Université PS de La Rochelle : la question qui fâche

Qu’est-ce qui déchire la gauche jusqu’à la polariser à l’extrême ?

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Emmanuel_Macron (Crédits : Gouvernement français, licence Creative Commons CC BY SA 3.0)

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Université PS de La Rochelle : la question qui fâche

Publié le 29 août 2015
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Qu’est-ce qui déchire la gauche jusqu’à la polariser à l’extrême ?

Par Frédéric Mas.

Emmanuel_Macron (Crédits : Gouvernement français, licence Creative Commons CC BY SA 3.0)
Emmanuel_Macron (Crédits : Gouvernement français, licence Creative Commons CC BY SA 3.0)

Le spectacle offert par la gauche social-démocrate et son allié écologiste depuis l’ouverture hier de l’université d’été du PS est à la fois fascinant et consternant. Les conflits d’intérêts et les ruptures idéologiques semblent dominer le débat interne sans que l’observateur extérieur ne puisse réellement trouver de fil directeur entre les différentes voix qui se font entendre. La dégringolade continue du chef de l’État dans les sondages semble depuis maintenant quelques mois avoir lancé le sauve-qui-peut général au sein des barons du parti – le dernier en date étant celui de Rebsamen, pressé de retrouver Dijon après son passage inutile au gouvernement – ce qui n’est pas sans plomber l’ambiance générale d’un rassemblement qui se devait d’être à l’origine festif. Quelques jours avant La Rochelle, Arnaud Montebourg, qui n’a pas vraiment brillé au sein du gouvernement par sa compétence, apparaît auprès de Yanis Varoufakis, l’ex-ministre d’une Grèce en banqueroute essentiellement à cause de sa nomenklatura socialiste.

Alors qu’Emmanuel Macron critique timidement la loi sur les 35 heures, la gauche du PS proteste. Invitée vendredi après-midi à La Rochelle, Emmanuelle Cosse voit sa formation politique écologique se vider de deux de ses lieutenants, François de Rugy et Jean-Vincent Placé, mettant au passage en péril la survie du groupe EELV au sénat. Les alliés du PS se portent aussi mal que le PS lui-même, et les écologistes subissent le même sort que les communistes deux décennies auparavant. Ils ne seront bientôt plus qu’un « astre mort », pour reprendre l’expression de Jean-Vincent Placé, à la remorque d’un parti socialiste élargi, mais sans unité profonde.

Mais qu’est-ce qui déchire la gauche aujourd’hui jusqu’à la polariser à l’extrême ? Encore et toujours, depuis maintenant plus de 30 ans, c’est l’économie. Depuis les années Mitterrand et l’accession de la gauche au pouvoir, la gauche française est tiraillée entre son aile la plus idéologique, qui veut la rupture avec le capitalisme, et son aile pragmatique, qui reconnaît que l’économie répond à des lois qui lui sont propres. La première se pense comme la seule légitime, la seconde, un peu honteuse, et finalement plutôt d’accord avec la gauche de la gauche, a tendance à enterrer la question sous les questions de société.

« Rupture avec le capitalisme »

Depuis maintenant plus d’une décennie, certains idéologues à la gauche de la gauche se sont mis en tête de relire l’histoire récente du parti socialiste pour la rendre compatible avec leur propre vision de la marche du monde : celui-ci aurait basculé « à droite » dès 1984 et l’arrivée de Pierre Bérégovoy au ministère de l’Économie et des finances. Ayant renoncé à la mise en place d’un programme fondé sur la planification, les nationalisations et le dirigisme économique, le parti socialiste aurait délibérément choisi de libéraliser la finance et d’embrasser le grand méchant marché.

Si cette vision binaire ne correspond pas vraiment à la réalité – mais les idéologues se soucient-ils de la réalité ? – elle témoigne du malaise socialiste devant l’économie : le simple fait de prendre la discipline au sérieux apparaît comme une trahison et un pas vers le « capitalisme ». Ici, le terme « capitalisme » joue pleinement son rôle d’anti-concept, et renvoie à la résistance de cette économie, incapable de se plier aux desiderata d’une idéologie qui fait de la Politique, et de son bras armé l’État, l’outil central, efficace, omniscient et omnipotent pour transformer la société en paradis égalitaire. Peu importe que les amendements aux dogmes d’une gauche encore marquée par le marxisme se fassent au nom d’un keynésianisme nouvelle formule, en cherchant à préserver l’économie mixte ou au nom d’un État fort sans être envahissant : la reconnaissance de l’existence d’un marché qui ne dépende pas du bon vouloir de la puissance publique est vécue comme un affront permanent.

Le fétichisme des 35 heures

La gauche de la gauche, celle qui prétend soumettre l’économie à la politique, s’est étiolée en gauche morale, et chacun de ses moments de triomphe a pris un caractère sacré. Quand Martine Aubry défend sa loi sur les 35 heures, son passage en force se fait en s’inscrivant dans le storytelling identitaire socialiste : la réduction du temps de travail est un cadeau fait aux classes populaires, elle s’inscrit dans la Grande Marche de l’Histoire et du Progrès au même titre que les réformes de 1936. C’est une mesure de gauche, même et surtout aux yeux de celle la plus pure, celle qui se trouve à la gauche de la gauche.

Elle n’a pas de fondements sérieux dans le domaine économique. Toute critique de la loi sur les 35 heures devient un blasphème réactionnaire. Peu importe si elle pénalise les classes moyennes et populaires, si seules les grosses entreprises peuvent en supporter le coût, si elle a augmenté le coût du travail en France jusqu’à rendre nos concurrents, en particulier l’Allemagne, plus compétitifs. Revenir dessus, ce serait admettre que le politique ne peut pas tout, et que le « capitalisme » fonctionne selon des règles indépendantes des lubies des politique (et de leurs clientèles). Emmanuel Macron vient d’en faire les frais, il a du faire acte de contrition devant les militants PS.

L’exemple de la crise grecque

L’incapacité socialiste à penser l’économie s’est révélée avec force à travers la crise grecque : François Hollande s’est contenté d’être spectateur des négociations entre l’Allemagne et la Grèce, alors que l’extrême gauche en France, derrière un Mélenchon remonté comme une horloge, prenait fait et cause pour un gouvernement Tsipras ripoliné « victime » de la rapacité de ses créanciers. Personne ne semble se souvenir des années de gouvernement du Pasok, de son clientélisme financé par les marchés grâce à son adhésion frauduleuse à la zone euro, et de l’ardoise laissée par des dirigeants sans scrupules qui ont acheté les votes d’une population avec un argent qu’ils n’avaient pas. Comme toujours, comme la gauche idéologique est incapable de se remettre en question, elle désigne des ennemis imaginaires pour se dédouaner : hier les 200 familles, aujourd’hui l’Allemagne, les créanciers, l’ordolibéralisme européen. Comme toujours, la gauche pragmatique fait profil bas, et oscille entre l’attentisme et le réformisme en catimini.

Peut-être un jour, ces questions seront abordées au sein d’une université d’été, d’une fête de la rose ou d’un congrès de rentrée du PS. Malheureusement, pas cette année.

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  • La question que le PS doit se poser =. Pourquoi se présenter en 2017 ? Et pour quoi faire si par accident le PS conserve la majorité?

  • « Personne ne semble se souvenir des années de gouvernement du Pasok, de son clientélisme financé par les marchés grâce à son adhésion frauduleuse à la zone euro, et de l’ardoise laissée par des dirigeants sans scrupules qui ont acheté les votes d’une population avec un argent qu’ils n’avaient pas. »

    En est-il autrement en France ? De l’extrême gauche au FN toute la classe des politicards rêve de mettre ses sales pattes dans l’économie. Pour la faire marcher ?
    Non ! car ils ne pigent que dalle, mais sûrement pour s’en mettre plein les poches et rester aux affaires en payant leur clientèle à coup de dettes.

  • Le socialisme détruit tout ce qu’il touche, y compris le socialisme lui même.

    C’est le constat que se refusent à faire les membres du PS car ils seraient alors obligés de remettre en question tous leurs concepts. Le PS ne peut survivre que s’il existe un parti libéral dirigeant le pays en alternance pour corriger ses abus et renflouer les caisses. Les autres partis étant eux mêmes de plus en plus étatistes et ayant vidé les caisses, les socialistes sont frustrés de ne pouvoir marquer leur passage autrement que par des lois sociétales mal fagotées et sans réelle utilité.

    D’une façon ou d’une autre, cela pourrait sonner le glas pour leur parti. Mais malheureusement pas de l’étatisme et du clientélisme.

    • La classification droite-gauche est difficile à distinguer pour l’UMP, PS,et même parfois FN.
      Verts et Front de gauche, restant clairement de gauche .
      En effet, on trouve de partout des variantes:
      plus ou moins collectivistes
      plus ou moins souverainistes/europhiles
      Plus ou moins keynésiens (dans le sens: dépensons l’argent qu’on n’a pas, c’est bon pour la relance…et le clientèlisme)
      plus ou moins sécuritaires
      plus ou moins égalitaires
      plus ou moins gay friendly…

      Mais, globalement, la mentalité état providence qui doit s’occuper personnellement de tout est assez generale, même si pour certains l’état doit déléguer à des petites sous divisions locales (regions, departements, metropoles,…), ce qui est parfois pire.

  • « la gauche pragmatique fait profil bas »
    La gauche « pragmatique » c’est Les Républicains. Si vous enlevez le dogme, les socialistes deviennent des sociaux démocrates comme les autres. Macron pourrait être tout aussi bien Républicain.

    Le socialisme est une croyance qui a encore beaucoup d’adeptes. Le rôle (et l’interet) de la nomenclature de ce parti est de la maintenir vivante, faute de disparaître en même temps qu’elle.

  • Placé le fait pour la France ! Ce n’est pas du tout le genre de politicien à se dire pour sa carrière : si je n’y vais pas maintenant ; je risque de ne jamais être ministre de toute ma vie.

  • De fait, la véritable question qui fâche c’est: pourquoi le gouvernement se montre incapable d’initier « la croissance ».
    Une croissance qui diminuerait le taux de chômage,
    Une croissance qui permettrait de mieux alimenter les caisses de l’étatisme français,
    Une croissance qui permettrait de pérenniser le pouvoir des alliances politiques actuellement aux affaires.

  • Une étude CSA réalisée pour Les Echos, Radio Classique et l’Institut Montaigne, révèle ainsi que 71% des Français se disent favorables à ce que les entreprises puissent «fixer librement le temps de travail, par accord avec leurs salariés». En clair, près des trois quarts des sondés (1003 sondés interrogés début septembre) envisagent de renoncer aux 35 heures.
    Le plus cruel pour les partisans de la réduction du temps de travail issue des «lois Aubry» de 1998 et 2000, est que cette remise en cause s’exprime quelle que soit la couleur politique des sondés. Si les sympathisants de droite soutiennent sans surprise, à 83%, la possibilité d’un relâchement du temps de travail, la mesure recueille l’assentiment de 69% des sympathisants socialistes. L’idée passe même à un cheveu de recueillir la majorité (49%) chez les personnes se déclarant proches du Front de gauche. Même constat si l’on analyse les résultats en fonction de la catégorie socioprofessionnelles des personnes interrogées. 72% des employés et 73% des professions intermédiaires sont pour la remise en cause. Seuls les cadres sont un peu plus réticents, cette catégorie ayant finalement profité de la législation grâce aux «RTT» apportées par les lois Aubry. 58% d’entre eux se disent néanmoins pour une libéralisation du temps de travail.

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