Autonomie et responsabilisation améliorent les résultats scolaires

Deux pistes dont le succès est mis en évidence par plusieurs études internationales.

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Autonomie et responsabilisation améliorent les résultats scolaires

Publié le 1 septembre 2015
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Par Mathieu Bédard.

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Bonnet d’âne-Musée national de l’Education(CC BY-NC-ND 2.0)

Plusieurs facteurs, comme la qualité de l’enseignement, la formation des enseignants et les outils pédagogiques à leur disposition, peuvent influencer les résultats scolaires des élèves du secondaire. Deux facteurs moins souvent considérés sont ceux de l’autonomie pédagogique et de la responsabilisation des enseignants et des directeurs d’écoles.

Par autonomie pédagogique, il est entendu la possibilité pour les enseignants et les directeurs d’école de décider eux-mêmes du matériel éducatif utilisé dans leurs classes et leurs écoles. Une telle autonomie permet aux écoles d’offrir une diversité de cours et de programmes, d’innover sur le plan des méthodes d’enseignement et de mieux s’adapter aux besoins spécifiques de leurs élèves. Elle s’oppose à la vision d’un système d’éducation centralisé où les contenus et méthodes d’enseignement sont entièrement déterminés par le ministère de l’Éducation et sont les mêmes pour tous.

La responsabilisation des enseignants et des directeurs d’école signifie quant à elle qu’on peut comparer leur performance à celle d’autres enseignants et d’autres écoles et que ces résultats sont récompensés ou sanctionnés. Les enseignants et directeurs sont ainsi incités à ajuster leur pédagogie pour améliorer les résultats.

Selon de nombreuses études internationales, lorsque ces deux principes sont appliqués conjointement, ils deviennent des facteurs clés dans l’atteinte de bons résultats scolaires au secondaire1. Ils permettent en effet de récolter les fruits de ce que le fondateur de plusieurs écoles en France appelle une éducation où « chaque directeur et chaque professeur [ont] les moyens de donner le meilleur d’eux-mêmes »2.

 

Les comparaisons internationales

Les niveaux d’autonomie pédagogique varient beaucoup d’un pays à l’autre. Les évaluations PISA3de l’OCDE réalisées tous les trois ans évaluent cette autonomie ainsi que les compétences des élèves de 15 ans dans les matières principales à travers 65 pays. Selon le plus récent classement, le Japon, la Thaïlande, les Pays-Bas, Hong Kong et le Royaume-Uni sont les endroits où on laisse le plus d’autonomie pédagogique aux enseignants et aux directeurs d’école4. Par exemple, au Japon, les écoles rapportent que les enseignants et/ou les directeurs choisissent seuls :

  • les politiques d’évaluation des élèves dans 98 % des cas ;
  • les livres et manuels à utiliser dans 89 % des cas ;
  • le contenu des cours dans 89 % des cas ;
  • les cours qui sont offerts dans leurs écoles dans 90 % des cas.

 

Cette autonomie pédagogique diffère énormément de celle que connaissent les pays en queue de ce classement, comme la Turquie ou la Grèce. Dans ce dernier pays, seulement 29 % des enseignants et directeurs choisissent seuls les façons d’évaluer les élèves, 5 % choisissent seuls les manuels, 2 % choisissent seuls le contenu des cours, et 4 % choisissent seuls quels cours sont offerts5.

Les études internationales révèlent que lorsque plus d’autonomie pédagogique est laissée aux enseignants et aux directeurs d’écoles, les élèves ont généralement de meilleures notes, et ces résultats sont valables même lorsqu’on prend en compte les différences de niveaux de vie6. La droite de tendance de la Figure 1 illustre le fait que l’autonomie est corrélée positivement avec les bons résultats dans les tests internationaux.

Certaines conditions sont nécessaires pour que l’autonomie pédagogique entraîne une amélioration des performances scolaires.

En premier lieu, ces avantages de l’autonomie se concrétisent uniquement dans les systèmes qui obtiennent déjà de relativement bons résultats7, comme c’est le cas au Canada. Dans les pays où le système scolaire est peu performant au départ, comme au Pérou, en Indonésie ou au Qatar, plus d’autonomie n’améliorerait pas nécessairement les choses.

En second lieu il faut également que les enseignants et la direction des écoles soient responsabilisés par rapport à leurs décisions8. Dans les systèmes scolaires moins responsabilisés, davantage d’autonomie pédagogique pourrait se retourner contre les élèves et mener à de moins bons résultats lorsqu’il n’y a aucun moyen de sanctionner les mauvais choix.

 

Les raisons du succès

Il y a plusieurs façons d’expliquer cet effet de l’autonomie pédagogique et de la responsabilisation sur les performances scolaires.

L’une des explications met l’accent sur le fait que des enseignants plus autonomes dans leur travail sont également plus heureux et tout simplement plus efficaces9.

L’autonomie pédagogique permet aussi d’enrichir l’offre et de fournir plusieurs modèles alternatifs aux élèves ayant des intérêts et des aptitudes variés et qui apprennent de différentes façons. Les talents de différents élèves peuvent être mieux révélés grâce aux différents programmes de concentration offerts dans les écoles privées ou publiques comme le sport, l’art, les sciences, l’éducation internationale, etc. Ce choix s’étend également aux institutions elles-mêmes grâce à l’existence d’écoles alternatives, d’écoles à pédagogie Waldorf ou Montessori, d’écoles unisexes, d’écoles confessionnelles, etc.

Cette diversification suppose de rester humble face à ce qu’on croit constituer une bonne éducation et permet donc de bénéficier des bonnes surprises que peut révéler l’innovation en matière d’enseignement. Lorsque des erreurs sont commises et de mauvaises pédagogies sont adoptées, comme c’est forcément parfois le cas dans tous les systèmes d’éducation, l’échec reste alors limité aux classes et écoles ayant adopté ces méthodes au lieu d’affecter tous les élèves. De plus, les enseignants peuvent réajuster leur pédagogie sans l’aval du gouvernement et, à cause du contexte de responsabilisation, sont même incités à le faire. Les conséquences des erreurs pédagogiques sont alors réduites.

Pour retrouver les résultats de l’enquête sur le Canada et le Québec, cliquez ici.

 

Conclusion

L’expérience internationale montre que les résultats scolaires peuvent être améliorés par une plus grande autonomie pédagogique.

Pour bénéficier des avantages de cette autonomie, l’environnement dans lequel les enseignants et les directeurs d’école évoluent doit leur laisser assez de latitude pour expérimenter tout en sanctionnant ou récompensant les conséquences de leurs décisions. Il s’agit de changements qui ne coûteraient rien à l’État mais qui entraîneraient de meilleures performances scolaires et permettraient de mieux adapter l’offre éducative à la diversité des besoins et aptitudes des élèves.

Sur le web

  1. Thomas Fuchs et Ludger Wößmann, « What Accounts for International Differences in Student Performance ? A Re-examination Using PISA Data », Empirical Economics, vol. 32, no 2-3, mai 2007, p. 433-464; Ludger Wößmann, « The Effect Heterogeneity of Central Examinations: Evidence from TIMSS, TIMSS-Repeat and PISA », Education Economics, vol. 13, no 2, juin 2005, p. 143-169 ; Ludger Wößmann, « International Evidence on School Competition, Autonomy, and Accountability: A Review », Peabody Journal of Education, vol. 82, no 2-3, 2007, p. 473-497 ; Eric A. Hanushek, Susanne Link, et Ludger Wößmann, « Does School Autonomy Make Sense Everywhere ? Panel Estimates from PISA », Journal of Development Economics, vol. 104, septembre 2013, p. 212–232 ; Anders Böhlmark et Mikael Lindahl, « Independent Schools and Long-run Educational Outcomes: Evidence from Sweden’s Large-scale Voucher Reform », Economica, vol. 82, no 327, juillet 2015, p. 508-551 ; Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), « Autonomie et responsabilisation des établissements d’enseignement : quel impact sur la performance des élèves ? », PISA à la loupe, no. 9, octobre 2011 ; OCDE, Résultats du PISA 2012 : Les clés de la réussite des établissements d’enseignement, vol. 4, 2014.
  2. Irène Inchauspé, « Éric Mestrallet : le système unique d’éducation imposé d’en haut n’est plus adapté à la réalité », L’opinion, 25 juin 2015.
  3. « Programme for International Student Assessment », ou Programme international pour le suivi des acquis des élèves.
  4. OCDE, Résultats du PISA 2012 : Les clés de la réussite des établissements d’enseignement, vol. 4, 2014, p. 142.
  5. Idem.
  6. Ibid., p. 46.
  7. Éric A. Hanushek, Susanne Link, et Ludger Wößmann, « Does School Autonomy Make Sense Everywhere ? Panel Estimates from PISA », Journal of Development Economics, vol. 104, septembre 2013, p. 212–232.
  8. OCDE, « Autonomie et responsabilisation des établissements d’enseignement : quel impact sur la performance des élèves ? », PISA à la loupe, no. 9, octobre 2011 ; OCDE, op. cit., note 4, p. 139.
  9. Charlie Naylor, « BC Teachers Talk about Satisfaction and Stress in Their Work: A Qualitative Study », dans Charlie Naylor et Margaret White, The Worklife of BC Teachers in 2009: A BCTF Study of Working and Learning Conditions, BC Teachers’ Federation, octobre 2010, p. 4.
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  • ne surtout pas montrer cet article aux services de l’éducation national française, vous seriez brulé comme un hérétique.

  • Entièrement d’accord avec l’article mais j’y ajouterais un élément (qui va avec la responsabilisation) la liberté des parents dans le choix de leur école.

  • mouais … un statisticien qui regarde le nuage de points de la figure 1 serait consterné par la conclusion « Autonomie et responsabilisation améliorent les résultats scolaires »
    La dispersion est terrible, et la courbe est affreusement plate. Elle ne « monte » un tout petit peu que du fait d’un vide relatif dans le cadran « mauvais résultats / autonomie faible positive »

    La conclusion que cela suggère (et seulement « suggère », pas « prouve »), c’est que l’autonomie empêche d’en avoir des trop résultats mauvais. C’est assez logique, on peut supposer que le système défendra plus volontiers des mauvais (établissements/prof/méthode) qu’il contrôle, que des mauvais autonomes.

  • Reprenons les 4 points de l’auteur et analysons la pratique en France :

    – politique d’évaluation : seule l’évaluation finale est strictement normée; au quotidien, un prof dispose d’une très large autonomie pour évaluer ses élèves et souvent il en use comme d’un outil de motivation.

    – livres et manuels : c’est le choix du prof, du moins j’ai toujours choisi les miens librement.

    – contenu des cours : avec une inspection tous les 5 ans, voire plus, le prof fait ce qu’il veut dans sa classe et personne ne lui dit rien tant que les résultats aux examens restent dans la norme;

    – les cours qui sont offerts : là c’est différent; c’est le chef d’établissement qui décide et sa liberté est minimale. Pas de choix des matières et des horaires personnalisables seulement à la marge.

    A mon humble avis, ce calcul d’un « indice d’autonomie pédagogique » est très flou, trop pour une analyse pertinente.

  • Tout ce texte me paraît bien surprenant.

    En effet, l’auteur semble s’appuyer sur des études statistiques pour établir ce que tout le monde sait depuis des milliers d’années.

    En effet, depuis que l’enseignement existe, on sait qu’un enseignant ne peut enseigner que ce qu’il sait. Et il ne peut y arriver qu’en pratiquant une méthode pédagogique qu’il maîtrise.
    Nul ne peut être efficace si on lui demande d’enseigner une matière qu’il ne connaît pas, ou selon une méthode pédagogique qu’il ne connaît pas.

    En outre, depuis la nuit des temps, l’enseignement a toujours été une relation personnelle entre un maître et un élève.

    C’est précisément pour cette raison que l’adage dit que «l’élève dépasse le maître»: Un maître (latin : magister) ne peut être efficace que s’il se comporte en maître (latin : dominus). Et, dans ce cas, il sera suffisamment efficace pour que son élève parvienne à le dépasser, ce qui permettra le progrès des connaissances.

    Il s’ensuit qu’un enseignement organisé par l’État est nécessairement d’une qualité extrêmement mauvaise.

    • « En effet, l’auteur semble s’appuyer sur des études statistiques pour établir ce que tout le monde sait depuis des milliers d’années. »
      Exactement et c’est pareil dans tous les domaines.

      « En effet, depuis que l’enseignement existe, on sait qu’un enseignant ne peut enseigner que ce qu’il sait. Et il ne peut y arriver qu’en pratiquant une méthode pédagogique qu’il maîtrise. »
      Le monde de l’entreprise en France réagit de la même manière, déresponsabilisation et privation d’autonomie sont la norme; surtout ne jamais prendre d’initiative, c’est mal vu !

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