Le parlement européen étend l’interdiction de clonage

Analyse du vote du Parlement européen qui renforce la proposition initiale de la Commission interdisant le clonage d’animaux de ferme.

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Vaches-Guy Buchmann(CC BY-NC-ND 2.0)

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Le parlement européen étend l’interdiction de clonage

Publié le 13 septembre 2015
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Par Wackes Seppi

Vaches-Guy Buchmann(CC BY-NC-ND 2.0)
Vaches – Crédit photo : Guy Buchmann (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Pour fabriquer un veau, il faut d’abord un taureau…

Tout le monde ne le sait pas… mais pour avoir du lait, il faut que la vache ait un veau. Et comment fait-on les veaux ? On peut laisser faire Mère Nature : le taureau folâtre dans le pré avec son harem et, au bon moment… On peut aussi contrôler les ébats. Le grand et fort César paît dans son parc, Blanchette dans un autre, et quand la Blanchette est de bonne disposition, on ouvre la barrière entre les deux parcs pour permettre à César de faire ce qu’il faut.

Cette méthode « naturelle » est pratiquée en France dans les systèmes dits « allaitants » : les vaches y sont élevées pour la production de viande.

Pourquoi ces longueurs ? En matière de propriété intellectuelle, en Europe, des brevets ne sont pas délivrés pour1 « les variétés végétales ou les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux […] » Ouvrir la barrière… ce n’est pas un procédé essentiellement biologique. Et la barrière a souvent été le point de départ d’une tentative d’explication de cette disposition qui fait couler beaucoup d’encre.

Mais nous nous égarons. Pourquoi pas un peu plus ? Il paraît qu’un chicaneur belge s’est plaint un jour que le taureau de son voisin est allé voir sa BBB chérie – non, il n’y a ni erreur sur le nombre d’initiales, ni intention scabreuse, c’est la race Blanc Bleu Belge – et qu’ils ont commis quelques dégâts dans un champ. Le juge de paix local – décidé à calmer les ardeurs procédurières du propriétaire de la vache – a estimé que, sur la base du nombre de pattes impliquées dans la réalisation du forfait, il convenait d’ordonner au propriétaire du taureau de réparer seulement le tiers des dégâts. Je peux garantir la véracité de cette historiette : je l’ai entendue de deux voisins de table dans un bon petit restaurant de Bruxelles, près du Parlement européen auquel nous parviendrons après quelques autres divagations.

http://aigueblancheautrefois.overblog.com/le-taureau-communal
http://aigueblancheautrefois.overblog.com/le-taureau-communal-Source : http://seppi.over-blog.com/2015/09/parlement-europeen-l-attaque-des-clones.html

 

Mais revenons d’abord dans le droit chemin. Dans les anciens temps, quand les paysans étaient nombreux – et les vaches encore plus, mais pas excessivement – il y avait un taureau communal. Bonjour la consanguinité… Digressons encore une fois : les nostalgiques du bon vieux temps nous rebattent les oreilles avec la « diversité génétique » qui disparaîtrait… Nous avons des problèmes de diversité génétique, mais ce n’est pas simple.

http://seppi.over-blog.com/2015/09/parlement-europeen-l-attaque-des-clones.html
http://seppi.over-blog.com/2015/09/parlement-europeen-l-attaque-des-clones.html

 

Il faut un vétérinaire ou un inséminateur…

On peut laisser faire Mère Nature ? On peut aussi laisser faire Monsieur le Vétérinaire ou l’Inséminateur. Ne fantasmez pas… Il pratique la fécondation artificielle avec la semence d’un taureau qui aura été prélevée au préalable et congelée dans l’azote liquide.

Source: http://www.ain-genetique-service.fr/nos-services/insemination-animale/
Source: http://www.ain-genetique-service.fr/nos-services/insemination-animale/- et http://seppi.over-blog.com/2015/09/parlement-europeen-l-attaque-des-clones.html

 

Cette méthode présente plusieurs avantages. Le propriétaire d’un petit troupeau n’a pas à entretenir un taureau qui, pour ainsi dire, mange… l’herbe des vaches pour un service somme toute limité. Tiens, « service », en anglais, a aussi le sens de saillir.

L’éleveur peut aussi choisir ses reproducteurs, sur catalogue, en fonction de plusieurs critères, parmi des taureaux de tous horizons, même lointains. Si jamais vous feuilletez la presse spécialisée – La France agricole par exemple – et que vous y voyez la description d’un « taureau à lait », sachez qu’il est constitué tout à fait normalement, avec tous les attributs de son sexe (oups ! genre), mais qu’il est censé augmenter la production de lait de ses filles, comparativement à leur mère. Un éleveur qui a une excellente laitière, mais aux pattes un peu fragiles, choisira un taureau qui produit de bons aplombs (c’est un terme du métier).

Et puisque nous avons déjà pas mal musardé, connaissez-vous l’histoire de cette starlette – qui, en l’occurrence, ne manque pas d’aplomb – qui drague un Prix Nobel en rêvant à haute voix d’un fils qui aurait sa beauté à elle et l’intelligence à lui ? « Imaginez que ce soit l’inverse… » lui rétorque-t-il. C’est là une manière de rappeler que la génétique, dans ses applications pratiques, n’est pas une science exacte.

L’autre avantage de l’insémination artificielle est que les performances génétiques d’un taureau sont testées, par une série d’inséminations suivies de l’observation des caractéristiques de ses filles, avant que sa semence ne soit commercialisée. De sorte qu’il devient souvent papa longtemps après être passé par la case abattoir.

De sorte aussi que l’on peut éviter quelques accidents (pour autant qu’on les repère dans la phase de testage). Par exemple, en 1902, la Suède a importé d’Allemagne un taureau Holstein exceptionnel. Ses descendants se sont révélés d’une grande valeur et, en 1930, ses gènes se retrouvaient dans plus de 2000 taureaux enregistrés en Europe du Nord. Mais, dans le même temps, il y eut une augmentation alarmante de veaux sans poils qui, ne pouvant contrôler leur température, mouraient dans les minutes qui suivaient la naissance. Des études ont montré que ces veaux étaient homozygotes pour un facteur létal récessif. Celui-ci avait été apporté par ce taureau. À l’époque, on ne donnait pas seulement le nom d’une personne à une rose2… le taureau s’appelait ‘Prinz Adolph3.

Puisque nous avons évoqué la diversité génétique ci-dessus, l’insémination artificielle est, à la fois, un problème (quand les éleveurs choisissent le même taureau) et un remède à l’uniformisation (puisqu’on peut garder la semence, recommander l’utilisation de plusieurs taureaux et programmer en connaissance de cause les appariements).

Il faut un scientifique chevronné

Mais, comme on le sait, la propension de l’Homme à « violer » Mère Nature est à peu près aussi forte que sa propension à pécher.

Le 5 juillet 1996 naissait une brebis mondialement célèbre, Dolly – en connaissez-vous d’autres, des brebis, par leur petit nom ? C’est le premier mammifère de l’histoire cloné à partir d’un noyau de cellule somatique adulte. Ses parents scientifiques sont MM. Keith Campbell et Ian Wilmut, de PPL Therapeutics, en association avec l’Institut Roslin à Édimbourg, en Écosse. Oh ! L’Écosse… cette contrée qui veut interdire les OGM (végétaux) pour préserver son « statut vert et propre ». Pan sur les doigts. Revenons au sujet.

Keith Campbell et Dolly-http://seppi.over-blog.com/2015/09/parlement-europeen-l-attaque-des-clones.html
Keith Campbell et Dolly-Source : http://seppi.over-blog.com/2015/09/parlement-europeen-l-attaque-des-clones.html

Ses parents scientifiques avaient introduit le noyau d’une cellule de glande mammaire – Dolly, c’est par référence à la chanteuse états-unienne Dolly Parton, à la poitrine avantageuse4 – de la brebis Geniees dans un ovule énucléé de la brebis Belinda et ont réimplanté cet ovule dans une autre brebis dont la toile a semble-t-il oublié le nom (si elle en avait un). En fait, ils ont produit 277 ovules, qui ont produit 30 embryons implantés dans 13 brebis, dont un seul, Dolly, s’est développé jusqu’à l’âge adulte. L’heureux événement de la naissance a été annoncé le 23 février 1997.

Dolly a donc eu trois mères, et pas de père : celles qui ont fourni le noyau et l’ovule énucléé, respectivement, et celle qui l’a portée. Elle a donné vie à six agneaux : Bonnie ; Sally et Rosie ; Lucy, Darcy et Cotton. Affligée d’arthrose et atteinte d’un cancer du poumon, elle a été euthanasiée à l’âge de six ans et demi.

 

Alors, le clonage ? Un intérêt très limité en agriculture

Il s’agit évidemment ici du clonage animal. Dans le cas des plantes, c’est une technique de production de nouvelles plantes d’une très grande importance (bouturage, greffage, etc.). La technique s’est évidemment améliorée au fil du temps. Elle reste cependant aléatoire et chère. Quel intérêt alors ?

Scientifique sans nul doute. Accessoirement pour entretenir la zizanie avec la hiérarchie en mettant un agneau cloné dans le lot des surnuméraires destinés à l’abattoir. Et évidemment, en conséquence, pour alimenter les fonds de commerce médiatiques friands de nouvelles anxiogènes. Pour piquer des sous – beaucoup de sous – à la Mère Michel qui a perdu son chat et en voudrait une copie conforme (espoir illusoire car le déterminisme génétique ne contrôle pas tout). Au fait, comment s’appelle le premier chat cloné ? Copycat  (en anglais, « copie », littéralement « chat-copie ») ! Pour parader aussi médiatiquement quand on est raélien5 ou qu’on prétend pouvoir cloner un mammouth6.

Rainbow (à gauche) et son clone CC ou Copycat (à droite). Remarquez les différences de pelage. En bas : Rainbow et sa mère (porteuse) Allie. Source : http://www.mun.ca/biology/scarr/Cloned_Cat.html
Rainbow (à gauche) et son clone CC ou Copycat (à droite). Remarquez les différences de pelage. En bas : Rainbow et sa mère (porteuse) Allie. Source : http://www.mun.ca/biology/scarr/Cloned_Cat.html

 

Dans le domaine de l’agriculture, le clonage ne peut s’envisager raisonnablement – et encore – que pour perpétuer un génotype exceptionnel, à l’identique (aux erreurs de transcription près). Cloner un cheval de course prestigieux qui a été castré ? Pourquoi pas ? Mais on n’est pas là dans le domaine de la production agricole.

Une vache ? Est-ce bien raisonnable, sachant que le taux de réussite est – serait – de 6% à 15% chez les bovins, de transplanter des embryons issus de clonage dans une dizaine ou une quinzaine de vaches dans l’espoir d’obtenir un veau ? En fait, il existe une technique pour favoriser la propagation d’une bonne génétique (mais pas à l’identique) : la transplantation d’embryons.

On pourrait toutefois imaginer qu’on clone pour sauver une race en voie d’extinction, les embryons étant implantés dans des animaux appartenant à une autre race. Mais là encore, on sort de la production agricole en tant que telle.

Un intérêt considérable en médiocratie

Le clonage a apparemment été pratiqué, notamment aux États-Unis d’Amérique, mais cela nous paraît anecdotique7. Cependant, ce qui nous paraît anecdotique peut être de la plus grande importance pour les agitateurs, médiatiques et politiques, et les bureaucrates et politicards en mal de reconnaissance.

De la viande d’animaux clonés dans votre assiette… vous n’y pensez pas, Mme Michu ! Figurez-vous que « vous mangez de la viande clonée sans le savoir », foi de Bioalaune8. Et pas qu’un peu… entre 300 000 et 500 000 tonnes importées par l’Union européenne chaque année.

C’est là une situation intéressante : nous ne savons pas que nous mangeons de la viande dite clonée – en fait, si tant est que ce soit vrai, ce serait de la viande d’animaux clonés ou, peut-être, de leurs descendants – mais eux savent combien on en mange, certes avec une grande marge d’incertitude, tout cela dans un contexte commercial qui ne sépare pas les filières (pour autant qu’elles existent) et n’identifient pas les viandes issues de clones. Tant qu’à raconter un bobard, autant qu’il soit gros.

Une proposition de la Commission fort boiteuse

Fin 2013, la Commission européenne a donc proposé une directive « relative au clonage des animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine élevés et reproduits à des fins agricoles ». Ils ont eu la décence de ne pas inclure la volaille.

Mais il faut dédouaner la Commission, qui n’est pas responsable de toutes les imbécillités européennes. Rendons donc à César (pas au taureau du début de l’article) :

« En 2008, la Commission a présenté une proposition visant à simplifier la procédure d’autorisation prévue dans le règlement relatif aux nouveaux aliments. Au cours de la procédure législative, les législateurs ont souhaité modifier la proposition afin d’y insérer des règles spécifiques sur le clonage. Toutefois, aucun consensus n’ayant été atteint sur le champ d’application et les caractéristiques de ces ajouts, la proposition a été abandonnée après l’échec de la conciliation, en mars 2011. La Commission a dès lors été invitée à élaborer, sur la base d’une analyse d’impact, une proposition législative relative au clonage dans la production de denrées alimentaires qui soit indépendante du règlement relatif aux nouveaux aliments. »

C’est précisé dans l’exposé des motifs, selon lequel la proposition :

« […] prévoit une suspension, sur le territoire de l’Union :
du recours à la technique du clonage à des fins de production de denrées alimentaires,
de la commercialisation de clones vivants (animaux clonés).

Ces interdictions provisoires limiteront cette technique de production, qui est à l’origine de souffrances animales, aux domaines dans lesquels elle s’avère présenter un intérêt particulier.

Les interdictions provisoires seront réexaminées régulièrement, compte tenu de l’évolution des connaissances sur la technique et des progrès réalisés dans son application dans des domaines étrangers à l’agriculture. »

Mais on lit plus loin :

« Au stade actuel du développement du clonage, le recours à cette technique à des fins agricoles s’avère présenter peu d’intérêt. »

Ou encore :

« Les États membres ont confirmé qu’actuellement, dans l’Union, le clonage d’animaux n’était pas effectué à des fins agricoles. Les secteurs économiques concernés (élevage et sélection) ont indiqué qu’ils n’avaient à l’heure actuelle aucun intérêt à cloner des animaux à des fins agricoles. »

Il était donc urgent d’interdire le clonage à des fins qui ne sont pas citées.

Ne soyons toutefois pas exagérément mesquins. Le projet a pour objectif d’interdire provisoirement le clonage dans un champ d’application particulier et, par voie de conséquence, de préserver les autres applications. On peut trouver cela positif. Imaginez le déchaînement politico-médiatique contre tous les clonages. En fait, il faut lire la suite.

En revanche, il faut être extrêmement sévère pour l’extraordinaire nullité rédactionnelle dont la Commission a encore une fois fait preuve. L’article 3 prévoit :

« Les États membres interdisent provisoirement :
a) le clonage d’animaux ;
b) la mise sur le marché d’animaux clonés et d’embryons clonés. »

Aucune limitation !

Il y a certes un article 2, mais quel démagogue prendra la peine de le lire et de l’intégrer dans sa diatribe ?

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) « animaux élevés et reproduits à des fins agricoles » : les animaux élevés et reproduits pour la production de denrées alimentaires, de laine, de peaux ou de fourrures, ou à d’autres fins agricoles. Ils n’englobent pas les animaux élevés et reproduits exclusivement à d’autres fins telles que la recherche, la production de médicaments et de dispositifs médicaux, la conservation des races rares ou des espèces menacées, des manifestations sportives et culturelles. »

Mais cette expression n’est utilisée nulle part ailleurs dans le texte de la proposition de directive. Il y a aussi un article premier qui prévoit que la directive « […] s’applique aux animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine élevés et reproduits à des fins agricoles. »

Encore une fois, quelle démagogie. Il y a pire. « Animal » et « espèce » n’étant pas du même genre grammatical, il n’y a pas d’ambiguïté en français. Ce n’est pas le cas en anglais9. Ce n’est pas anodin. Si « élevés et reproduits… » se rapporte aux animaux, on se réfère par exemple aux porcs charcutiers ; rapporté aux espèces, on vise tous les porcs, quelle que soit leur destination, par opposition, par exemple, aux sangliers.

Le saucissonnage de la règle est d’une grande maladresse.

D’une part, la Commission – qui, rappelons-le, a répondu à une invitation des États membres – a fondé sa proposition essentiellement sur la souffrance animale (c’est discutable pour les mères porteuses, fréquence des avortements mis à part ; pour les produits, la réponse est l’euthanasie des mal-portants). C’était là donner aux jusqu’au-boutistes de la « cause animale » des verges pour qu’ils puissent battre les autorités législatives et politiques. Mais quel autre motif invoquer ?

D’autre part, il est expliqué dans l’exposé de motifs :

« La proposition a pour objectif d’assurer des conditions de production uniformes aux éleveurs, tout en protégeant la santé et le bien-être des animaux. »

Ou, dans le premier considérant de la proposition de directive :

« […] L’adoption de lignes de conduite nationales différentes en matière de clonage d’animaux pourrait entraîner des distorsions sur le marché. Il est donc nécessaire de veiller à ce que les mêmes conditions s’appliquent à toutes les parties concernées par la production et la distribution d’animaux vivants partout dans l’Union. »

Des « conditions de production uniformes », mais pour les OGM, c’est une autre histoire…

Le Parlement européen dans la surenchère

Ce projet est donc arrivé devant le Parlement européen. Que pensez-vous qu’il advînt ? Les parlementaires se sont déchaînés10. Il aurait été politiquement fort maladroit de ne pas faire assaut de démagogie sur un tel sujet qui permet bien des outrances populistes à si bon compte (à première vue).

Le communicant du Parlement européen a retenu que :

« Le Parlement veut étendre l’interdiction du clonage animal aux progéniture et importations. »

C’était par 529 voix pour, 120 contre et 17 abstentions. Le contingent français s’est distingué par un fort taux d’abstention (50 voix pour le texte mis au vote, 7 contre, 14 abstentions et 3 non votants). Abstentions essentiellement de notre extrême-droite. Qui explique :

« Le Front national a choisi de s’abstenir sur le vote final de ce texte considérant qu’il ne répondait pas assez aux nécessités de traçabilité et de protection des consommateurs.

En effet, le clonage animal induit des risques importants d’uniformisation génétique des espèces et confère à un petit nombre d’entreprises le contrôle du vivant. »

On peut se demander en quoi le texte n’allait pas assez loin. Et en quoi une abstention fait avancer le schmilblick. Ajoutons que les plus gros contingents de « non » sont venus de la Suède (9 non pour 11 oui) et du Royaume-Uni (33 non pour 26 oui et 4 abstentions). En fait, le Parlement n’a fait qu’entériner en plénière un texte qui était déjà sur les rails depuis le mois de juin.

Étendre l’interdiction du clonage pour qu’elle ait un effet sur la progéniture (de première génération) et les importations ne manque pas de cohérence. Sauf que pour que cela marche, il faut que les pays exportateurs garantissent que la viande exportée ne provient pas d’un animal cloné ou de son descendant. Par conséquent, ils devront mettre en place un système de traçabilité applicable, tout du moins, aux exportations vers l’Union européenne.

Mais ce n’est pas là la seule modification proposée. Sur le plan institutionnel, la directive devrait devenir un règlement – directement applicable au sein de l’Union européenne, sans transposition nationale – et surtout, l’interdiction deviendrait permanente (sauf abrogation ou modification du règlement).

Il n’y a pas à dire ! Le Parlement européen est particulièrement attentif à protéger nos intérêts contre des risques nuls. Selon l’EFSA :

« Rien n’indique qu’il existe des différences en termes de sécurité des aliments entre la viande et le lait obtenus à partir d’animaux clonés ou de leur descendance et ceux dérivés d’animaux conçus de manière traditionnelle. Cette conclusion est toutefois basée sur l’hypothèse que la viande et le lait sont obtenus à partir d’animaux en bonne santé, soumis à des règles de sécurité des aliments et des contrôles adéquats. »

La deuxième phrase s’applique évidemment – de la même manière – aux produits d’animaux issus de modes de production conventionnels. Elle n’apporte aucune limitation à la première.

Les médias et le Conseil européen

Les médias ont évidemment rapporté le vote du Parlement européen. Les plus sérieux ont fait référence à une volonté du Parlement européen. Mais pour le journal dit « de référence »,

« Le Parlement européen bannit les animaux clonés de nos assiettes. »

Quelle outrecuidance ! Quel dommage, ce titre stupide, pour un article pour le reste informatif.

Car le projet de texte doit encore être examiné par le Conseil – les représentants des chefs d’État et de gouvernement. Relevons, sans commentaire désobligeant, car ils se suffisent à eux-mêmes, les propos de Mme Michèle Rivasi cités par Le Monde :

« Nous avons gagné sur toute la ligne, les eurodéputés ont insisté non seulement sur le risque de sécurité alimentaire mais aussi sur la souffrance animale engendrée par les techniques de clonage, une préoccupation pas assez partagée en France […]. Nous avons par ailleurs dit non à une artificialisation à outrance de l’élevage. On ne veut pas manger des animaux déformés pour avoir les gigots les plus gros possibles ! »

Mais sachons gré au Monde de nous avoir épargné ceux de M. José Bové :

« Je me félicite que le Parlement européen ait voté aujourd’hui en première lecture contre la proposition de la Commission européenne qui voulait faciliter le clonage et la vente de produits issus de leur descendance. Les multinationales de la génétique veulent le clonage des animaux parce qu’ils sont en train de créer des animaux transgéniques dans leurs laboratoires. Le clonage permet de reproduire ces animaux génétiquement manipulés (AGM) comme une photocopieuse en protégeant tout cela avec des brevets sur les techniques et sur les gènes. Nous nous sommes opposés aux plantes génétiquement modifiées et nous ne pouvons pas accepter le développement de ces technologies sur les animaux. Ce n’est pas parce qu’une technique est disponible qu’il faut l’utiliser aveuglément. C’est le message important envoyé à la Commission européenne est aux États. »

La Commission «  voulait faciliter le clonage… » ? C’est une opinion très audacieuse sur le contenu de la proposition de la Commission… Les « multinationales de la génétique… » Tiens ! Pourrait-il donner des noms ?


Sur le web

  1. Par exemple, article 53.b) de la Convention sur le brevet européen.
  2. En fait, la variété reçoit généralement une dénomination insipide. Le nom de personne est déposé à titre de marque.
  3. In Agricultural Genetics, James L. Brewbaker, Prentice Hall éd. La première publication date de 1964.
  4. La science, c’est fun, et les scientifiques peuvent être facétieux.
  5. Un titre d’article de circonstance : « La secte des clones invisibles ».
  6. La dernière annonce médiatique semble être celle-ci. On peut lire à cet égard M. Jacques Testart. En supposant qu’on puisse trouver un noyau de cellule de mammouth intact et fonctionnel, ou le reconstituer – ce qui serait un exploit extraordinaire – il faut encore des ovules d’éléphantes et des éléphantes porteuses – et qu’il n’y ait pas d’incompatibilité entre l’éléphante et le jeune mammouth.
  7. Voir aussi ce billet pour un calendrier des « exploits ». Et ici une entreprise qui propose ses services.
  8. En fait, ce site a « mangé » une partie de l’information. Les tonnages cités représentent l’ensemble des importations en provenance de pays dans lesquels il n’y a pas d’interdiction du clonage et dans lesquels il est supposément pratiqué.
  9. « It shall apply to animals of the bovine, porcine, ovine, caprine and equine species (‘the animals’) kept and reproduced for farming purposes. » On aurait pu lever l’ambiguïté en écrivant : « It shall apply to animals kept and reproduced for farming purposes from the bovine, porcine, ovine, caprine and equine species (‘the animals’). »
  10. Voir le communiqué de presse.
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  • l’inénarrable José Bové , issu d’un croisement entre 2 scientifiques , est bien la preuve vivante que la méthode naturelle est plus dangereuse que le clonage … l’UE est toujours aussi lamentable et prévisible !

  • Juste un détail : copycat, ça veut dire copieur/euse, pas copie…………

  • À l’évidence il y a du Greenpeace sous cette histoire. Tout le monde sait que le Parlement de Strasbourg est une annexe de cette organisation terroriste …

  • Avez vous la moindre idée de la façon dont est récupéré le sperme d’un taureau, pour ensuite inséminer de force une vache ?

    Une électrocution anale, ce qui force l’éjaculation.

    Et après, on ose nous parler de bien être animal…

    La réalité, la voilà => http://pix.toile-libre.org/upload/original/1442135580.jpg

    Vous remarquerez qu’il n’y a ni champs, ni paille, ni gravier. Rien d’autre que du béton et de l’acier.

    • la vache est ‘consentante’ lorsque le taureau lui monte dessus…et cela fait surement plus mal qu’un petit veto de 70 kg!
      quant au béton et l’acier des millions d’hommes et de femmes vivent ainsi et avec plaisir sinon ils vivoteraient tous a la campagne !
      pour le taureau…. je ne tenterai pas l’expérience , mais c’est un mâle , un dur a cuire 😉

    • franchement, on s’en fout un peu du bien être animal. Tous les militants du bien être animal ne sont qu’une bande de citadins aussi arrogants qu’ignorants sur le sujet, leur vie est tellement pathétique qu’ils n’ont rien d’autre à foutre qu’à faire chier les braves gens et à s’occuper de ce qui ne les regarde pas.
      Leur technique est tjs la même: provoquer des émotions chez les gens, utiliser l’émotionnel au lieu d’utiliser le rationnel. Ces gens sont incapable d’avoir des arguments rationnels, il est impossible de débattre rationnellement avec ces gens.
      Ces gens sont prêts à détruire des emplois, à mettre à mal certains secteurs de l’économie tout cela pour satisfaire leurs lubies et leur idéologie

      • Il n’y a que vous, et ceux qui ont quelque chose à y gagner, qui se foutent du bien être animal, et faire de telles généralités, tout en étayant aussi peu d’arguments que possible pour étayer vos propos, ne vous font pas honneur.

        Entre eux et vous, on se demande du coup qui a l’idéologie la plus débile.

        • Où avez vous vu une « électrocution anale »?
          En fait, on fait « monter  » le taureau sur un truc qui ressemble à une vache en plastique destiné à collecter le sperme. Une personne est affectée pour « diriger » le taureau. D’ailleurs, c’est parfois un critère de sélection car certains taureaux ne sont pas assez fougueux, donc c’est difficile de collecter la semence.

          Sinon, dans les années 50, au début de l’insémination artificielle, ont surgi des histoires sur le fait que l’IA allait engendrer des monstres, qu’on n’était pas sûr et que rien ne valait la monte naturelle.
          L’histoire se répète.

  • Au début j’ai trouvé l’article très intéressant. Puis, quand il s’est perdu dans les chicaneries des choux de Bruxelles, j’ai décroché. Y’a pas pire plaie que les ronds-de-cuir, de France, d’Europe ou d’ailleurs.

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