, c’était en 2010 et la France de Sarkozy lançait un site officiel à grands renforts de vidéos ridicules et de publicités navrantes ; un site dont vous, Français, êtes le cocu héros, et qui permet de mettre en valeur les qualités du pays dans son accueil des migrants des touristes et des investisseurs. Après quelques mois particulièrement rocailleux de mise en route – où l’on découvrait notamment que même avec plusieurs centaines de milliers d’euros de budget, les guignols qui avaient conçu l’infrastructure n’avaient pas été capables de gérer la montée en charge du site – le site était tombé dans la routine la plus morne et s’était lentement effacé de l’inconscient collectif.

France.Fr le site à l'image du pays
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Le contexte posé, mettons-nous à présent dans la peau d’un investisseur qui, étranger à l’Europe, hésiterait entre l’Irlande et la France. Oui, bon certes, j’aurais pu choisir la Grèce plutôt que l’Irlande, mais point n’est besoin d’enfoncer la France à ce point. Bref, l’investisseur ainsi hésitant pourra par exemple commencer par taper dans Google « investing in Ireland ». Dès les premiers liens, on tombe sur des résultats intitulés « Invest in Ireland » (et des variations sur ce thème). Ce qui, après un clic, permet de tomber sur un site exactement destiné à répondre aux questions qu’on peut se poser en tant qu’investisseur.

Le site proposé, IDA Ireland est pertinent, facile d’utilisation, et met en avant de façon claire tous les atouts que présente l’île tant pour un entrepreneur de petite ou de moyenne entreprise que pour un dirigeant de grosse boite cotée en bourse. C’est, bien évidemment, un site institutionnel (et donc payé par le contribuable irlandais) qui vise à promouvoir et à faciliter tout investissement étranger. Un petit parcours sur le site vous convaincra sans mal que les pages et les services proposés correspondent assez bien à ce qu’on est en droit d’attendre d’un site institutionnel de ce type. Bref, c’est efficace.

Au passage, on notera qu’il existe différentes versions du même site décliné en fonction de la langue : idaireland.cn pour le chinois, idaireland.ru pour le russe, idaireland.in pour les indiens et même idaireland.fr pour les français.

Et bien évidemment, par curiosité, on est maintenant tenté de procéder de la même façon pour « investir en France », ou, puisque nous nous plaçons dans une optique internationale, « investing in France ». Là encore, joie, bonheur et SEO bien compris, le résultat le plus pertinent est aussi ce site institutionnel payé par le contribuable français que le monde entier ne nous envie pas des masses puisqu’il ne sait pas qu’il existe. Il est intitulé « Invest in France : articles and information ». On notera que le site, en « .fr » uniquement, est cette fois-ci en anglais et que vous avez un choix de langues (en haut à droite) qui malheureusement ne satisfera pas les investisseurs chinois ou russes par exemple. Bah. En bons Français, pour les Russes, on se consolera en se disant qu’avec le précédent des Mistrals, ils ne se bousculaient pas de toute façon. Quant aux Chinois, avec les soucis économiques qu’ils ont, pas besoin de s’enquiquiner avec eux, n’est-ce pas ?

Reste que la mise en avant des atouts du pays pour les investisseurs, la construction du site en lui-même… laissent un peu songeur.

pluto petitJugez plutôt : là où le site irlandais et l’institution derrière ont entièrement conçu leur démarche afin de répondre aux attentes de l’investisseur potentiel, et le font de façon fluide, claire et simple (le taux d’imposition des sociétés, à 12,5%, y est d’ailleurs explicitement affiché en grand, et visible rapidement en quelques coups de molette souris), l’institution française, dans son site, parle beaucoup d’elle-même (fusion des entités bidule et machin, ses ministres, ses comités théodule, etc.), ou balance de l’acronyme avec une nonchalance certainement déstabilisante pour un lecteur étranger (UCCIFE par ici, AFII par là) dans de lourds pavés textuels excitants comme une dissertation d’entrée à l’ENA.

Au passage, s’il faut 2 secondes pour trouver le compte twitter de l’institution irlandaise (fièrement affiché en bas de page), il est impossible à trouver pour l’institution française, qui devait être en train de reprendre du fromage lorsque les développeurs du site ont demandé s’il fallait en faire mention ou non.

Bref : tout ceci n’est pas franchement affriolant.

France.fr : la France est dans le caca, envoyez vos dons !

Maintenant, prenons quelques secondes et réfléchissons au caractère stratégique de ces deux sites. On pourra penser aux nouveaux entrepreneurs, millionnaires chinois, indiens, ou russes et aux dizaines, aux centaines voire aux milliers d’emplois qui peuvent découler (ou non) de l’intérêt suscité par ces sites. Quels impacts peuvent avoir ces fenêtres sur notre façon de penser, de travailler, d’aider l’investisseur qui débarque, sur l’économie de notre pays et sur la société en général ? Alternativement, quelle image renvoie un pays avec ce genre de dépenses publiques et ce genre de réalisation numérique, alors qu’elles représentent 41% du PIB de l’Irlande et un gros 57% de celui de la France ?

Les réponses à ces questions, inquiétantes pour la France, expliquent peut-être pourquoi les riches étrangers n’entrent pas suffisamment sur notre territoire. Et pendant ce temps, pour en revenir au Gégé national qui ouvrait ce billet, on apprend que les riches français, eux, sortent, de plus en plus nombreux.

L’avenir promet.

—-
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  • « vous avez un choix de langues (en haut à droite) qui malheureusement ne satisfera pas les investisseurs chinois ou russes par exemple. Bah. En bons Français, pour les Russes, on se consolera en se disant qu’avec le précédent des Mistrals, ils ne se bousculaient pas de toute façon. Quant aux Chinois, avec les soucis économiques qu’ils ont, pas besoin de s’enquiquiner avec eux, n’est-ce pas ? »

    Article sympa mais ce passage est vraiment abusé, les hommes d’affaires ou grandes entreprises de Russie et de Chine comprennent généralement l’anglais qui est la langue internationale des affaires. Faudrait peut-être pas les prendre pour des idiots…

    • Oui, beaucoup de gens parlent anglais.
      Mais non, tous les investisseurs des autres cultures qui ne se sont pas fait envahir par les US, ne maitrisent pas cette langue. Et n’en ont pas forcément envie !

      Et lorsqu’on veut mettre le maximum de chances de son côté pour attirer les investisseurs, on fait un effort !

      Encore un raisonnement au ras des paquerettes. Sans doute l’eau de la vague qui fait des court-circuits……..

      • « Et n’en ont pas forcément envie ! » Et pourtant ils se forcent, c’est comme ça en 2015.

        • « Article sympa mais ce passage est vraiment abusé… » @sweeping wave pouvez-vous vous exprimer en français ? Je ne vous comprend pas.

          • Vous êtes de mauvaise foi.

            • Puisque vous répondez à la place de quelqu’un d’autre, sachez que je n’encaisse pas l’inversion de l’usage de l’infinitif (abuser) et du participe passé (abusé). C’est typique des personnes âgés de 20 à 30 ans et ceci se retrouve de plus en plus dans des articles journalistiques. Cette inversion symbolise pour moi l’affaissement du niveau scolaire général en France. Et les dernières mesures pour enseigner l’histoire de façon non linéaire dans le temps vont accroitre l’incompréhension qu’ont les Français du monde. Mais les français sont les meilleurs et le montrent au monde comme avec les sites internet officiels et les jugements à l’emporte-pièce comme celui que vous avez balancé.

      • Pour les Russes je n’en sais rien mais dans les milieux d’affaires chinois, personne ne s’attend à ce que vous parliez mandarin ou cantonnais, tout le monde parle anglais. Ceci dit avoir plusieurs langues disponibles sur un tel site, ce serait mieux, c’est faire preuve de respect et de considération, sans doute bien pour démarrer des négociations ou aborder un contrat 🙂

        • Je sais pas si les russes s’améliorent mais sur les salons ces gens sont des calamités. Ils débarquent dans des salons internationaux en allemagne et s’étonnent que personne ne parle russe. Ben non désolé: On a Anglais francais Espagnol Allemand italien et mandarin mais NON on n’a pas chinois. Et ca vous étonne? Ce pays corrompu ou on ne sait jamais combien couteront les taxes d’importations d’une fois sur l’autre, ou la moyenne des clients se situe au niveau ultra très mauvais dégueulasse payeur, et où on se tape un embargo commercial à chaque fois que Poutine fait son bad boy, ca vous étonne que ca fasse pas partie de nos priorités commerciales?

    • J’ai visité le site 5 minutes et choisi l’option (presque) anglaise. On y débite effectivement des banalités et on y trouve des liens sur des sites uniquement en français, ou d’autres dont la version anglaise est différente de la version française !

      Donc même en anglais, j’ai un gros doute sur l’utilité.

      • J’ai bien aimé « Entreprendre et réussir en France », qui renvoie sur un choix Poitou-Charentes / Guyane / Réunion / Martinique / Guadeloupe / Rhône-Alpes vantant les plages, forêts vierges, paysages, nature reine, villages de montagne, etc.

          • « Terre sacrée »: fichtre, ils n’y vont pas de main morte les zélateurs de la religion escrologiste!
            Et le plus bidonnant, c’est que sur la page « Fiche d’identité » (beurk, quel gros mot), sous la rubrique « Vous aimerez aussi », on voit la belle photo-montage tout ce qu’il y a de plus officielle d’un pingouin hilarant: le blanc benet du Palais. Si ça, ça donne envie d’investir, alors ça ne peut être que dans un labo pharmaceutique spécialisé dans les laxatifs.

        • En fait, le site est tout simplement vide de contenu ! Un décor en carton-pâte dont on n’ose pas penser combien il a couté. Seules les DOM/TOM ont jugé utile de venir y faire un peu de pub. En Poitou-Charentes et en Rhône-Alpes on constate qu’il y aurait une dizaine d’entreprises et 2 ou 3 étrangères !

          Je suis sur qu’on aurait fait mieux en confiant le projet à une classe de 6e.

  • Merci pour cet article ! Excellente et très significative comparaison.

    Comment met-on dehors cette caste de pseudo-élites nombrilistes, parasites et nuisibles qui décident de tout chez nous alors ?

    • en faisant la révolution : un bon placement, achetez un container entier de manches de pioches … ça va bientôt servir !

      • J’aime pas trop l’idée de la révolution : les têtes et les castes sont remplacées, mais rien de change fondamentalement.
        Surtout à notre époque interconnectée………

        • Regardez sur youtube les conférences d’Henri Guillemin, notamment celles sur « l’Autre avant-guerre », vous verrez combien les dirigeants français ont été chniques et méprisables.
          Rien n’a changé depuis trop longtemps …. Et à notre époque « connectée » leurs mensonges, manipulations et leçons de morale me sont insupportables !!!

        • pareil ici, on casse beaucoup de têtes et au bout du compte on se retrouve avec des tyrans sanguinaires à la tête du pays. Marrant cette fureur et cette envie de révolution, on a le même son de cloche sanguinolent au NPA, même si les motivations ne sont pas les mêmes.

  • Haha, de toute façon, les Russes et les Chinois sont rien que des méchants alors tant mieux qu’ils ne viennent pas investir.

  • C’est quand même logique qu’un « citoyen du monde » d’origine française oriente ses investissements suivant sa culture, ses besoins et leur efficacité : un vignoble en France pour les besoins et la culture, le reste à l’étranger car faut quand même pas déconner …

    • Où en serait-il sans un cinéma français gavé de subventions ?

      • Où en serait le cinéma français sans Depardieu ? Ou alors les producteurs (non subventionnés) et les spectateurs (qui payent leur place) sont des c…

        Sinon, on peut nationaliser le domaine artistique et transformer les acteurs en fonctionnaires avec des grilles de salaire bien définies. Cela résoudra bien des problèmes : plus personne n’ira voir les films et ne connaitra le nom des acteurs. Pas de stars pas de scandale d’évasion fiscale !

  • J’adore vos images 🙂

  • bah , le donneur d’ordre n’y comprenant que dale et s’en foutant complétement , il est normal que les concepteurs prennent leurs aises en déléguant à un stagiaire pas cher (de préférence un ami qui n’y connait pas grand chose et lui même pas intéressé ) et ainsi faire un max de pognon sur le dos de l’état ..mais je suis sans doute mauvaise langue !

  • la france qui rayonne comme un trou noir

  • Ce qui me navre le plus, c’est que le site est une sorte de vitrine de nos faiblesses.
    Non pas tant individuelles que des organisations qui nous représentent.

    Les contenus, le choix des mots, le choix d’une traduction qui privilégie la structure de phrase et donc de pensée française plutôt qu’une écriture native (je pense à l’anglais). Bref, c’est lourd et très souvent à côté du sujet, comme l’a si justement relevé notre hôte.
    Ainsi que penser au centre de la page de présentation de cette saillie descriptive de BusinessFrance « internationalise our economy for the benefit of France, its jobs and its growth »? En quoi « internationaliser notre économie au profit de la France, de ses emplois et de sa croissance » peut-il bien concerner un investisseur? Tout est à l’avenant, avec un choix de mots souvent malhabile quand il n’y a pas des fautes manifestes « Europeans companies »…

    Je sais bien que c’est du domaine du détail, mais cela laisse une impression vaguement dérangeante. Comme si et dans la forme et dans le fond, nous n’étions pas vraiment intéressés par lesdits investisseurs potentiels, trop concernés par nos considérations intestines et notre auto-glorification. Ce qu’on nous reproche déjà souvent.

    Mise en garde: attention, n’allez pas non plus trop visiter le site pour vérifier, cela pourrait faire croire à nos responsables que notre attractivité est en hausse… 😉

    • Un autre exemple (et j’arrête, sinon il va y avoir un bond de 200000% dans les stats de consultations du site…) révélateur de la conception qu’ont ces « gens » de la hiérarchie des institutions nationales: dans la liste des liens des sites officiels: d’abord élysée, puis gouvernement et assemblée nationale. Comme ça, on sait d’où tout part: comme disait Revel, un exemple limpide de l’absolutisme innefficace.

  • Ce site est juste le reflet d’une élite qui se complaît dans l’image qu’elle imagine donner d’elle-même, alors qu’elle est complètement hors sol et incapable de la moindre démarche de satisfaction client-usager-investisseur à la place duquel elle ne se met jamais.
    Au niveau local, comme au niveau national ou international, le discours théorique ampoulé a remplacé la parole de bon sens soucieuse d’efficacité. Dernier modèle du genre: la lettre de la ministre de la rééducation nationale aux parents. Elle ne se rend même pas compte que plus elle s’auto-justifie, plus elle s’empêtre dans ses contradictions. Pauvre France!

  • Les commentaires sont fermés.

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