Syrie : La guéguerre de François Hollande

La guerre aérienne proposée par François Hollande est le degré zéro de la diplomatie.

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François Hollande à Grenoble en 2013 (Crédits : Saly Bechsin, licence CC-BY-ND 2.0), via Flickr.

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Syrie : La guéguerre de François Hollande

Publié le 9 septembre 2015
- A +

Par Éric Verhaeghe.

François Hollande à Grenoble en 2013 (Crédits Saly Bechsin licence Creative Commons)
François Hollande à Grenoble en 2013 (Crédits Saly Bechsin licence Creative Commons)

Que la France entre en guerre n’est pourtant pas un événement anodin ! Il est stupéfiant que l’annonce de frappes aériennes contre la Syrie se fasse entre une tartine sur le droit du travail et une rondelle de saucisson sur les impôts. Il n’y a plus de respect et plus de tradition, mon bon Monsieur, dans l’art de déclarer la guerre, et François Hollande est un iconoclaste de premier ordre, avec ses frappes sans déploiement au sol, glissées dans une conversation comme s’il s’agissait d’une décision de gestion parmi d’autres.

Une fois de plus, les mauvais esprits qui se souviennent de la phrase de Clausewitz : « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » se demandent quelle politique François Hollande veut-il continuer par la guerre ? Et là, un grand vide s’ouvre sous leurs pieds…

La guerre pour quelle politique ?

Je m’efforce de percer les mystères de la stratégie française dans le monde arabe, et singulièrement en Syrie ou dans ce qu’on appelait à une époque le Machrek. Sauf erreur de ma part, je n’y vois guère plus d’épaisseur que dans une note d’énarque à l’épreuve de diplomatie, au classement de sortie de l’école. En dehors des banalités qui s’échangent dans les dîners des beaux quartiers et qui tiennent lieu de pensée unique sous les lambris de la République (le cerveau de la technostructure ayant autant horreur du vide que du plein), on n’y voit guère d’ossature reposant sur une quelconque compréhension de la région ni sur une quelconque vision au-delà des trois mois qui suivent.

Au fond, tout se passe comme si Bernard Henri-Lévy était devenu le penseur officiel de la République. En dehors du leitmotiv : « bombardons Daesh et tous nos problèmes seront réglés », on peine à trouver un fil conducteur. Mais c’est peut-être cela l’apothéose de la nouvelle philosophie dont BHL fut l’un des hérauts : le recours à des baguettes magiques pour sublimer le réel. En digne pratiquant de cette pensée mystique, François Hollande ne dit pas autre chose. Survolons le territoire du Daesh, en y envoyant des bombinettes « quand nous serons prêts », et les problèmes se résoudront. Le terrorisme va disparaître, les réfugiés vont arrêter de traverser la Méditerranée et la paix va revenir.

On comprend mieux pourquoi François Hollande est allé inaugurer, l’après-midi, l’exposition consacrée à Osiris (Dieu égyptien qui retrouve son unité après avoir été démantelé) à l’Institut du Monde Arabe, le fromage qu’il avait déposé dans le bec de Jack Lang début 2013. Sa pensée diplomatique n’est plus compréhensible par les profanes : elle puise directement dans les profondeurs de la spiritualité orientale, et seuls quelques égyptologues peuvent désormais prétendre comprendre la politique étrangère de la France dans le monde arabe.

La guerre aérienne comme degré zéro de la diplomatie

Que l’intervention aérienne de la France soit totalement inutile ne fait évidemment de doute pour personne, même pour les plus pacifistes ou les moins connaisseurs du fait militaire. Le largage de bombes au-dessus d’un territoire n’a jamais permis de régler la moindre question politique au sol et il faut une culture historique médiocre pour savoir que tous ceux qui ont prétendu le contraire avaient des buts inavouables à cacher.

L’un des pionniers du règlement politique par la guerre aérienne fut, par exemple, Hermann Göring, selon qui l’Angleterre pourrait être mise à genoux grâce à d’intenses bombardements sur Londres. La suite prouva le caractère très aléatoire de cette affirmation. Inversement, les Alliés soutinrent eux-mêmes, au nom de la théorie des bombardements stratégiques, qu’ils pourraient mettre l’Allemagne à genoux en déversant des bombes sur ses villes, à défaut de pouvoir débarquer sur les côtes normandes. Les résultats de cette politique furent très discutables…

S’agissant d’une insurrection contre l’armée régulière de Bachar el-Assad, on voit mal comment la politique de bombardement pourrait porter plus de fruits que les échecs retentissants engrangés depuis des décennies sur le même sujet. Il est évident que si notre politique au Proche-Orient se limite (si l’on ose dire) à l’ambition de se débarrasser de Daesh sans construire aucun régime durable fondé sur un État solide, seule une intervention au sol est susceptible d’atteindre le but que nous nous sommes fixés.

C’est ce qu’on appelle couramment le degré zéro de la diplomatie qui, comme son nom l’indique, ne devrait produire aucun résultat tangible.

La guerre comme continuation du bordel français

guerre syrie rené le honzecMais, bien entendu, la question de la survie ou non de Daesh, nous l’avons bien compris, n’est qu’un élément accidentel de la politique française, un prétexte, une sorte d’emballage tonitruant qui dissimule la sucette acidulée à laquelle il va falloir se coller. On ne bombarde pas dans l’intérêt des migrants, ni même pour combattre le terrorisme, on bombarde pour mettre l’opinion française sous tension et la pousser à aimer un Président de la République à la ramasse, mais candidat à sa propre réélection.

François Hollande compte évidemment sur deux ficelles pour promouvoir sa cause.

Première ficelle, l’image quasi-puérile du héros de guerre que les Français aiment parce que c’est la guerre, parce qu’il la gagne, et parce que cela nous donnera un beau défilé du 14 juillet. Les Français l’aimeront comme ils ont aimé Bonaparte vainqueur d’Austerlitz. Bon, d’accord, on ne va quand même pas faire une vraie guerre avec des vrais soldats, mais après tout il ne s’agit pas de devenir un dictateur qui soumet son trône au plébiscite. Ses ambitions sont plus modestes : une toute petite guerre pour gagner quelques points au premier tour, histoire de ne pas être annihilé par Marine Le Pen dès les premières longueurs. Une mini-guerre, en quelque sorte, pour un mini-héroïsme et un mini-score.

Deuxième ficelle : pas de zizanie en temps de guerre. Pendant que nos pilotes mettent leur vie en jeu, la France doit rester unie. La méthode fonctionne toujours, on ne critique pas un Président qui conduit les armées en mouvement, etc. La technique est bien connue, et elle garantit sa part de succès. À défaut de susciter l’enthousiasme, elle neutralise les critiques de l’opposition qui ne veut pas apparaître comme « traîtresse ».

Au fond, la guerre en Syrie a exactement la même fonction que la guerre au Mali ou en Centrafrique : une fonction immédiate d’intervention militaire, et une fonction durable de remontée dans les sondages.

Il faudrait commencer à comptabiliser le coût exact de la candidature de Hollande en 2017.

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  • Il faut en effet commencer à comptabiliser le coût de la candidature de François Hollande … en nombre de morts.

  • Hollande va comprendre le retour du bâton dans quelques temps.

    • Si vous parlez des islamistes ces gens la sont de toutes façon décidés à nous nuire. La seule chose que l’on peut changer c’est notre classement dans leur liste de priorités. Puis d’une certaine façon ne pas être aimé des islamistes et un signe que l’on mène une bonne politique étrangère.

  • L’expérience du Mali et de la Centrafrique montre d’ailleurs toute l’efficacité de la méthode. Mais plus ça rate, plus ça a de chances de marcher, non…?

  • Excellent article.

    Le capitaine de rétro-pédalo tente de se transformer en capitaine de turbo-pédalo décoiffant ❗

    Passera-t-il au second tours? Tel semble être l’enjeu de cette mascarade.

  • Il y a une grosse différence entre les bombardements de villes en 1945 et le bombardement d’ un désert en 2015……Je fais confiance aux islamistes pour utiliser des boucliers humains et innonder d’horreurs les médias occidentaux. En 1945 ceux qui bombardaient les villes savaient qu’ ils massacraient des civils et celà ne choquait pas grand monde……En 2015 tuer des civils est devenus interdit.

    • +1

      Le Hamas et le groupe le plus connu pour ce genre de techniques et ça marche incroyablement bien. Autant sur les populations touchées ou ils arrivent à maintenir leur popularité qu’a l’internationale ou ils arrivent à faire passer le pays le plus respectueux des civils ennemis pour un pays cruel.

      • « à faire passer le pays le plus respectueux des civils ennemis pour un pays cruel »

        J’ai toujours trouvé cette assertion ridicule. Les Israéliens ne sont ni pires ni meilleurs que les autres.

        Répondre à la propagande est une insulte à l’intelligence. Non seulement vous ne convaincrez pas les propagandistes de l’autre camp mais, de surcroit, vous ne réussirez qu’à vous y faire assimiler par les gens neutres.

        Avez-vous des études objectives sur la question ? Sinon, abstenez-vous de ce genre de commentaire ridicule.

        • http://www.weeklystandard.com/articles/attorneys-war_964911.html

          Sans parler du fait qu’Israël soigne ses ennemis, leur offre l’électricité (Gaza doit 200 millions à Israël), l’eau…

          • Votre article, après une lecture en diagonale, démontre seulement qu’Israel agit de manière à limiter les pertes civils. Ceci est évident pour n’importe quel observateur neutre.

            Or, vous nous dites qu’Israel est « le pays le plus respectueux des civils ennemis ». Cela sous-entend une comparaison. Pouvez vous fournir une source neutre et fiable, de préférence une étude comparative méthodologiquement valable, qui aille dans le sens qu’Israel se comporte mieux que les autres ?

            Les israéliens ne sont ni pires ni meilleurs que les autres. Il est autant ridicule de les présenter comme des démons que de les élever au rang de saints.

            Mon propos est que, plutôt que de sortir des « armée la plus morale du monde », contentez-vous de dire : « une armée faisant preuve d’un sens moral élevé ». Et, là, vous pourrez ressortir votre article puisqu’il corroborera vos propos.

  • Et pour nous consoler Daech affirme qu’il nous envoie en cadeau des milliers de terroristes parmi les migrants victimes de l’affreux Bachar. ? Cazeneuve rappelle alors très opportunément la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon laquelle « quiconque est persécuté doit pouvoir être accueilli ». « Quelles que soient leurs religions, leurs histoires », ajoute- t-il. Ah chouette alors, nous voilà rassurés. Au diable les discriminations funestes ! Quand on pense qu’il y en a encore qui osent dire qu’ils préféreraient accueillir des chrétiens sous le prétexte fallacieux que l’affreux Bachar osait les protéger contre Daech, et parce ce qu’ eux « ne décapitent pas leur patron » ! Moi, les « valeurs morales » des politiciens je n’y comprends plus rien…

  • Bravo pour et article. Dorénavant, toutes les décisions prises, l’absence de décisions (surtout) et les propos sur les décisions à prendre (et qu’on ne prendra pas) sont à lire suivant l’unique filtre de la candidature en 2017 de l’actuel locataire de l’Élysée.

  • Juste une toute petite chose de rien du tout qui devrait quand même faire tilt dans les esprits.

    Les pays européens, dont certains font partie de l’OTAN (un petit peu quand même), ont décidé de ne pas agir.
    Lacheté ou pur pragmatisme?

    Tirer un missile air-sol coûte au bas mot plus de 250 000 euros.
    Chaque Rafale peut transporter au minimum 4 de ces machins. Je vous laisse faire le calcul sur une flotte.
    http://www.usinenouvelle.com/article/aasm-l-arme-fatale-francaise-en-libye.N148778

    Alors on peut dire la France est un pays qui historiquement possède l’une des plus grandes armées au monde, qu’elle permet par son budget conséquent une force de déploiement et de projection de qualité. Mais la réalité c’est que ça coûte cher.

    Vouloir intervenir quand on a pas trop les moyens financiers, c’est un peu risqué. Alors on peut essayer de répartir la charge en demandant aux pays amis de donner un petit coup de main. Mais même cette aide a ses limites.

    Car la guerre, ça coûte vraiment trop trop cher.
    Mais pas en France! Après tout c’est l’Etat qui paie…

  • Les bombardements sont censés aider les milices et les armées qui combattent Daesh au sol. Toute votre prose autour de son inutilité est, donc, à revoir. Je vous propose de retourner à votre Histoire et, notamment, de vous renseigner sur les conséquences militaires qu’apporte une suprématie aérienne.

    Il ne s’agît pas d’une simple campagne de seuls bombardements comme celle de Clinton en Irak. Il s’agît d’exploiter la principale faiblesse de Daesh : son absence de soutien aérien.

    • Les milices et les armées au sol ? Lesquelles ? Al-Qaïda ? L’armée syrienne ? Megalol

      Tout ça n’est qu’une opération d’enfumage pour se faire mousser à peu de frais en tant que caniche d’Obama et représentant de commerce de Dassault Aviation, rien d’autre.

      • Que les ennemis de Daesh ne soient pas nos amis est un autre propos. Que les bombardements fassent partis d’une stratégie qui ne vous convient pas en est encore un autre.

        Quand vous aurez fini de Megarire, peut-être pourrez-vous reconnaitre la vacuité de votre second paragraphe ?

        • Je continue à mégarire en lisant votre message. De quelle stratégie parlez-vous ? Vous avez lu l’article ? Si vous arrivez à discerner une stratégie au Moyen-Orient chez Hollande, vous devez avoir des super-pouvoirs.

          Si vous vous souvenez, Hollande et Fafa trépignaient de frapper la Syrie juste après qu’Assad ait été accusé d’avoir gazé sa population. Aujourd’hui, le duo comique socialiste a des scrupules à y envoyer des missions de reconnaissance. Où est la cohérence ?

          • L’auteur base tout son argumentaire sur le fait que les frappes aériennes seraient non concertées. Cela est faux, et je l’ai démontré.

            La stratégie semble être de frapper Daesh à tout prix, qui semble être l’organisme le plus dangereux du coin, y compris en s’alliant à des groupes peu recommandables. L’idée est : « Nous nous occupons des frappes aériennes, ils s’occupent du sol ».

            De vous à moi : je me fous royalement d’Hollande et de Fabius. Je me contente de souligner les énormités dans votre prose et dans cette suite de mots que vous appelez « article ».

            Il y a une stratégie. Va-t-elle dans l’intérêt du pays ? C’est une autre question. Toujours est-il que, militairement parlant, cette stratégie tient plutôt bien la route.

  • il peut faire la roue, se rouler par terre :il n’aura pas ma voix en 2017. Et vivement les régionales…

  • Syrie : les frappes françaises, outil de communication politique

    Elles ont eu lieu très opportunément au moment où le président Hollande arrivait à New-York pour l’Assemblée générale des Nations Unies.: http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/syrie-frappes-francaises-outil-communication-politique-28510?utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter

  • Petite remarque à ceux qui disent que les Syriens venant en Europe fuient l’EI, 95% des civils syriens tués le sont par le régime Assad et 2,7% par Daesh, sauf que Daesh fait des vidéos et la promo de ses exactions, Assad s’en garde bien. Les syriens fuient d’abord le régime Assad.

    L’armée a française n’a pas les ressources pour neutraliser l’EI. Donc Hollande surfe sur l’opinion publique et enverra quelques bombinettes en Syrie aussi coûteuses qu’inutile.

    La plupart des experts s’accordent sur l’inutilité des bombardements en Syrie. On ne gagne pas une guerre juste avec des bombardements

    http://aboudjaffar.blog.lemonde.fr/2015/09/07/grappin/#xtor=RSS-32280322

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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