Ouganda : quand les cycles électoraux plombent l’économie

Les cycles électoraux en Ouganda peuvent avoir tendance à compromettre la stabilité macro-économique.

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drapeau ouganda Matt Lucht(CC BY 2.0)

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Ouganda : quand les cycles électoraux plombent l’économie

Publié le 24 août 2015
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Par Enock Nyorekwa Twinobury 
Un article de Libre Afrique

drapeau ouganda Matt Lucht(CC BY 2.0)
drapeau ouganda Matt Lucht(CC BY 2.0)

Plusieurs rapports économiques soulignent un risque imminent pour la stabilité macro-économique, lié à l’élection de 2016. C’est ce que contient, en partie, la déclaration de politique monétaire de juillet (MPS), lorsque la Banque Centrale d’Ouganda a augmenté de 1,5 % son taux directeur, pour la troisième fois cette année, pour atteindre le taux de 14,5%, lequel est supérieur à l’augmentation antérieure de 1% en juin et celle de 1% datant d’avril. Notons qu’avant cela, le taux de la banque centrale avait été maintenu à 11% depuis juin 2014. Cela illustre les risques accrus liés aux élections à mesure que l’Ouganda se rapproche de l’échéance électorale.

La déclaration de politique monétaire souligne que la rapide dépréciation du taux de change lors du dernier mois est davantage le résultat de sentiments et de spéculation que des fondamentaux du marché. La base de ces spéculations à l’approche du prochain scrutin se constate à travers l’approbation du budget expansionniste pour l’année 2015/16 estimé à 24 trillions de shillings ougandais (UGX)  contre 15 trillions de UGX  l’année précédente. Il convient toutefois de noter que le budget qui devrait être dépensé en 2015/16 sera de l’ordre de 18,5 trillions UGX. Le reste sera affecté en grande partie au remboursement de la dette intérieure qui sera financée par un crédit de refinancement. Mais comme l’exige la loi sur la gestion des finances publiques de 2015, ce crédit devrait être affecté au budget et approuvé par le Parlement. En dépit de cela, le budget reste expansionniste et 47% du budget global est de nature récurrente.

Globalement, la MPS souligne les risques accrus d’inflation. C’est cohérent avec l’évolution économique de l’année en cours. Avec un taux directeur (CBR) à 14,5%, cela signifie que le taux de refinancement (taux auquel les banques commerciales empruntent à la banque centrale) sera de 18%, ce qui implique que les taux de prêt de base vont augmenter pour atteindre 25% et même plus, étant donné que la plupart des agences valorisent la prime de risque de crédit entre 4 et 5%. En date du 14 juillet 2015, le taux des emprunts interbancaires était de 22%. Ces taux de prêt en gros sont finalement distordus ; ils vont ralentir la distribution des crédits au secteur privé, évincer les investissements privés et pourraient accroître les perspectives de prêts en souffrance. Dans le cas extrême, il y aura une reproduction de la situation de 2011 où certaines banques ont cessé de prêter en shillings ougandais, avec comme conséquence la contraction de l’activité économique globale. En 2011/12, la croissance économique a chuté au plus bas en deux décennies en raison de la politique monétaire restrictive, puisque le CBR a été augmenté de 11% (juillet 2011) à 23% (de novembre 2011 à janvier 2012) en réponse à l’évolution des conditions économiques.

En examinant les cycles électoraux précédents on ne peut que constater qu’ils ont été économiquement coûteux pour l’Ouganda. Lors des années d’élection, on note trois chocs : le laxisme dans la perception des impôts, la pression pour augmenter les dépenses publiques, et la tendance amplifiée d’augmentation des dépenses. Les dernières élections en 2011 ont été accompagnées de dépenses exceptionnelles portant sur l’achat d’avions de chasse. Cela a conduit à une approbation rétrospective de budgets supplémentaires à une hauteur de 33% du budget initial. L’année budgétaire 2005/06 a également connu un budget supplémentaire de près de 10% du budget initial et ces rallonges budgétaires sont en grande partie récurrentes. En outre, la corruption perçue, et l’offre globale de monnaie a tendance à augmenter au cours de ces périodes.

En 2011, on a assisté à la rapide dépréciation du shilling ougandais due en partie à la diminution des investissements étrangers directs, et à la spéculation liée aux élections, lesquelles génèrent une expansion monétaire accrue. Comme mentionné précédemment, l’évolution du shilling ougandais a empiré cette année, enregistrant les trois plus bas niveaux records face au dollar (3000 UGX en mars, 3300 UGX en juin, et 3600 UGX en juillet). Cela s’est traduit par un coût en termes de réserves de change, comme cela a été le cas lors des échéances électorales précédentes, en particulier 2011. Ainsi, les réserves de change ont baissé de 6 mois d’importations, du milieu à la fin des années 2000, à une moyenne de 4 mois d’importations au cours des dernières quelques années.

L’inflation a tendance à augmenter au cours de ces cycles, et comme indiqué dans la déclaration de la politique monétaire, elle devrait augmenter de 8 à 10% l’année prochaine, soit un taux supérieur à l’objectif national de 5%. En 2011, elle a atteint son niveau le plus élevé en 20 ans, soit  30%. Théoriquement la hausse de l’inflation tend à augmenter l’indice de la misère (taux d’inflation plus taux de chômage), ce qui limite la croissance et augmente les niveaux de pauvreté.

Les effets économiques associés sont souvent accompagnés par des politiques restrictives correctives. Souvent la politique monétaire essaye d’éponger l’excès de liquidités largement créé par la politique budgétaire. Les effets décalés ont tendance à durer plus longtemps, comme démontré par la croissance modérée du crédit au secteur privé et les taux de croissance en dessous de son potentiel depuis 2011. Les statistiques récentes de l’UBOS montrent que le PIB de l’Ouganda a crû à 5% en 2014/15 comparativement au 4,6% en 2013/14. Ces taux sont en fait en dessous à la fois des performances de nos homologues régionaux et de la moyenne des deux dernières décennies (entre 6 et 7%).

En conclusion, les cycles électoraux en Ouganda ont eu tendance à compromettre la stabilité macro-économique. La performance de notre économie dans les prochaines années dépendra à la fois de la politique nationale et des facteurs exogènes comme le renforcement du dollar.

Article initialement publié en anglais par African executive – Traduction par Libre Afrique.

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