Tsipras : le Mitterrand grec ?

Le revirement d’Alexis Tsipras n’est pas sans rappeler celui de François Mitterrand en 1983.

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Affiche de campagne de François Mitterrand en 1981 credits Parti socialiste via Flickr ((CC BY-NC-ND 2.0))

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Tsipras : le Mitterrand grec ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 juillet 2015
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Par Fabio Rafael Fiallo.

Affiche de campagne de François Mitterrand en 1981 credits Parti socialiste via Flickr ((CC BY-NC-ND 2.0))
Affiche de campagne de François Mitterrand en 1981 credits Parti socialiste via Flickr ((CC BY-NC-ND 2.0))

 

Et si la capitulation du Premier ministre grec Alexis Tsipras devant ses partenaires européens, le matin du 13 juillet, avait été choisie par lui, bien qu’à contrecœur ?

L’hypothèse paraît invraisemblable. Et pourtant, une telle hypothèse est la seule à même d’expliquer la série de décisions disparates, contradictoires, prises par Tsipras en quelque deux semaines. En effet, le 26 juin il refuse de donner suite à un projet de réformes négocié avec les créanciers de la Grèce ; ensuite il convoque un référendum pour le 5 juillet, appelant à voter non à ces réformes ; et finalement le 12 juillet il accepte un programme, imposé par ses partenaires européens, bien plus contraignant que celui que, conformément à ses recommandations, les Grecs venaient de refuser.

À en juger par les concessions accordées par Tsipras après le référendum, la victoire du non n’a servi nullement à renforcer sa position vis-à-vis des créanciers de la Grèce, bien au contraire.

Toutefois, le fait de s’être engagé à fond en faveur du non lui aura permis d’atteindre un but d’une toute autre nature : consolider sa popularité et, par ce biais, s’émanciper de la tutelle de son parti (Syriza).

Pour saisir combien une telle tutelle était devenue étouffante, il convient de rappeler les circonstances dans lesquelles Tsipras avait décidé de consulter ses concitoyens par le biais d’un référendum, à la suite d’une réunion tenue le 26 juin à Bruxelles entre lui et les chefs des trois institutions représentant les créanciers de la Grèce : Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international.

Après plusieurs heures de tractations, et alors qu’un accord semblait ficelé, Tsipras – rapporte le journal londonien Financial Times – est sorti de la salle de réunion pour s’entretenir avec des conseillers de son parti, revenant avec de nouvelles propositions et des modifications au projet d’accord. Exaspérés par cette énième pirouette du Premier ministre grec, les chefs des institutions ont arrêté la négociation. Quelques heures plus tard, de retour dans son pays, Tsipras annonçait à la télévision la tenue du fameux référendum.

Les atermoiements d’Alexis Tsipras lors de la réunion du 26 juin à Bruxelles ont vraisemblablement été dus aux pressions de ses conseillers ; il a craint d’être désavoué par son parti en cas d’acceptation du programme qu’il venait de négocier.

L’heure était arrivée pour lui de se démarquer de son parti. Car six mois d’exercice du pouvoir ont dû l’amener à réaliser que ni lui ni son pays ne gagneraient rien à poursuivre dans la voie de la confrontation avec les créanciers. Une confrontation qui, par les incertitudes et les contraintes qu’elle créait, était à la source de la chute vertigineuse des rentrées fiscales, de la fuite des capitaux, de la situation de quasi faillite des banques grecques, et par voie de conséquence, de la paralysie économique du pays. Il fallait donc changer de cap.

Mais comment y parvenir ? Prendre l’initiative de proposer des réformes contraires aux promesses électorales ? Impossible, le parti ne l’aurait jamais accepté. Il lui restait à essayer de donner l’impression qu’un changement de cap était devenu inéluctable même si lui ne le souhaitait pas, comme le montrerait son ralliement au non.

Après le référendum et la victoire du non, Tsipras n’était plus seulement le candidat présenté par Syriza, un parti ayant recueilli 36,5% aux élections parlementaires de janvier, mais aussi, et surtout, le Premier ministre qui avait mis tout son poids dans la balance en faveur du non, lequel avait été soutenu par 61,5% des Grecs. Après pareille victoire personnelle, Tsipras pouvait voler de ses propres ailes.

Il pouvait désormais capituler, acceptant les conditions imposées par les partenaires européens de la Grèce, et invoquer auprès de son opinion (comme il le fera effectivement dans une interview à la télévision d’État le lendemain de l’accord) qu’il agissait de la sorte pour éviter un désastre au pays. Étant donné son capital de sympathie, il pouvait parier que les Grecs allaient estimer que si leur Premier ministre, farouche partisan du non, accepte finalement un programme draconien, c’est qu’aucune autre issue n’était possible. Pari gagné d’ailleurs, car selon un sondage, 72% des Grecs jugent l’accord nécessaire.

La meilleure preuve que cette capitulation a été choisie par Tsipras réside dans le fait, qu’autour de la date du référendum, son ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis, lui avait préparé un « triptyque » d’actions visant à faire peur aux créanciers de la Grèce, et ce dans le but d’obtenir un meilleur accord. Mais Tsipras a opté pour la voix de la conciliation avec ses partenaires de la zone euro et a préféré demander la démission de son ministre des Finances.

Le revirement d’Alexis Tsipras évoque celui d’un certain François Mitterrand en 1983, lorsque le Président français, constatant les effets désastreux de la politique de relance qu’il avait appliquée depuis sa victoire électorale en 1981, choisit de tourner le dos à ses promesses électorales.

Il changea alors de Premier ministre (comme Alexis Tsipras s’est débarrassé de son ministre des Finances) et s’engagea dans le fameux tournant de la rigueur et de la discipline monétaire (comme aujourd’hui Tsipras entamant le tournant des réformes structurelles et de la discipline fiscale).

Ce genre de volte-face n’efface pas, hélas, les dommages considérables que l’économie de tout pays concerné finit par subir à cause de la mise en œuvre de promesses électorales dénuées de fondement. On le vit en France avec Mitterrand ; on le voit en Grèce avec Tsipras.

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  • Ah non alors. Mitterrand est hors concours.
    Ayant hérité d’un pays en bonne santé malgré les deux crises pétrolieres, il a réussi en trois ans à ruiner le pays et provoquer trois suicides dans son entourage direct.

    Tsipras lui a voulu prendre le pouvoir dans un pays pratiquement en faillite depuis sa création (1825?) et sous tutelle européenne depuis 2008. Il lui a fallu 6 mois d’errements pour comprendre que c’était foutu.

    • Excellent !!!! Il a même ouvert le pays vers l’endettement.

    • le déclin de a France a commencé avec Giscard. Cependant, il est vrai que le principal fossoyeur de la France est Mitterand.
      Mitterand, bien que médiocre dirigeant (et là, je suis gentil) était un génie politique, c’était un excellent stratège politique ce qui est loin d’être le cas pour Tsipras (même s’il ne faut pas le sous estimer). Tsipras en terme de stratège est nettement en dessous de Mitterand.

      Syriza a causé quand même pas mal de dégâts (même s’il est vrai qu’à la base, la Grèce est déja ruiné). Avant l’arrivée au pouvoir de Syriza, la situation commencait à s’améliorer (même si elle restait désastrueuse), or Syriza a détruit tout cela (voir le rapport du FMI qui dit l’aggravation de la crise économique actuel en la Grèce était le résultat de l’arrivée au pouvoir de Syriza). Là, je ne parle même pas des dégâts causés par les dernières semaines (avec le controle des capitaux,…).

      Tsipras a fait le constat qu’il ne pouvait pas avoir un accord qui contente et les créanciers et l’aile gauche de son parti (dont certains membres ont été accusés de vouloir faire un Grexit). Il ne lui restait plus que deux options ou un Grexit ou un accord mécontentant l’aile gauche de son parti. Il a choisi la seconde option tout en disant qu’il n’a pas eu le choix, qu’il s’est battu jusqu’au bout, qu’il est victime des méchants créanciers,……Il a fait le pari qu’il pourrait faire passer les accords au parlement grâce aux voix de l’opposition et que les membres de l’aile gauche resteront dans le parti par peur de perdre leur place et leur avantage. De plus, en faisant passer pour un courageux résistant qui a été obligé de signer l’accord pour éviter un désastre, il se dit qu’il peut maintenir un soutien populaire, qu’il éviteras que son électorat s’éloigne de son parti.

      Marrant, les Grecs en votant pour Syriza ont obtenu le contraire de ce qu’ils espéraient, ils ont obtenus plus d’austérité. S’ils n’avaient pas voté pour Syriza, ils auraient eu moins d’austérité.
      Même chose pour le référendum, en votant non à l’austérité, ils ont obtenus…plus d’austérité.

      Tsipras n’est bien sûr pas le seul responsable de cette situation, c’est surtout Varoufakis et l’aile gauche de son parti. Varoufakis a par son attitude énerver les créanciers de la Grèce et a rendu leurs positions plus dures à l’égard de la Grèce. Traiter de terroristes les gens avec qui on négocie est profondément stupide. Sans Varoufakis, Tsipras aurait pu obtenir un bien meilleur accord. Que ce soit l’accord intermédiaire ou l’accord de ce troisième plan d’aide, dans les deux cas, la première version était bcp plus favorable à la Grèce que la version définitive. Varoufakis pensait qu’il obtiendrait plus de concessions en négociant jusqu’au bout alors que cela n’a fait qu’exaspérer les créanciers et durcirent leurs positions. Au fur à mesure que le temps passait et que la perspective de voir un accord s’éloignait, de plus en plus de pays pronaient un Grexit

      • Bonjour arnaud
        je vous rappelle que le dernier budget de l’état qui était en équilibre est celui de Giscard/Barre de 1980(hors budget collectivité locale entre les mains des socialistes) .
        Il y a 35 ans.

    • @Winch : plusieurs erreurs dans votre commentaire :
      1) Mitterrand a foutu la France en l’air en 2 ans seulement et non pas 3
      2) trois suicides sous son règne ? il y en a eu plus de dix dont certains, rappelez vous, se sont : tiré 2 balles dans la tête dans leur bureau à l’Élysée avec un colt à barillet ! / trouvé noyé dans 50cm d’eau avec les mains attachées avec du fil de fer / défenestré(s) / fracturé les cervicales en vélo sur une plage de sable, etc…
      3) la Grèce est en ruine, il n’y a aucun conditionnel, et ce depuis fort longtemps.
      Sinon, entièrement d’accord.

  • Bravo. Excellente analyse !
    On pouvait supputer beaucoup de chose au lendemain du référendum quant à la stratégie de Tsipras. Je partage totalement votre point de vue : aujourd’hui, il parait évident que le référendum surprise n’avait d’autre finalité pour Tsipras que de tenter de sauver son destin personnel politique.

  • « moi, François Miterrand, je dis que ce n’est pas juste »

    comme un air de « moi, président » non ?

  • Tsipras n’est pas ma tasse de thé mais il encaisse beaucoup surtout si l’on compare aux honneurs et la déférence dont ont joui les Papaandréou, Karamanlis et autres fossyeurs.

  • On a tellement soigné les riches plus que les pauvres, que ce millionnaire est mort plus jeune que Jeanne Calment.

  • la france qui etait un pays riche ,des ressources enormes ,des savants ,des industriels ,des usines ,de l agriculture ,de la peche, ect et bien nos enarques et nos politiques ont tout ruines en 40 ans ..c est un record !!!

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