Révolution du travail : pour un statut de l’actif

Devant l’évolution du monde du travail, il faut un statut de l’actif.

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Construction Workers on a Break, Rockefeller Plaza Lobby Picture NYC NY credits Roger (CC BY-NC-ND 2.0)

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Révolution du travail : pour un statut de l’actif

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 septembre 2015
- A +

Par Denis Pennel.

Construction Workers on a Break, Rockefeller Plaza Lobby Picture NYC NY credits Roger (CC BY-NC-ND 2.0)
Construction Workers on a Break, Rockefeller Plaza Lobby Picture NYC NY credits Roger (CC BY-NC-ND 2.0)

Ubérisation du marché du travail, hétérogénéisation de la population active, individualisation de la relation d’emploi, nouveaux modes de production, pluriactivité… l’emploi vit moins une crise qu’une révolution.

Caractérisée par la fin de son unité de temps, de lieu et d’action, une nouvelle réalité du travail est en passe d’advenir. À l’heure où la relation de travail basée sur le salariat et la subordination n’est plus la règle, où le CDI à temps plein ne constitue plus « la forme normale et générale d’emploi », notre droit du travail actuel, élaboré pour le modèle de l’usine fordiste, ne répond plus aux besoins de l’économie du savoir et des services. En Europe, près de 25% des actifs sont déjà nomades. À l’organisation stable d’un groupe de travailleurs succède un nouveau paradigme : la coordination de travailleurs mobiles et dispersés répondant à l’émergence des entreprises éclatées.

Considérer le salariat comme l’aboutissement ultime de l’évolution du droit du travail est un contre-sens historique. Le droit du travail a toujours reflété les transformations économiques et sociales de la société et leurs impacts sur la relation de travail.

Droit de l’actif

L’hybridation croissante entre salariat et travail indépendant impose d’instaurer un droit du travail qui s’applique à toutes les formes d’activité professionnelle, salariée ou indépendante. De fait, l’actuel Code du travail ne couvre que le travail salarié, à l’exception de quelques rares articles dans la partie VII.

Il est donc nécessaire de bâtir un socle de droits fondamentaux qui s’appliquerait à tous les travailleurs, quel que soit leur statut professionnel : le Droit de l’Actif. Nous proposons 15 principes (en Annexe), du ressort exclusif du législateur, qui garantiront les droits classiques inspirés des textes supranationaux (non-discrimination, liberté d’association, etc), ainsi que : le droit de tout actif à la déconnexion ; un revenu universel permettant d’assurer un filet de sécurité minimum ; le paiement des jours de congés des actifs non-salariés par le donneur d’ordre (calculé au prorata de la durée de la mission effectuée par le travailleur indépendant) ; le calcul du temps de travail de tout actif en forfait jour annuel dont le maximum est fixé à 270 jours par an (dans un univers connecté, il faut abandonner la référence horaire du travail, afin de mettre fin au présentéisme et de répondre à l’autonomie croissante des individus au travail).

Statut de l’Actif

Dans la continuité de ce nouveau Droit de l’Actif, GenerationLibre propose de développer un Statut de l’Actif qui se substituera au Code du travail, définissant un cadre général pour les conditions d’emploi et de travail de la personne au travail, qu’elle soit salariée ou indépendante.

Il serait préférable aujourd’hui de jauger la relation de travail en fonction non de la subordination, mais de la personne qui supporte les risques économiques. Ceux-ci permettent de mesurer le degré de dépendance par rapport au donneur d’ordre. Au regard de ce principe, il est clair par exemple que les chauffeurs Uber ne peuvent être considérés comme des salariés.

L’instauration d’un Droit de l’Actif et la transformation du Code du travail en Statut de l’Actif s’accompagneront d’un renversement de la hiérarchie des normes : c’est prioritairement au niveau de l’entreprise que seront définies, via la négociation entre les représentants des travailleurs et des employeurs, les conditions d’emplois et de travail. En dehors des normes sociales fondamentales définies dans le Droit de l’Actif, le principe sera celui de la liberté conventionnelle et du renvoi au dialogue social. C’est aussi une opportunité pour les entreprises de se différencier de la concurrence et d’attirer les meilleurs talents en proposant des conditions de travail plus avantageuses.

Soutenir l’émergence de coopératives professionnelles à travers les formes d’emploi  « tiers employeurs »

Une manière d’organiser une représentation plus large et plus moderne des actifs est d’encourager le développement des formes de tiers employeurs. En effet, dans un marché du travail de plus en plus complexe et volatile, où la notion d’emploi à vie n’existe plus, le recours à l’intermédiation via un tiers employeur permet de réintroduire de la sécurité et de la stabilité dans les parcours professionnels.

À terme, ces coopératives professionnelles remplaceraient les syndicats, les services de recherche d’emploi (notamment publics) et les mutuelles. Les réseaux sociaux joueraient un rôle clé, comme facilitateurs des échanges et moteurs de la mobilité.

Annexe

Les 15 articles du Droit de l’Actif

  1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre la non-activité notamment à travers le versement d’un revenu universel.
  2. Tout actif a le droit de travailler dans des conditions décentes, loin de toute forme de travail forcé ou obligatoire. Le travail des enfants de moins de 16 ans est interdit, sauf si le travail prend place dans une formation professionnelle ou alterne avec elle.
  3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale dont l’accès à un compte social unique.
  4. Aucun actif ne doit subir de discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale, l’origine sociale, l’âge ou le handicap.
  5. Tout actif a le droit de bénéficier de la liberté d’association, de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
  6. Tout actif doit être couvert par la possibilité d’organiser des mouvements de contestation collectifs pouvant aboutir à un arrêt de son activité professionnelle.
  7. Tout actif doit bénéficier de la reconnaissance effective du droit de négociation collective, lui permettant d’être couvert par des accords et conventions collectives définissant ses conditions d’emploi et de travail.
  8. Toute relation de travail doit se former et s’exécuter de bonne foi.
  9. Tout actif doit pouvoir disposer de la part de son employeur ou donneur d’ordre des moyens d’effectuer son travail. L’actif doit exécuter avec diligence la prestation convenue, dans le cadre du contrat qui a été conclu.
  10. En cas de rupture de contrat, l’employeur ou le donneur d’ordre se doit d’en informer l’actif au préalable, de recueillir les observations de celui-ci et de disposer d’un motif réel pour y procéder.
  11. Tout actif doit pouvoir exercer son activité professionnelle dans un environnement garantissant sa santé physique et morale et sa sécurité au travail. Tout actif qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé devra être protégé contre des conséquences injustifiées.
  12. Toute évaluation professionnelle doit être respectueuse de la dignité et de la vie privée de l’actif.
  13. Le temps de travail de tout actif est calculé en forfait jour annuel dont le maximum est fixé à 270 jours par an.
  14. Chaque actif doit pouvoir disposer d’un jour de repos hebdomadaire.
  15. Tout actif a le droit de pouvoir se déconnecter de son travail, en dehors du temps de travail défini par son activité ou son contrat.

Sur le web

Pour lire la note complète, c’est ici

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  • Art 1 : OK : on ne peut pas interdire à qqn de travailler
    Art 2 : OK : Esclavage interdit
    Art 3 : KO : non objectif, qu’est ce qu’une rémunération équitable?
    Art 4 : KO : redondant avec art 1 et contraire à la libre association
    Art 5 : OK : libre association, syndicalisation…
    Art 6 : OK : Droit de grève
    Art 7 : OK : droit au convention collective (mais pas obligation)
    Art 8 : OK : Contrat obligatoire
    Art 9 : OK : Le contrat doit être respecté par tous les partis, ni plus, ni moins
    Art 10 : KO : Qu’est ce qu’un motif réel?
    Art 11 : KO : non objectif, de plus les conditions de travail sont défini clause du contrat (Art 9)
    Art 12 : OK : on ne mele pas vie privée et vie pro
    Art 13 : KO : et pourquoi 260 jours ou pas 300 ou 150 cf Art 8 et Art 2
    Art 14 : KO : pourquoi hebdomadaire, pourquoi pas 2 j sur 10 ou 8 semaines de travail continu pour 4 semaines de repos continu (contrat offshore)
    Art 15 : OK : mais redondant avec art 8 et 9

  • Bonjour
    La solution, pas de code du travail.
    J’ai travaillé très longtemps sans contrat de travail, au grand plaisir des deux parties.

  • ‘l’idée est intéressante mais la charte n’est qu’une première tentative

    Certains articles de la charte sont étonnamment prescriptifs – motif réel de fin de contrat ? Revenu universel? Compte social unique ? – et d’autres bien peu opératoires – rémunération équitable ? Comment concilier liberté d’organisation et 270 jours maximum ?

    A modifier profondément

  • Blah blah contradictoire, calibré pour ceux qui se complaisent dans ce genre d’exercices de style, qui ne peut pas servir à grand chose à part à montrer que l’auteur en est, lui aussi, du sérail.

  • « un revenu universel permettant d’assurer un filet de sécurité minimum »

    Encore cette impasse intellectuelle qui ne mène nulle part ! Pas besoin de réinventer le fil à couper le beurre, le filet de sécurité existe déjà. Cela s’appelle l’assurance, une des inventions financières parmi les plus performantes jamais inventées.

    • le principe du revenu universel possède des defauts, et aussi plusieurs interêts :

      1- rééquilibrage des forces dans la contractualisation des emplois à faible valeur ajoutée (si suppression du smic subventionné)
      2- arret du clientelisme social, simplification limitant les frais de gestion et les fraudes (si suppression de toutes les aides, subvention, niches fiscales, exonération)
      3- permet de rendre acceptable le passage d’un état providence financé par certains au profit des autres, vers l’abandon progressif de l’état providence. ( si associé à la liberté individeulle de s’assurer socialement sur la couverture du risque « supplémentaire » de son choix)

      • Donc l’État va donner à chacun 500, 600, 1000 euros à chacun avec l’argent de…chacun?

        Pour préciser ma pensée:
        1/ Aucun rééquilibrage particulier, la négociation étant affaire d’offre et de demande.
        2/ Les politiques pourront parader devant le micro mou pour augmenter ce RU avec l’argent des autres, donc rien ne change
        3/ Pour que les gens acceptent la fin de l’État providence, libérer réellement l’économie me semble être la seule solution. Par exemple, que les gens choisissent de quitter la sécu en échange des baisses d’impôts proportionnelles.

        • l’etat donne déjà cette somme… rien de bien neuf, sauf bien évidement de la lisibilité et plus aucun frais de gestion… c’est toujours cela de pris.

          aujourd’hui, le smic est tellement insoutenable économiquement qu’il est subventionné …. et pourtant, personne ne peut vivre avec le smic.
          comment fait on ?

          le patron pourra peut être payer une certaine somme, et le salarié l’accepter en complement du RU.
          Juste un leger rééquilibrage.

          le RU n’a pas de fatalité à rester dans les mains des politiciens. une indexation sur la croissance… pourquoi pas et aussi le taux de chomage s’il parvient à redescendre proche des 5%.

          Quant à votre proposition 3… déjà que je ne suis pas convaincu que les gens accepteraient la liberté avec le RU… alors sans RU … et pourquoi réduire les impots des gens qui quitte la secu…. alors qu’ils payeront dejà moins cher ailleurs… et puis vous rajouter de l’assistanat… comprenne qui pourra… je prefere mon assistanat à moi ( et la liberté de s’assurer auprès de l’assurance sociale de son choix)

          • « pourquoi réduire les impots des gens qui quitte la secu »
            Pour inciter les gens à ne plus être les vaches à lait d’un système aussi inefficace que la sécu. Vous gardez la liberté/responsabilité de vous assurer auprès de l’assurance de votre choix.

            « puis vous rajouter de l’assistanat… »
            Où ça? Si le fait de faire payer la sécu qu’à ceux qu’ils l’utilise est de l’assistanat, on n’a pas la même définition de ce mot 😉

  • Il y a encore beaucoup trop d’article, mais peu importe.

    l’important est cette notion de satut de l’actif , s’assurant socialement librement et disposant d’un socle minimum de survie.

    et c’est tout à fait à l’opposé du dernier rapport en date, qui ote toute responsabilisation des salariés et petits patrons pour les confier aux syndicats vermoulus.

  • cette obsession de lois pour tout et surtout pour rien est désespérante.
    j’ai bossé un certain nombres d’années , le contrat de travail , j’en ai jamais vu la couleur ni le besoin de la connaitre..jusqu’au jour de mon licenciement , je l’ai lu , il n’y a rien la dedans d’utile , que des freins pour le patrons mais surtout le salarié .
    un truc ‘comique’ venant de sortir de la justice européenne: l’illégalité de la non prise en compte du trajet domicile travail d’un itinérant…un truc incorporé dans le code du travail français (via les conventions collectives) grâce a nos merveilleux syndicalistes ‘défenseurs’ du contrat de travail et des salariés !

  • Les commentaires sont fermés.

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