États-Unis : toujours plus de centralisation ?

La Cour Suprême impose aux États des lois dont ils ne veulent pas.

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États-Unis : toujours plus de centralisation ?

Publié le 4 août 2015
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Par Jacques Garello.

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Barack Obama n’a pas caché sa joie : une décision « historique » de la Cour Suprême vendredi dernier va imposer à quatorze États de l’Union l’obligation de célébrer et reconnaître le mariage homosexuel. À cette occasion, on peut se demander ce qui reste du fédéralisme : que reste-t-il de ces États qui se sont Unis ?

Dès leur origine, les États-Unis ont été confrontés à une série de choix institutionnels très bien présentés par le professeur Jean-Philippe Feldman : fédération ou confédération ? Droit de sécession ou droit d’annulation, ou droit de résistance ? La guerre de Sécession, les théories de Calhoun, la position de la Caroline du Sud, ont fait rebondir la discussion mais avec Lincoln, l’idée de l’Union s’est imposée en apparence, sans toutefois convaincre tout le peuple américain, très attaché aux droits individuels, très méfiant à l’égard des pouvoirs concentrés. Comme l’avait fait remarquer Bastiat, c’est à propos de l’esclavagisme et du protectionnisme que les discussions et les conflits ont été les plus âpres, puisque c’est la liberté et la propriété qui étaient en cause.

Voilà un demi-siècle environ que James Buchanan, prix Nobel, s’élevait contre la dérive constitutionnelle qui transformait un pays réputé « fédéral » en une République jacobine. Une Amérique dirigée par Washington, sans plus aucune autonomie ni concurrence institutionnelle pour les cinquante États membres. Au siècle dernier, la poussée centralisatrice était allée à son sommet avec le New Deal de Roosevelt. Mais une fois la question de l’esclavage réglée, la centralisation était cantonnée au domaine économique.

Pour l’essentiel, la législation civile et pénale n’était pas concernée, surtout en ce qui concernait le droit des personnes. De rudes batailles ont été menées depuis cinquante ans autour de la peine de mort, de l’avortement, mais la tradition constitutionnelle (ou réputée telle) avait limité l’extension des pouvoirs du Congrès et de l’administration fédérale.

Mais qui veillait à cette tradition ? Les juges de la Cour Suprême des États-Unis. Depuis Roosevelt un calcul savant permettait de pronostiquer la tendance de la Cour en fonction de la nomination des juges, qui appartient au Président avec l’accord du Sénat. Sur les neuf juges de la Cour Suprême, la majorité est restée de justesse dans le camp « conservateur » (nominations républicaines) mais tout a basculé quand deux juges décédés ont été remplacés par Obama : deux femmes, Sonia Sotomayor et Elena Kagan. Jeunes et récemment élues, elles assureront sans doute pour une longue période la suprématie de la tendance « libérale » (au sens américain de progressiste). En face Antonin Scalia, nommé par Reagan, a plus de 80 ans.

Dans ces conditions, la marche à la République unie s’accélèrera.

Mais les opposants à Washington ont-ils une riposte ? La riposte politique est l’élection d’un président et d’un congrès républicains. Mais les Républicains ont-ils toujours la fibre « fédéraliste » ? Quant à la réplique juridique, elle n’est pas évidente compte tenu du respect que les Américains portent à leur Constitution et à la Cour Suprême chargée de la protéger (même quand elle l’interprète avec ambiguïté). Toutefois, des Sénateurs (à leur tête le sénateur Lee de l’Utah, un État qui a évidemment ses particularités en matière de mariage) envisagent de faire voter une loi pour défendre le premier amendement (First Amendment Defence Act) : que soient maintenues et respectées toutes les dispositions fiscales et administratives permettant aux parents d’élever les enfants suivant les principes d’éducation définis par leur religion (cette liberté éducative est inscrite dans le premier amendement de la Constitution). Ainsi il y aura des millions d’Américains élevés dans les écoles privées auxquels on pourra enseigner que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.

En tout cas, l’arrêt de la Cour Suprême traduit une profonde crise d’identité des États-Unis. Après l’attentat raciste contre les chrétiens méthodistes de Charleston, les réactions contre le drapeau sudiste (qui flotte sur les bâtiments publics non seulement en Caroline du Sud, mais dans un grand nombre d’États du « dixieland », États confédérés pendant la guerre de Sécession) traduisent le trouble politique et institutionnel qui envahit le pays symbole de la liberté et de l’État de droit. Un trouble qui n’a eu d’égal que celui qu’avait semé la guerre du Vietnam. À quand un nouveau Reagan pour affirmer « l’Amérique est de retour ? ».

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  • Les USA sont pourris à la racine…au vu du Patriot Act, on peut facilement affirmer qu’il n’y aura pas de retour avant très longtemps.

    • Nan, c’est votre pensée qui est pourrie jusqu’à la racine. Les racines américaines sont elles très saines et montrent aujourd’hui leur efficacité plus de 200 ans après 😉

  • Déjà, il faut être gonflé pour écrire: « James Buchanan, prix Nobel, s’élevait contre la dérive constitutionnelle qui transformait un pays réputé « fédéral » en une République jacobine » (Les U.S.A. existaient avant les jacobins.).

    Mais, même dans un pays fédéral, il est important d’avoir un « état civil » reconnu dans tous les états: « marié » ou « célibataire » ou « pacsé », ce sont des notions d’état civil importantes, fiscalement, socialement (droits et devoir sur les enfants), juridiquement etc …Là où on passe d’un état à l’autre, comme en France, d’un département à l’autre, le mariage contracté officiellement doit être évidemment reconnu partout.

    Chiche que ça ne mettra pas des millions d’Américains dans les rues! (Comme ce ne fut pas plus le cas dans les pays européens qui ont pourtant marié des homosexuels, des années avant la France!)!

    Mais qu’un Français ne comprenne pas forcément bien les arcanes d’un état fédéral ou confédéral, il n’y a rien d’étonnant, vu que Paris décide de tout!.

    Le reste est à l’avenant: interprétations personnelles hypothétiques et alarmisme: dit simplement: jouer à se faire peur!

  • Jacques Garello devrait éviter de se prononcer sur des sujets qu’il ne maîtrise pas.

    L’Utah ne semble pas avoir de particularité en matière de mariage. J’imagine que l’auteur faisait référence au fait que ce soit un État historiquement mormon, et que ces derniers sont notoirement polygames… Hélas pour l’auteur, la polygamie a été abandonnée par l’Église mormone en 1904. Si il reste quelques rebelles (bien moins nombreux que ce que l’on crois) dans des branches hétérodoxes du mormonisme, leur mariage ne peut de toute façon être reconnu civilement, que ce soit par l’État de l’Utah ou par l’État fédéral. Jacques Garello nous parle sans doute davantage de ses fantasmes que de la réalité, hélas.

    Oh, et tant que j’y suis : quand Jacques Garello parle de « Dixieland », il se trompe aussi. « Dixieland » est un genre musical (un sous-genre du jazz) ; si l’auteur fait référence au Sud historique des Etats-Unis, le terme adéquat est « Dixie », tout court.

    Ça commence à faire beaucoup d’erreurs pour un court article. Et c’est bien dommage.

  • Cet article raconte n’importe quoi, la Cour Suprême a fait ça de tout temps, un Etat Fédéral ce n’est pas l’anarchie, il y a des droits et une Constitution communs. Le droit à l’avortement a subi la même chose il y a des décennies.

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